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Décisions | Chambre de surveillance

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C/6341/2018

DAS/153/2019 du 05.08.2019 sur DTAE/3064/2018 ( PAE ) , ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/6341/2018-CS DAS/153/2019

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU LUNDI 5 AOÛT 2019

 

Recours (C/6341/2018-CS) formé en date du 15 juin 2018 par Monsieur A______, domicilié ______, comparant en personne.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 8 août 2019 à :

- MonsieurA______
______, ______.

- Madame B______
______, ______.

- Maître C______
______, ______.

- Madame D______
Madame E______
SERVICE DE PROTECTION DES MINEURS
Case postale 75, 1211 Genève 8.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT

 

 


EN FAIT

A. Par ordonnance DTAE/3064/2018 du 25 mai 2018 communiquée aux parties le 11 juin 2018, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : le Tribunal de protection) a retiré à B______ la garde de la mineure F______, née le ______ 2003 (ch. 1 du dispositif), retiré le droit de déterminer le lieu de résidence de l'enfant à B______ et A______ (ch. 2), ordonné le placement de la mineure F______ au Foyer G______ en Valais et chargé les curateurs d'organiser un séjour de rupture (ch. 3), instauré une curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles en faveur de B______ et A______ et leur fille et chargé les curateurs d'évaluer les modalités des visites entre les parents et l'enfant, en accord avec le règlement du foyer (ch. 4), instauré une curatelle d'organisation, de surveillance et de financement du lieu de placement (ch. 5), désigné deux employés du Service de protection des mineurs aux fonctions de curateur, respectivement curateur suppléant et invité les curateurs à faire parvenir au Tribunal de protection leur position quant à la nécessité de prolonger la curatelle d'ici au 25 janvier 2020 (ch. 6 et 7), fait interdiction à A______ de quitter le territoire suisse avec sa fille, sauf autorisation expresse préalable de l'autorité de protection sous la menace de la peine de l'art. 292 du Code pénal et ordonné une inscription de la mineure, ainsi que de son père au système de recherches informatisées de la police (ch. 8 et 9), prescrit que l'ordonnance en question était immédiatement exécutoire, nonobstant recours (ch. 10), la procédure étant gratuite et les parties déboutées de toutes autres conclusions (ch. 11 et 12).

En substance, le Tribunal de protection a retenu que l'enfant était déscolarisée, se jouant du conflit entre ses parents et étant animée d'un sentiment de toute-puissance, les parents n'étant capables ni l'un ni l'autre d'assurer son bon développement, un placement étant nécessaire dans une institution à même de prévoir un séjour de rupture.

B. a) Par courrier du 14 juin 2018, A______ a déclaré faire opposition à l'ordonnance concernée, exposant que sa fille devait débuter un apprentissage d'employée de commerce au sein de son entreprise dès septembre 2018. Il s'est opposé au placement, mais s'est déclaré d'accord avec un suivi par les curateurs.

b) Le Tribunal de protection a fait savoir, par courrier du 22 juin 2018 à l'adresse de la Chambre de surveillance de la Cour de justice, qu'il n'entendait pas revoir sa décision.

c) Par courrier daté du 4 juillet 2018, mais déposé le 3 juillet 2018 au greffe de la Cour de la justice, B______ a conclu au rejet du recours considérant qu'il était nécessaire qu'un séjour de rupture soit organisé pour sortir l'enfant de l'environnement dont le Service de protection des mineurs et le Tribunal de protection ont précisément estimé qu'il n'était pas adapté, le projet envisagé par le père de l'enfant n'étant pas réalisable.

d) En date du 19 juillet 2018, le Service de protection des mineurs s'est référé à son préavis antérieur à l'adresse du Tribunal de protection.

e) Sous couvert de réplique aux observations de B______, le recourant a formalisé de nouveaux griefs contre l'ordonnance, faisant valoir une violation de son droit d'être entendu par la Cour du fait qu'un délai supplémentaire requis ne lui avait pas été octroyé, la décision querellée étant pour le surplus entachée d'une violation du principe de la proportionnalité.

f) Quant au curateur d'office de l'enfant, il a fait parvenir le 17 août 2018 ses observations à la Chambre de surveillance, relevant que malgré le fait que l'ordonnance attaquée précisait qu'elle était immédiatement exécutoire, celle-ci n'avait pas été exécutée, la mineure ayant été déscolarisée pendant de nombreux mois, l'enfant organisant son temps comme elle l'entendait et sa situation étant clairement préoccupante, le recourant se trouvant dans le plus farouche des dénis des difficultés de sa fille. Il a conclu au rejet du recours.

