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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/13079/2009

CAPH/189/2010 (2) du 15.11.2010 sur TRPH/264/2010 ( CA ) , REFORME

Descripteurs : ; CONTRAT INDIVIDUEL DE TRAVAIL ; AGENT DE SECURITE ; CONVENTION COLLECTIVE DE TRAVAIL ; ABANDON D'EMPLOI ; RÉSILIATION IMMÉDIATE ; INDEMNITÉ(EN GÉNÉRAL) ; DROIT AU SALAIRE
Normes : CO.337; CO.337c; CO.337d; CC.8; CCNT.7
Résumé : Contrairement aux premiers juges, la Cour considère que T, agent de sécurité, n'a pas été licencié avec effet immédiat dès lors que l'employeur s'est borné à lui écrire, quelques jours après le soi-disant licenciement, en lui reprochant d'avoir abandonné son poste et qu'aucune lettre de licenciement n'a été notifiée à T. La Cour relève également que E n'était pas fondé in casu à retenir que T avait abandonné son poste. En revanche, en persistant à dénoncer un abandon de poste, E avait manifesté implicitement sa volonté de résilier le contrat de travail, ce que T avait bien compris puisqu'il avait ensuite restitué son matériel.
En droit
Par ces motifs

E___

Dom. élu : DAS Protection juridique SA

Chemin des Poteaux 10

Case postale 144

1213 Petit-Lancy 1

 

Partie appelante

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

D'une part

Monsieur T___

Dom. élu : Syndicat SIT

Rue des Chaudronniers 16

Case postale 3287

1211 Genève 3

 

 

 

Partie intimée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

D'autre part

 

 

 

 

ARRÊT

 

du 15 novembre 2010

 

 

M. Richard BARBEY, président

 

 

Mme Ruth SCHMID et M. Franco MAURI, juges employeurs

 

Mme Paola ANDREETTA et M. Patrice MARRO, juges salariés

 

 

Mme Chantal MARGAND, greffière d'audience

 

 

 


 

EN FAIT

 

 

A/a. Spécialisée dans les services de sécurité, d'enquêtes privées et de renseignements commerciaux, E___ à Carouge, représentée par son associé gérant A___, a engagé T___, né en 1956, à compter du 1er août 2005 comme agent de sécurité professionnel fixe en contrepartie d'un salaire mensuel brut de 4'590 fr. auquel s'ajoutaient des participations de 133 fr. à ses cotisations d'assurance perte de gain en cas de maladie et de 65 fr. à ses frais de téléphone portable, apparemment de marque Motorola, connecté à la ligne no 079 756 76 54 dont il était le titulaire (pv du 6.10.2010 p. 1-2; pièces 21-33 déf; 10-11 app.).

 

Le 22 octobre 2008, après avoir perdu un important mandat de surveillance, l'employeur a licencié l'employé par courrier du 22 octobre 2008 pour la fin de l'année, en lui offrant un nouveau contrat de travail en tant qu'agent auxiliaire de sécurité rétribué désormais à raison de 21 fr. 80 brut par heure d'activité, plus 8,33% pour ses vacances, représentant un total de 23 fr. 62. S'y ajoutaient encore une indemnité de 10% pour le travail de nuit, les dimanches et les jours fériés, ainsi qu'une participation mensuelle de 65 fr. aux frais de son téléphone portable, pour un minimum de 30 heures de travail. T___ a accepté la proposition et a fourni ses services sur cette base à partir du 1er janvier 2009 (pièces 2 dem; 1 app; pv du 30.8.2010 p. 1-2).

 

Un certificat de travail favorable lui a été délivré le 2 janvier 2009 (pièce 13 dem.).

 

b. De janvier à mai 2009, l'employé a perçu les sommes brutes de 1'922 fr 39, 1'128 fr. 11, 1'869 fr. 85, 801 fr. 82 et 2'614 fr. 34, tout en bénéficiant parallèlement d'allocations de chômage (pièces 5-9 dem; pv du 14.9.2009 p. 2).

 

B/a. Le jeudi 4 juin 2009, T___ a effectué son service sur le site 447 de E___ correspondant au magasin B à la rue du Z___.

