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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/27880/2013

CAPH/72/2018 du 28.05.2018 sur JTPH/251/2017 ( OO ) , PARTIELMNT CONFIRME

Recours TF déposé le 29.06.2018, rendu le 02.04.2019, REJETE, 4A_392/2018
Descripteurs : PRESCRIPTION ; HEURES DE TRAVAIL SUPPLÉMENTAIRES ; CONTRAT-TYPE DE TRAVAIL ; VACANCES
Normes : CO.128.ch3; CO.360; CO.321.letc; CO.329.al2.letd
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/27880/2013-5 CAPH/72/2018

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU 28 mai 2018

 

Entre

A______, soit pour lui la Mission permanente de A______ auprès des Nations Unies, ______, appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 14 juin 2017 (JTPH/251/2017), comparant par Me Thierry ADOR, avocat, Avocats Ador & Associés SA, Avenue Krieg 44, Case postale 445, 1211 Genève 12, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

d'une part,

et

Madame B______, domiciliée ______, intimée, comparant par Me Pierre BAYENET, avocat, LIBERTAS AVOCATS, Chemin de la Gravière 6, Case postale 71, 1211 Genève 8, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

d'autre part.


EN FAIT

A.           Par jugement JTPH/251/2017 du 14 juin 2017, reçu par les parties le 15 juin 2017, le Tribunal des prud’hommes a déclaré recevable la demande formée le
11 décembre 2013 par B______ contre A______, C______, D______ et E______ (chiffre 1 du dispositif), condamné A______ à payer à B______ les sommes brutes suivantes : 381'087 fr. 50, sous déduction de la somme nette de 302'071 fr. 80, plus intérêts à 5% l’an dès le 1er février 2006, (ch. 2), 307'524 fr. 45, plus intérêts à 5% l’an dès le 1er février 2006 (ch. 3), 19'270 fr. 50, plus intérêts à 5% l’an dès le 30 novembre 2012 (ch. 4), invité la partie qui en avait la charge à opérer les déductions sociales et légales usuelles (ch. 5) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 6).

Le Tribunal a, en outre, arrêté les frais judiciaires à 7'188 fr. (ch. 7), en les mettant à la charge de A______ à raison de 6'469 fr. 20 et condamnant celui-ci à payer cette somme (ch. 8 et 9), dit que le solde était mis à la charge de l’Etat (ch. 10), qu’il n’était pas alloué de dépens (ch. 11) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 12).

En substance, le Tribunal a retenu que B______ était liée par un contrat de travail avec A______ de mars 2000 à novembre 2012 et non avec ses ambassadeurs successifs. Elle devait ainsi être considérée comme un membre du personnel local employé par A______ à Genève, indépendamment de son statut administratif – soit de la titularité de sa carte de légitimation -, les directives du Département fédéral des affaires étrangères (ci-après : DFAE) ne liant pas le juge civil. Les parties étant liées par les contrats-types de travail genevois pour les travailleurs de l’économie domestique à temps complet et à temps partiel entrés en vigueur les 1er février 2000 (ci-après : CTT 2000), 1er juillet 2004 (ci-après : CTT 2004) et 1er janvier 2012 (ci-après : CTT 2012), B______ avait droit à la différence entre le salaire effectivement perçu et celui minimal prévu par les contrats-types (381'087 fr. 50, sous déduction de la somme nette de 302'071 fr. 80), au paiement de ses heures supplémentaires et des jours fériés travaillés (307'524 fr. 45), ainsi qu’à une indemnité pour vacances non prises (19'270 fr. 50).

B.            a. Par acte déposé le 11 août 2017 au greffe de la Cour de justice, A______ appelle de ce jugement, dont il sollicite l’annulation. Cela fait, il conclut au rejet de la demande en paiement formée le 11 décembre 2013 par B______ et au déboutement de cette dernière de toutes ses conclusions, sous suite de frais et dépens.

b. Dans sa réponse, B______ conclut au rejet de l’appel et à la confirmation du jugement attaqué, sous suite de frais et dépens.

c. Dans leurs réplique et duplique, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

C.           Les éléments pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A la fin de l’année 1999, B______, née le ______ 1973, ressortissante F______, a été mise en contact avec E______, alors ambassadeur et représentant permanent de A______ auprès du Bureau des Nations Unies et des Organisations internationales à Genève, par l’entremise d’une agence de placement F______.

B______ avait déjà travaillé en qualité d’employée de maison pour la famille G______ de 1996 à 1998 à A______.

b. Le 2 février 2000, E______ a signé une déclaration de garantie de l’employeur à l’attention du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), en vue de l’obtention d’un visa d’entrée en Suisse pour B______.

Cette dernière est arrivée à Genève le 16 mars 2000. Le 20 mars 2000, elle a commencé son travail au service de E______ et de sa famille, soit son épouse et leurs cinq enfants, dans la résidence de fonction de ces derniers à ______ [GE], propriété de A______. B______ logeait et prenait ses repas dans cette résidence, puis, dès 2005, dans un autre bâtiment également situé à ______ [GE], lui aussi propriété de A______.

Elle a reçu du DFAE une carte de légitimation de type « F ».

c. Le 2 septembre 2002, le mandat de E______ auprès de la Mission permanente de A______ (ci-après également: la Mission) à Genève a pris fin; il a quitté la Suisse avec sa famille.

d. Le 15 septembre 2002, D______ est arrivé à Genève afin d’occuper le poste d’ambassadeur laissé vacant par E______.

B______ a travaillé pour D______ et sa famille, composée de son épouse et de leurs quatre enfants, dès leur arrivée.

Le 3 octobre 2002, D______ a signé une déclaration de garantie de l’employeur à l’attention du DFAE.

Le même jour, B______ a signé une déclaration d’employée à l’attention du DFAE.

Elle a continué d’être au bénéfice d’une carte de légitimation de type « F ».

e. Le 29 novembre 2007, le mandat de D______ auprès de la Mission permanente de A______ s’est terminé et il a quitté la Suisse. Sa famille est toutefois restée à Genève jusqu’au 27 décembre 2007.

f. Dès le 1er janvier 2008, B______ a travaillé au service du nouveau représentant de A______, C______, de son épouse et de leurs quatre enfants.

Le 14 janvier 2008, C______ a signé une déclaration de garantie de l’employeur à l’attention du DFAE.

Le 15 janvier 2008, B______ a rempli pour sa part une déclaration d’employée.

Elle a continué d’être au bénéfice d’une carte de légitimation de type « F » jusqu’à la fin du mois de mars 2012, date à laquelle celle-ci est arrivée à échéance.

g. Le 28 mars 2012, le directeur des affaires administratives et financières de la Mission a signé une déclaration de garantie de l’employeur à l’attention du DFAE au nom de B______.

A compter du mois d’avril 2012, B______ a été mise au bénéfice d’une carte de légitimation du DFAE de type « E ».

h. C______ a quitté la Suisse le 16 juillet 2012 et son successeur est arrivé à la fin du mois d’août 2012.

i. Par courrier portant la date du 20 mai 2012 mais adressé à B______ par pli recommandé du 20 septembre 2012, la Mission a résilié son contrat de travail avec effet au 1er décembre 2012 dans les termes suivants : « The mission would like to inform you that it was decided to terminate your contract as of 01/12/2012. Accordingly, you must take the necessary steps required before you leave Geneva at the latest on 30/11/2012. The Mission wishes to express its sincere appreciation and utmost respect for the services you provided all over the past years, and wishes you the best success in your future endeavours. ».

j. Le 19 octobre 2012, la Mission a délivré à B______ un certificat de travail libellé comme suit: « The Permanent Mission of A______ to the Office of the United Nations and other International Organizations in Geneva attests by the present certificate that Mrs. B______, F______ national, born in ______ 1973, was employed by this Mission from 01/05/2000 to 30/11/2012 as a domestic staff. ».

k. Le 30 novembre 2012, B______ a été invitée à se rendre dans les locaux de la Mission où elle a signé un document intitulé « Receipt of End of Service Dues » ainsi libellé: « I, hereafter undersign, Ms B______, confirm the receipt of all my dues from the mission of A______ in Geneva for the period form 01/05/2000 to 30/11/2012 and which are : all my salaries for the period of work until 30/11/2012 ; the bonus for the end of service covering all the years of service ; a financial compensation for the remaining days of holidays on my contract. I confirm that this covers all my dues and thus there can be no further requests or pursuits. ».

l. Par courrier du 3 décembre 2012 adressé à la Mission Permanente de la Suisse auprès de l’ONU, B______ a contesté les conditions de son licenciement, en particulier le respect du délai de congé applicable à son contrat de travail. Elle a indiqué avoir été obligée de signer des documents à la fin des relations de travail sous menace de ne pas recevoir son salaire. Elle a par ailleurs affirmé ne pas avoir reçu de copie de son contrat de travail, de sorte qu’elle en ignorait son contenu exact. Elle a précisé avoir travaillé tous les jours fériés et avoir uniquement bénéficié d’un mois de vacances tous les deux ans environ.

m. Il n’est pas contesté que B______ a reçu les montants mensuels nets suivants à titre de salaires:

- de 2000 à août 2002 : 1'200 fr.

