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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/5785/2016

CAPH/50/2018 du 11.04.2018 sur JTPH/371/2017 ( OO ) , REFORME

Recours TF déposé le 23.05.2018, rendu le 23.10.2018, PARTIELMNT ADMIS, 4A_289/2018
Descripteurs : COMPÉTENCE RATIONE LOCI; COMPÉTENCE RATIONE LOCI; FORME ET CONTENU ; LIEU DE TRAVAIL ; SUCCURSALE
Normes : CPC.34; CPC.12
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/5785/2016-3 CAPH/50/2018

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU 11 avril 2018

 

Entre

A______ SA, sise ______ (Genève), appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 15 septembre 2017 (JTPH/371/2017), comparant par Me Marc MATHEY-DORET, avocat, MDC Avocats, rue De-Candolle 34, 1205 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

d'une part,

et

Monsieur B______, domicilié ______ (Lucerne), intimé, comparant par Me Lisa LOCCA, avocate, Etude Zellweger & Locca, rue de la Fontaine 9, 1204 Genève, en l'étude de laquelle il fait élection de domicile,

d'autre part.


EN FAIT

A.           Par jugement JTPH/371/2017 du 15 septembre 2017, reçu par les parties le 18 septembre 2017, le Tribunal des prud'hommes a déclaré irrecevable la demande formée le 6 septembre 2016 par A______ SA contre B______ (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais de la procédure à 5'249 fr., mis à la charge de A______ SA et compensés avec l'avance de frais, acquise à l'Etat de Genève à due concurrence (ch. 2 à 3), ordonné aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de restituer à A______ SA la somme de 4'751 fr. (ch. 5) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 6).

B.            a. Par acte déposé à la Cour de justice le 16 octobre 2017, A______ SA forme appel contre le jugement précité, dont elle requiert l'annulation. Elle conclut, avec suite de frais, à ce que la Cour dise que le Tribunal est compétent à raison du lieu pour trancher le litige et renvoie la cause à celui-ci pour instruction et jugement au fond.

B______ conclut à la confirmation du jugement attaqué, avec suite de frais.

Les parties ont été informées le 26 janvier 2018 de ce que la cause était gardée à juger, A______ SA n'ayant pas fait usage de son droit de répliquer.

C.           Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure.

a. B______ est actuellement domicilié à ______ (Lucerne). Jusqu'à une date qui ne résulte pas de la procédure, il était domicilié à ______ (Zoug).

Depuis 1994, il est administrateur unique de C______ AG, sise ______ à ______ (Zoug), active dans le commerce et la production d'instruments de mesure électronique et d'analyse chimique.

Jusqu'en avril 2008, il a été également administrateur unique de D______ AG (devenue E______ AG en mars 2008), inscrite le 27 juillet 2005 au Registre du commerce du canton de Zoug, société active dans le développement, la production et le commerce de produits pour la génération de gaz. Sa fille F______ a été fondée de pouvoir de cette société jusqu'en juin 2008.

En tout cas à partir du 1er octobre 2005, C______ AG a remis à bail à D______ AG un bureau dans ses locaux situés ______ à ______ (Zoug), adresse constituant ainsi le siège des deux sociétés.

b. Par convention du 19 mars 2008, B______ a vendu à G______SA, sise ______ à ______ (Genève), l'intégralité du capital-actions de D______ AG. Il a été convenu que celle-ci deviendrait E______ SA, que B______ assurerait à l'acheteuse sa pleine et entière collaboration dans le développement commercial de E______ SA et qu'il travaillerait à plein temps en qualité de directeur commercial de celle-ci pour une période minimum de quatre ans, les modalités de la collaboration devant être précisées dans un contrat de travail.

c. La nouvelle raison sociale, à savoir E______ SA, a été inscrite au Registre du commerce du canton de Zoug en mai 2008.

Le 26 mai 2008, une succursale de E______ SA, sise ______ à ______ (Genève), c/o G______SA, a été inscrite au Registre du commerce de Genève.