 

Selon les instructions de son employeur, il devait être présent entre 20 h. et 22 h. La mise sous alarme du magasin ne devait être faite que cinq à dix minutes au maximum avant la fin de son service; il lui incombait alors de contrôler pendant deux minutes l'enclenchement du système, puis de vérifier durant trois minutes qu'il n'y avait pas d'alarme. Les collaborateurs de E___ n'étaient en aucun cas autorisés à quitter le site avant la fin de ces étapes (pièce 12 app.).

 

La mise sous alarme du «B___» est intervenue à 21 h. 53 39'' et T___ a confirmé à la centrale de surveillance C___ que l'opération avait été exécutée, en téléphonant depuis le magasin. A 21 h. 53 54'', une alarme effraction s'est enclenchée. C___ a alors appelé E___, pour se faire rappeler par son collaborateur qui avait déjà quitté les lieux. A___ a cherché à joindre T___ sur son téléphone portable no 079 756 76 54 et lui a laissé des messages lui demandant de le rappeler rapidement, puis sur la ligne de téléphone fixe no 022 348 88 30 qu'il avait indiqué dans sa demande tendant à la délivrance de sa carte de légitimation en tant qu'agent de sécurité. Personne n'a répondu.

 

A 22 h. 10, E___ a rappelé C___, en lui demandant de suivre la consigne prévue dans un tel cas. Un agent de la société d'intervention D___ s'est rendu au «B___», a vérifié que tout était en ordre et a quitté les lieux à 22 h. 40 (pièce 13 app; courrier déf. du 29.10.2009 au Tribunal avec annexes; pv du 24.9.2009 p. 3-4; du 8.10.2010 p. 2 et 4).

b. T___ a expliqué avoir perdu l'usage de son téléphone portable, après l'avoir laissé choir dans une cuvette de WC au «B___» dans la soirée du 4 juin 2009. Ayant mis le magasin sous alarme et averti C___, il avait, à l'entendre, quitté les lieux et était revenu dans les bureaux de E___ vers 22 h. 20, pour y laisser les clés du commerce. Aucune autre personne ne s'y trouvait. Il n'a alors pas remarqué que l'alarme silencieuse du «B___» s'était enclenchée sur le tableau de l'agence et est ensuite reparti, pour regagner son domicile.

 

Le lendemain matin, l'employé s'est rendu chez SWISSCOM et a reçu gratuitement, sans avoir à signer un formulaire, un téléphone portable de remplacement semble-t-il de marque Samsung, déjà partiellement chargé et connecté sur sa ligne 0___. Selon son dire, il n'avait alors pas tenté d'écouter sa boite vocale, même si, contrairement à ce qu'il pensait, celle-ci avait pu enregistrer des messages laissés par des tiers durant le temps pendant lequel son ancien Natel était resté inutilisable (pv du 24.9.2009 p. 1; du 6.10.2010 p. 2 et 4).

 

A___ et son fils F___ n'ont de leur côté pas cherché à joindre l'employé par téléphone le vendredi 5 juin 2010 ou le jour suivant, contrairement à ce qu'ils ont exposé en première instance (pv du 24.9.2009 p. 5-6; du 6.10.2010 p. 2).

 

c. Le samedi 6 juin 2010 entre 17 h et 19 h., T___ a assuré son service à la centrale d'achat du «B___» à Carouge, puis est revenu ramener les clés à l'agence de sécurité, où il n'a rencontré ni A___, ni son fils (mém. du 20.5.2010 p. 3; pv du 30.8.2010 p. 5; du 6.10.2010 p. 3).

 

d. La direction du «B___» a appelé l'associé gérant de E___ le mardi 9 juin au sujet de l'incident survenu le jeudi précédent, en attirant son attention sur le fait que le collaborateur chargé d'assurer la fermeture du magasin était arrivé avec les mains libres au début du service, tandis qu'il était reparti en tenant un cornet du «B___ », comme le révélait le film enregistré par la ou les caméras de surveillance installées à l'entrée réservée au personnel.

 

A___ a interrogé T___ le même jour, lorsqu'il est arrivé à l'agence en fin d'après-midi, pour reprendre son service avant de se rendre au «B___» à la rue du Z___. L'employé lui a expliqué le problème rencontré le 4 juin 2009 en raison de son téléphone portable devenu inutilisable. L'associé gérant lui a demandé pourquoi il n'était pas parvenu à le joindre sur son téléphone fixe et qui était l'abonné à ce numéro. L'employé a refusé de répondre, en objectant qu'il s'agissait là de sa sphère privée, a pris les clés du magasin et a quitté l'agence, pour commencer son service prévu durant la soirée (mém. du 20.5.2010 p. 3; pv du 24.9.2009 p. 2-3, 5; du 6.10.2010 p. 3; pièces 14-16 app.).