- de septembre à décembre 2002 : 1'645 fr.

- en 2003 : 1'645 fr., plus une prime annuelle de 1'200 fr.

- en 2004 : 1'745 fr., plus une prime annuelle de 1'200 fr.

- en 2005 : 1'795 fr., plus une prime annuelle de 1'300 fr.

- en 2006 : 1'934 fr., plus une prime annuelle de 1'300 fr.

- en 2007 : 2'124 fr., plus une prime annuelle de 1'300 fr.

- en 2008 : 2'205 fr.

- en 2009 : 2'291 fr.

- en 2010 : 2'394 fr.

- en 2011 : 2'480 fr.

- de janvier à novembre 2012 : 2'767 fr.

D. a. Par demande déposée au greffe du Tribunal le 11 décembre 2013, B______ a assigné, conjointement et solidairement, A______, soit pour lui la Mission permanente de A______ auprès des Nations Unies, E______, D______ et C______, en paiement de la somme brute totale de 507'212 fr. 60. Elle a toutefois réduit ses conclusions à 398'716 fr. 96 plus intérêts à 5% l’an dès le
1er février 2006 (date moyenne), ladite somme se décomposant comme suit : 71'926 fr. à titre de différence de salaire pendant la durée des relations contractuelles; 275'782 fr. 70 à titre d’indemnité pour heures supplémentaires; 26'852 fr. 67 à titre d’indemnité pour jours fériés travaillés; 24'155 fr. 59 à titre d’indemnité pour vacances non prises.

Préalablement, elle a conclu à ce qu’il soit ordonné à ses parties adverses de communiquer au Tribunal les identités et adresses des épouses des ambassadeurs, des employés de maison ayant travaillé chez eux, ainsi que des secrétaires administratifs de la Mission en charge des ressources humaines et des chauffeurs et commis chargés du versement des salaires entre le 16 mars 2000 et le
30 novembre 2012, afin qu’ils puissent être entendus par le Tribunal.

En substance, B______ a soutenu avoir été employée par la Mission de mars 2000 à fin novembre 2012. Elle avait fourni aux ambassadeurs successifs de la Mission des services domestiques dans le cadre de leur vie privée.

Elle a allégué que conformément à l’article 134 al. 1 ch. 4 CO, le délai de prescription n’avait commencé à courir que le 1er décembre 2012, dans la mesure où elle avait toujours occupé une chambre dans la résidence de fonction des représentants de la Mission. Elle a fait valoir qu’en l’absence de contrat de travail écrit, les salaires prévus par le contrat-type de l’économie domestique du canton de Genève s’appliquaient, de sorte qu’elle pouvait prétendre à la différence entre les salaires mensuels minima prévus par celui-ci et ceux perçus.

Elle a également exposé avoir accompli les tâches et les horaires suivants :

- du 16 mars 2000 à fin juillet 2002 : elle se levait à 6h00, préparait le petit déjeuner à 6h30, le servait à E______ à 7h00 et aux enfants à 7h30, puis à l’épouse de l'ambassadeur à 9h00; de 9h00 à 15h00, elle nettoyait le rez-de-chaussée de la résidence (salon, salles de bain et salle de réception), débarrassait la table du petit-déjeuner, servait le déjeuner à l’épouse de l'ambassadeur et aidait au nettoyage du premier étage de la résidence (chambres à coucher et salles de bain), lorsque l’autre domestique était occupée avec les enfants; de 15h00 à 16h00 elle aidait en cuisine et préparait un repas composé de deux menus distincts, qu’elle servait à la famille entre 16h00 et 18h00, puis faisait la vaisselle; elle bénéficiait d’une pause entre 18h00 et 19h00 pour son propre repas, puis, entre 19h00 et 20h00, faisait du repassage et du rangement; au total, elle travaillait 14,5 heures par jour, tous les jours, y compris les dimanches et les jours fériés, effectuant ainsi 101,5 heures par semaine. Par ailleurs, elle devait être à disposition lorsque l'ambassadeur organisait des réceptions, environ deux fois par mois. Elle contribuait alors à la préparation des repas et au service à table pour une vingtaine de convives. Ces réceptions avaient lieu parfois l’après-midi, parfois le soir, ce qui l’occupait, respectivement, de 13h00 à 19h00, ou de 19h00 à 1h30 ou 2h00 du matin.

Sa charge avait été moins importante durant l’été 2000, E______ étant parti en vacances durant une période de deux mois; elle avait par ailleurs bénéficié d’un congé sans solde de trois semaines pour rendre visite à sa mère malade, B______ n’ayant pas précisé la date de ce congé. Durant la période du 1er août au 15 septembre 2002, sa charge de travail avait également été réduite du fait du départ de E______.

- du 15 septembre 2002 au 27 décembre 2007 : elle se levait à 6h30, préparait le petit-déjeuner à 7h00, le servait aux enfants de l'ambassadeur I______ entre 7h00 et 8h00 et à l'ambassadeur entre 8h00 et 8h30, débarrassait et faisait la vaisselle entre 8h30 et 9h00, servait le petit-déjeuner à l’épouse de l'ambassadeur entre 9h00 et 9h30, bénéficiait d’une pause entre 9h30 et 10h00, nettoyait la résidence entre 10h00 et 13h30, puis bénéficiait d’une pause de 13h30 à 14h30; entre 14h30 et 15h45 elle allait chercher les enfants [à l'école] H______ en compagnie du chauffeur, puis, entre 16h00 et 17h00, elle servait un repas à la famille; elle bénéficiait d’une pause entre 17h00 et 18h00, puis, entre 18h00 et 20h00, elle faisait la lessive et le repassage; entre 20h00 et 22h00, elle servait la famille à table; au total, elle avait travaillé quotidiennement à raison de 10,5 heures par jour, tous les jours de la semaine, soit 73,5 heures par semaine, du 15 septembre 2002 à avril 2003; elle avait ensuite bénéficié d’un jour de congé par semaine, soit le samedi, de sorte qu’elle n’avait plus travaillé que 63 heures par semaine.

Elle avait travaillé à ce rythme toutes les semaines, sous réserve d’une période annuelle de trois semaines au mois de décembre, durant laquelle sa charge de travail avait été moindre, la famille I______ étant en vacances. L'ambassadeur organisait deux ou trois réceptions par mois, lors desquelles B______ devait être à disposition de 19h00 à 1h30 ou 2h00 du matin. Entre le 27 et le 31 décembre 2007, B______ et d’autres employés avaient nettoyé et préparé la résidence en vue de l’arrivée du nouvel ambassadeur C______.

- du 31 décembre 2007 au 28 février 2012 : elle se levait à 6h30, préparait le petit-déjeuner entre 7h00 et 7h30, puis le servait entre 7h30 et 8h30 et faisait la vaisselle entre 8h30 et 9h00; de 9h00 à 10h00, elle nettoyait le premier étage de la résidence et servait le petit-déjeuner à l’épouse de l'ambassadeur dans la chambre de celle-ci; elle bénéficiait d’une pause entre 10h00 et 10h15, puis nettoyait les autres étages de la résidence et faisait la lessive jusqu’à 14h00; entre 14h00 et 15h30, elle faisait des courses et préparait puis servait des rafraichissements ou une collation à l’épouse de l'ambassadeur; elle bénéficiait d’une pause entre 15h30 et 16h15; entre 16h15 et 17h00 elle servait à table, puis débarrassait et faisait la vaisselle jusqu’à 18h00; elle bénéficiait d’une pause entre 18h00 et 19h00 et s’occupait du repassage de 19h00 à 19h30; elle préparait ensuite le repas du soir jusqu’à 20h00, le servait à table jusqu’à 20h30, débarrassait et faisait la vaisselle jusqu’à 21h00, avait une pause de quinze minutes, puis s’occupait du service en chambre entre 21h15 et 22h00; elle travaillait par conséquent à raison de 12,75 heures par jour, tous les jours de la semaine sauf le samedi, totalisant ainsi 76,5 heures par semaine;

Elle avait travaillé à ce rythme chaque semaine de l’année, à l’exception de trois semaines en décembre et janvier, durant lesquelles la famille J______ prenait ses vacances annuelles.