B______ a été inscrit audit Registre comme directeur de la succursale en août 2010.

d. Le 22 février 2012, E______ SA (dont l'adresse indiquée sur la première page du contrat est ______ (Genève)) et B______, ont signé un contrat de travail annulant et remplaçant les précédents contrat et avenants (non produits dans la procédure), lequel indique que l'employé avait été engagé pour une durée indéterminée dès le 1er avril 2008 en qualité de directeur commercial, fonction entrant dans la catégorie des cadres supérieurs. Son horaire était de 40 heures par semaine, réparties sur cinq jours.

Le contrat prévoyait une rémunération mensuelle comprenant 15'075 fr. brut versés treize fois l'an et 1'250 fr. à titre d'indemnité forfaitaire pour l'usage du véhicule privé à des fins professionnelles versée douze fois l'an. L'employé devait percevoir en outre une partie variable de salaire à compter du 1er avril 2012.

L'employé était affilié à la caisse de prévoyance professionnelle de I______.

Les parties faisaient "élection de for devant les Tribunaux de la République et Canton de Genève, sous réserve d'autres fors impératifs qui seraient prévus par la législation" (art. 20 du contrat).

Faisait partie intégrante du contrat notamment le règlement interne de G______SA, "site de Genève".

B______ était employé de "A______ basée à Genève" et à ce titre "affilié à la caisse de pension et l'AVS à Genève" (interrogatoire B______).

e. Après le rachat de la société en 2008, G______SA a "rapatrié toutes les activités commerciales" de E______ AG à Genève. Au moment de ce transfert, celle-ci comprenait deux personnes, à savoir B______ et sa fille F______, à laquelle G______SA a proposé de travailler à Genève, ce qu'elle a refusé. Suite à ce refus, F______ a cessé ses activités au sein de la société. Après le rachat, "il ne restait plus rien à ______ (Zoug)" (interrogatoire J______, administrateur président de E______ SA (devenue A______ SA) depuis mai 2008).

L'employeur a toutefois autorisé B______ à continuer à travailler en partie depuis le canton de Zoug, puisqu'il était propriétaire de C______ AG, avec laquelle G______SA était en étroite collaboration (interrogatoire J______). Ainsi, B______ a continué à occuper le bureau remis à bail par C______ AG à E______ SA, le bail relatif à ce bureau ayant été résilié par celle-ci le
28 janvier 2016 avec effet immédiat.

B______ se rendait à Genève environ deux fois par mois (témoins K______, L______ et M______). A ______ (Genève), il a occupé d'abord une place de travail dans la salle de réunion où il avait un poste informatique attitré, puis un bureau qui s'était libéré (témoin N______). Pour le reste, B______ voyageait beaucoup, à savoir en moyenne trois semaines par mois (témoin O______).

Sur les cartes de visite établies pour B______ lors du changement de logo de la société, à une date qui ne résulte pas de la procédure, seule l'adresse de la succursale de ______ (Genève) a été inscrite. Lesdites cartes mentionnaient, en plus des numéros de téléphone et de fax de la succursale, le numéro de téléphone de B______ à ______ (Zoug).

f. Par lettre recommandée du 14 janvier 2016 adressée à J______ au siège de la succursale, B______ a résilié, avec effet au 30 avril 2016, le contrat de travail le liant à E______ SA.

Parallèlement, il a informé le président du conseil d'administration de E______ SA, au siège de la succursale, de sa "démission en tant que membre du conseil d'administration" de la société "avec siège à ______ (Zoug) et à ______ (Genève)" avec effet immédiat.

g. Par courrier du 20 janvier 2016, E______ SA a résilié avec effet immédiat le contrat de travail la liant à B______.

h. E______ AG a été radiée le 22 avril 2016 du Registre du commerce du Canton de Zoug. Le même jour, elle a été inscrite au Registre du commerce de Genève sous la raison sociale A______ SA, sise ______ à ______ (Genève).