 

Voulant savoir ce qui s'était passé, A___ a appelé le responsable de la formation de son personnel, G___, et lui a demandé de le retrouver au «B___» pour remplacer T___. Arrivé au magasin vers 18 h. 45, il a demandé à ce dernier de le rejoindre à l'agence trois quarts d'heure plus tard pour un entretien. Il souhaitait également faire signer à son interlocuteur un formulaire pour le renouvellement de sa carte de légitimation en tant qu'agent de sécurité. A l'entendre, l'employé a refusé de le suivre à l'agence, a posé les clés du magasin et les carnets de rapports, puis a quitté le «B___», en ajoutant qu'il ne reviendrait plus.

 

T___ a contesté cette version des faits. A l'entendre, A___ lui avait indiqué, en le retrouvant au magasin, qu'il était «relevé de ses fonctions». Il lui avait en conséquence restitué les clés du commerce ainsi que les carnets de service, avant de regagner son domicile (pv du 24.9.2009 p. 2-3, 5; du 30.8.2010 p. 2).

 

G___ n'a pas entendu l'employeur dire à l'employé durant la conversation, qu'il était relevé de ses fonctions. Ce dernier s'était énervé au dire du témoin, avait posé les clés du «B___» ainsi que les carnets, puis était parti en déclarant qu'il ne reviendrait pas (pv du 30.8.2010 p. 2-3).

 

T___ a avisé un de ses collègues de travail, H___, vraisemblablement le 9 ou le 10 juin 2009, que son employeur venait de le licencier (pv du 24.9.2009 p. 4).

 

e. Le 9 juin 2009, A___ a demandé à un autre de ses collaborateurs, I___, d'exécuter les missions confiées à T___, si celui-ci ne se présentait pas le lendemain à l'agence de sécurité. I___ n'a toutefois pas eu à assurer ce remplacement, confié en définitive à J___; ce dernier n'a quant à lui pu se rappeler s'il s'agissait d'une mission qu'il devait exécuter dans tous les cas ou seulement si T___ ne se présentait pas. Toujours dans le même but, A___ a encore approché un troisième employé, H___, qui a décliné la proposition de remplacement au motif qu'il se trouvait à la fin d'une période d'incapacité pour cause de maladie (pv du 24.9.2009 p. 4; du 30.8.2010 p. 3-4).

T___ ne s'est pas présenté le 10 juin 2009 pour prendre son service, ni le jour suivant (pv du 6.10.2010 p. 3)

 

f. Dans un courrier recommandé du 12 juin 2009, A___ a rappelé à T___ les évènements survenus depuis la semaine précédente ainsi que ses absences à compter du 10 juin. Il concluait dès lors que l'employé avait abruptement cessé sans juste motif son activité d'agent de sécurité et l'invitait en conséquence à se présenter le 1er juillet, au terme de la période prévue pour ses vacances entre le 24 et le 30 juin, afin de restituer son matériel professionnel; un décompte de salaire devait également être établi à cette occasion (pièces 3 dem;.19 dem.).

 

Par lettre du 18 juin 2009, le syndicat SIT a contesté au nom de l'employé que ce dernier ait abandonné son poste de travail, en objectant qu'il avait au contraire été licencié avec effet immédiat; une procédure prud'homale allait donc être introduite à ce propos. Le syndicat a pour le surplus réclamé le versement de 343 fr. 55 (32 fr. 22 + 311 fr. 33), essentiellement dû pour des jours fériés travaillés (pièce 4 dem; pv du 30.8.2010 p. 4).

 

E___ a répliqué une semaine plus tard. Estimant que son collaborateur n'avait pas révélé ce qui s'était réellement passé, elle a requis un compte-rendu écrit de l'incident du 4 juin 2010, puis a annoncé que des frais seraient réclamés si une action judiciaire était intentée (pièce 10 dem.).

 

g. T___ n'est pas parti comme prévu en vacances entre le 24 et le 30 juin 2010, mais a suivi durant cette période un stage en informatique organisé par le service cantonal du chômage.

