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Décisions | Chambre de surveillance

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C/18182/2017

DAS/135/2019 du 28.06.2019 sur DJP/14/2019 ( AJP ) , ADMIS

Normes : CPC.53; CPC.138.al1; Cst.29.al2
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/18182/2017 DAS/135/2019

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU VENDREDI 28 JUIN 2019

 

Appel (C/18182/2017) formé le 28 janvier 2019 par Monsieur A______, domicilié rue ______, Genève, comparant par Me Claudio FEDELE, avocat, en l'Etude duquel il élit domicile.

* * * * *

Arrêt communiqué par plis recommandés du greffier
du 5 juillet 2019 à :

 

- Monsieur A______
c/o Me Claudio FEDELE, avocat
Rue Saint-Léger 6, case postale 444, 1211 Genève 4.

- Monsieur B______
c/o Me Reynald BRUTTIN, avocat
Rue du Mont-de-Sion 8, 1206 Genève.

- Madame C______
c/o Me Reynald BRUTTIN, avocat
Rue du Mont-de-Sion 8, 1206 Genève.

- Maître H______
______, Genève.

- JUSTICE DE PAIX.

 


Attendu, EN FAIT, que D______, de nationalité française, né le ______ 1970 à ______ (______/France), divorcé, domicilié ______ à Genève, est décédé le ______ 2017 à ______ (______/France);

Qu'il avait deux frères, B______ et A______, tous deux domiciliés à Genève, sa mère, C______ étant domiciliée à ______ (______/France);

Que D______, à l'origine boucher à ______ (______/ France), a gagné en 2004 une somme de plus de 26 millions au jeu de E______ et est devenu, depuis lors, investisseur;

Qu'il a laissé des dispositions testamentaires, dont les copies certifiées conformes, ont été déposées dans les minutes de F______, notaire à Genève, en date des 3 août et 15 novembre 2017, soit après son décès, aux termes desquelles il a déclaré révoquer toutes dispositions testamentaires antérieures, faire divers legs à titre particulier et instituer "pour seul héritier" son frère, A______, qu'il désignait également comme exécuteur testamentaire de sa succession;

Que le 17 août 2017, B______ a fait opposition à la délivrance d'un certificat d'héritiers par la Justice de paix;

Que par décision du 28 août 2017, la Justice de paix a restreint les pouvoirs d'exécuteur testamentaire de A______, lequel devait se limiter aux actes de gestion conservatoire nécessaires dans le cadre de la succession de D______ et s'abstenir de tout acte de liquidation qui pourrait porter préjudice aux droits des autres héritiers légaux, jusqu'à accord entre les parties, droit jugé dans une éventuelle action en nullité ou en réduction ou, si aucune action n'était introduite, jusqu'à péremption desdites actions;

Que F______ a établi le 25 janvier 2018 un certificat d'héritiers, délivré sous réserve de toutes actions en réduction, en nullité et/ou en pétition d'hérédité, attestant que le défunt avait laissé pour seuls héritiers légaux et réservataires, sa mère, C______, et ses frères, B______ et A______, le certificat d'héritiers précisant également que le défunt avait laissé les dispositions testamentaires précitées;

Que la Justice de paix, par décision CERTH/61/2018 du 6 février 2018, a homologué le certificat d'héritiers, précisant que celui-ci valait certificat d'héritier, au sens de l'art. 559 CC, en la seule faveur de A______, en sa qualité d'héritier légal et de seul héritier institué de feu D______, étant précisé que cette hérédité était sous exécution testamentaire de ce dernier;

Que par courrier du 11 juillet 2018, C______ et B______ ont avisé la Justice de paix qu'ils avaient déposé en conciliation auprès du Tribunal de première instance, en date du 10 juillet 2018, une action en nullité des dispositions testamentaires de D______, subsidiairement une action en réduction et, sollicitaient de la Justice de paix, qu'elle restreigne en conséquence, avec effet immédiat, les pouvoirs d'exécuteur testamentaire de A______ de manière identique au chiffre 1 de son ordonnance du 28 août 2017, afin que ce dernier ne puisse pas se prévaloir du certificat d'héritier homologué pour réduire la substance de la succession;

Que par décision du 17 juillet 2018, la Justice de paix a restreint les pouvoirs d'exécuteur testamentaire de A______, lequel devait se limiter aux actes de gestion conservatoire nécessaires dans le cadre de la succession de D______ et s'abstenir de tout acte de liquidation qui pourrait porter préjudice aux droits des autres héritiers légaux, jusqu'à accord entre les parties, droit jugé dans une éventuelle action en nullité ou en réduction ou, si aucune action n'était introduite, jusqu'à péremption desdites actions;