En septembre 2009, la famille de l'ambassadeur était rentrée dans son pays d’origine. Le cahier des charges de B______ n’avait toutefois pas été allégé, dans la mesure où le personnel avait été réduit de quatre à deux employés et où l'ambassadeur recevait presque quotidiennement des visiteurs. Des réceptions étaient organisées une ou deux fois par mois, lesquelles l’occupaient jusqu’à 1h30 ou 2h00 du matin.

- de février à novembre 2012 : la résidence avait fait l’objet de travaux de rénovation; l'ambassadeur et son successeur, bien que prenant leurs repas à la résidence, étaient logés à l’hôtel, de sorte que la charge de travail était fortement réduite.

B______ a également allégué avoir pris les vacances suivantes : trois semaines en 2005, deux mois en 2007, deux mois en 2009 et deux mois en 2011, soit un total de 27 semaines. Elle a déclaré pour le surplus n’avoir jamais bénéficié d’aucun congé durant les jours fériés officiels.

b. Par ordonnance du 10 novembre 2015, notifiée par la voie de l’entraide judiciaire internationale le 18 février 2016, le Tribunal a transmis à E______, D______ et C______, à l’adresse du Ministère des affaires étrangères de A______, un exemplaire de la demande en paiement en leur impartissant un délai de trente jours dès réception pour y répondre. Une convocation pour l’audience du 26 septembre 2016 leur a également été notifiée.

c. Par ordonnance du 11 mai 2016, A______ ainsi que B______ étaient invités à communiquer au greffe d’ici au 30 mai 2016 les coordonnées des trois anciens ambassadeurs.

Par courrier du 31 mai 2016, A______ a indiqué au Tribunal que les démarches pour retracer ces derniers n’avaient pas abouti; leurs adresses étaient inconnues.

Par courrier du 10 juin 2016, B______ a fait savoir qu’elle ignorait en l’état les adresses des trois anciens ambassadeurs.

Par ordonnance du 15 juin 2016, le Tribunal a informé les parties qu’il serait procédé par voie édictale en ce qui concernait E______, D______ et C______ et a imparti à ces derniers un nouveau délai pour répondre, les convoquant à l’audience du 26 septembre 2016.

d. Dans sa réponse du 30 juin 2016, A______ a, principalement, conclu au déboutement de B______ de toutes ses conclusions, avec suite de frais et dépens.

En substance, A______ a allégué que B______ avait verbalement conclu quatre contrats de travail distincts, avec quatre employeurs différents. Un premier contrat de travail avait été conclu avec E______ pour la période du 20 mars 2000 au 2 septembre 2002, puis un second avec D______ du 23 octobre 2002 au 29 novembre 2007, puis un troisième avec C______ du 1er janvier 2008 au 28 mars 2012 et enfin un quatrième avec A______ pour la période d’avril 2012 au
30 novembre 2012.

A ce titre, A______ s’est prévalu de la directive du DFAE sur l’engagement des domestiques privés par les membres des missions permanentes sises à Genève de 1998 (ci-après : directive DFEA de 1998) autorisant un chef de mission permanente à avoir à son service un domestique privé, mis au bénéfice d’une carte de légitimation. Il ressortait des articles 1.4 et 2 de la directive de 1998 que, dans ses rapports de travail autorisés, le chef de mission était l’employeur et non pas la Mission. Par ailleurs, l’employé de maison privé était mis au bénéfice d’une carte de légitimation de type « F », alors que le membre du personnel de service était au bénéfice d’une carte de légitimation de type « E ». Le membre du personnel local de la Mission s’occupant de tâches domestiques n’était pas soumis à la directive de 1998. Ces développements valaient également pour la directive du DFEA de 2006. Enfin, l’article 2 de l’ordonnance sur les domestiques privés (ci-après : ODPr) codifiait le principe selon lequel « la carte de légitimation fait foi ».

A______ a également précisé que le contrat de travail qui avait lié B______ à E______ avait été résilié d’un commun accord entre eux, dans la perspective que son successeur la reprendrait à son service. Il en avait été de même avec D______ et C______.

Concernant la prescription, celle-ci avait été atteinte à l’égard de E______ le 2 septembre 2007 et à l’égard de D______ le 29 novembre 2012. Quant aux réclamations portant sur les périodes de mars 2000 au 28 mars 2012 dirigées contre A______, elles devaient être rejetées, puisque durant cette période il n’y avait pas eu de lien de droit entre B______ et lui-même.

Pour ce qui concernait la rémunération et les aspects administratifs dont il s’était occupé, en lien avec B______, A______ a précisé qu’il intervenait comme mandataire des employeurs.

Pour le surplus, A______ a contesté les horaires de travail mentionnés par B______ et a allégué que celle-ci avait pris deux mois de vacances du 31 octobre 2003 au 1er janvier 2004, période durant laquelle elle avait séjourné en F______, A______ ayant payé son billet d’avion. A l’appui de cette allégation, A______ a produit des copies dudit billet, ainsi qu’une facture n° ______ de l’agence K______, du 16 octobre 2003, d’un montant de 1'000 fr., correspondant à un billet d’avion Genève/______ [F______] et retour en faveur de B______, avec la mention des dates suivantes : « du 31.10 au 01.01.04 »; sur cette facture figure également le reçu de l’agence de voyage pour la somme de 1'000 fr.

e. Aucun des trois anciens ambassadeurs n’a répondu à la demande.

f. Lors de l’audience de débats d’instruction du 26 septembre 2016, E______, C______ et D______ ne se sont pas présentés, ni excusés.

Il en est allé de même s’agissant de l’audience de débats principaux du
5 décembre 2016.

B______ a précisé que son salaire avait toujours été payé par la Mission; un chauffeur le lui apportait dans une enveloppe et lui faisait signer un reçu. Elle avait par ailleurs toujours été rémunérée de la même manière, qu’il y ait un ambassadeur ou pas. A______, soit pour lui L______, ______ [fonction], a notamment déclaré que si la Mission avait payé le salaire de B______ pendant toute la durée du contrat de travail, y compris lorsqu’il n’y avait pas d’ambassadeur, c’était en raison du fait qu’il s’agissait d’un salaire régulier et que la Mission gérait cet aspect pour le compte de l'ambassadeur.

L______ s’est dit étonné par les horaires de travail allégués par B______, les ambassadeurs ne recevant pas beaucoup. En outre, il a confirmé que la famille de l'ambassadeur n’avait pas été présente tout au long de son ministère et que ce dernier avait passé six à sept mois à l’hôtel à la fin de son mandat.

A______, soit pour lui M______, ______ [fonction] depuis 2015, a déclaré que généralement, il n’y avait pas de vacance entre le départ d’un ambassadeur et l’arrivée d’un nouveau. Les ambassadeurs pouvaient décider avec qui ils souhaitaient travailler, comme cela avait été le cas du dernier, qui était arrivé avec son personnel et qui n’avait donc pas voulu collaborer avec l’équipe en place. M______ a précisé que la Mission n’avait aucune connaissance du nombre d’heures de travail effectuées par les employés au service de l'ambassadeur et ce jusqu’en avril 2012, date à laquelle B______ était devenue employée de la Mission.

Lors de l’audience du 5 décembre 2016, le Tribunal a procédé à l’audition, en qualité de témoin, de N______, licenciée en même temps que B______ et également partie à une procédure dirigée contre A______, les prétentions émises étant similaires à celles de B______. N______ a déclaré avoir fait la connaissance de B______ lorsque toutes deux étaient au service de D______. Leurs tâches étaient semblables et elles avaient les mêmes horaires de travail. Elles se levaient vers 7h00 du matin pour préparer les enfants qui devaient partir pour l’école et la journée se poursuivait jusque vers 22h00, voire plus tard s’il y avait des invités. Lorsque l'ambassadeur était absent, il y avait moins de travail; elle-même et B______ faisaient le ménage. N______ a précisé que le D______ avait des invités qui restaient une semaine, voire un mois, surtout pendant les vacances. A cette époque, il y avait des réceptions à peu près deux à trois fois par mois; B______ devait alors travailler jusqu’à une heure du matin. S’agissant de l'ambassadeur, elle a confirmé que sa famille avait quitté la Suisse pendant son mandat et que l’intéressé était resté seul à Genève. Son épouse et ses enfants revenaient toutefois pour les vacances, en été et en fin d’année. Il y avait moins de travail durant les périodes où l'ambassadeur était seul, mais les journées de travail commençaient tôt et finissaient tard. Il était d’usage que l'ambassadeur prenne son lunch aux alentours de 15h30 et son repas du soir vers 20h00 en hiver et 21h00 en été. Elle a expliqué que durant les travaux de réfection de la maison, l'ambassadeur ne venait que pour manger à midi, mais il apportait des vêtements qu’il fallait repasser. B______ et elle-même logeaient dans une autre maison, qu’elles devaient nettoyer. N______ a déclaré avoir été licenciée en même temps que B______. Elles étaient allées à la Mission pour chercher leur dernier salaire. Pendant toute la durée des rapports de travail, soit elles allaient à la Mission chercher leur salaire, soit le chauffeur le leur apportait. N______ a précisé qu’elle devait signer un document sur lequel figurait son nom.

g. Lors de l’audience du 12 décembre 2016, le Tribunal a entendu deux autres témoins.