 

Il s'est présenté le mercredi 1er juillet 2010 chez E___, a restitué son équipement personnel d'agent de sécurité et a reçu un dernier décompte de salaire pour le mois de juin à concurrence du montant brut de 259 fr. 38.

 

Il n'a pas offert ses services à cette occasion et A___ n'a de son côté pas proposé de le réintégrer dans le personnel de sa société (pièce 8 app; pv du 24.9.2009 p. 5; du 6.10.2010 p. 3.4).

 

C. Le 18 juin 2009, T___ a ouvert action devant le Tribunal des prud'hommes contre E___, en paiement d'une indemnité nette de 5'021 fr. 85 à titre d'indemnité pour licenciement immédiat sans juste motif et de la somme brute de 343 fr. 55 précédemment réclamée. Il a par la suite amplifié ses prétentions et requis encore le versement des montants bruts de 1'414 fr. 17 (1'673 fr. 95 - 259 fr. 78) et de 1'673 fr. 95 correspondant au salaire de juin et à celui de juillet 2010, puis la délivrance d'un nouveau certificat de travail couvrant l'ensemble de ses périodes d'emploi auprès de E___.

 

La défenderesse s'est opposée à la demande pécuniaire, en reprochant à l'employé d'avoir abandonné son poste.

 

Le Tribunal a entendu les parties, ainsi que le témoin H___ dont la déposition à déjà été rappelée. Le demandeur a précisé que le téléphone fixe no 0___ indiqué sur sa carte d'agent de sécurité, dont l'abonné était un tiers, était programmé pour refuser les appels provenant de numéros cachés, particularité qu'il n'avait pas communiquée à son employeur. Il n'avait pour le surplus retrouvé aucun emploi en septembre 2009 (pv du 24.9.2009 p. 2-4).

 

Statuant le 21 avril 2010, le Tribunal a considéré que la réalité d'un abandon d'emploi au sens de l'art. 337d CO n'avait pas été établie. L'instruction de la cause et en particulier le témoignage de H___ permettaient en revanche de retenir que l'associé gérant de la défenderesse avait licencié le demandeur avec effet immédiat, mais sans justes motifs le 9 juin 2009 (jugement p. 8-9). En fonction de la durée des rapports de travail, qui avaient débuté le 1er août 2005, un préavis de résiliation de deux mois, soit jusqu'au 31 août 2009, aurait dû être respecté. Entre le 1er juin et le 31 août 2009, le demandeur aurait ainsi dû percevoir la somme de 5'001 fr. 90 (3 x 1'667 fr. 30), en fonction de la moyenne de ses salaires depuis le début de l'année, dont il convenait de déduire 259 fr. 78 déjà perçus, ce qui laissait un solde brut de 4'742 fr. 10 (jugement p. 9-11). Pour le début de l'année, il subsistait en outre un reliquat salarial de 26 fr. 60, auquel s'ajoutaient 323 fr. 65 pour les jours fériés (jugement p. 12-13). Le total brut représentait ainsi 5'092 fr. 35, majoré d'intérêts moratoires. En fonction des manquements imputables à chacune des parties, une indemnité nette de 1'667 fr. 30, avec intérêts moratoires, devait également être allouée au demandeur en application de l'art. 337c al. 3 CO (jugement p. 11-12).

 

La défenderesse avait pour le surplus l'obligation de délivrer un nouveau certificat de travail pour l'année 2009, sans mention de l'heure de la fin des rapports de travail.

 

D. Persistant pour l'essentiel dans son argumentation de première instance, E___ appelle de la décision rendue. Elle conteste de surcroît devoir un solde de salaire ou des indemnités pour des jours fériés, sous réserve du 1er août.

 

T___ conclut à la confirmation du jugement attaqué.

 

La Cour a entendu a deux reprises les parties, de même que les témoins G___, J___ et I___ (cf. supra let. B/d et e). A___ a notamment déclaré : «je ne crois pas avoir dit à ce moment» - le 9 juin 2009 au «B___» - «à Monsieur T___ qu'il était relevé de ses fonctions» (pv du 30.8.2010 p. 2).

 

L'appelante a encore remis un nouveau certificat de travail à sa partie adverse (pv du 30.8.2010 p. 5 et annexe), dont le libellé n'a suscité aucune objection.

