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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/4875/2016

CAPH/200/2017 du 06.12.2017 sur JTPH/114/2017 ( OS ) , PARTIELMNT CONFIRME

Descripteurs : AUGMENTATION(EN GÉNÉRAL); SALAIRE ; ÉGALITÉ DE TRAITEMENT ; PROTECTION DE LA PERSONNALITÉ ; RÉSILIATION ABUSIVE ; LOI FÉDÉRALE SUR L'ÉGALITÉ ENTRE FEMMES ET HOMMES ; GROSSESSE ; INDEMNITÉ(EN GÉNÉRAL)
Normes : CO.322; CO.328; CO.336; LEG.3.1; CO.336a;
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/4875/2016-4 CAPH/200/2017

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU 6 décembre 2017

 

Entre

A______, sise ______ (GE), appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 16 mars 2017 (JTPH/114/2017), comparant par Me Guillaume FRANCIOLI, avocat, 100 rue du Rhône, 1204 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

d'une part,

et

B______, domiciliée ______ (GE), intimée, comparant par Me Philippe EIGENHEER, avocat, Rue Bartholoni 6, Case postale 5210, 1211 Genève 11, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

d'autre part.


EN FAIT

A.           Par jugement du 16 mars 2017 JTPH/114/2017, le Tribunal des prud'hommes a déclaré irrecevable la demande formée le 13 juin 2016 par B______ à l'encontre de la A______ en tant qu'elle tend au paiement d'une provision sur vente de biens immobiliers (ch. 1 du dispositif), déclaré recevable cette demande pour le surplus (ch. 2) et au fond, condamné A______ à payer à B______ la somme brute de 7'000 fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 1er février 2013 (ch. 3), invité la partie qui en a la charge à opérer les déductions sociales et légales usuelles (ch. 4), condamné A______ à payer à B______ la somme de 33'500 fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 1er décembre 2015 (ch. 5) et débouté les parties de toutes autres conclusions, la procédure étant gratuite, des dépens n'étant pas alloués (ch. 6 à 8).

En substance, le Tribunal a retenu qu'ayant été promue au titre de mandataire commerciale, B______ aurait eu droit à une augmentation de salaire de 200 fr. par mois. Celle-ci ne lui ayant pas été versée, A______ devait être condamnée à lui payer la somme de 7'000 fr. à ce titre, pour la période concernée. Pour le surplus, le Tribunal a considéré que le licenciement de B______ était abusif dans la mesure où il avait été donné suite au congé maternité de cette dernière, sans qu'un autre motif ne puisse être valablement retenu. Par conséquent, une indemnité à hauteur de 33'500 fr. au titre de réparation pour licenciement abusif lui a été octroyée.

Ce jugement a été communiqué aux parties le 16 mars 2017 pour notification.

B. Par acte expédié le 1er mai 2017 et reçu par le greffe de la Cour le 3 mai 2017, A______ a formé appel contre ce jugement, concluant à l'annulation de celui-ci, sous réserve du chiffre 1 de son dispositif, et au déboutement de l'intimée de toutes ses conclusions. Elle fait grief au Tribunal d'avoir constaté les faits de manière inexacte en retenant, d'une part, le droit à l'augmentation de salaire de l'intimée de 200 fr. par mois suite à sa nomination en qualité de mandataire commerciale et de ne pas avoir retenu que des motifs économiques justifiaient le congé donné. Elle lui reproche également plusieurs violations du droit soit, notamment, relativement au droit à une augmentation de salaire retenue. En outre, elle lui reproche la violation des art. 335 et 336 CO, ainsi que des dispositions de la Loi fédérale sur l'égalité, répétant sa position selon laquelle l'intimée avait été licenciée pour des motifs économiques et non pas du fait de sa maternité. Elle lui reproche en outre le fait d'avoir retenu que la manière dont le congé avait été donné était également abusive, des solutions de replacement au sein de l'entreprise lui ayant été proposées à l'employée. Enfin, elle fait grief au Tribunal d'avoir violé l'art. 336a CO en fixant le montant de l'indemnité tel qu'il l'a fait, un montant maximum de 13'000 fr., soit deux mois de salaire, devant, le cas échéant, être retenu si le jugement devait être confirmé pour le surplus.