O______ a déclaré travailler en qualité de chauffeur pour A______ depuis 2006. De 1998 à 2006, il avait travaillé comme cuisinier au service de E______, puis de D______. Du temps de E______, il commençait ses journées à 7h00 pour préparer le petit-déjeuner, puis il préparait le lunch de l'ambassadeur et de sa famille. Il pouvait ensuite se reposer de 16h-16h30 jusqu’à 18h30, heure à laquelle il revenait préparer le dîner. L'ambassadeur rentrait la plupart du temps vers 15h-15h30. Il le servait, nettoyait la cuisine et partait. Il a ajouté qu’après la préparation du repas du soir, les employés de maison servaient ledit repas et nettoyaient la cuisine. Lui-même partait entre 21h00 et 22h00.

Pour le D______, il ne préparait pas le petit-déjeuner, puisque N______ et B______ s’en chargeaient. Celles-ci étaient déjà au travail lorsqu’il arrivait le matin à 8h00. Il se chargeait des éventuelles courses à faire, ou, s’il n’y en avait pas, il retournait dans sa chambre, aux environs de 9h00. Vers 11h00, il recevait des instructions concernant la préparation du repas de midi. Le reste de la journée se déroulait au même rythme qu’avec la famille G______. Lorsqu’il quittait son travail, B______ était toujours dans la maison, sans qu’il puisse dire si elle était dans sa chambre ou ailleurs. Il effectuait en effet son travail en cuisine et il n’avait aucune raison de se rendre dans les autres pièces de la maison. Il nettoyait la cuisine, mais N______ et B______ débarrassaient la vaisselle de la salle à manger. Il arrivait que ces dernières l’aident à faire la vaisselle; elles devaient également ranger la salle à manger.

O______ a expliqué que lorsque les familles des ambassadeurs étaient présentes, il y avait toujours du travail. En revanche, lorsqu’elles partaient en vacances, il y en avait un peu moins. A son souvenir, les ambassadeurs rentraient en général deux fois par an à A______, une fois en été et une autre fois, moins longtemps, en hiver. Du temps de la famille I______, il y avait moins d’invitations, entre une fois par semaine et trois fois par mois. Il a ajouté que les employés de la résidence n’avaient pas de jours fériés que ce soit du temps de l'ambassadeur G______ ou D______. Ils avaient en revanche des vacances chaque année.

Il a précisé que lorsqu’il travaillait comme cuisinier, il avait une carte de légitimation de type « F ». Il était employé par la Mission, mais il était écrit sur la carte qu’il était domestique privé. Lorsqu’il était devenu chauffeur, il avait eu une autre carte de légitimation. Il était toujours employé par la Mission, mais il n’était plus domicilié au domicile de l'ambassadeur. Il était devenu employé administratif.

P______ a déclaré travailler pour A______ depuis treize ans, d’abord en qualité de jardinier dans la résidence de l'ambassadeur et depuis 2012 en qualité d’homme à tout faire pour la Mission. Lorsqu’il travaillait comme jardinier, il avait une chambre dans une annexe de la résidence de l'ambassadeur. Il travaillait de 7h00 à 12h00, puis il prenait son repas, préparé par le cuisinier. Il recommençait son travail vers 14h00 jusqu’à 16h00. Lorsqu’il commençait sa journée à 7h00, N______ et B______ étaient déjà en train de travailler dans la maison. Il ignorait si ces dernières avaient une pause pendant la journée, car il travaillait à l’extérieur. Il ignorait également à quelle heure elles terminaient leurs journées. A l’époque de D______, il travaillait tout le temps. En revanche, il avait eu moins de travail lorsque l'ambassadeur était en poste, car sa famille était retournée à A______. Il y avait moins de travail en hiver, mais il restait quand même à l’extérieur. Il n’avait congé que le dimanche et lorsqu’il travaillait dans la maison de l'ambassadeur, il n’y avait aucun jour férié.

h. La cause a été gardée à juger par le Tribunal des prud’hommes à l’issue de l’audience du 19 décembre 2016.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est dirigé contre une décision finale de première instance rendue dans le cadre d'un litige portant sur une valeur de plus de 10'000 fr. au dernier état des conclusions de première instance (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

Il a été déposé dans le délai de 30 jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 311 al. 1 CPC), et respecte au surplus la forme prescrite (art. 130, 131 et 311 CPC).

L'appel est ainsi recevable.

1.2 L'instance d'appel revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). En particulier, la Cour contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par les juges de première instance et vérifie si ceux-ci pouvaient admettre les faits qu'ils ont retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_153/2014 du 28 août 2014 consid. 2.2.3).

1.3 La valeur litigieuse étant supérieure à 30'000 fr., la procédure ordinaire est applicable (art. 219 et 243 CPC) et celle-ci est soumise aux maximes des débats et de disposition (art. 55 CPC cum art. 247 al. 2 let. b ch. 2 CPC et art. 58 CPC).

2.             L’appelant allègue, pour la première fois en appel, que l’intimée avait tacitement conclu un deuxième contrat de travail avec D______ pour la période du 29 novembre 2007 au 27 décembre 2007, afin qu’elle demeure au service de sa famille restée en Suisse.

Selon l’appelant, il s’agit d’une nouvelle déduction juridique recevable en appel; quant à l’intimée, elle conclut à l’irrecevabilité de ce qu’elle considère être un fait nouveau.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuves nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance, bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

En revanche, une nouvelle argumentation juridique - pour autant qu'elle se fonde sur les faits constatés dans la décision entreprise - est recevable, en recours comme en appel (Chaix, Introduction au recours de la nouvelle procédure civile fédérale, in SJ 2009 II 257 ss, p. 265; Reetz/Hilber, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, 2010, n. 31 ad art. 317 CPC).

2.2 En l’espèce, l’appelant fonde sa nouvelle argumentation, à savoir l’existence, entre l’intimée et D______, d’un accord tacite portant sur la conclusion d’un contrat de travail allant du 29 novembre 2007 au 27 décembre 2007, sur la base de faits déjà constatés en première instance et non sur des faits nouvellement allégués en appel. En effet, l’appelant s’appuie sur le fait que D______ a quitté la Suisse le 29 novembre 2007, que sa famille y est restée jusqu’à la fin décembre 2007 et que l’intimée a, durant cette période, continué à travailler pour eux et a été rémunérée pour cette activité. Ces faits ont été établis en première instance.

Dans ces circonstances, il y a lieu d’admettre qu’il s’agit d’une nouvelle argumentation juridique recevable en appel.

3.             La compétence des juridictions suisses n’est, à juste titre, pas remise en cause par les parties. En effet, aucune immunité de juridiction ne peut être reconnue à l’appelant, l’intimée étant une employée subalterne.

4.             L’appelant fait grief au Tribunal d’avoir admis sa légitimation passive pour la période antérieure au mois d’avril 2012, alors qu’il n’était, selon lui, pas l’employeur de l’intimée. Il soulève que les premiers juges ont arbitrairement retenu que les parties avaient eu une réelle et commune intention de conclure un contrat de travail dès mars 2000. Selon lui, le Tribunal a également violé l’ordonnance sur les domestiques privés (ODPr – RS 192.126) et les directives 1998 et 2006 du DFAE, en ne retenant pas que l’intimée était une domestique privée de mars 2000 à mars 2012, conformément à sa carte de légitimation de type « F ».

4.1.1 Le défaut de légitimation passive est un moyen de fond et non une exception de procédure. Un tel moyen a le caractère d'une objection. Il doit être examiné d'office à la lumière des règles de droit matériel et non des règles de procédure (ATF 126 III 59 consid. 1a). En principe, seule est légitimée comme partie au procès celle qui est personnellement titulaire d'un droit ou contre laquelle personnellement un droit est exercé. Le défaut de légitimation active (ou passive) entraîne le rejet de l'action et non son irrecevabilité (ATF 130 III 417 consid. 3.1, SJ 2004 I 533; ATF 126 III 59 consid. 1a).