La succursale genevoise a été radiée à la même date.

i. Par acte déposé en conciliation le 4 mars 2016, ayant donné lieu à une autorisation de procéder du 19 mai 2016 et porté devant le Tribunal le 6 septembre 2016, A______ SA a conclu à ce que celui-ci dise et constate que le licenciement immédiat notifié à B______ le 20 janvier 2016 était fondé sur de justes motifs au sens de l'art. 337 al. 1 CO, et que celui-ci n'avait droit à aucune prétention au titre de l'art. 337c CO. La société a, en outre, conclu à ce que B______ soit condamné à lui verser la somme de 1'200'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 4 mars 2016, à titre de dommages-intérêts fondés sur l'art. 321e al. 1 CO.

Elle a fait valoir que la juridiction des prud'hommes de Genève était compétente en tant que lieu où le travailleur avait exercé habituellement son activité professionnelle. Elle a formé divers allégués à ce sujet.

Par ordonnance du 10 octobre 2016, le Tribunal a fixé à B______ un délai pour répondre.

j. Le 14 mars 2016, B______ a déposé devant le Tribunal du travail du canton de Zoug une action en paiement dirigée contre E______ AG (devenue A______ SA en avril 2016).

k Par courrier du 18 octobre 2016, B______ a soulevé devant le Tribunal de Genève une exception d'incompétence à raison du lieu, en contestant qu'il avait exercé habituellement son activité à Genève.

Il est admis que la procédure pendante dans le canton de Zoug a été suspendue jusqu'à droit jugé par la juridiction des prud'hommes genevoise sur ladite exception.

l. Par ordonnance du 26 octobre 2016, le Tribunal a annulé son ordonnance du
10 octobre 2016. Il a imparti à B______ un délai de 15 jours dès réception de celle-ci pour "remettre en double exemplaire au Tribunal l'exposé de ses motifs relatifs à une incompétence ratione loci de celui-ci", ainsi qu'un délai de 20 jours dès réception des écritures de B______ à A______ SA pour remettre au Tribunal ses déterminations sur lesdites écritures.

m. Par acte du 17 novembre 2016, rédigé sous forme de courrier, B______ a exposé qu'il se rendait à Genève "un à trois jours par mois au grand maximum". Ses venues n'étaient pas déterminées et il n'était pas tenu d'être présent à la succursale genevoise un nombre de jours fixe chaque mois. A Genève, il logeait à l'hôtel. Il faisait le déplacement uniquement lorsque sa présence était requise, soit pour le comité directeur qui se réunissait une fois par mois lorsqu'il ne se trouvait pas en voyage d'affaires à l'étranger, ou pour rencontrer certains clients.

Son bureau se trouvait à ______ (Zoug), lieu où il exerçait habituellement son activité professionnelle. Il ne disposait pas de bureau dans les locaux de l'entreprise à Genève. C'était pour cette raison d'ailleurs que figurait sur ses cartes de visite la ligne téléphonique de son bureau à ______ (Zoug). Il était fréquemment en voyage d'affaires et travaillait régulièrement depuis son domicile.

Ainsi, le centre effectif de ses activités professionnelles se situait à ______ (Zoug), endroit où se trouvait son bureau et où il accomplissait la majeure partie de son temps de travail.

En définitive, il a contesté la compétence à raison du lieu du Tribunal des prud'hommes de Genève et a conclu à ce que celui-ci se déclare incompétent.

Avec le courrier précité, B______ a déposé des pièces et une liste de témoins, auxquelles il a fait référence dans son exposé.

n. Dans ses déterminations du 9 décembre 2016, A______ SA a conclu au rejet de l'exception d'incompétence à raison du lieu. Dans la partie EN FAIT de son écriture, la société a exposé que l'employé n'avait pas formellement contesté les faits allégués dans la demande et pertinents pour trancher la question de la compétence à raison du lieu, de sorte que le Tribunal devait retenir que ces faits étaient admis. Par ailleurs, B______ n'avait pas allégué de faits de manière conforme à l'art. 121 (recte : 221) al. 1 let. d et e CPC. En tant que de besoin, A______ SA contestait tout passage de l'écriture de sa partie adverse susceptible d'être considéré comme un allégué de fait.

