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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/3483/2016

CAPH/65/2017 du 18.04.2017 sur JTPH/424/2016 ( OO ) , CONFIRME

Descripteurs : CALCUL DU DÉLAI ; DROIT DU TRAVAIL
Normes : CPC.142.1; CPC.142.2; CPC.209.3
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/3483/2016-5 CAPH/65/2017

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU 18 avril 2017

 

Entre

A______, sise ______ (GE), appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 17 novembre 2016, comparant par Me Yves Magnin, avocat, rue de la Rôtisserie 2, case postale 3809, 1211 Genève 3, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

d'une part,

et

B______, domiciliée ______ (GE), intimée, comparant par Me Eric Beaumont, avocat, rue de Candolle 16, 1205 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

d'autre part.


EN FAIT

A.           a. Le 17 février 2016, B______ a déposé en conciliation devant le Tribunal des prud'hommes une action d'une valeur litigieuse de 41'781 fr. 28 dirigée contre A______.

Vu l'échec de la tentative de conciliation, une autorisation de procéder a été délivrée à B______ le 14 avril 2016.

b. Par acte remis à la Poste suisse le 16 août 2016, B______ a porté l'action devant le Tribunal des prud'hommes.

B.            Par jugement JTPH/424/2016 du 17 novembre 2016, reçu par les parties le lendemain, le Tribunal des prud'hommes a notamment déclaré recevable la demande en paiement déposée le 16 août 2016 par B______ à l'encontre de A______.

Le Tribunal a considéré que le délai de trois mois de l'art. 209 al. 3 CPC avait été respecté, puisqu'il avait échu le 16 août 2016.

C. a. Par acte déposé le 19 décembre 2016 au greffe de la Cour de justice, A______ (ci-après: l'appelante) conclut préalablement à ce que la Cour ordonne "la suspension de la procédure C/3483/2016/5 sur le fond jusqu'à droit connu quant à la recevabilité de la demande". Au fond, elle requiert l'annulation du jugement attaqué et conclut, avec suite de frais et dépens, à l'irrecevabilité de la demande.

b. Dans sa réponse du 17 janvier 2016, B______ (ci-après: l'intimée) conclut à la confirmation du jugement attaqué et à la condamnation de A______ aux frais de la procédure, comprenant 2'916 fr. à titre de dépens, pour lesquels elle produit une note de frais honoraires de son conseil du 16 janvier 2017.

c. Les parties ont répliqué, respectivement dupliqué, en persistant dans leurs conclusions.

d. Elles ont été informées le 13 février 2017 de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable pour avoir été interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 124 let. a LOJ), dans le délai utile de 30 jours (art. 311 al. 1 CPC) et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 CPC) à l'encontre d'une décision incidente (art. 237 et 308 al. 1 let. a CPC) rendue par le Tribunal des prud'hommes dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse est, compte tenu des conclusions de la demande en paiement, supérieure à 10'000 fr. (art. 91 et
308 al. 2 CPC).

1.2 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

1.3 La valeur litigieuse étant supérieure à 30'000 fr., la procédure est soumise aux maximes des débats et de disposition (art. 55 CPC cum art. 247 al. 2 let. b ch. 2 CPC et art. 58 CPC). La procédure ordinaire est applicable
(art. 219 et ss CPC).

2.             La conclusion préalable de l'appelante n'est pas compréhensible et n'est pas motivée. Elle est donc irrecevable. Si elle vise l'effet suspensif, il est rappelé que l'appel a un tel effet de plein droit (cf. art. 315 al. 1 CPC).

3.             L'appelante fait valoir que le délai de trois mois pour porter l'action devant le Tribunal a commencé à courir le 14 avril 2016 et est arrivé à échéance le 14 juillet 2016. Elle soutient que l'art. 142 al. 1 CPC n'est pas applicable au délai fixé en mois et que selon l'art. 209 al. 3 CPC, en relation avec l'art. 142 al. 2 CPC, ledit délai expire le jour du dernier mois correspondant au jour où l'autorisation de procéder a été délivrée.

L'intimée soutient qu'en application de l'art. 142 al. 1 CPC, le délai a commencé à courir le lendemain de la délivrance de l'autorisation de procéder et n'a pas couru du 15 juillet au 15 août inclus (art. 145 al. 1 let. b CPC).

3.1 L'existence d'une autorisation de procéder valable, c’est-à-dire non périmée, est une condition de recevabilité de la demande qui doit être vérifiée d'office par le Tribunal (Bohnet, in Code de procédure civile commenté, 2011, n° 64 à 66 ad art. 59 CPC).

En cas d'échec de la conciliation, le demandeur est en droit de porter l'action devant le tribunal dans un délai de trois mois à compter de la délivrance de l'autorisation de procéder (art. 209 al. 3 CPC). Le délai pour déposer la demande devant le juge compétent court dès la notification de l'autorisation de procéder (ATF 140 III 227 consid. 3.1, 138 III 615 consid. 2.3). La demande doit être remise au plus tard le dernier jour du délai soit au tribunal soit à l'attention de ce dernier à la poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (cf. art. 143 al. 1 CPC).

Selon l'art. 142 al. 1 CPC, les délais déclenchés par la communication ou la survenance d'un événement courent dès le lendemain de celles-ci. L'al. 2 de
l'art. 142 CPC prévoit que lorsqu'un délai est fixé en mois, il expire le jour du dernier mois correspondant au jour où il a commencé à courir. En l'absence d'une telle date, il expire le dernier jour du mois.

A cet égard, le projet de CPC s'est écarté de la formulation de l'avant-projet, qui prévoyait au contraire une échéance dudit délai au "jour du dernier mois qui correspond à la date à laquelle il a été communiqué" sans que le Message indique d'ailleurs les motifs de ce changement (Tappy, in Code de procédure civile commenté, 2011, n°17 ad. art. 142).