4.1.2 Selon l'art. 18 al. 1 CO, pour apprécier le contenu d'un contrat, il y a lieu de rechercher la réelle et commune intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention.

Le juge doit rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices (ATF 132 III 268 consid. 2.3.2; 131 III 606 consid. 4.1). Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté - écrites ou orales -, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes (ATF 118 II 365 consid. 1; 112 II 337 consid. 4a). L'appréciation de ces indices concrets par le juge, selon son expérience générale de la vie, relève du fait (ATF 118 II 365 consid. 1).

Si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties, il doit recourir à l'interprétation normative, à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre (application du principe de la confiance; ATF 132 III 268 consid. 2.3.2). Ce principe permet d'imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même si celui-ci ne correspond pas à sa volonté intime (ATF 130 III 417 consid. 3.2).

Ces règles d'interprétation valent également pour déterminer avec qui un contrat a été conclu (arrêts du Tribunal fédéral 4A_564/2014 du 11 février 2015 consid. 3.1 et 4A_619/2016 du 15 mars 2017 consid. 7.1).

En matière d'appréciation des preuves, il y a arbitraire lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2; 136 III 552 consid. 4.2; 134 V 53 consid. 4.3; 129 I 8 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_683/2010 du 22 novembre 2011 consid. 2.2).

4.1.3 Pour identifier l'employeur, il y a lieu de s'intéresser à différents indices, tels l'identité de la personne qui procède au versement du salaire, s'acquitte des cotisations sociales et répond aux requêtes éventuelles de l’employé, l'incorporation durable de ce dernier dans une société et l'exercice effectif du pouvoir hiérarchique, lequel consiste notamment à donner à l’employé des instructions relatives à ses tâches, à définir sa fonction et à lui transmettre des informations relatives aux modalités d'exécution de ses missions (arrêt du Tribunal fédéral 4A_564/2014 du 11 février 2015 consid. 3.2; Druey/Vogel, Das schweizerische Konzernrecht in der Praxis der Gerichte, 1999, p. 240 n. 4 et
p. 241 s n. 5).

4.1.4 L’ODPr règle les conditions d'entrée en Suisse, d'admission, de séjour et de travail des domestiques privés (art. 1 al. 1 ODPr). Elle est entrée en vigueur le
1er juillet 2011 (art. 65 ODPr). Les contrats-types cantonaux ou fédéraux relatifs aux travailleurs de l'économie domestique ou toute autre disposition cantonale régissant les conditions de travail et de salaire des travailleurs de l'économie domestique ne sont pas applicables aux personnes couvertes par l’ODPr (art. 1 al. 2 ODPr). En revanche, les contrats de travail conclus avant l'entrée en vigueur de l’ODPr restent soumis à l'ancien droit au plus tard jusqu'à l'échéance de validité de la carte de légitimation du domestique privé (art. 64 al. 1 ODPr).

On entend par «domestique privé», conformément à l'article 1 let. h de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques et à l'article 1 let. i, de la Convention de Vienne sur les relations consulaires, la personne qui, d'une part, est employée au service domestique d'une personne bénéficiaire au sens de l'article 2 al. 2 let. a et b de la loi sur l'Etat hôte (LEH – RS 192.12) autorisée à engager un domestique privé (employeur), et qui, d'autre part, est titulaire d'une carte de légitimation de type « F » délivrée par le DFAE (art. 2 al. 1 ODPr). L’ODPr n’est pas applicable aux membres du personnel de service et aux membres du personnel local des missions diplomatiques, des missions permanentes ou autres représentations auprès des organisations intergouvernementales et des postes consulaires au sens de l'art. 5 de l’ordonnance sur l'Etat hôte (OLEH – RS 192.121) (art. 1 al. 3 ODPr).

A teneur des directives du DFAE de 1998 et de 2006, le «domestique privé» est une personne employée au service domestique d’un membre d’une mission diplomatique ou d’une mission permanente, mis au bénéfice d’une carte de légitimation de type « F ». Le droit suisse comprend également la notion de « membre du personnel local », employé de l’Etat d’envoi, occupé à des tâches administratives ou domestiques au sein de la mission diplomatique ou permanente et mis au bénéfice d’une carte de légitimation de type « E ».

Les instructions internes données par l'administration afin d'assurer une application uniforme de dispositions légales n'ont pas force de loi et, par voie de conséquence, ne lient ni les administrés, ni les tribunaux; elles ne constituent pas des normes de droit fédéral et n'ont pas à être suivies par le juge. Elles servent tout au plus à créer une pratique administrative uniforme et présentent à ce titre une certaine utilité; de toute façon, de telles instructions ne peuvent pas sortir du cadre fixé par la norme supérieure qu'elles sont censées concrétiser. A défaut de lacune, les directives ne peuvent prévoir autre chose que ce qui découle de la législation ou de la jurisprudence. Il n’en va pas différemment des directives du DFAE (arrêt du Tribunal fédéral 4.P297/2004 du 12 mai 2005 consid. 2.1 et les références citées).

4.2 En l’occurrence, pour retenir que les parties étaient liées par un contrat de travail de mars 2000 à novembre 2012, les premiers juges se sont fondés, à juste titre, sur plusieurs documents établis par l’appelant, soit le certificat de travail de l’intimée du 19 octobre 2012 et une quittance de fin de ses rapports de service du 30 novembre 2012.

En effet, il ressort expressément de ces documents que l’appelant considérait l’intimée comme étant son employée et ce depuis 2000.

La Cour relève également qu’il ressort des termes du courrier de résiliation adressé à l’intimée le 20 septembre 2012 (« The Mission wishes to express its sincere appreciation and utmost respect for the services you provided all over the past years ») que l’appelant se considérait lié à elle depuis de nombreuses années et non uniquement depuis quelques mois, soit avril 2012, contrairement à ce que soutient l’appelant dans le cadre de la présente procédure.

Par ailleurs, le salaire de l’intimée a été payé par l’appelant depuis son arrivée en Suisse. En outre, durant la période de transition entre les ambassadeurs D______ et C______, soit du 29 novembre 2007 au 27 décembre 2007, l’intimée a continué à percevoir son salaire de l’appelant. Il n’est pas contesté que durant cette période l’intimée a été rémunérée pour s’occuper de la femme et des enfants [de] D______, alors que D______ avait déjà quitté la Suisse en date du 29 novembre 2007. Toutefois, il ressort du dossier que cet ambassadeur a cessé ses fonctions de représentant de l’appelant à la date précitée et non au 31 décembre 2007, comme allégué par ce dernier. L’appelant ne produit aucune pièce à cet égard. Dès lors, sa thèse selon laquelle D______ a continué à percevoir son salaire d’ambassadeur et son « allocation pour s’acquitter des salaires de ses employés » au-delà du 29 novembre 2007 n’est aucunement étayée. Le fait que l’intimée ait continué à être payée par la Mission, alors même qu’aucun ambassadeur n’était en poste, contredit l’affirmation de l’appelant selon laquelle il s’occupait du versement des salaires des employés privés des ambassadeurs et de certains autres aspects des contrats de travail à titre de mandataires desdits ambassadeurs.

A l’appui de sa thèse, l’appelant soutient encore que les parties n’avaient, en 2000, aucune intention de conclure un contrat de travail, dès lors que l’intimée avait été mise au bénéfice, par le DFAE, d’une carte de légitimation de type « F » (domestique privé) et ce jusqu’en avril 2012, les déclarations de garantie de l’employeur de février 2000, octobre 2002 et janvier 2008 ayant été signées par les ambassadeurs eux-mêmes. Cela étant, comme relevé par le Tribunal, les directives du DFAE ne lient pas le juge civil, mais ont pour vocation de créer une pratique administrative uniforme. En effet, la portée de cette carte de légitimation doit être relativisée, dès lors qu’il s’agit d’un titre de séjour et d’une autorisation de travail dans un domaine délimité. Elle a donc un effet informatif au regard de la police des étrangers, mais ne saurait avoir une incidence sur les rapports contractuels des parties et être décisive, à elle seule, pour déterminer le réel employeur de l’intimée. Par ailleurs, le fait que l’intimée se soit accommodée de la délivrance d’une carte de type « F » ne démontre pas qu’elle aurait eu la réelle intention de conclure des contrats de travail avec les ambassadeurs. En effet, la connaissance qu’avait l’intimée des règles et démarches administratives suisses et de leurs conséquences doit être minimisée, cette dernière n’ayant auparavant jamais vécu en Suisse. En outre, le témoin O______, exhorté à dire la vérité, a confirmé que lorsqu’il était détenteur d’une carte de légitimation de type « F », il était bien employé par l’appelant.