A______ SA a fait valoir que dans les cinq mois après l'acquisition de D______ AG par G______SA, toute l'activité de la première avait été regroupée à ______ (Genève). A ______ (Zoug), il ne restait plus aucune activité ni aucun collaborateur. Le département auquel B______ était rattaché et les collaborateurs avec lesquels il travaillait se trouvaient à ______ (Genève). Les séances de travail avec ceux-ci avaient lieu dans cette ville. Il en allait de même des séances de direction auxquelles B______ participait, des rencontres avec les clients et les représentants étrangers, ainsi que de la formation des clients. En outre, B______ était inscrit au Registre du commerce de Genève comme directeur de la succursale et était affilié au titre de l'AVS et du 2ème pilier auprès de caisses sises à Genève. Enfin, l'activité de B______ était essentiellement itinérante et ne pouvait ainsi pas être rattachée au bureau "historique" lié à son ancienne activité, quand bien même l'employeur lui avait permis de le conserver pour lui être agréable.

o. Par ordonnance du 20 janvier 2017, le Tribunal a limité la procédure à la question de la compétence à raison du lieu et imparti à A______ SA un délai de quinze jours pour déposer une liste de témoins concernant ladite question.

p. Par courrier du 2 février 2017, A______ SA a persisté à soutenir que sa partie adverse n'avait pas valablement contesté les allégués de la demande pertinents pour trancher la question de la compétence à raison du lieu, de sorte que ceux-ci devaient être considérés comme acquis. La cause était ainsi en état d'être jugée. Si le Tribunal devait ne pas être de cet avis, il était invité à rendre une ordonnance de preuve.

Avec ledit courrier, A______ SA a déposé une "liste de témoins sur exception d'incompétence ratione loci", dans laquelle elle a également proposé l'audition des parties. Elle a mentionné les allégués visés par les moyens de preuve proposés.

Par courrier du 6 février 2017, B______ a fait valoir que le délai qui lui avait été fixé pour répondre sur le fond avait été annulé, la procédure ayant été limitée à la question de la compétence à raison du lieu. Dans la mesure où il n'avait pas déposé de réponse, il ne pouvait pas être considéré qu'il avait admis les allégués de la demande.

q. Lors de l'audience de débats d'instruction du 4 avril 2017, les parties ont confirmé leurs conclusions.

Le Tribunal a acheminé les parties à prouver leurs allégations et à apporter la contre-preuve des faits allégués par la partie adverse, a admis, comme moyens de preuve, l'interrogatoire ou la déposition des parties, ainsi que l'audition des témoins proposés par les parties, et a ouvert les débats principaux.

r. Lors de l'audience de débats principaux du 21 juin 2017, le Tribunal a procédé à l'interrogatoire des parties et à l'audition de divers témoins. Les déclarations des parties et des témoins ont été intégrées dans la partie EN FAIT ci-dessus dans la mesure utile.

A l'issue de l'audience, les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions et la cause a été gardée à juger.

s. Dans le jugement attaqué, le Tribunal a considéré qu'il ne se justifiait pas d'écarter le contenu du courrier de B______ du 17 novembre 2016, bien que celui-ci ne respectait pas totalement les règles de forme en procédure ordinaire, dans la mesure où la question posée devait être examinée d'office et où les éléments de fait contestés étaient rapidement compris. Le Tribunal a ensuite procédé à une appréciation des preuves recueillies, pour retenir que l'employé se rendait en moyenne à Genève une à deux fois par mois et était en général dix jours par mois à l'étranger, durant toute la durée de ses rapports de travail. Le reste du temps, soit neuf jours par mois, il était à ______ (Zoug), soit un nombre plus important de jours qu'à Genève. Ainsi, A______ SA n'avait pas démontré que le lieu habituel de travail de B______ était Genève, de sorte que la demande devait être déclarée irrecevable.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable pour avoir été interjeté auprès de la Cour de justice (art. 124 let. a LOJ), dans le délai utile de trente jours et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1, 308 al. 1 let. a et 311 al. 1 CPC), à l'encontre d'une décision finale d'irrecevabilité de première instance (art. 236 al. 1 CPC), rendue dans une affaire dont la valeur litigieuse, compte tenu de l'ensemble des prétentions demeurées litigieuses en première instance, est supérieure à 10'000 fr. (art. 91 al. 1 et 308 al. 2 CPC).