g) Le 24 septembre 2018, le Service de protection des mineurs a fait part à la Chambre de surveillance de la situation d'impasse dans laquelle il se trouvait n'ayant pas les moyens pour faire appliquer la décision de placement, ce qu'il a réitéré à l'égard du Tribunal de protection de l'enfant en date du 2 octobre 2018 en exposant pour le surplus que la direction du foyer prévu refusait d'accepter la mineure sans adhésion de sa part, ce qui n'était pas le cas.

h) Par observations du 21 novembre 2018 déposée au greffe de la Cour de justice, la mère de l'enfant a conclu à ce que celle-ci soit placée en observation au Centre de détention H______ pour une période de trois mois, précisant que sa fille avait été condamnée par le Tribunal des mineurs à une peine de quatre jours de prestations personnelles qu'elle n'avait jamais exécutée.

i) En date du 22 novembre 2018, le Service de protection des mineurs a adressé
à la Cour de justice un courrier par lequel il exposait "se questionner sur la pertinence de maintenir le placement de la mineure au Foyer G______". Il invitait la Cour à envisager de tenir audience dans cette cause.

j) Par courrier du 26 novembre 2018 à l'adresse de la Chambre de surveillance, le curateur de la mineure a rappelé à la Cour que le recourant mettait en échec les mesures de protection prises en faveur de sa fille et multipliait les menaces, notamment à son égard à lui. Il persistait à conclure au rejet du recours.

k) La Chambre de surveillance a appointé une audience en date du 9 janvier 2019. Ont été convoqués à cette audience la mineure et son curateur. Lors de l'audience, la mineure s'est déclarée décidée à débuter un apprentissage dès la rentrée scolaire de septembre 2019 et à suivre avec régularité d'ici là les cours lui permettant d'entamer cette formation.

A l'issue de l'audience, la Chambre de surveillance a informé la mineure et son curateur qu'une nouvelle audience serait appointée pour examiner le suivi donné à ses engagements.

l) Cette audience a eu lieu le 27 février 2019, lors de laquelle le curateur a tout d'abord exposé avoir pu rester en contact durant les deux mois séparant les deux audiences avec la mineure et sa famille, notamment son frère, lequel souhaitait pouvoir devenir son maître d'apprentissage dès fin août 2019. Il a exposé retirer de ses contacts avec le frère de la mineure une très bonne impression. Celui-ci a fait le nécessaire pour obtenir une autorisation d'engager une personne en formation professionnelle, l'apprentissage proposé étant effectif et nécessaire à l'entreprise. La mineure s'est déclarée très motivée à l'idée de commencer cet apprentissage sous la responsabilité de son frère. Elle a soutenu avoir poursuivi ses cours assidûment au jour de l'audience.

m) A l'issue de l'audience, la Chambre de surveillance a décidé la reconvocation de la cause une ultime fois en juin 2019. La cause a été reconvoquée à l'audience du 12 juin 2019, lors de laquelle seul le curateur de la mineure était présent. Celui-ci a exposé que l'absence de F______ à l'audience était due à une altercation qu'elle avait eue avec son père la veille, ne souhaitant pas se présenter à l'audience dans ces circonstances. Pour sa part, il a déclaré avoir rencontré F______ la veille, qui lui avait indiqué avoir conclu un contrat d'apprentissage pour début septembre 2019. Il a versé à la procédure le contrat d'apprentissage en question, ainsi
qu'une convention de stage passée sous l'égide du Centre de formation pré-professionnelle, signée par le représentant de l'école chargée de dispenser les cours. Le curateur a précisé que depuis l'audience de février, la mineure avait exécuté un stage dans l'entreprise de son frère, qui s'était bien déroulé tant au niveau de sa présence que de son assiduité. Il a enfin déclaré avoir revu sa position et plaidé pour qu'une chance soit donnée à la mineure sur la base des conditions mises en place pour le début de son apprentissage. Il a enfin déclaré que F______ passerait l'été avec sa mère durant un mois et demi au Canada.

A l'issue de l'audience, la cause a été gardée à juger.

C. Ressortent pour le surplus de la procédure les faits pertinents suivants :

F______, née le ______ 2003, est la fille de B______ et de A______. Le Service de protection des mineurs est intervenu à l'égard de la famille en juin 2017 suite à un signalement du conseiller social du Cycle d'orientation G______, l'enfant étant déscolarisée.

Les parents sont séparés et disposent de l'autorité parentale conjointe. La mère exerce en théorie la garde de fait, mais l'enfant voit son père journellement. Elle se trouve dans un conflit de loyauté du fait des tensions parentales, malgré une séparation de huit ans. Chaque parent tient des propos dénigrants sur l'autre.