Que le 4 décembre 2018, se prévalant d'un rapport d'expertise graphologique établi par G______, expert auprès des Tribunaux du laboratoire forensique documentaire à ______ (France), concluant que la signature sur le testament contesté ne pouvait pas être attribuée à D______, et du fait que A______ ne donnait pas suite aux demandes qui lui avaient faites de produire divers documents destinés à lister les avoirs de la succession, notamment ceux qui avaient été transférés dans des sociétés ou biens immobiliers mis au nom de A______, C______ et B______ ont sollicité de la Justice de paix qu'elle relève immédiatement A______ de ses pouvoirs d'exécuteur testamentaire et nomme un administrateur d'office à la succession;

Que par décision DJP/1______/2018 du ______ 2018, la Justice de paix, statuant sur mesures superprovisionnelles, a rejeté les conclusions visant à la relève immédiate de A______ de ses fonctions et, sur le fond, a accordé un délai au 18 décembre 2018 à ce dernier pour se déterminer sur la requête et produire ses offres de preuve éventuelles;

Que cette décision a été expédiée à A______ le 6 décembre 2018 mais n'a jamais été distribuée, ni à lui-même, ni à son conseil, ni retournée au greffe, selon le suivi "Track & Trace" de la Poste;

Que par décision DJP/14/2019 rendue le 7 janvier 2019, la Justice de paix a suspendu les pouvoirs de A______ en sa qualité d'exécuteur testamentaire (ch. 1 du dispositif), ordonné l'administration d'office de la succession de feu D______, décédé le ______ 2017 (ch. 2), nommé H______, avocat, aux fonctions d'administrateur d'office (ch. 3), dit que celui-ci ne procédera qu'aux actes administratifs et conservatoires nécessaires, à l'exception de tout autre acte de disposition qui ne pourra s'effectuer qu'avec l'accord préalable de la Justice de paix (ch. 4), invité l'administrateur d'office à adresser à la Justice de paix d'ici quatre mois un état des actifs et passifs de la succession, dressé, le cas échéant, en collaboration avec l'administration fiscale (ch. 5) et mis les frais exposés par le greffe et un émolument de 250 fr. à la charge de la succession (ch. 6);

Que cette décision est fondée notamment sur le fait que A______, pourtant invité à se déterminer par décision du 5 décembre 2018 sur la requête de C______ et B______, ne s'était pas prononcé;

Que par acte expédié le 28 janvier 2019 à la Cour de justice, A______ a formé recours contre cette décision et conclu à son annulation et au renvoi de la cause à la Justice de paix pour qu'il puisse se déterminer sur la requête déposée le 4 décembre 2018 par C______ et B______;

Qu'il a exposé que l'élection de domicile qui avait été faite en l'Etude de son conseil n'avait pas été respectée et que la décision lui avait été directement adressée, de sorte qu'il ne pouvait s'attendre à la recevoir, et ne l'avait d'ailleurs pas reçue, voyageant souvent en France;

Considérant, EN DROIT, que les décisions finales et incidentes du juge de paix en matière successorale, qui relèvent de la juridiction gracieuse et sont soumises à la procédure sommaire (art. 248 let. e CPC), sont susceptibles d'un appel ou d'un recours, par une personne qui y a un intérêt (art. 59 al. 2 let. a CPC), à la Chambre civile de la Cour de justice (art. 120 al. 2 LOJ), dans un délai de dix jours (art. 314 al. 1 et 321 al. 2 CPC), selon que la valeur litigieuse est ou non d'au moins 10'000 fr. (art. 306 al. 2 CPC);

Qu'en l'espèce, la Cour est saisie d'un appel au vu de la valeur litigieuse supérieure à 10'000 fr.;

Que déposé dans le délai et forme prescrits par la loi, par une personne qui y a un intérêt (art. 59 al. 2 let. a CPC), l'appel est recevable;

Que le fait que le recourant ait intitulé son acte "recours" ne fait pas obstacle à sa recevabilité, celui-ci pouvant être traité comme un appel, dès lors qu'il remplit les conditions formelles de cette voie de droit (ATF 134 III 379 consid. 1.2; ATF 131 I 291 consid. 1.3);

Que, sur le fond, garanti aux art. 29 al. 2 Cst. et 53 CPC, le droit d'être entendu comprend en particulier le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d'avoir accès au dossier, de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 135 II 286 consid. 5.1; 135 I 187 consid. 2.2; 129 II 497 consid. 2.2);

Que le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour une partie à un procès de prendre connaissance de toute prise de position soumise au tribunal et de se déterminer à son propos, que celle-ci contienne ou non de nouveaux éléments de fait ou de droit, et qu'elle soit ou non concrètement susceptible d'influer sur le jugement à rendre, les parties devant à cette fin pouvoir s'exprimer dans le cadre de la procédure, ce qui suppose que la possibilité leur soit concrètement offerte de faire entendre leur point de vue (ATF 137 I 195 consid. 1);

Que ce droit à la réplique vaut pour toutes les procédures judiciaires (ATF 138 I 154 consid. 2.3.3; 133 I 98 consid. 2.1);