Contrairement à l'art. 31 aLP, à la jurisprudence antérieure (par ex. ATF 131 V 314 consid. 4.6) et à l'avant-projet du CPC, le texte de l'art. 142 CPC ne limite pas expressément aux délais fixés en jours le report du point de départ au lendemain (ABBET, Délais, féries et suspensions en droit des poursuites et en procédure civile, in JdT 2016 II 72, p. 79).

La question de savoir si l'art. 142 al. 2 CPC est une disposition spéciale par rapport à l'al. 1, de sorte qu'il ne pourrait y avoir de cumul des dispositions est discutée en doctrine (Hofmann/Lüscher, Le code de procédure civile, 2ème éd., 2015, p. 114 et note 364 pour la référence à un auteur qui résume les positions doctrinales).

Le Tribunal fédéral a eu l'occasion de préciser que le délai fixé en jours de l'art. 209 al. 4 CPC (30 jours pour porter l'action devant le tribunal dans les litiges relatifs aux baux à loyer ou à ferme d'habitations ou de locaux commerciaux et aux baux à ferme agricoles) commence à courir le lendemain de la réception de l'autorisation de procéder, conformément à l'art. 209 al. 4 CPC en liaison avec l'art. 142 al. 1 CPC. Par ailleurs, le Tribunal fédéral a jugé, en relation avec la suspension des délais, que l'art. 145 al. 1 CPC s'applique tant au délai ordinaire de trois mois qu'au délai plus court concernant les litiges en matière de bail, en soulignant qu'une différenciation entre les divers délais de l'art. 209 CPC n'entre pas en ligne de compte (ATF 138 III 615 consid. 2.3).

Au vu de ce qui précède, il y a lieu de retenir que la détermination du point de départ du délai de l'art. 209 al. 3 CPC se fait en appliquant les règles générales des
art. 142 et ss CPC (dans le même sens: TC/FR du 31 mars 2015 (101 2015 9) consid. 2c; OGer/ZH du 17 février 2015 (LB 140093-0) consid. 4 et TA/TI du
28 octobre 2016 (11.2014.44) consid. 3c).

3.2 En l'espèce, l'autorisation de procéder a été délivrée le 14 avril 2016, de sorte que le délai pour porter l'action devant le Tribunal a commencé à courir le lendemain, à savoir le 15 avril 2016. Ce délai devait expirer le jour du dernier mois correspondant au jour où il a commencé à courir, à savoir le 15 juillet 2016. Il a cependant été suspendu du 15 juillet au 15 août inclus, pour venir à échéance le 16 août 2016.

Dans la mesure où il n'est pas contesté que la demande en paiement a été remise à un office postal à cette date, c'est à bon droit que le Tribunal l'a déclarée recevable.

Le jugement attaqué sera ainsi confirmé.

4. L'intimée, qui invoque l'art. 115 CPC et dépose une note de frais honoraires, requiert la condamnation de l'appelante au paiement des frais judiciaires, ainsi que l'octroi de dépens. Elle fait valoir que l'appel est téméraire, car dénué de la moindre chance de succès.

4.1 L'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais.

A teneur de l'art. 71 RTFMC, il n'est, dans les causes soumises à la Chambre des prud'hommes, pas prélevé de frais judiciaires lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, la valeur litigieuse est inférieure ou égale à 50'000 fr.

En outre, l'art. 22 al. 2 LaCC prévoit qu'il n'est pas alloué de dépens ni d'indemnité pour la représentation en justice dans les causes soumises à la juridiction des prud'hommes.

Toutefois, selon l'art. 115 CPC, les frais judiciaires peuvent, même dans les procédures gratuites, être mis à la charge de la partie qui a procédé de façon téméraire ou de mauvaise foi. Procède notamment de la sorte la partie qui interjette un recours dépourvu de la moindre chance de succès ou qui soutient en procédure une thèse si évidemment mal fondée que toute personne raisonnable s'en abstiendrait (TAPPY, op. cit., n. 4 ad art. 115 CPC et les références citées). Le juge applique l'art. 115 CPC avec retenue (RüEGG, BSK ZPO, 2013, n. 2 ad
art. 115 CPC). Selon la lettre claire de l'art. 115 CPC, cette disposition ne n'applique qu'aux frais judiciaires (art. 95 al. 2 CPC) et non aux dépens
(art. 95 al. 3 CPC; TAPPY, op cit., n. 9 ad art. 115 CPC).

4.2 En l'espèce, la question soumise à la Cour n'a pas été tranchée de manière claire par le Tribunal fédéral et la doctrine est partagée. Ainsi, il ne peut être retenu que l'appelante aurait procédé de façon téméraire. Il ne se justifie donc pas de mettre à sa charge les frais judiciaires.

De même, il ne se justifie pas de la condamner à s'acquitter de dépens en faveur de l'intimée. L'art. 115 CPC, dont les conditions ne sont en tout état pas réunies, ne s'appliquent en effet qu'en matière de frais judiciaires. Il n'y a en conséquence pas lieu de s'écarter de l'art. 22 al. 2 LaCC qui exclut l'octroi de dépens dans les procédures prud'homales.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 5 :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 19 décembre 2016 par A______ contre le jugement JTPH/424/2016 rendu le 17 novembre 2016 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/3483/2016-5.

Au fond :

Confirme le jugement attaqué.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires ni alloué de dépens.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Monsieur Bernard JEANNERET, juge employeur; Madame Shirin HATAM, juge salariée; Madame Véronique BULUNDWE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000.- fr.