Aller au contenu principal

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/1069/2007

DCCR/970/2009 du 28.09.2009 ( ICC ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs

 

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1069/2007 ICC et A/1070/2007 IFD

DCCR/970/2009

 

DÉCISION

DE LA COMMISSION CANTONALE DE RECOURS

EN MATIÈRE ADMINISTRATIVE

du 28 septembre 2009

 

dans la cause

 

Monsieur E___ C___ et Madame L___ C___

 

 

contre

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FEDERALE DES CONTRIBUTIONS

(Impôt fédéral direct, cantonal et communal 2004)


EN FAIT

1.             En 2001, E___ C___ et L___ C___ (ci-après les contribuables ou les recourants) ont acquis un appartement de 6 pièces sis au Boulevard Helvétique ** à Genève, construit en 1890. En 2001, les contribuables ont déposé une demande et en 2002 ont obtenu une autorisation pour rénover cet appartement. En 2004, ils l'ont occupé en tant que leur domicile principal.

2.             Le 30 décembre 2004, les contribuables ont remis à l'Administration fiscale cantonale (ci-après l'administration) le formulaire intitulé "détermination de la valeur locative 2003”, indiquant une surface habitable de l'appartement de 172m2 et une valeur locative brute de 33'000 fr.

3.             Le 10 janvier 2006, les contribuables ont remis une déclaration fiscale 2004 provisoire. Pour leur appartement susmentionné, ils ont indiqué une valeur locative brute de 33'009 fr., pour l'impôt fédéral direct (ci-après l’IFD) et de 30'368 fr. pour l'impôt cantonal et communal (ci-après l'ICC). Ils ont fait valoir des charges et des frais d’entretien liés à ce bien de 6'602 fr. pour l'IFD et de 5'314 fr. pour l'ICC.

4.             Les contribuables ont déposé leur déclaration fiscale 2004 définitive le 13 février 2006, déclarant une valeur locative brute de leur appartement de 19'350 fr. pour l'IFD et de 17'802 fr. pour 1'ICC. Ils ont fait valoir des charges et des frais d’entretien de 3'870 fr. pour l'IFD et de 3'115 fr. pour l'ICC. Sous la rubrique “observations” de la formule de déclaration, ils ont précisé ce qui suit : "La valeur locative est au maximum de Fr. 19'350.-- (Fr. 3'225 la pièce x 6 pièces) selon l’art. 9 al. 3 LDTR (L 5 20). En effet, la rénovation de cet appartement était soumise à la LDTR; si bien qu'en cas de mise en location, le loyer doit être compris entre Fr. 2’400. -- et Fr. 3'225.-- la pièce par an".

5.             Par bordereaux du 3 août 2006, l'administration a arrêté la valeur locative brute de l'appartement à 33'014 fr. Les charges et les frais d'entretien non justifiés par pièces ont été ramenés à un montant forfaitaire de 3'301 fr. pour l'IFD et à 2'126 fr. pour l'ICC.

6.             Par réclamations du 4 septembre 2006, les contribuables ont demandé la prise en compte des frais d'entretien effectifs, soit 5'779 fr. et ont remis des pièces justificatives à cet effet. En ce qui concernait la valeur locative de leur appartement, ils ont déclaré qu'ils avaient indiqué "par erreur" une surface habitable de 172m2 dans le questionnaire relatif à l’exercice fiscal 2003. Compte tenu de la surface des murs à déduire, il convenait de ramener la surface habitable à 140m2. Par ailleurs, ils ont ajouté qu'en application de la LDTR, le prix de location ne pourrait pas dépasser 3'225 fr. par pièce et par an si leur bien immobilier était mis en location. En conséquence, ils demandaient à ce que la valeur locative brute du bien immobilier qu’ils occupaient soit arrêtée à 19'350 fr., avant abattement.

7.             Par décisions sur réclamation du 5 février 2007, l'administration a rectifié partiellement les taxations contestées, prenant en compte des charges et des frais d'entretien effectifs et la rectification de la surface habitable de l'appartement. La valeur locative brute de celui-ci était arrêtée à 28'982 fr. pour l'IFD et à 26'663 fr. pout l'ICC (après abattement).

