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Décisions | Assistance juridique

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AC/2861/2020

DAAJ/72/2021 du 02.06.2021 sur AJC/4789/2020 ( AJC ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/2861/2020 DAAJ/72/2021

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU MERCREDI 2 JUIN 2021

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Monsieur A______, domicilié ______ [GE],

représenté par Me Michael ANDERS, avocat, rue du Conseil-Général 18, 1205 Genève,

 

contre la décision du 9 octobre 2020 de la Vice-présidente du Tribunal de première instance.

 

 

 


EN FAIT

A.           a. A______ (ci-après : le recourant) a contracté mariage avec B______ en 2018.

Aucun enfant n'est né de cette union.

b. Une procédure de mesures protectrices de l'union conjugale oppose les époux, dans le cadre de laquelle B______ est défendue par un avocat, ainsi que cela ressort de l'extrait de la procédure C/1______/2020 imprimé par l'autorité précédente et figurant au dossier.

Le recourant entend notamment obtenir de son épouse le versement d'une contribution d'entretien.

c. A______, domicilié à Genève, travaille pour les postes françaises, pour un salaire mensuel brut de 1'725 EUR.

Il déclare partager le même appartement que son épouse dont le loyer mensuel est de 1'310 fr. charges comprises. Sa prime d'assurance-maladie s'élève à quelque 380 fr. par mois.

B.            Le 6 octobre 2020, le recourant a sollicité l'assistance juridique pour la procédure susmentionnée. Il a notamment exposé que son épouse disposait d'un revenu plus élevé que le sien.

C.           Par décision du 9 octobre 2020, notifiée le 19 octobre 2020, la Vice-présidente du Tribunal de première instance a rejeté la requête d'assistance juridique précitée, au motif que l'assistance d'un avocat n'était pas justifiée.

D.           a. Recours est formé contre cette décision, par acte expédié le 29 octobre 2020 à la Présidence de la Cour de justice. Le recourant conclut à l'annulation de la décision entreprise et à l'octroi de l'assistance juridique à compter du 2 septembre 2020, sous suite de frais et dépens.

b. La Vice-présidente du Tribunal de première instance a renoncé à formuler des observations.

c. Le recourant a été informé par avis du 12 novembre 2020 de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             1.1. La décision entreprise est sujette à recours auprès de la présidente de la Cour de justice en tant qu'elle refuse l'assistance juridique (art. 121 CPC et art. 21 al. 3 LaCC), compétence expressément déléguée au vice-président soussigné sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC et 11 RAJ).

1.2. En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.

1.3. Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

2.             2.1.
2.1.1 Reprenant l'art. 29 al. 3 Cst., l'art. 117 CPC prévoit que toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès.

A teneur de l'art. 118 al. 1 CPC, l'assistance judiciaire comprend : l'exonération d'avances et de sûretés (let. a); l'exonération des frais judiciaires (let. b); la commission d'office d'un conseil juridique par le tribunal lorsque la défense des droits du requérant l'exige, en particulier lorsque la partie adverse est assistée d'un avocat; l'assistance d'un conseil juridique peut déjà être accordée pour la préparation du procès (let. c). Selon l'al. 2 de cette disposition, l'assistance judiciaire peut être accordée totalement ou partiellement.

Outre la présence d'une cause non dénuée de chances de succès et de l'indigence, la fourniture d'un conseil juridique rémunéré par l'Etat suppose la nécessité de l'assistance par un professionnel (ATF 141 III 560 consid. 3.2.1).

D'après la jurisprudence, il se justifie en principe de désigner un avocat d'office à l'indigent lorsque sa situation juridique est susceptible d'être affectée de manière particulièrement grave. Lorsque, sans être d'une portée aussi capitale, la procédure en question met sérieusement en cause les intérêts de l'intéressé, il faut en sus que l'affaire présente des difficultés de fait ou de droit que le requérant ou son représentant légal ne peuvent surmonter seuls (ATF 130 I 180 consid. 2.2 et les arrêts cités). Le point décisif est toujours de savoir si la désignation d'un avocat d'office est objectivement nécessaire dans le cas d'espèce. A cet égard, il faut tenir compte des circonstances concrètes de l'affaire, de la complexité des questions de fait et de droit, des particularités que présentent les règles de procédure applicables, des connaissances juridiques du requérant ou de son représentant, de la personnalité du requérant, du fait que la partie adverse est assistée d'un avocat, et de la portée qu'a pour le requérant la décision à prendre, avec une certaine réserve lorsque sont en cause principalement ses intérêts financiers (ATF 128 I 225 consid. 2.5.2; 123 I 145 consid. 2b/cc; 122 I 49 consid. 2c/bb; ATF 122 I 275 consid. 3a et les arrêts cités). La nature de la procédure, qu'elle soit ordinaire ou sommaire, unilatérale ou contradictoire, régie par la maxime d'office ou la maxime des débats, et la phase de la procédure dans laquelle intervient la requête, ne sont pas à elles seules décisives (ATF 125 V 32 consid. 4b et les arrêts cités).

L'assistance juridique ne s'étend pas aux activités relevant de l'assistance sociale ou dont d'autres organismes subventionnés directement ou indirectement peuvent se charger à moindre frais (art. 3 al. 3 RAJ).

La situation doit être appréciée à la date du dépôt de la requête et sur la base d'un examen sommaire (ATF 142 III 138 consid. 5.1; 133 III 614 consid. 5).