EN DROIT

1. 1.1 Déposé dans les forme et délai prévus par la loi par-devant l'autorité compétente, le recours est recevable (art. 450 al. 1 et 3, 450b al. 1 CC; 53 al. 1 LaCC).

1.2 La Chambre de surveillance examine la cause librement en fait, en droit, et sous l'angle de l'opportunité (art. 450a CC). Elle établit les faits d'office et n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 al. 1 et 3 CC).

2. Le recourant ne conteste expressément que la décision de placement de sa fille. Indirectement il conteste toutefois l'ensemble de l'ordonnance querellée dans la mesure où le placement de l'enfant est indissociable du retrait préalable de la garde et du droit de déterminer le lieu de résidence de l'enfant.

2.1 Lorsqu'elle ne peut éviter autrement que le développement d'un mineur ne soit compromis, l'autorité de protection de l'enfant retire ce dernier aux père et mère et le place de façon appropriée (art. 310 al. 1 CC). Le droit de garde passe ainsi au Tribunal de protection qui détermine alors le lieu de résidence du mineur et choisit son encadrement (arrêt du Tribunal fédéral 5A_335/2012 du 21 juin 2012 consid. 3.1). Le danger doit être tel qu'il soit impossible de le prévenir par les mesures moins énergiques prévues aux art. 307 et 308 CC. La cause de la mesure doit résider dans le fait que le développement corporel, intellectuel ou moral de l'enfant n'est pas assez protégé ou encouragé dans le milieu dans lequel il vit. Les raisons de cette mise en danger du développement importent peu; elles peuvent être liées au milieu dans lequel évolue le mineur ou résider dans le comportement inadéquat de celui-ci, des parents ou d'autres personnes de l'entourage (arrêts du Tribunal fédéral 5A_729/2013 du 11 décembre 2013 consid. 4.1; 5A_835/2008 du 12 février 2009 consid. 4.1).

A l'instar de toutes mesures de protection de l'enfant, le retrait du droit de garde, composante de l'autorité parentale (ATF 128 III 9 consid. 4a) est régi par les principes de subsidiarité, de complémentarité et de proportionnalité (arrêt du Tribunal fédéral 5A_858/2008 du 15 avril 2009 consid. 4.2).

2.2 Dans le cas d'espèce, la situation de fait a évolué de telle manière qu'il est nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits.

Indépendamment du fait que la décision querellée déclarée exécutoire nonobstant recours n'a jamais fait l'objet d'une exécution, la Chambre de céans a procédé à une instruction et au complément du dossier. Il en résulte que depuis le prononcé de l'ordonnance querellée, la mineure a repris, avec une certaine régularité, le cours de sa scolarité et concrétisé aux dires de son curateur, attesté par pièces, un projet d'entrée en formation professionnelle qui prendra effet dès fin août 2019. Ce projet, qui doit lui permettre d'acquérir une formation d'employée de commerce dans le secteur administratif, est concret et abouti au point que son curateur, qui concluait initialement au rejet du recours, a plaidé pour qu'une chance soit octroyée à celle-ci de mettre en oeuvre ledit projet.

Entre-temps, en outre, la mineure, âgée de près de 16 ans, a acquis une maturité lui permettant de prendre la pleine mesure de la nécessité pour elle de concrétiser la chance de suivre la formation professionnelle qui se présente à elle. La Chambre de céans a pu constater cette maturité en audience. Certes, le fait que la formation en question se déroule, en tant qu'elle concerne son aspect pratique, au sein de l'entreprise familiale n'apparaît pas initialement idéal. Cela étant et aux dires du curateur de la mineure, la personne de référence dans le cadre de cette formation, son demi-frère qui reprend l'entreprise, est l'élément stabilisateur qui permet d'espérer une issue favorable à ladite formation.

Enfin, lors de la dernière audience tenue par la Chambre de céans, le curateur a considéré comme très positif le fait que la mineure passe un mois et demi pendant l'été avec sa mère à l'étranger. La Chambre de céans partage cette opinion, cet élément démontrant des rapports dorénavant apaisés entre la mère et la fille.

Par conséquent, au vu du changement radical des circonstances, il n'y a plus lieu de maintenir l'ordonnance prononcée par le Tribunal de protection, de sorte que celle-ci sera purement et simplement annulée en tous points. Il en découle que la situation juridique prévalant antérieurement est rétablie.

3. S'agissant de mesures de protection, la cause est gratuite, de sorte qu'il n'est pas perçu de frais (art. 81 al. 1 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 15 juin 2018 par A______ contre l'ordonnance DTAE/3064/2018 rendue le 25 mai 2018 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/6341/2018-10.

Au fond :

Annule l'ordonnance querellée.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI et Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.