8.             Par actes déposés le 12 mars 2007 et leurs compléments du 15 mai 2007, les contribuables ont interjeté recours à l’encontre de ces décisions auprès des Commission cantonale de recours en matière d'impôts et Commission cantonale de recours de l'impôt fédéral direct, concluant à ce que la valeur locative de leur appartement soit arrêtée à 19'350 fr. avant abattement. Ils demandaient la prise en compte d’une valeur locative maximale de 3'225 fr. par pièce et par an, en application de l’article 9 alinéa 3 LDTR.

9.             Dans ses réponses du 12 décembre 2007, l'administration a relevé qu'en matière de valeur locative les lois fiscales représentaient une lex specialis par rapport à la LDTR. En conséquence, le loyer théorique que devrait débourser le propriétaire pour un appartement équivalent ne se basait pas sur la LDTR mais en fonction du “questionnaire destiné aux propriétaires d’appartements et de villas” complété par le contribuable propriétaire. Dans le cas des contribuables, et en tenant compte d'une surface habitable rectifiée à 151m2, la valeur locative brute s'élevait à 28'982 fr., et à 26'663 fr. après abattement.

10.         Les recourants ont répliqué par écritures du 8 février 2008, en maintenant leur position. L'administration ne pouvait pas calculer la valeur locative sur la base d'un loyer non-conforme à la LDTR. Un tel loyer serait "illégal". En outre, les recourants ajoutaient: "(…) nous avons reçu la fixation de la valeur locative pour la déclaration 2007 relative à cet appartement. Celle-ci est fixée par l’Administration fiscale en tenant compte d’un taux d’abattement de 20% à fr. 14'344.- pour l’IFD et à fr. 11'476.- pour l’ICC".

11.         Par sa duplique du 27 février 2008, l'administration a maintenu sa position, en relevant que les contribuables s'étaient séparés depuis le 1er janvier 2007 et que chacun des époux était propriétaire pour moitié de l'appartement en cause. Elle ajoutait que sa nouvelle méthode de détermination de la valeur locative ne faisait pas usage de la LDTR et faisait notamment appel à la notion de "loyer libre". Par ailleurs, applicable dès la période fiscale 2007, elle ne remettait pas en cause la précédente méthode, confirmée par le Tribunal fédéral, applicable à la période fiscale litigieuse.

 

EN DROIT

1.             La Commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après la commission), qui a repris depuis le 1er janvier 2009 les compétences des Commission cantonale de recours en matière d'impôts et Commission cantonale de recours de l'impôt fédéral direct (art. 162 al. 4 de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05), connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre des décisions de l'administration fiscale cantonale (art. 56X al. 2 et 56Y LOJ; art. 140 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11 et art. 5 du règlement d'application de diverses dispositions fiscales fédérales du 30 décembre 1958 - RDDFF - D 3 80.04; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17).

2.             Les recours A/1069/2007 ICC et A/1070/2007 IFD concernant le même complexe de faits et soulevant les mêmes problèmes juridiques, la commission les joindra sous la procédure A/1069/2007 ICC (art. 70 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 – LPA – E 5 10).

3.             Interjetés en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, les recours sont recevables au sens des articles 140 LIFD et 49 LPFisc.

4.             Les recourants considèrent que le calcul de la valeur locative fiscale de leur appartement doit être effectué sur la base d'un loyer ne dépassant pas la fourchette prévue par l'article 9 alinéa 3 de la loi genevoise du 25 janvier 1996 sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (LDTR - L 5 20).

Le but de la LDTR est de préserver l'habitat et les conditions de vie existants ainsi que le caractère actuel de l'habitat dans les zones visées, tout en assurant notamment la protection des locataires (art. 1 al. 2 LDTR). A l'article 2, cette loi définie son champ d'application. Force est de constater que la valeur locative fiscale ne tombe pas dans le champ d'application de la LDTR, laquelle ne peut de surcroît pas être appliquée en l'espèce, en vertu du principe lex specialis.