1.2 Compte tenu de la valeur litigieuse, la cause est soumise à la procédure ordinaire (art. 219 ss CPC). Les maximes des débats (art. 55 al. 1 CPC) et de disposition (art. 58 al. 1 CPC) sont dès lors applicables.

1.3 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPCP; HOHL, Procédure civile, tome II, 2010, n° 2314 et 2416). Le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374, consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_238/2015 du
22 septembre 2015, consid. 2.2). Il applique le droit d'office (art. 57 CPC), sans être lié par les arguments de droit des parties. En particulier, la question de la compétence à raison du lieu doit être examinée d'office (art. 59 al. 2 let. b et
60 CPC), mais dans les limites des faits allégués et établis, dans la mesure où, comme indiqué, le litige est soumis à la maxime des débats.

2. L'appelante fait grief au Tribunal de ne pas avoir constaté d'emblée sa compétence à raison du lieu sur la base des faits qu'elle avait régulièrement allégués et qui n'avaient pas été valablement contestés par l'intimé.

2.1 La demande contient en particulier les allégations de fait et l'indication, pour chaque allégation, des moyens de preuve proposés (art. 221 al. 1 let. d et e CPC). L'art. 221 CPC s'applique par analogie à la réponse. Le défendeur y expose quels faits allégués dans la demande sont reconnus ou contestés (art. 222 al. 2 CPC).

Le droit fédéral ne précise pas strictement et de manière générale quelle forme particulière devraient revêtir les allégations de fait et les offres de preuve, ceci quand bien même, comme le souligne à juste titre une partie de la doctrine, le respect d'un format de présentation structuré en allégués distincts présente des avantages pratiques indéniables. La loi ne prévoit pas un nombre maximal de mots ou de phrases par allégation, pas plus qu'elle ne précise que chaque allégué ne devrait contenir qu'un seul fait, ni que les faits devraient impérativement être rangés en phrases numérotées. Cette solution est conforme au but de l'art.
221 al. 1 let. d et e CPC ainsi qu'à l'esprit dans lequel a été envisagé le CPC, à savoir répondre aux besoins de la pratique et, en présence de solutions différentes, privilégier la plus simple (arrêt du Tribunal fédéral 5A_213/2017 du 11 décembre 2017, destiné à la publication, consid. 4.1.3.5).

Par ailleurs, une contestation suffisante permet à la partie qui a la charge de la preuve de reconnaître lesquels de ses allégués doivent être plus amplement motivés et lesquels elle doit finalement prouver (arrêt du Tribunal fédéral 4A_281/2017 du 22 janvier 2018 consid. 4.3 et 4.4).

2.2 En l'espèce, l'acte du 17 novembre 2016 de l'intimé ne constituait pas une réponse à la demande au sens de l'art. 222 CPC, mais un exposé des motifs relatifs à la question de la compétence à raison du lieu, dont la production avait été ordonnée par le Tribunal par ordonnance du 26 octobre 2016.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, la loi n'impose aucune exigence de forme pour l'exposé ou la contestation des faits, ainsi que pour la présentation des moyens de preuve. L'exposé contenu dans le courrier en question a permis au juge et à la partie adverse de déterminer sur quels faits et sur quels moyens de preuve l'intimé fondait son exception d'incompétence. L'appelante a pu s'exprimer sur les faits allégués par sa partie adverse et offrir des contre-preuves. Les témoins figurant sur sa liste du 2 février 2017 ont tous été entendus par le Tribunal, qui a également procédé à l'interrogatoire des parties.

Son grief est donc infondé.

3. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir nié que l'intimé exerçait habituellement son activité à Genève. A son avis, c'est à tort que le Tribunal s'est borné à une approche strictement quantitative, sans tenir compte de l'élément essentiel qui résidait dans la nature de l'activité de l'intimé, autrement dit, sans prendre en considération la prestation caractéristique que ce dernier devait fournir.