Au regard de l’ensemble des circonstances, le Tribunal était fondé à constater que l’appelant et l’intimée étaient liés par un contrat de travail allant de mars 2000 à fin novembre 2012. Il s’ensuit que l’appelant bénéficie de la légitimation passive pour l’entier de cette période en sa qualité d’employeur. L’intimée n’est donc pas couverte par l’ODPr, de sorte que les CTT 2000, 2004 et 2012 sont bien applicables au cas d’espèce.

Partant, le jugement attaqué sera confirmé sur ce point.

5.             L’appelant reproche au Tribunal d’avoir retenu que les créances antérieures au
11 décembre 2008, dont se prévaut l’intimée, n’étaient pas prescrites.

5.1 Aux termes de l'art. 128 ch. 3 CO, les créances des travailleurs pour leurs services se prescrivent par cinq ans. Sont concernées notamment les créances de salaire, d'indemnité pour vacances non prises et d’heures supplémentaires (ATF 136 III 94 consid. 4.1; Wyler, droit du travail, p. 710 et 711).

La prescription court dès que la créance est devenue exigible (art. 130 al. 1 CO). En vertu de l’art. 134 al. 1 ch. 4 CO, la prescription ne court point et, si elle avait commencé à courir, elle est suspendue à l'égard des créances des travailleurs contre l'employeur, lorsqu'ils vivent dans son ménage, pendant la durée des rapports de travail.

5.2 En l’occurrence, les premiers juges ont retenu que l’intimée était logée et nourrie dans la résidence des ambassadeurs de l’appelant, lesquels agissaient comme représentants de ce dernier, de sorte que la prescription n’avait commencé à courir que le 30 novembre 2012, soit à la résiliation des rapports de travail.

En effet, bien que l’appelant soit un Etat étranger et qu’il n’y ait pas eu à proprement parler de communauté domestique entre les parties, il ne pouvait être exigé de l’intimée qu’elle entreprenne des actes interruptifs de la prescription alors même qu’elle vivait dans le ménage des représentants de son employeur, et qu’elle aurait ainsi risqué de se voir signifier la fin anticipée des rapports de travail (CAPH/72/2012 du 16 avril 2012 consid. 3.5 et les références citées).

Dans ces circonstances, c’est à juste titre que les premiers juges ont retenu qu’aucune des créances invoquées par l’intimée n’était atteinte par la prescription, le jugement attaqué devant être confirmé sur ce point.

6.             L’appelant fait grief aux premiers juges d’avoir erronément et arbitrairement fixé la différence de salaire allouée à l’intimée. Sur ce point, il s’est contenté d’alléguer que l’intimée avait été son employée d’avril 2012 au 30 novembre 2012. Or, durant cette période, le salaire qu’elle avait perçu était supérieur au salaire minimum prévu par la CTT 2012, ce que le Tribunal avait reconnu.

6.1 La fixation du salaire relève en principe de la liberté contractuelle (ATF 129 III 276 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_608/2009 du 25 février 2010 consid. 3.1).

Les contrats-types de travail sont de droit dispositif, en ce sens qu’ils s’appliquent directement aux rapports de travail qu’ils régissent, à moins que les parties ne conviennent du contraire (art. 360 al. 1 CO). Le contrat-type peut subordonner la validité des accords dérogatoires au respect de la forme écrite (art. 360 al. 2 CO). Toutefois, lorsque le contrat-type a été édicté en application de l’art. 360a CO, il ne peut être dérogé aux salaires minimaux prévus par celui-ci en défaveur du travailleur (art. 360d al. 2 CO).

6.2 Conformément aux principes rappelés supra, les salaires prévus par les CTT sont des salaires minimaux, auxquels il ne peut pas être dérogé en défaveur de l’employé. En revanche, si l’employeur a librement décidé de verser à son employé un salaire d’un montant supérieur à celui prévu par la CTT, il ne peut pas se prévaloir d’un remboursement à ce titre.

Dans le cas d’espèce, la Cour ne discerne pas, dans le bref paragraphe que l’appelant consacre à cette question, le grief qu’il soulève et les conclusions qu’il en tire, étant précisé qu’il a été admis précédemment que les parties ont été contractuellement liées de mars 2000 à fin novembre 2012, de sorte que l’appelant était tenu de verser, durant toute cette période, le salaire minimum prévu par les CTT successives. Pour le surplus, l’appelant n’a pas remis en cause les montants arrêtés par le Tribunal à titre de salaire dû à l’intimée, de sorte que le jugement attaqué sera confirmé sur ce point.

7. L’appelant fait grief au Tribunal d’avoir estimé le nombre d’heures supplémentaires (à supposer qu’il y en ait eu) de manière erronée et arbitraire. Il allègue que les témoignages recueillis ne permettaient pas d’établir la journée type de travail de l’intimée.

7.1.1 Selon l'art. 321c CO, si les circonstances exigent des heures de travail plus nombreuses que ne le prévoit le contrat ou l’usage, un contrat-type de travail ou une convention collective, le travailleur est tenu d’exécuter ce travail supplémentaire, dans la mesure où il peut s’en charger et où les règles de la bonne foi permettent de le lui demander (al. 1); l’employeur peut, avec l’accord du travailleur, compenser les heures de travail supplémentaires par un congé d’une durée au moins égale (al. 2); l’employeur est tenu de rétribuer les heures de travail supplémentaires qui ne sont pas compensées par un congé en versant un salaire normal majoré d’un quart au moins, sauf clause contraire d’un accord écrit, d’un contrat-type de travail ou d’une convention collective (al. 3).

Il incombe au travailleur de prouver qu'il a effectué les heures supplémentaires dont il demande la rétribution (art. 8 CC; ATF 129 III 171 consid. 2.4). S'il n'est pas possible d'établir le nombre exact d'heures effectuées, le juge peut, par application analogique de l'art. 42 al. 2 CO, en estimer la quotité. L'évaluation se fonde sur le pouvoir d'appréciation des preuves (arrêt du Tribunal fédéral 4A_611/2012 du 19 février 2013 consid. 2.2). Si l'art. 42 al. 2 CO allège le fardeau de la preuve, il ne dispense pas le travailleur de fournir au juge, dans la mesure raisonnablement exigible, tous les éléments constituant des indices du nombre d'heures accomplies (ATF 133 III 462 consid. 4.4.2; 122 III 219 consid. 3a). La conclusion selon laquelle les heures supplémentaires ont été réellement effectuées dans la mesure alléguée doit s'imposer au juge avec une certaine force (ATF 132 III 379 consid. 3.1; 122 III 219 consid. 3a; Aubert, Commentaire romand CO I, 2012, n. 16 ad art. 321c CO).

En effet, le juge doit se montrer strict dans le recours à cette disposition. D’une part, cette appréciation en équité ne doit être admise que si les circonstances le permettent, par exemple s’il est clairement prouvé, et non simplement rendu vraisemblable, que le travail excédait l’horaire normal dans une mesure déterminable. D’autre part, les heures supplémentaires effectuées pendant une longue période et non annoncées ne doivent pas être indemnisées à moins que l’employeur ne les ait approuvées (Kneubühler-Dienst, Überstunden in Arbeitsrecht in der Verbandspraxis, 1993, pp. 147, 148 et 161). Lorsque l'employeur n'a mis sur pied aucun système de contrôle des horaires et n'exige pas des travailleurs qu'ils établissent des décomptes, il est plus difficile d'apporter la preuve requise (arrêt du Tribunal fédéral 4A_611/2012 du 19 février 2013 consid. 2.2). L'employé qui, dans une telle situation, recourt aux témoignages pour établir son horaire effectif utilise un moyen de preuve adéquat (arrêts du Tribunal fédéral 4A_611/2012 du 19 février 2013 consid. 2.2 et 4A_543/2011 du 17 octobre 2011 consid. 3.1.3; CAPH/113/2017 du 7 août 2017).

7.1.2 Du 1er février 2000 au 31 décembre 2005, la durée hebdomadaire du travail d’une employée de maison occupée à temps complet était de 48 heures (art. 12 CTT 2000 et 2004). Du 1er janvier 2006 jusqu’au 31 décembre 2009, la durée de la semaine de travail a été ramenée à 46 heures (cf. art. 12 CTT, modification du CTT du 31 janvier 2006, J 1 50.03). Dès le 1er janvier 2010, cette durée a été abaissée à 45 heures (cf. modification du CTT du 8 décembre 2009, J 1 50.03).

7.1.3 Le tribunal établit sa conviction par une libre appréciation des preuves administrées (art. 157 CPC).

7.2.1 En l'espèce, l’intimée n’a pas informé l’appelant de l’exécution d’heures supplémentaires durant les rapports de travail et n’a pas établi de décompte de ses heures travaillées. Les premiers juges étaient ainsi fondés à se baser sur les témoignages pour retenir, ou pas, les allégations de l’intimée.