Par réponse déposée au greffe de la Cour le 7 juin 2017, l'intimée a conclu au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement attaqué pour les motifs retenus par le Tribunal. Elle relève que le motif économique du licenciement n'est que fictif.

Les parties ayant renoncé à répliquer et dupliquer, la cause a été gardée à juger par la Cour.

C. Les faits encore pertinents en appel suivants ressortent pour le surplus de la procédure :

a. A______ est une société anonyme de droit suisse dont le but est la gestion et administration de tous biens mobiliers et immobiliers, tant pour son propre compte que pour le compte de tiers et toutes prestations de service et de conseil dans le domaine immobilier; son siège est à Genève.

B______ a été engagée par la A______, en qualité d'assistante administrative au service de courtage, à compter du 8 mars 2010, par contrat de travail à durée indéterminée signé le 18 février 2010.

Le salaire mensuel convenu était de 5'500 fr. brut perçu treize fois l'an.

A compter du 1er janvier 2012, B______ a été nommée assistante de direction "______" et son salaire augmenté à 6'500 fr. par mois.

Par courrier du 14 décembre 2012, C______, directeur, et D______, sous-directrice du service des ressources humaines, ont confirmé à B______ sa "nomination au titre de mandataire commerciale" dès le 1er janvier 2013, précisant que le courrier tenait lieu d'avenant à son contrat de travail.

Deux autres employées de même niveau et de même ancienneté, nommées mandataires commerciales à compter du 1er janvier 2013, ont, dès cette date, perçu une augmentation de salaire de 200 fr. par mois. Selon l'appelante leurs salaires étaient antérieurement de l'ordre de 5'000 fr. à 5'500 fr., soit inférieures à celui de l'intimée.

Dans une note interne intitulée "Salaire B______" datée du 29 juillet 2014, rédigée par C______ à l'attention de E______, administrateur de la société, le directeur a indiqué que B______ souhaitait que son salaire soit augmenté à 7'800 fr. dès le 1er septembre 2014. Il a également précisé qu'elle avait été nommée mandataire commerciale sans augmentation de salaire, ce qui n'était pas dans les habitudes de la société. Il a indiqué souhaiter récompenser la fidélité de B______. Il a souligné l'implication entière de l'employée dans la mise en place de plusieurs projets, le fait qu'elle gérait très bien son travail d'assistante de direction et traitait également toutes les promotions à ses côtés et qu'elle ne rechignait jamais sur des heures supplémentaires, ni le travail du week-end.

b. B______ est tombée enceinte en juillet 2014, grossesse qu'elle a annoncé à son employeur en septembre 2014. L'annonce de sa grossesse a entraîné un bouleversement et une dégradation de ses conditions et rapports de travail. La note du 29 juillet 2014 n'a notamment jamais été transmise par le directeur à l'administrateur. En octobre 2014, C______ l'avait privée de ses tâches et responsabilités.

Dans son rapport d'évaluation pour l'année 2014, B______ a indiqué que la charge de travail durant l'année avait été importante, mais qu'elle avait eu du plaisir à s'occuper des différents projets. L'annonce de sa grossesse en septembre 2014 avait "tout chamboulé" et elle s'était sentie "transparente" depuis lors. Elle avait eu droit à des remarques discriminatoires de la part de l'un de ses collègue, sa demande d'augmentation avait été refusée, alors qu'une note interne avait été préparée à l'attention de l'administrateur pour en faire la demande; il en avait été de même concernant sa nomination au titre de fondé de pouvoir et sa demande d'un bonus supplémentaire.

B______ a été en incapacité de travail à 100% à compter du 3 février 2015 jusqu'au terme de sa grossesse.

B______ a donné naissance à son enfant le 18 mars 2015.

Par courrier du 26 mars 2015, la A______ a indiqué à B______ que son congé maternité prenait fin le 7 juillet 2015 et que la reprise de son activité était prévue pour le 8 juillet 2015.

Par mail du 1er mai 2015, B______ a souhaité prolonger son congé maternité par des vacances et reprendre son activité le 1er septembre 2015, ce qui a été accepté par l'employeur.