 

 

EN DROIT

 

 

1. L'appel est recevable, ayant été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits (art. 56 al. 1, 59 LJP).

 

La question relative au certificat de travail n'est plus litigieuse

 

2.1. En relation avec l'art. 337c CO et conformément à l'art. 8 CC, il incombe au travailleur alléguant que son employeur l'aurait licencié avec effet immédiat d'en apporter la preuve (TF, arrêt 4A_495/2007 du 12.1.2009 consid. 4.3.1.2 if. et la réf; WYLER, Droit du travail, 2ème éd, p. 519; CARRUZZO, Le contrat individuel de travail, 2009, p. 494).

 

2.2. Le 9 ou le 10 juin 2009, l'intimé a dit à son collègue H___ avoir été congédié par son employeur.

 

Présent au «B___» le mardi 9 juin, G___ n'a toutefois pas entendu A___ dire à l'employé qu'il était relevé de ses fonctions. L'intimé a contesté la crédibilité de cette déposition en raison des liens professionnels qui unissent G___ à l'associé gérant de l'appelante; semblable circonstance doit certes être gardée à l'esprit.

 

Interrogé, A___ a lui-même indiqué qu'il «ne croyait pas» avoir dit à l'intimé qu'il était relevé de ses fonctions. Sa déclaration, même surprenante, ne saurait pour autant être interprétée comme un aveu qu'il aurait tenu de tels propos.

 

Quoi qu'il en soit, I___ a relaté avoir été approché par A___ le 9 juin 2009, qui lui a demandé de remplacer l'intimé «si celui-ci ne se présentait pas à son poste». La Cour rappellera encore qu'aucune lettre de licenciement n'a été envoyée à l'employé ; l'employeur s'est borné à lui écrire le vendredi 12 juin, en lui reprochant d'avoir abandonné son poste. En fonction de ce dernier témoignage et de l'absence d'une lettre de licenciement immédiat, l'existence d'une résiliation au sens de l'art. 337 CO ne peut être retenue, contrairement à l'analyse des premiers juges,. Partant, l'octroi d'une indemnité en application de l'art. 337c al. 3 CO ne se conçoit poinr (TF, arrêt 4A_495/2007 du 12.1.2009 consid. 4.3.1.2).

 

3.1. L'abandon injustifié d'emploi au sens de l'art. 337d CO suppose un refus conscient, intentionnel et définitif du travailleur d'entrer en service ou de poursuivre l'exécution du travail confié (ATF 121 V 277 consid. 3a). L'employeur, qui peut éprouver raisonnablement un doute sur le caractère irrévocable de la volonté de son cocontractant, doit lui adresser une mise en demeure de reprendre son activité avant de considérer, le cas échéant, qu'il y a renoncé (WYLER, op. cit., p. 521).

 

Les conditions d'applications de l'art. 337d CO ne sont en particulier pas réalisées, lorsque, après une violente altercation, le travailleur quitte brusquement son poste en emmenant du matériel ainsi que ses affaires personnelles et déclare qu'il ne reviendra plus, mais qu'il se présente dans les jours suivants en exprimant l'intention de trouver un arrangement et de reprendre son travail. En pareil cas, l'employeur ne peut considérer être en présence d'une décision définitive de son cocontractant, de renoncer à son emploi (TF, JAR 2000 p. 227; WYLER, op. cit., p. 522).

 

En l'espèce et à la suite d'un épisode initial qui s'apparentait à celui décrit dans la jurisprudence précitée, l'appelante a reproché à l'intimée, après trois jours d'absence, d'avoir abandonné son poste. Par l'intermédiaire du syndicat qu'il avait consulté, l'employé a répondu la semaine suivante avoir été licencié avec effet immédiat au moment de la dispute du 9 juin 2009. Même si cette dernière allégation ne correspondait pas à la réalité (cf. consid. 2.2), l'employeur n'était pas fondé à admettre de bonne foi et avec une certitude suffisante, que son collaborateur entendait mettre un terme définitif à son activité dans l'entreprise, comme prévu à l'art. 337d CO.

 

3.2. Une offre de service n'a pas été mentionnée dans la réponse du syndicat du 18 juin, ni une réintégration de l'employé dans la réplique de l'appelante du 25 juin, qui persistait à se prévaloir d'un abandon de poste. Il en a été de même le 1er juillet 2009, au moment où l'associé gérant de l'appelante et l'intimé se sont retrouvés pour la restitution du matériel professionnel confié au second.