Cette dernière a allégué, pour la période allant de mars 2000 à fin juillet 2002, soit lorsqu’elle travaillait pour la famille G______, avoir accompli 14,5 heures de travail par jour, tous les jours y compris les dimanches et les jours fériés, équivalant à 101,5 heures par semaine, sans compter sa contribution lors des réceptions. Pour la période allant du 15 septembre 2002 à avril 2003, elle a déclaré avoir travaillé quotidiennement à raison de 10,5 heures par jour, tous les jours de la semaine, effectuant ainsi 73,5 heures de travail par semaine; puis, à compter de mai 2003 et jusqu’à fin décembre 2007, elle avait bénéficié d’un jour de congé par semaine, de sorte qu’elle n’avait plus travaillé, hebdomadairement, qu’à concurrence de 63 heures. Du 31 décembre 2007 jusqu’au 28 février 2012, elle avait travaillé à raison de 12,75 heures par jour, six jours par semaine, ce qui correspondait à 76,5 heures par semaine. De février à novembre 2012, sa charge de travail avait été fortement réduite.

Dans le jugement attaqué, le Tribunal a retenu, sur la base des déclarations des témoins O______ et P______, que l’intimée avait travaillé à raison de 12 heures par jour, sept jours sur sept du temps d l'ambassadeur G______, 10 heures 30 par jour du temps de D______, tout d’abord tous les jours puis six jours sur sept et enfin 12 heures par jour, six jours sur sept, du temps de l'ambassadeur, de sorte qu’elle pouvait prétendre à 318'794 fr. 25 (montant ramené par le Tribunal à 304'694 fr. 85 afin de ne pas outrepasser les conclusions globales prises par l’intimée) à titre de paiement des heures supplémentaires effectuées, étant relevé que ce montant est largement supérieur aux dernières conclusions prises par l’intimée sur ce point.

Les premiers juges se sont ainsi fondés sur les déclarations du premier témoin, selon lesquelles, lorsqu’il commençait sa journée à 8h00 (du temps de l'ambassadeur D______), l’intimée travaillait déjà et était encore présente lorsqu’il quittait son poste entre 21h00 et 22h00. Le second témoin, quant à lui, a confirmé que lorsqu’il commençait sa journée à 7h00, l’intimée était déjà en train de travailler.

Cela étant et quand bien même il est établi, sur la base de ces deux témoignages, que l’intimée débutait sa journée de bonne heure, soit avant 7h00, l'on ne saurait tenir pour acquis qu’elle effectuait quotidiennement les heures supplémentaires retenues par les premiers juges.

En effet, le témoin O______ a déclaré qu’il commençait son travail de cuisinier à 7H00 lorsqu’il travaillait pour la famille G______ et à 8h00 lorsqu’il était au service de la famille I______. S’il n’avait pas de courses à faire, il reprenait le travail vers 11h00 et préparait le repas durant 2 ou 3 heures. Il allait ensuite se reposer de 16h00/16h30 à 18h30, puis il rentrait chez lui entre 21h00 et 22h00. Il ressort de ses explications qu’il effectuait en moyenne une journée comprise entre 8 et 9 heures de travail. Dans la mesure où il travaillait en cuisine, il n’a pas pu fournir d’explications précises sur les activités de l’intimée. Par ailleurs, il n’a pas travaillé au service de la famille J______, de sorte que son témoignage ne permet pas d’établir l’horaire effectué par l’intimée.

Quant au témoin P______, il a travaillé en qualité de jardinier pour les familles I______ et J______ à raison de sept heures par jour, soir de 7h00 à 12h00 et de 14h00 à 16h00. Il a déclaré ne pas savoir si l’intimée travaillait en continu ou faisait des pauses, ni à quelle heure elle terminait son travail. Son témoignage n’est ainsi pas propre à déterminer l’horaire de travail de l’intimée.

Les déclarations du témoin N______ doivent pour leur part être appréciées avec prudence, dans la mesure où elle fait valoir des prétentions similaires à celles invoquées par l’intimée à l’encontre de A______. Elle ne saurait par conséquent être considérée comme un témoin objectif, les déclarations qu’elle a faites au sujet de l’horaire de l’intimée servant sa propre cause.

Il s’ensuit que les témoignages recueillis et les autres éléments du dossier ne permettent pas d’établir, ni même de rendre vraisemblable, la réalité et la quotité des heures supplémentaires alléguées par l’intimée. Dans ces circonstances, il ne se justifie pas d’appliquer par analogie l’art. 42 al. 2 CO, de sorte que le jugement entrepris sera annulé et l’intimée déboutée de ses conclusions en rétribution d’heures supplémentaires.

Le chiffre 3 du dispositif du jugement attaqué, en tant qu’il condamne l’appelant à payer à l’intimée la somme de 304'694 fr. 85 au titre d’heures supplémentaires sera par conséquent annulé.

7.             Dans le jugement attaqué, Le Tribunal a estimé que l’intimée aurait eu droit, pendant la durée des relations contractuelles, à 51,2 semaines de vacances; or, elle n’avait bénéficié que de 27 semaines de vacances au total, selon ses propres allégations, de sorte qu’elle avait droit à une indemnité correspondant à 24,2 semaines de vacances non prises, correspondant à la somme brute de 19'270 fr. 50 sur la base d’un salaire hebdomadaire moyen de 796 fr. 30. L’appelant fait grief aux premiers juges d’avoir arbitrairement estimé le nombre de semaines de vacances non prises. Tout d’abord, le Tribunal avait faussement considéré que deux mois correspondaient à 8 semaines, alors qu’il s’agissait en réalité plutôt de 8 semaines et d’un supplément compris, en fonction des périodes de l’année, entre trois et six jours. Les premiers juges auraient par conséquent dû retenir, sur la base des déclarations de l’intimée, une durée totale de 29 semaines et un jour, soit 29,14 semaines. En outre, le Tribunal aurait également dû tenir compte des périodes de vacances des ambassadeurs, lors desquelles l’intimée était, elle aussi, en vacances. Enfin, le Tribunal avait omis de tenir compte du séjour de deux mois que l’intimée avait effectué en F______ entre le 31 octobre 2003 et le 1er janvier 2004, alors que celui-ci était établi par pièces et des déclarations du témoin O______, selon lesquelles les employés bénéficiaient de vacances chaque année. Par conséquent et selon l’appelant, les congés dont avait bénéficié l’intimée excédaient largement les exigences légales.

8.1.1 Les vacances peuvent se définir comme un certain nombre de jours de travail, fixés à l’avance, pendant lesquels le travailleur n’a pas à fournir de prestations de service, tout en percevant son salaire (Wyler/Heinzer, Droit du travail, 3ème éd. 2014, p. 384).

8.1.2 L'employeur accorde au travailleur, chaque année de service, quatre semaines de vacances dès l’âge de 20 ans (art. 23 CTT 2000, 24 CTT 2004, 21 CTT 2012).

La loi réglemente les vacances comme un droit contractuel du travailleur à une prestation de la part de l'employeur, et non comme une simple restriction des prestations dues par le travailleur. Il appartient dès lors à l'employeur de prouver le nombre de jours de vacances pris par le travailleur, non pas à ce dernier de prouver les jours de vacances non pris auxquels il avait droit (arrêt du Tribunal fédéral 4A_333/2009 du 3 décembre 2009 consid. 3 avec référence).

Tant que durent les rapports de travail, les vacances ne peuvent pas être remplacées par des prestations en argent (art. 329d al. 2 CO). En revanche, lorsque les vacances n'ont pas encore été prises à la fin des rapports contractuels, elles doivent être indemnisées en argent, ladite indemnité étant immédiatement exigible à la fin du contrat de travail (art. 329d al. 2 CO a contrario, art. 339 al. 1 CO; Wyler, op. cit., p. 582) et son ampleur correspondant au salaire pour la durée des vacances non prises; cela revient donc à payer le même salaire une deuxième fois, pour la durée en question (Portmann, Basler Kommentar, Obligationenerecht I, 2011, n. 11 ad art. 329d CO).

8.1.3 L’employeur fixe la date des vacances en tenant compte des désirs du travailleur, dans une mesure compatible avec les intérêts de l’entreprise ou du ménage (art. 329c al. 2 CO).

L’employeur doit également respecter un délai de préavis suffisant pour permettre au travailleur de s’organiser et de préparer ses vacances. En règle générale, les dates des vacances doivent être communiquées au travailleur trois mois avant qu’elles ne soient prises.