Le 22 juin 2015, B______ a eu un entretien avec C______ qui ne s'est pas opposé à une activité à temps partiel et l'a invitée à lui communiquer ses propositions d'horaire.

Par mail du 30 juillet 2015, B______ a proposé de reprendre son activité à 70% et a précisé l'horaire souhaité.

Par mail du 10 août 2015, la A______ a demandé à l'employée de venir dans ses bureaux le 17 août 2015 pour "discuter de son contrat de travail".

c. Lors de l'entretien du 17 août 2015, la A______ a licencié B______ avec effet au 30 novembre 2015, décision qu'elle a confirmée par courrier recommandé du 19 août 2015, invoquant des motifs économiques et la suppression de son poste.

Le 27 août 2015, la A______ a mis en concours sur son site internet, un poste d'assistante administrative et engagé une personne pour ce poste le 5 octobre 2015 dans le même service.

Par courrier du 17 novembre 2015, B______, s'est opposée à son licenciement, qualifié d'abusif.

Le 7 décembre 2015, la A______, sous la plume de son conseil, a contesté le caractère abusif du licenciement et a déclaré avoir licencié B______ pour des raisons économiques. Durant son absence, elle avait été remplacée par une jeune assistante administrative. Ce remplacement était a priori temporaire, le temps pour B______ de reprendre son poste. En août 2015, il était apparu que le chiffre d'affaires du département "______" n'était pas en ligne avec les objectifs fixés. La société avait alors décidé de maintenir en poste l'assistante administrative dont le salaire était inférieur à celui de B______.

d. Par requête de conciliation déposée au greffe du Tribunal des prud’hommes le 7 mars 2016, B______ a assigné A______ en paiement de la somme de 47'200 fr., à titre d'indemnité pour licenciement abusif et de solde de salaire, plus intérêts moratoires.

Une audience de conciliation s'est tenue le 17 mai 2016, en vain, de sorte qu'à l'issue de celle-ci, une autorisation de procéder a été délivrée.

e. Par demande déposée au greffe du Tribunal des prud’hommes le 13 juin 2016, B______ a assigné A______ en paiement de la somme de 47'200 fr. Ladite somme se décompose comme suit :

- 40'200 fr. net, à titre d'indemnité pour licenciement abusif, plus intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er décembre 2015;

- 7'000 fr. brut, à titre de salaire, plus intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er janvier 2013;

Le 19 septembre 2016, l'appelante s'est opposée à la demande concluant à son déboutement.

La nomination au titre de mandataire commercial n'entraînait pas automatiquement une augmentation de salaire. Aucune mention d'augmentation n'avait été faite sur l'avenant du contrat de travail du 14 décembre 2012.

Si les compétentes professionnelles de la demanderesse n'avaient jamais été remises en cause, son entente avec certains autres collègues était difficile. C'est pour des raisons économiques et du fait de difficultés relationnelles avec ses collègues que la demanderesse avait été licenciée. B______ n'avait ainsi été licenciée ni du fait de sa grossesse, ni à titre de représailles contre des prétentions par ailleurs infondées.

L'introduction d'un nouveau programme informatique au sein de la société avait conduit à une diminution de postes et à la création d'autres postes au front office. La société n'ayant plus eu besoin de B______ dans la fonction qu'elle exerçait avant sa grossesse, lui avait proposé le poste d'assistante de direction au sein du département gérance qui ne lui avait pas été attribué en raison du taux d'activité désiré de 70% à son retour de congé maternité.

f. Le Tribunal a entendu les parties le 22 novembre 2016, audience lors de laquelle B______ a confirmé que le poste en question au sein de l'appelante lui avait été proposé à un taux d'activité de 80%. Il lui avait cependant été demandé de revenir en juin 2015, soit avant la fin de son congé maternité, ce qu'elle n'avait pas voulu.

Les représentants de la défenderesse ont confirmé les termes de la réponse. Ils ont déclaré que la qualité du travail de B______ n'avait jamais été contestée. Ils ont répété que l'employée avait été licenciée uniquement pour des motifs économiques. Au back office du département de C______, le personnel avait été réduit, notamment en raison d'un nouveau programme informatique. Après le licenciement de la demanderesse, il n'y avait plus eu d'assistante de direction avec le titre de mandataire commercial.