 

A la lumière du déroulement des faits, on ne saurait évidemment retenir que les parties sont convenues conjointement de rompre le contrat de travail. L'existence d'un accord de résiliation suppose en effet une volonté commune et librement consentie de mettre fin au contrat. Si elle comprend une renonciation du travailleur à certains droits, la convention doit en outre consacrer des concessions réciproques et équilibrées (WYLER, op. cit., p. 455-457; STREIFF/VON KAENEL, Arbeitsvertrag, 6ème éd, n. 10 ad art. 335 CO). Or, ces deux conditions et notamment la première font défaut.

 

3.3. En persistant à dénoncer (à tort) un abandon de poste au sens de l'art. 337d CO, l'employeur a manifesté implicitement la volonté de résilier le contrat de travail. L'employé l'a bien compris ainsi, puisqu'il s'est présenté le 1er juillet 2009 à l'agence de sécurité, pour restituer son matériel.

 

Ledit congé ne pouvait être signifié qu'en respectant le préavis de résiliation, arrêté à deux mois pour la fin d'un mois conformément à l'art. 7 ch. 3 de la CCNT régissant la branche des services de sécurité, c'est-à-dire pour le 31 août 2009. Comme l'a admis le Tribunal, il convient en effet de retenir que les rapports de travail litigieux ont débuté le 1er août 2005 et que leur nature n'a pas été fondamentalement modifiée à partir de janvier 2009, au moment où l'employé a été rétribué à l'heure (WYLER, op. cit., p. 449, 453-454; cf. jugement p. 10).

 

3.4. Les premiers juges ont arrêté à 5'001 fr. 90 la rémunération brute pour la période allant du 1er juin au 31 août 2009, sur la base de la moyenne des salaires versés entre janvier et mai de la même année, dont il convenait de déduire la somme brute de 259 fr. 78 déjà versée, ce qui laissait un solde arrondi de 4'742 fr. 10 (jugement p. 10-11). Aucune erreur de calcul n'a été dénoncée à propos de cette analyse (mém. du 20.5.2010 p. 6-9 ; du 25.6.2010), que reprendra donc la Cour.

 

Cependant et comme déjà indiqué, l'employé n'a pas proposé ses services et l'employeur ne lui a pas offert de le réintégrer dans son personnel pendant la période allant du 12 juin au 1er juillet 2009, ni par la suite. Persistant chacune dans leur argumentation respective, les deux parties se sont engagées dans un conflit sans issue sans consentir à la moindre concession propre à favoriser un accord. La Cour estime dès lors qu'elles doivent supporter une responsabilité partagée de cette impasse et condamnera en conséquence l'appelante à s'acquitter de la moitié du salaire brut encore dû jusqu'au 31 août 2009, soit 2'371 fr. 05 (4'742 fr. 10 : 2), plus intérêts moratoires à compter du 1er juillet 2009.

 

Le surplus des prétentions de l'employé sera en revanche écarté.

 

4. L'appelante a contesté rester redevable d'un solde de salaire entre janvier et mai 2009 et a communiqué divers justificatifs destinés à démontrer qu'elle s'était déjà acquittée de ses obligations pécuniaires durant la période en question (mém. du 20.5.2010 p. 9; pièces 3-9 app.). L'intimé n'a de son côté pas répondu à ces objections.

 

La Cour réformera donc la condamnation au paiement de 26 fr. 60 brut, dont l'exigibilité n'a pas été démontrée.

 

5. Les employés rétribués à l'heure ne peuvent prétendre au paiement de jours fériés, sous réserve du 1er août (TF, arrêt 4A_478/2009 du 16.12.2009 consid. 5). La CCNT régissant la branche des services de sécurité ne contient aucune disposition particulière sur le sujet. Enfin, l'intimé n'a pas travaillé le 1er août 2009.

 

La demande sera ainsi réformée sur ce dernier point.

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS

 

La Cour d'appel des prud'hommes, groupe 4,

 

A la forme :

 

Déclare recevable l'appel interjeté par E___ contre le jugement no TRPH/264/2010 rendu le 21 avril 2010 par le Tribunal des prud'hommes.

 

Au fond :

 

Annule ce jugement et, statuant à nouveau :

 

Condamne E___ à payer à T___ la somme brute de 2'371 fr. 05, plus intérêts au taux de 5% l'an dès le 1er juillet 2009.

 

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

 

 

 

 

Le greffier de juridiction Le président

Yves MAURER CECCHINI Richard BARBEY