Par conséquent, l'applicabilité de la LDTR afin de déterminer la valeur locative fiscale de l'appartement des contribuables est exclue.

5.             L'article 21 alinéa 1 lettre b LIFD prévoit que le rendement de la fortune immobilière est imposable, en particulier la valeur locative des immeubles dont le contribuable se réserve l'usage en raison de son droit de propriété. Selon l'article 21 alinéa 2 LIFD, la valeur locative est déterminée compte tenu des conditions locales et de l'utilisation effective du logement au domicile du contribuable.

En matière d'impôt fédéral direct, la valeur locative correspond au loyer objectif du marché (ATF 131 I 377 consid. 2.2 p. 381; 123 II 9 consid. 4b p. 14/15): est déterminant le montant que le propriétaire, en louant l'objet en question selon les conditions usuelles du lieu, pourrait en obtenir, ou le montant qu'il devrait payer pour louer un objet similaire (ATF 2A.298/1994).

Dans le but d'uniformiser l'imposition de la valeur locative, l'Administration fédérale des contributions a émis des directives (cf. circulaire du 25 mars 1969 concernant la détermination du rendement locatif imposable des maisons d'habitation, Archives 38 p. 121 ss). Selon ces directives, la valeur locative se détermine en principe d'après une procédure d'estimation individuelle ou sur la base d'estimations cantonales, pour autant que celles-ci existent et aient été effectuées selon des règles uniformes. Ces estimations ne doivent de plus pas être en moyenne inférieures à 70% de la valeur du marché; si cette limite inférieure est dépassée, l'Administration fédérale des contributions intervient en imposant des suppléments (ATF 2A.254/1996, Archives 67 p. 709, RDAF 1998 II p. 441).

6.             En droit fiscal cantonal, la fixation de la valeur locative est régie par l'article 7 alinéa 2 de la loi genevoise du 22 septembre 2000 sur l'imposition des personnes physiques, impôt sur le revenu (revenu imposable) (LIPP-IV - D 3 14), qui a la teneur suivante: "La valeur locative est déterminée en tenant compte des conditions locales. Le loyer théorique des villas et des appartements en copropriété par étage occupés par leur propriétaire est fixé en fonction notamment de la surface habitable, du nombre de pièces, de l'aménagement, de la vétusté, de l'ancienneté, des nuisances éventuelles et de la situation du logement.

Le loyer théorique sera pondéré par la durée d'occupation continue de l'immeuble conformément au barème applicable en matière d'évaluation des immeubles situés dans le canton; il ne saurait excéder un taux d'effort de 20 pour cent des revenus bruts totaux. Ce taux d'effort est calculé sur les revenus bruts totaux mais au minimum sur le montant déterminant pour le calcul du rabais d'impôt. La valeur locative limitée à ce taux d'effort n'est toutefois prise en compte qu'à la condition que les intérêts sur le financement de l'immeuble ne soient pas supérieurs à son montant".

Intitulé "Valeur locative du logement", l'article 2 du règlement d'application de la LIPP-IV du 14 novembre 2001 (D 3 14.01) dispose notamment ce qui suit: "La valeur locative du logement du contribuable dans sa propre maison doit être déterminée en fonction des loyers usuels pratiqués dans la localité pour des logements semblables.".

Selon le "questionnaire destiné aux propriétaires d'appartements et de villas", édicté par l'administration, la valeur locative brute est déterminée - tant pour l'impôt fédéral direct que pour l'impôt cantonal et communal - d'abord d'après une valeur locative de base qui est fonction de la surface habitable et du nombre de pièces. La valeur locative de base est ensuite multipliée par des coefficients pour tenir compte du type d'habitation, de l'aménagement, de la vétusté, des nuisances et de la situation. Le résultat obtenu est finalement adapté à l'indice genevois des loyers pour donner la valeur locative brute.