Ils ont déclaré en outre que si d'autres collaborateurs avaient bénéficié de l'augmentation de 200 fr. suite à leur nomination comme mandataires commerciaux, cela avait été pour aligner leurs salaires sur celui de certains courtiers.

g. Le Tribunal a procédé en outre à l'audition de témoins. Le témoin F______, ancien employé de l'appelante, a déclaré qu'une certaine G______ avait remplacé B______, lors de son congé maternité, puis avait continué à exercer les tâches de la demanderesse après son licenciement. Il avait constaté un changement d'attitude de C______ à l'égard de B______, à l'annonce de sa grossesse. Plus la grossesse avançait, plus il lui retirait ses tâches. L'employée avait de moins en moins de choses à faire. Ce retrait des tâches avait débuté bien avant que l'employée ne réduise son taux d'activité pour raison de santé. Il se souvenait d'être arrivé dans le bureau de l'employée qui travaillait à 100% et qui lui avait dit qu'elle n'avait rien à faire, ce qui n'était jamais arrivé avant l'annonce de sa grossesse. Le témoin avait également constaté des attitudes désagréables de la part du directeur à l'encontre de B______ dans sa manière d'être et de parler.

Le témoin H______, directeur financier de A______ depuis janvier 2016, avait constaté une réduction de la masse salariale du personnel administratif en 2015.

Le témoin I______, avait travaillé pour la A______ de novembre 2009 à fin septembre 2016. Elle avait été licenciée à son retour de congé maternité, tout comme la demanderesse et les employées, J______, K______, L______ et M______.

Le témoin N______, travaillait pour la A______ en qualité de courtier depuis janvier 2012. B______ avait été licenciée à la fin de son congé maternité, mais il ignorait pourquoi. Le nombre d'assistantes administratives avait diminué depuis l'arrivée du témoin dans la société. Il y avait alors six assistantes et six courtiers; actuellement ils étaient cinq courtiers et quatre assistantes. Il ne pensait pas que la A______ était confrontée à des difficultés économiques. L'organisation de la société avait dû être améliorée, notamment par l'introduction d'un programme informatique de 2013 à 2015.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et incidentes de première instance lorsque dans les affaires patrimoniales la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 CPC).

Il peut être formé pour violation du droit et constatation inexacte des faits
(art. 310 CPC). Ecrit et motivé, l'appel doit être introduit auprès de l'instance d'appel dans les trente jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 311 al. 1 CPC).

La notification intervient au moment de la remise de l'envoi recommandé au destinataire (art. 138 al. 1 et 2 CPC). Le délai d'appel déclenché par la notification commence à courir dès le lendemain de celle-ci (art. 142 al. 1 CPC).

Selon l'art. 145 al. 1 let. a CPC, les délais légaux ne courent pas du 7ème jour avant Pâques au 7ème jour qui suit Pâques inclus.

1.2 En matière de contrat de travail, la Chambre des Prud'hommes de la Cour de justice est l'instance d'appel compétente à Genève pour connaître d'un appel dirigé contre un jugement du Tribunal des Prud'hommes (art. 124 let. a LOJ).

1.3 En l'espèce, la voie de l'appel est ouverte dès lors que la valeur litigieuse au dernier état des conclusions soit en fin de première instance était supérieure à 10'000 fr. En outre, introduit dans la forme prescrite par la loi auprès de l'instance cantonale compétente et dans le délai prévu (la notification ayant eu lieu le 17 mars 2017 le délai pour recourir arrivait à échéance le 1er mai 2017), l'appel est recevable.

2. L'appelante reproche en premier lieu au Tribunal plusieurs constatations inexactes des faits soit notamment d'avoir retenu que suite à sa nomination en qualité de mandataire commerciale l'intimée avait droit à une augmentation de salaire de 200 fr. par mois, ainsi que de ne pas avoir retenu que le motif du congé était de nature économique au vu de la baisse de la marche des affaires et enfin d'avoir interprété faussement la politique de l'appelante concernant les femmes ayant eu des enfants.