Que le droit d'être entendu - dont le respect doit être examiné en premier lieu (ATF 124 I 49 consid. 1) et avec un plein pouvoir d'examen (ATF 140 III 1 consid. 3.1.1) - est une garantie constitutionnelle de nature formelle, dont la violation entraîne, par principe, l'annulation de la décision attaquée, sans égard aux chances de succès du recours au fond (ATF 135 I 279 consid. 2.6.1);

Qu'en d'autres termes, si l'autorité précédente a violé des garanties formelles de procédure, la cassation ("Kassation") de sa décision demeure la règle, dans la mesure où les justiciables peuvent, en principe, se prévaloir de la garantie du double degré de juridiction (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 et 2.7);

Que toutefois une violation du droit d'être entendu - pour autant qu'elle ne soit pas d'une gravité particulière - peut exceptionnellement être guérie si l'intéressé peut s'exprimer devant une instance de recours ayant libre pouvoir d'examen en fait comme en droit (ATF 137 I 195 consid. 2.2 et 2.3.2);

Qu'à teneur de l'art. 138 al. 1 CPC, les décisions sont notifiées par envoi recommandé ou d'une autre manière contre accusé de réception;

Que les vices de procédure qui consistent en la violation du droit d'être entendu sont en soi guérissables et ne conduisent qu'à l'annulabilité, sur recours, du jugement vicié, mais que, toutefois, si elles constituent des violations particulièrement lourdes des droits fondamentaux des parties, les violations du droit d'être entendu peuvent aussi mener à sa nullité; il en va notamment ainsi lorsque l'intéressé, faute de communication, n'a eu aucune connaissance du jugement, ou lorsqu'il n'a eu aucune occasion de participer à la procédure dirigée contre lui (ATF 122 I 97 consid. 3a/aa; arrêt du Tribunal fédéral 2A.189/2001 du 30 octobre 2001 consid. 2);

Qu'en l'espèce, l'appelant fait valoir une violation de son droit d'être entendu en tant qu'il n'a pas été en mesure de s'exprimer ni produire ses offres de preuve avant le prononcé de la décision attaquée, la décision préalable lui impartissant un délai pour ce faire ne lui étant pas parvenue;

Qu'il apparait effectivement que la décision DJP/1______/2018 du ______ 2018 ne lui a pas été notifiée, ce qui ressort clairement du suivi "Track & Trace" y relatif, qui fait état de l'expédition du courrier recommandé mais, pour une raison ignorée, d'aucune réception de celui-ci que ce soit par le recourant ou son conseil;

Que la décision attaquée, postérieure à celle du 5 décembre 2018, a été prise au détriment de l'appelant puisqu'elle suspend en particulier ses pouvoirs d'exécuteur testamentaire et ordonne l'administration d'office de la succession de feu D______;

Qu'elle se fonde notamment sur le fait que l'appelant ne s'est pas déterminé, après y avoir été invité par décision DJP/1______/2018 du ______ 2018, qui, en tant qu'elle lui fixait un délai, doit être qualifiée d'ordonnance d'instruction;

Que l'appelant a donc été privé de la possibilité concrète de s'exprimer sur la requête du 4 décembre 2018 et de transmettre ses offres de preuve compte tenu de l'absence de notification valable de la décision DJP/1______/2018 du ______ 2018 lui impartissant un délai au 18 décembre 2018 pour ce faire;

Que la Cour ignore même si la requête du 4 décembre 2018 ayant abouti à la décision DJP/1______/2018 du ______ 2018, a valablement été notifiée à l'appelant;

Qu'il y a par conséquent une violation grave du droit d'être entendu, laquelle ne peut être réparée devant l'instance d'appel, le double degré de juridiction devant être garanti;

Qu'il convient dès lors d'admettre l'appel, d'annuler la décision DJP/2______/2019 du ______ 2019 et de renvoyer la cause à la Justice de paix afin qu'elle restitue à l'appelant le délai pour se déterminer sur la requête du 4 décembre 2018 et, cela fait, qu'elle statue à nouveau;

 

Que les frais judiciaires seront arrêtés à 500 fr. et laissés entièrement à la charge de l'Etat de Genève, l'avance de frais de même montant fournie par l'appelant devant lui être restituée;

Qu'il ne sera pas alloué de dépens, seuls les frais judiciaires et non les dépens pouvant être mis à la charge de l'Etat (art. 107 al. 2 CPC a contrario).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel formé le 28 janvier 2019 par A______ contre la décision DJP/2______/2019 rendue le ______ 2019 par la Justice de paix dans la cause C/18182/2017.

Au fond :

Annule la décision attaquée et cela fait :

Renvoie la cause à la Justice de paix pour nouvelle décision après restitution du délai à A______ pour se déterminer et fournir ses offres de preuve à propos de la requête du 4 décembre 2018 de C______ et B______.

Sur les frais :

Arrête les frais d'appel à 500 fr. et les met à la charge de l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer la somme de 500 fr. à A______.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.