8.2 L’intimée a affirmé avoir pris trois semaines de vacances en 2005, deux mois en 2007, deux mois en 2009 et deux mois en 2011, sans mentionner de date, ce qui ne permet pas de calculer précisément le nombre total de semaines correspondantes.

Cela étant, la Cour rappelle qu’il appartient à l’employeur de prouver le nombre de jours de vacances pris par le travailleur, ce que l’appelant n’est pas en mesure de faire. Considérant que l’intimée avait droit, selon la CTT, à 4 semaines de vacances par année et que les vacances de deux mois dont elle a fait état ont été prises en 2007, 2009 et 2011, soit, sur cette période, chaque deux ans, il y a lieu de retenir, conformément à ce qu’a fait le Tribunal, que leur durée n’excédait pas huit semaines. Ainsi, les vacances alléguées par l’intimée correspondent à
27 semaines au total.

C’est en revanche à tort que le Tribunal n’a pas tenu compte du voyage que l’intimée a effectué en F______ entre le 31 octobre 2003 et le 1er janvier 2004, celui-ci ayant été attesté par la production de pièces. Cette durée correspond à
9 semaines, qu’il y a lieu d’ajouter aux 27 semaines retenues par le Tribunal, pour un total de 36 semaines de vacances prises.

C’est enfin à juste titre que le Tribunal n’a pas tenu compte des périodes (au demeurant peu précises) pendant lesquelles les ambassadeurs successifs se trouvaient eux-mêmes en vacances. En effet, il appartenait à l’appelant d’établir que l’intimée avait, durant les mêmes périodes, bénéficié de vacances, ce qu’il n’a pas été en mesure de faire. S’il va certes de soi que durant les absences de l'ambassadeur et de sa famille l’intimée avait moins de travail, il n’a en revanche pas été démontré qu’elle avait été totalement libérée de son obligation de travailler, étant relevé qu’il ne peut être a priori exclu qu’elle ait été, durant lesdites périodes, chargée d’effectuer certains travaux, tels que du nettoyage et de l’entretien de la résidence.

Il appartient par conséquent à l’appelant de rémunérer l’intimée pour un total de 15,2 semaines de vacances non prises (51,2 semaines – 36 semaines), ce qui correspond, selon les bases de calcul utilisées par le Tribunal et non contestées par l’appelant (soit un salaire hebdomadaire moyen de 796 fr. 30), à la somme brute de 12'103 fr. 75 (15,2 semaines X 796 fr. 30).

Ce montant portera intérêt à 5% dès le 30 novembre 2012, cette date n’ayant pas été contestée en appel.

Le chiffre 4 du dispositif du jugement attaqué sera par conséquent annulé et reformulé conformément à ce qui précède.

9. Dans le jugement litigieux, le Tribunal a retenu que l’intimée avait droit à une rémunération majorée pour 72 jours fériés durant lesquels elle avait travaillé.

L’appelant fait grief aux premiers juges de ne pas avoir tenu compte des excédents de congés, lesquels compensaient tous les jours fériés travaillés entre mars 2000 et la fin des rapports de travail. L’appelant ne saurait toutefois être suivi, dans la mesure où il a été retenu, sous chiffre 8 ci-dessus, que l’intimée n’avait pas bénéficié, pendant la durée des relations contractuelles entre les parties, de 15,2 semaines de vacances auxquelles elle aurait eu droit. Par conséquent et faute d’excédents de congé, le grief soulevé par l’appelant est infondé.

La condamnation de l’appelant à verser à l’intimée, à ce titre, la somme de
2'829 fr. 60 plus intérêts à 5% l’an dès le 1er février 2006 sera par conséquent confirmée, l’appelant n’ayant contesté ni le calcul opéré par le Tribunal, ni le point de départ des intérêts moratoires. Le montant en cause ayant été additionné, sous chiffre 3 du dispositif du jugement attaqué, aux heures supplémentaires retenues par le Tribunal et rejetées par la Cour, ledit chiffre 3 sera intégralement annulé, par souci de clarté et l’appelant condamné à payer à l’intimée le somme de 2'829 fr. 60 plus intérêts à 5% l’an dès le 1er février 2006.

10. 10.1 Les frais sont mis à la charge de la partie qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Lorsqu’aucune des parties n’obtient entièrement gain de cause, les frais sont répartis selon le sort de la cause (art. 106 al. 2 CPC).

Si l’instance d’appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC).

10.2 La quotité des frais judiciaires de la première instance, arrêtés par le Tribunal à 7’188 fr., a été calculée sur la base de la valeur initiale des conclusions prises par l’intimée, soit 507’212 fr. La Cour tiendra toutefois compte du fait que l’intimée a réduit ses conclusions devant le Tribunal à 398'716 fr. 96, de sorte que l’émolument forfaitaire de décision sera fixé à 2'500 fr. (art. 69 du Règlement fixant le tarif des frais en matière civile – RTFMC), auquel s’ajoutent des frais d’interprète en 660 fr. et les frais de traduction français-arabe, en 1'458 fr., engendrés par les démarches de notification par la voie diplomatique. Les frais judiciaires de première instance seront par conséquent arrêtés à 4'618 fr.

Les conclusions prises par l’intimée portaient sur une somme de l’ordre de 400'000 fr. Elle obtient in fine, à l’issue de la procédure de seconde instance, une somme totale d’environ 94'000 fr.

Au vu de ce qui précède, il se justifie de mettre à la charge de l’intimée les 3/4 des frais judiciaires de première instance, soit 3'464 fr., le solde, soit 1'154 fr. étant mis à la charge de l’appelant, lequel sera condamné à les verser à l’Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire.

L’intimée ayant été mise au bénéfice de l’assistance judiciaire, les frais mis à sa charge seront provisoirement supportés par l’Etat de Genève, sous réserve d’une décision du Service de l’assistance judiciaire.

10.2 En ce qui concerne les frais judiciaires d’appel, ils seront arrêtés à 2'500 fr. (art. 71 RTFMC).

L’appelant, qui considérait ne pas avoir la légitimation passive, n’a pas obtenu gain de cause sur ce point. En revanche, ses conclusions ont été suivies s’agissant des heures supplémentaires et en partie en ce qui concerne les vacances. Il se justifie par conséquent de faire supporter les frais d’appel aux parties à concurrence de la moitié chacune.

La part mise à la charge de l’appelant, en 1'250 fr., sera compensée à due concurrence avec l’avance de frais (en 4'000 fr.) versée, qui restera, dans cette mesure, acquise à l’Etat de Genève.

La part mise à la charge de l’intimée, en 1'250 fr., sera provisoirement supportée par l’Etat de Genève, compte tenu du bénéfice de l’assistance judiciaire.

Les Services financiers du Pouvoir judiciaire seront invités à restituer à l’appelant le solde de l’avance de frais en 2'750 fr.

Il ne sera pas alloué de dépens (art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 5 :

A la forme :

Déclare recevable l’appel interjeté par A______ contre le jugement JTPH/251/2017 rendu le 14 juin 2017 par le Tribunal des prud’hommes dans la cause C/27880/2013.

Au fond :

Annule les chiffres 3, 4, 7, 8, 9 et 10 du dispositif de ce jugement.

Cela fait et statuant à nouveau sur ces points :

Condamne A______ à payer à B______ la somme brute de 2'829 fr. 60 plus intérêts à 5% l’an dès le 1er février 2006.

Condamne A______ à payer à B______ la somme brute de 12'103 fr. 75 plus intérêts à 5% l’an dès le 30 novembre 2012.

Arrête les frais judiciaires de première instance à 4'618 fr.

Les met à la charge de B______ à concurrence de 3'464 fr. et dit qu’ils sont provisoirement supportés par l’Etat de Genève, compte tenu du bénéfice de l’assistance judiciaire.

Les met à la charge de A______ à concurrence de 1'154 fr.

Condamne en conséquence A______ à payer à l’Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, la somme de 1'154 fr.

Confirme le jugement attaqué pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 2'500 fr.

Les met à la charge des parties à concurrence de la moitié chacune.

Dit que la part, en 1'250 fr., mise à la charge de N______, sera provisoirement supportée par l’Etat de Genève.

Compense la part mise à la charge de A______ (en 1'250 fr.) avec l’avance de frais versée par celui-ci, qui reste, dans cette mesure, acquise à l’Etat de Genève.

Invite en conséquence les Services financiers du Pouvoir judiciaire, à restituer au A______ le solde de l’avance de frais en 2'750 fr.

Dit qu’il n’est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Madame Paola CAMPOMAGNANI, présidente; Monsieur Michael RÜDERMANN, juge employeur, Monsieur Willy KNOPFEL, juge salarié; Madame Véronique BULUNDE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.