2.1 Dans le cadre de l'application de l'art. 310 let. b CPC, l'autorité d'appel dispose d'un pouvoir d'examen complet de la cause. Cela ne signifie toutefois pas qu'elle est tenue de rechercher elle-même, comme une autorité de première instance, toutes les questions de faits et de droit qui se posent lorsque les parties ne les posent plus en deuxième instance. Hormis les cas de vices manifestes, elle doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4).

2.2 Dans le cas d'espèce, les critiques formulées par l'appelante dans son chapitre consacré "constatation inexacte des faits" ne relèvent pas d'une critique relative à cette constatation par hypothèse inexacte. En effet, elles relèvent bien plutôt toutes de la question de l'appréciation de ces faits par le Tribunal et se recoupent par conséquent avec les critiques émises relatives à la violation du droit.

A ce stade, la Cour relève que la manière dont les critiques ont été émises par l'appelante à l'égard du Tribunal frise l'inconvenance et aurait pu justifier un renvoi d'écriture à son expéditeur au sens de l'art. 132 al. 2 CPC. En effet, l'utilisation des expressions "interprétation malveillante", "il est scandaleux", "inadmissible", "insinuations", n'ont pas leur place dans un mémoire d'appel à l'adresse de l'autorité judiciaire cantonale supérieure en tant qu'elles visent une critique d'une décision judiciaire de première instance.

3. Cela étant, l'appelante fait pour le surplus grief au Tribunal d'avoir violé
les art. 322 et 328 CO (égalité de traitement), en retenant que l'intimée avait droit, du fait de sa nomination en qualité de mandataire commerciale, à une augmentation de salaire de 200 fr. par mois comme toutes les personnes nommées à ce titre au sein de l'appelante précédemment.

3.1 Aux termes de l'art. 322 al. 1 CO, l'employeur paie au travailleur le salaire convenu, usuel ou fixé par un contrat type de travail ou par une convention collective.

La jurisprudence a rappelé que la rémunération du travailleur obéit en règle générale en droit suisse au principe de la liberté contractuelle (ATF 122 III 110 consid. 4b; STAEHELIN, Zürcher Kommentar V 2c, 2006 n° 19 ad art. 322 CO).

Selon l'art. 328 al. 1 CO, l'employeur protège et respecte dans les rapports de travail la personnalité du travailleur; il manifeste les égards voulus pour sa santé, veille au maintien de la moralité (…).

Le principe d'égalité de traitement des travailleurs déduit du devoir de protection découlant de l'art. 328 CO ne contient pas d'obligation pour l'employeur de mettre sur pied d'égalité les travailleurs dans tous les domaines mais interdit seulement, selon la doctrine dominante, à l'employeur de discriminer le travailleur, c'est-à-dire de placer ce dernier sans motif objectif dans des conditions moins favorables que la majorité des autres travailleurs. Dans ce sens, le devoir d'égalité de traitement est une concrétisation de l'interdiction de l'abus de droit. Sa portée ne doit, par ailleurs, pas être surestimée dans la mesure où dans ce domaine, la liberté contractuelle prévaut sur le devoir d'égalité de traitement (ATF 129 III 276; STAEHELIN, op. cit. n. 10 ad art. 328 CO).

3.2 En l'espèce, aucune des parties ne conteste, ce qu'a retenu le Tribunal, que l'intimée avait été promue au grade de mandataire commerciale à compter du
1er janvier 2013. Deux autres employées également promues à ce grade au même moment que l'intimée avaient perçu une augmentation de salaire de 200 fr. par mois. Une telle augmentation avait également, au regard des pièces produites à la procédure, été envisagée en faveur de l'intimée. L'appelante a exposé au cours de la procédure que si l'intimée n'avait finalement pas obtenu cette augmentation cela avait trait à diverses raisons, et notamment au fait que la demande d'augmentation n'avait pas été proposée à l'administrateur, ce qui ne mettait pas l'intimée dans une situation de discrimination à l'égard des autres employés de la société ayant un grade similaire.