2.1.2 La loi mentionne également l'hypothèse où la partie adverse est assistée d'un avocat (cf. art. 118 let. c CPC), accordant ainsi une importance particulière au principe de l'égalité des armes (ATF 120 Ia 217 consid. 1; 119 Ia 134 consid. 4; arrêts du Tribunal fédéral 5A_244/2014 du 25 juin 2014 consid. 4.2.1; 5A_838/2013 du 3 février 2014 consid. 2.4 et la référence citée). De nature formelle, ce principe est enfreint lorsqu'une partie est avantagée, sans qu'il soit nécessaire que son adversaire en subisse effectivement un désavantage; ainsi, refuser la désignation d'un avocat d'office au motif que le requérant n'aurait pas démontré en quoi il en aurait concrètement besoin pour affronter une adverse partie elle-même assistée violerait le droit fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 5A_244/2014 précité consid. 4.2.1 et la référence citée).

2.1.3 La procédure qui régit les mesures protectrices de l'union conjugale (procédure sommaire; art. 271 let. a CPC) est simple et peu formaliste : une lettre mentionnant les parties, l'objet du litige et les conclusions de la partie requérante est suffisante; il n'est pas nécessaire de présenter des allégués par numéros d'ordre, avec l'indication des moyens de preuve, ni même d'exposer une motivation juridique. La maxime inquisitoire sociale prévue à l'art. 272 CPC - applicable à cette procédure - doit permettre aux parties de procéder sans l'assistance d'un avocat et d'éviter les frais relatifs à l'intervention d'un homme de loi. Du reste, un formulaire ad hoc est disponible sur le site du Département fédéral de la justice et police (DFJP) - élaboré par l'office fédéral de la justice (cf. art. 400 al. 2 CPC) -, ainsi que sur celui de divers cantons, dont celui de Genève (http://ge.ch/justice/formulaires). Certes, le Tribunal fédéral considère que, même dans les litiges régis par la maxime précitée, le recours à un avocat d'office peut se révéler nécessaire; mais il faut alors que la complexité de la cause en fait et en droit, des circonstances tenant à la personne du requérant ou l'importance des intérêts en jeu l'exigent (ATF 122 III 392 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_706/2016 du 6 mars 2017 consid. 2.2 et les références citées).

3. 3.1 En l'espèce, l'appréciation de l'autorité de première instance, s'agissant de la nécessité que représenterait pour le recourant l'assistance d'un avocat dans la procédure de mesures protectrices, est fondée, dans la mesure où dite procédure, en l'absence d'enfants mineurs du couple, ne révèle pas de complexité particulière. Le simple fait, invoqué pour la première fois au stade du recours et donc irrecevable, que le recourant ne maîtrise pas le français ne serait de toute manière pas déterminant, dans la mesure où il peut demander l'assistance d'un interprète.

Cela étant, l'autorité précédente a consulté et imprimé l'extrait de la cause C/1______/2020, duquel il ressort que l'épouse du recourant est assistée d'un avocat dans la procédure de mesures protectrices. Certes, le recourant ne s'était pas expressément prévalu du principe de l'égalité des armes dans sa requête, mais il l'invoque désormais au stade du recours. Le fait que son épouse est assistée d'un avocat figure au dossier de première instance et n'est pas nouveau. Il est donc recevable.

Ainsi, force est de constater que l'autorité précédente a omis à tort de tenir compte de ce principe et d'en faire application. Or, la cause du recourant n'étant pas dépourvue de chance de succès, il est désavantagé face à son épouse s'il n'est pas défendu par un avocat. Il est prévisible qu'un justiciable aisé, placé dans la même situation, aurait recours aux services d'un avocat, à l'instar de son épouse. Par conséquent, l'application du principe d'égalité des armes commande, en l'occurrence, la nomination d'un avocat.

Cela étant, le recourant expose que son épouse dispose de revenus supérieurs aux siens, ce qui est confirmé par sa prétention tendant à obtenir d'elle une contribution d'entretien. Or, il est de jurisprudence constante que le devoir de l'Etat d'accorder l'assistance judiciaire à un plaideur impécunieux dans une cause non dénuée de chances de succès est subsidiaire par rapport aux obligations d'assistance découlant du droit de la famille (ATF 138 III 163). Il serait donc envisageable que le recourant puisse obtenir une provisio ad litem de son épouse. Toutefois, au vu de la brièveté prévisible de la procédure de mesures protectrices en l'occurrence, il sera exceptionnellement renoncé à cette condition préalable à l'octroi de l'assistance juridique.

Il est établi que le recourant est impécunieux dans la mesure où son salaire mensuel brut de quelque 1'850 fr. (taux d'octobre 2020 : 1 EUR = 1.08 fr.) ne permet pas de couvrir ses frais de logement (1'310 fr. / 2 = 655 fr.) et son montant de base LP de 1'200 fr., ce sans tenir compte de ses frais d'assurance-maladie et des autres frais admissibles.

Le recours sera admis et l'assistance juridique octroyée au recourant, avec effet au 6 octobre 2020, date de sa demande d'assistance juridique (art. 5 al. 1 RAJ.

4. Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC). Compte tenu de l'issue du litige, l'Etat de Genève sera condamné à verser au recourant 400 fr. à titre de dépens (ATF
140 III 501 consid. 4).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LE VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé par A______ contre la décision rendue le 9 octobre 2020 par la Vice-présidente du Tribunal de première instance dans la cause AC/2861/2020.

Au fond :

Annule la décision entreprise.

Cela fait :

Met A______ au bénéfice de l'assistance juridique pour la procédure C/1______/2020 à compter du 6 octobre 2020.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours.

Condamne l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, à verser la somme de 400 fr. à A______ à titre de dépens.

Notifie une copie de la présente décision à A______ en l'Étude de Me Michael ANDERS (art. 137 CPC).

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, Vice-président; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF indéterminée.