7.             En l'occurrence, à teneur de l'article 21 alinéa 1 lettre b LIFD c'est la valeur sur le marché immobilier qui doit être prise en compte dans le calcul de la valeur locative litigieuse. Le fait qu'elle dépasse le loyer fixé par l'article 9 alinéa 3 LDTR n'est pas déterminant: la notion de la valeur locative du droit fiscal fédéral et genevois n'est pas identique à celle du droit de la police des constructions. C'est ainsi que, selon le questionnaire, de nombreux éléments de pondération sont pris en compte, à savoir que la valeur locative de base est multipliée par des coefficients pour tenir compte du type d'habitation, de l'aménagement, de la vétusté, des nuisances et de la situation. Le résultat obtenu est également adapté à l'indice genevois des loyers pour donner la valeur locative brute. L'article 9 LDTR prévoit les conditions quant à l'octroi d'une autorisation nécessaire pour toute transformation ou rénovation. Les critères retenus par cette disposition sont différents des règles établies par le droit fiscal pour la fixation de la valeur locative. Ces règles tendent à déterminer la valeur locative en prenant en considération l'ensemble des locaux du propriétaire notamment selon leur valeur sur le marché immobilier. L'article 9 alinéa 3 LDTR ne vise que le loyer "accessible à la majorité de la population", alors que les législations fiscales fédérale et cantonale font appel notamment à la notion de "loyer libre" et de la valeur locative du logement du contribuable dans sa propre maison qui doit être déterminée en fonction "des loyers usuels pratiqués dans la localité pour des logements semblables". Si l'on suivait le raisonnement des recourants, la valeur locative fiscale d'aucun bien immobilier sis à Genève ne pourrait dépasser le plafond fixé par l'article 9 alinéa 3 LDTR. Si tel était le cas, la plupart des éléments de pondérations, que la législation fiscale prend en compte pour fixer la valeur locative imposable, n'aurait plus aucune finalité.

Les recours sont mal fondés sur ce point, tant en ce qu'ils concernent l'IFD que l'ICC.

8.             Les recourants font par ailleurs valoir que pour la période fiscale 2007, l'administration a appliqué une nouvelle méthode de détermination de la valeur locative qui serait plus favorable pour eux, dans le cadre de leur imposition 2004 (Information aux associations professionnels N° 5/2007 du 28 juin 2007).

9.             La directive concernée de l'administration ne contient pas de dispositions transitoires. Au contraire, elle précise, sous son chapitre "Portée et entrée en vigueur" (lettre E), que la nouvelle valeur locative genevoise, applicable tant au plan de l'impôt fédéral direct que del'impôt cantonal et communal, entre en vigueur le 1er janvier 2007, soit pour la période fiscale2007.

L'interprétation et l'application par l'administration en 2007 des règles fiscales relatives à la fixation de la valeur locative, compte tenu notamment de l'évolution des conditions du marché locatif, ne peuvent pas s'étendre rétroactivement à l'année fiscale en cause.

En conclusion, selon les règles générales sur l'application du droit public dans le temps et l'espace, la pratique de l'administration modifiée, visant à calculer la valeur locative sur la base des conditions du marché immobilier modifiées en 2007 ne trouve pas à s'appliquer à la situation de fait des recourants en 2004.

10.         Les recours sont rejetés.

11.         Les contribuables, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument de 600 fr. (art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement genevois sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative – RFPA – E 5 10.03).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS

LA COMMISSION CANTONALE DE RECOURS

EN MATIERE ADMINISTRATIVE

1.             déclare recevables les recours A/1069/2007 ICC et A/1070/2007 IFD;

2.             les joint sous la procédure A/1069/2007;

3.             les rejette;

4.             met à la charge des recourants pris conjointement et solidairement un émolument de 600 fr.;

5.             dit que, conformément aux articles 56A LOJ, 63 let. a et 65 LPA, la présente décision est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès du Tribunal administratif (18 rue du Mont-Blanc, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné de la décision attaquée et des autres pièces dont dispose le recourant;

6.             communique la présente décision à :

a.              E___ C___ et L___ C___,

b.             l'Administration fiscale cantonale,

c.              l'Administration fédérale des contributions.

Siégeant : Quynh STEINER SCHMID, présidente, Christian FISCHELE et Jean-Marc WASEM, juges assesseurs.

Au nom de la Commission :

La présidente

Quynh STEINER SCHMID

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

Genève,

 

 

La greffière