Comme relevé plus haut, le montant du salaire relève essentiellement de la liberté contractuelle (hors cas de convention collective notamment), sous réserve du fait que l'employé soit mis dans une situation de discrimination par rapport à d'autres employés du même employeur exerçant des fonctions similaires et ce sans motif. Dans le cas présent, force est d'admettre avec l'appelante que, d'une part, le processus visant à une éventuelle augmentation de salaire de l'intimée n'a pas abouti et que celle-ci ne pouvait pas prétendre à un droit à obtenir l'augmentation de salaire en question du fait de sa seule promotion à un grade supérieur. Force est d'admettre également que le fait que cette augmentation n'ait pas été couplée avec la promotion au grade de mandataire commerciale ne plaçait pas l'intimée dans une situation de discrimination interdite à l'égard d'autres employés ayant le même grade au sein de la même entreprise, son salaire ayant été augmenté à deux reprises depuis son entrée en fonction et apparaissant avoir été supérieur, ou en tous les cas égal, à ceux des autres mandataires commerciaux concernés.

Par conséquent, sur ce point, l'appel doit être admis et le jugement querellé annulé.

4. L'appelante reproche, en outre, au Tribunal d'avoir violé les art. 335, 336 CO et les dispositions de la Loi fédérale sur l'égalité en ayant retenu que le congé donné à l'intimée était abusif tant sur le fond que sur la forme, celui-ci ayant été donné en raison de la grossesse de l'intimée, le motif économique invoqué étant fictif.

4.1 Selon l'art. 335 al. 1 CO, le contrat de travail conclut pour une durée indéterminée peut être résilié par chacune des parties; en droit suisse du travail, la liberté de la résiliation prévaut de sorte que pour être valable, un congé n'a en principe pas besoin de reposer sur un motif particulier. Le droit fondamental de chaque co-contractant de mettre unilatéralement fin au contrat est cependant limité par les dispositions sur le congé abusif (art. 336 ss CO) (ATF 136 III 513 consid. 2.3).

L'art. 336 al. 1 et 2 CO énumère les cas dans lesquels la résiliation est abusive; cette liste n'est toutefois pas exhaustive et une résiliation abusive peut être admise aussi dans d'autres circonstances (ATF 132 III 115 consid. 2.1). Il faut cependant que ces autres situations apparaissent comparables par leur gravité aux cas expressément envisagé par l'art. 336 CO. Ainsi, un congé peut être abusif en raison de la manière dont il est donné, parce que la partie qui donne le congé se livre à un double-jeu, lorsque le congé est donné par un employeur qui viole les droits de la personnalité du travailleur, lorsqu'il y a une disproportion évidente des intérêts en présence ou lorsqu'une institution juridique est utilisée contrairement à son but (ATF 132 III 115 cité consid. 2.2 et 2.4; 131 III 535 consid. 4.2).

S'agissant des cas de congés abusifs prévus spécialement par la loi, l'art. 336 al. 1 let. d CO prévoit que le congé est abusif lorsqu'il est donné parce que l'autre partie fait valoir de bonne foi des prétentions résultant du contrat de travail. Pour que ces dispositions soient applicables il faut que l'autre partie ait eu la volonté d'exercer un droit (arrêt du Tribunal fédéral 4C_237/2005 du 27 octobre 2005 consid. 2.3). Il faut encore qu'il ait été de bonne foi, même si sa prétention en réalité n'existait pas (arrêt du Tribunal fédéral 4C_237/2005 cité).

Selon l'art. 336 al. 1 let. a CO, le congé est également abusif lorsqu'il est donné pour une raison inhérente à la personnalité de l'autre partie (…). Est compris dans cette définition le congé donné en raison de la grossesse de la travailleuse. Dans ce dernier cas, les prescriptions de la Loi fédérale sur l'égalité (RS 151.1) sont relevantes (STAEHELIN, Zürcher Kommentar Obligationenrechts V 2C 2014 ad art. 336 CO n. 9).

Au sens de l'art. 3 al. 1 LeG, il est interdit de discriminer les travailleurs à raison du sexe (…) ou, s'agissant de femmes, de leur grossesse. L'interdiction de toute discrimination s'applique (…) notamment à la résiliation des rapports de travail (al. 2). Pour le surplus, les art. 5 al. 2 et 9 renvoient au Code des obligations.

Pour déterminer si un congé est abusif, il convient de se fonder sur son motif réel (arrêt du Tribunal fédéral 4A_485/2015 du 15 février 2016 consid. 3.1). Il doit par ailleurs exister un lien de causalité entre le motif répréhensible et le licenciement. En d'autres termes, il faut que le motif illicite ait joué un rôle déterminant dans la décision de résilier le contrat (arrêt du Tribunal fédéral 4A_437/2015 du 4 décembre 2015 consid. 2.2.2).