3.1 Le tribunal du domicile ou du siège du défendeur ou celui du lieu où le travailleur exerce habituellement son activité professionnelle est compétent pour statuer sur les actions relevant du droit du travail (art. 34 al. 1 CPC).

La formulation de l'art. 34 al. 1 CPC est semblable à celle de l'art. 24 al. 1 aLFors, de sorte qu'il est possible d'appliquer la jurisprudence rendue au sujet de cette dernière disposition. En sus des fors spéciaux institués à l'art. 34 CPC figure un for additionnel au lieu de l'établissement ou de la succursale pour les actions liées aux activités de ceux-ci (art. 12 CPC). L'art. 34 al. 1 CPC instaure ainsi trois fors alternatifs: celui du domicile ou du siège du défendeur, celui du lieu où le travailleur exécute habituellement son travail et celui du lieu de l'établissement ou de la succursale de l'employeur-défendeur (Wyler/Heinzer, Droit du travail, 3ème éd. 2014, p. 746).

Le lieu de travail habituel se détermine d'après les circonstances concrètes du cas d'espèce. Il se trouve là où se situe le centre de l'activité effective du travailleur. Un lieu de travail temporaire et fugace ne fonde pas de compétence selon l'art.
34 CPC. Ce for, à l'inverse du siège de l'entreprise, n'est pas lié à un critère formel, mais à un lien effectif entre le lieu d'exercice du rapport de travail et le lieu du tribunal compétent. Pour cette raison, un lieu de travail hypothétiquement prévu par les parties n'entre pas en considération lorsqu'aucun travail effectif n'y a été exécuté. Il s'agit de déterminer le lien effectif et intense du rapport de travail concret (arrêt du Tribunal fédéral 4A_236/2016 du 23 août 2016 consid. 2, 5.5.1 et 5.5.2; Witzig, Le for du lieu habituel de travail; analyse de l'arrêt du Tribunal fédéral 4A_236/2016, Newsletter DroitDuTravail.ch, décembre 2016).

En outre, les actions découlant des activités commerciales ou professionnelles d'un établissement ou d'une succursale peuvent être portées devant le tribunal du lieu où le défendeur a son établissement ou sa succursale (art. 12 CPC).

Au lieu de la succursale, il est possible de présenter en justice des prétentions contractuelles, lorsque le contrat a été conclu avec du personnel de la succursale ou qu'il concerne spécifiquement la succursale (arrêt du Tribunal fédéral 5A_437/2016 du 2 décembre 2016 consid. 2.2). Il s'agit des litiges survenus dans le cadre de l'exploitation de la succursale ou de l'établissement. Il n'est pas nécessaire que les contrats litigieux aient été signés au lieu de la succursale ou qu'ils aient dû y être exécutés par la suite. Sont aussi considérées comme des affaires de la succursale celles qui sont traitées à partir du siège principal, mais sont en relation directe avec l'activité de la succursale. Ce serait en particulier le cas des rapports de travail avec des employés qui ont travaillé dans la succursale (Donzallaz, Commentaire de la loi fédérale sur les fors en matière civile, Berne 2001, n° 45 et 46 ad. art. 5 aLFors).

3.2 En l'espèce, il est admis que l'intimé, domicilié d'abord dans le canton de Zoug, ensuite dans le canton de Lucerne, a été employé de l'appelante "basée à Genève". A ce titre, il a été affilié à une caisse de compensation et à une caisse de pension dans le canton de Genève. Il en outre été directeur de la succursale de l'appelante, succursale qui avait son siège dans le canton de Genève. Le contrat signé en 2012 mentionne expressément comme adresse de l'employeur le siège de la succursale et prévoit que le règlement interne de G______SA, "site de Genève", fait partie intégrante du contrat. En tant que directeur de la succursale, l'intimé, qui avait un statut de cadre, était tenu de participer aux séances de direction à Genève lorsqu'il n'était pas en déplacement professionnel. Lors du changement de logo de la société, ses cartes de visite ne mentionnaient plus que l'adresse de la succursale de l'appelante. Lorsqu'il a résilié le contrat de travail, il a adressé son courrier au siège de la succursale et non pas au siège principal, étant précisé que l'appelante avait transféré toute son activité à Genève. L'intimé n'a pas prétendu que d'autres collaborateurs que lui étaient restés à ______ (Zoug). Il sied enfin de relever que les parties ont expressément convenu dans le contrat du 22 février 2012 que tout litige serait soumis aux tribunaux genevois. Ceux-ci correspondent en tout cas au for de la succursale, qui représente l'un des trois fors alternatifs admis par la loi.