La partie qui résilie abusivement le contrat doit verser à l'autre une indemnité pouvant aller jusqu'à six mois de salaire (art. 336a CO).

En application de l'art. 8 CC, c'est en principe à la partie qui a reçu son congé de démontrer que celui-ci est abusif (ATF 123 III 246 consid. 4b). Dans ce domaine, la jurisprudence a tenu compte des difficultés qui pouvaient y avoir à apporter la preuve d'un élément subjectif, à savoir le motif réel de celui qui a donné congé. Selon le Tribunal fédéral, le juge peut présumer en fait l'existence d'un congé abusif lorsque l'employé parvient à présenter des indices suffisants pour faire apparaître comme non réel le motif avancé par l'employeur. Si elle facilite la preuve, cette présomption de fait n'a pas pour résultat d'en renverser le fardeau. Elle constitue en définitive une forme de "preuves par indices" (ATF 130 III 699 consid. 4.1; CAPH/156/2017 du 3 octobre 2017 consid. 4.1.2).

4.2 En l'espèce, le grief de l'appelante est motivé par le fait que selon elle l'intimée a été licenciée pour des motifs économiques et non en raison de sa grossesse comme retenu par le Tribunal. Elle reproche au Tribunal de ne pas avoir tenu compte de ses allégations à ce propos, ainsi que du témoignage de certains de ses employés.

Ce grief tombe à faux. Dans le cadre de sa libre appréciation des preuves
(art. 157 CPC), le Tribunal a détaillé les raisons qui lui ont permis d'aboutir à la conclusion que le licenciement était essentiellement dû au fait de la grossesse de l'employée et sans relation avec le motif allégué par l'employeur. Il a pour cela procédé à une analyse de la situation et des témoignages recueillis qui ne prêtent aucun flanc à la critique et que la Cour fait sienne. Il a notamment constaté que non seulement n'avaient pas été démontrées les difficultés économiques alléguées de l'appelante mais, d'autre part, que le nombre de collaborateurs du service dans lequel travaillait l'intimée n'avait pas évolué alors que la recourante avait été remplacée par la personne qui avait assumé ses fonctions lors de son congé maternité.

Il ressort tout à fait clairement, par ailleurs, de l'instruction menée par le Tribunal, qu'alors qu'elle était appréciée de ses collègues et de ses supérieurs tant pour son caractère que pour son travail, l'intimée s'est vue déchargée petit à petit des tâches qui étaient les siennes dès l'annonce de sa grossesse, les relations entre le directeur et elle s'étant tendues dès ce moment-là, les employés de la cellule dans laquelle l'intimée était active ayant constaté ce changement d'attitude à son égard.

Il en découle que le motif de congé allégué par l'appelante ne trouve aucun appui dans le dossier, et que, par contre, la grossesse de l'intimée était bien la cause de son licenciement. Le licenciement donné pour ce motif (caché) doit dès lors être considéré comme abusif et donnant lieu à l'ouverture des droits prévus par l'art. 336a al. 2 CO.

Point n'est besoin de déterminer si en plus le congé a été donné d'une manière abusive à ce stade. Cette manière pourra cependant avoir une influence sur le montant de l'indemnité à verser à l'employée. En outre, point n'est besoin de se déterminer comme l'a fait le Tribunal sur l'existence d'une éventuelle "politique" discriminatoire de l'appelante relative aux collaboratrices ayant eu des grossesses.

5. En dernier lieu, l'appelante fait grief au Tribunal d'avoir violé l'art. 336a al. 2 CO cité précédemment quant au montant de l'indemnité fixée. Elle expose qu'une indemnité maximale de deux mois de salaire, soit 13'000 fr., serait due en cas d'admission du caractère abusif du congé.

5.1 Comme on l'a dit précédemment, selon l'art. 336a al. 1 CO, la partie qui résilie abusivement le contrat doit verser à l'autre une indemnité. Selon l'al. 2 de cette disposition, l'indemnité fixée par le juge compte tenu de toutes les circonstances; toutefois elle ne peut dépasser le montant correspondant à six mois de salaire du travailleur (…).

Le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation en la matière. Il doit notamment tenir compte de la gravité de la faute de l'employeur, de la gravité de l'atteinte à la personnalité du travailleur, de l'intensité et de la durée des rapports de travail, des effets économiques du licenciement, de l'âge et de la situation personnelle du travailleur, des conditions existantes sur le marché du travail, de la situation économique des parties et d'une éventuelle faute concomitante du travailleur (STAEHELIN, op. cit. ad art. 336a CO n.7; PORTMANN/RUDOLF, Basler Kommentar Obligationenrechts I 2015 ad art. 336a CO n.2; ATF 123 111 255; ATF 119 II 161).

5.2 La recourante critique essentiellement le fait que le Tribunal ait retenu contre elle une politique discriminatoire envers les collaboratrices ayant eu des grossesses dans le cadre de la fixation de l'indemnité. Quant à lui, le Tribunal avait retenu, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation pour fixer le montant de l'indemnité, d'une part, que le licenciement était abusif tant au fond qu'à la forme, et qu'il avait eu un impact économique négatif sur la demanderesse et sa famille, celle-ci n'ayant retrouvé un poste qu'à 40% à l'issue de son instruction. Il a par ailleurs retenu un impact sur la santé psychologique de l'intimée, le licenciement ayant entraîné une incapacité de travail totale pendant un mois.

Même si la Cour ne retient pas expressément l'existence d'une "politique" de l'appelante visant la cessation des rapports de travail avec les femmes ayant eu des grossesses, force est d'admettre que le déroulement des faits ayant abouti à la mise à pied injustifiée de l'intimée constitue une faute importante de l'employeuse. Il n'est pas contesté que cette faute a abouti à ce que cette dernière subisse un impact économique négatif ainsi qu'un impact sur sa santé psychologique. La Cour relève à ce stade que la durée des rapports de travail avec l'intimée a été de cinq ans, que celle-ci donnait pleine satisfaction et avait des rapports cordiaux tant avec ses collègues qu'avec son directeur. Il ressort également du dossier que l'employée se consacrait pleinement à son travail, l'appelante lui ayant confié régulièrement des responsabilités croissantes ainsi que deux augmentations de revenus. L'intimée n'avait dès lors aucune raison d'envisager qu'elle puisse être licenciée. L'on ne peut retenir à son égard d'autre part aucune faute concomitante.

Enfin, la Cour partage l'analyse du Tribunal quant à la manière abusive dont le congé a été donné. En effet, alors que pendant son congé maternité et en vue de l'organisation de la reprise de son travail, l'employée avait proposé une reprise à temps partiel admise sur le principe par l'employeur, celui-ci l'a convoquée pour "discuter de son contrat" à une séance lors de laquelle celle-ci a été licenciée. Cette manière de procéder, qualifiée à juste titre de duplicité par le Tribunal, confirme également un comportement abusif.

Il en découle que l'indemnité de cinq mois de salaire fixée par le Tribunal pour licenciement abusif peut être confirmée.

Dans la mesure où l'augmentation mensuelle de 200 fr. réclamée par l'intimée n'a pas été quant à elle confirmée, le montant dû sera de 32'500 fr.

En définitive, l'appel est partiellement admis. Les chiffres 3 à 5 du dispositif du jugement seront annulés et reformulés pour plus de clarté.

6. Il n'est pas perçu d'émoluments ni fixé de dépens (art. 71 RTFMC et 22
al. 2 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 4 :

A la forme :

Déclare recevable l'appel déposé le 1er mai 2017 par la A______ contre le jugement JTPH/114/2017 rendu le 16 mars 2017 par le Tribunal des Prud'hommes dans la cause C/4875/2016-4.

Au fond :

Annule les chiffres 3 à 5 du dispositif du jugement et cela fait :

Condamne la A______ à payer à B______ la somme nette de 32'500 fr. plus intérêts à 5% dès le 1er décembre 2015.

Dit que la procédure est gratuite.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Monsieur Michel BOHNENBLUST, juge employeur; Madame Christine PFUND, juge salariée, Madame Véronique BULUNDWE-LEVY, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.