Il résulte des circonstances qui précèdent que l'intimé a été intégré dans l'organisation de la succursale genevoise de l'appelante. Le litige soumis au Tribunal concerne ainsi spécifiquement ladite succursale, même si l'intimé a conservé un bureau dans le canton de Zoug, bureau qui était loué à l'appelante par la société sise à ______ (Zoug) dont l'intimé est administrateur unique.

En définitive, il apparaît que les premiers juges étaient compétents en tant que tribunal du for du lieu de la succursale.

Il est ainsi superflu de déterminer si Genève représentait également le lieu où l'intimé exerçait habituellement son activité professionnelle.

Le jugement attaqué sera par conséquent annulé et il sera dit que la demande formée par l'appelante à l'encontre de l'intimé est recevable.

Les prétentions de l'appelante n'ayant pas été examinées par le Tribunal, la cause sera renvoyée à celui-ci pour éventuel complément d'instruction et nouvelle décision (art. 318 al. 1 let. c ch. 1 CPC).

4. 4.1 Si l'instance d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC).

En cas de décision incidente (art. 237 CPC), les frais encourus jusqu'à ce moment peuvent être répartis (art. 104 al. 2 CPC).

En l'espèce, l'appelante a versé une avance de 10'000 fr. et le Tribunal a fixé à 5'249 fr. les frais judiciaires de l'incident, montant qui n'est pas contesté dans sa quotité.

Lesdits frais seront mis à la charge de l'intimé, qui succombe et compensés avec l'avance de frais précitée, qui demeure acquise à l'Etat de Genève à due concurrence (art. 111 al. 1 CPC). L'intimé sera condamné à verser 5'249 fr. à l'appelante à ce titre (art. 111 al. 2 CPC). Le solde, à savoir 4'751 fr., sera conservé par le Tribunal à titre d'avance pour les frais de la procédure au fond.

4.2 Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 5'000 fr. (art. 7 et 71 RTFMC), mis à la charge de l'intimé, qui succombe (art. 106 al .1 CPC), et compensés avec l'avance de frais effectuée par l'appelante, qui demeure acquise à l'Etat de Genève, à due concurrence (art. 111 al. 1 CPC).

L'intimé sera condamné à verser 5'000 fr. à l'appelante et les Services financiers du Pouvoir judiciaire seront invités à restituer 5'000 fr. à l'appelante.

Il ne sera pas alloué de dépens (art. 22 al.2 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 3 :

A la forme :

Déclare recevable l'appel formé le 16 octobre 2017 par A______ SA contre le jugement JTPH/371/2017 rendu le 15 septembre 2017 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/5785/2016-3.

Au fond :

Annule ce jugement et, statuant à nouveau :

Déclare recevable la demande formée devant le Tribunal des prud'hommes par A______ SA à l'encontre de B______.

Arrête les frais judiciaires de première instance à 5'249 fr., les met à la charge de B______ et les compense avec l'avance de frais de 10'000 fr., qui demeure acquise à l'Etat de Genève à due concurrence.

Condamne B______ à verser à A______ SA la somme de 5'249 fr.

Renvoie la cause au Tribunal des prud'hommes pour instruction complémentaire éventuelle et nouvelle décision.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 5'000 fr., les met à la charge de B______ et les compense avec l'avance de frais, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève à due concurrence.

Condamne B______ à verser à A______ SA la somme de 5'000 fr.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer 5'000 fr. à A______ SA.

 

 

 

 

 

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Monsieur Claudio PANNO, juge employeur; Madame Agnès MINDER JAEGER, juge salariée; Madame Véronique BULUNDWE-LEVY, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.