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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1824/2014

ATAS/994/2014 (2) du 09.09.2014 ( PC ) , REJETE

Descripteurs : PRESTATION COMPLÉMENTAIRE ; DROIT CANTONAL ; ENFANT ; MÉNAGE COMMUN ; DROIT DE GARDE
Normes : LPCC.36A; LPCC.36C
Résumé : Lorsque le droit de garde des enfants du requérant a été attribué à la mère par jugement de séparation et qu'un large droit de visite a été accordé au requérant, les enfants ne sauraient être considérés comme faisant ménage commun avec leur père lorsqu'ils vivent de façon prépondérante chez leur mère, ce d'autant plus qu'ils sont domiciliés chez elle selon l'Office cantonal de la population.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1824/2014 ATAS/994/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 9 septembre 2014

1ère Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié au GRAND-LANCY

recourant

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLEMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______, né le ______ 1983, a déposé une demande visant à l’octroi de prestations complémentaires familiales le 17 mars 2014 auprès du Service des prestations complémentaires (ci-après SPC).

2.        Par décision du 24 mars 2014, le SPC a rejeté sa demande, rappelant que seules les personnes qui forment une famille composée au minimum d’un adulte et d’un enfant avec lequel un lien de filiation est établi, peuvent prétendre aux prestations complémentaires familiales.

3.        L’intéressé a formé opposition le 17 avril 2014. Il précise qu’il est séparé de son épouse, et que leurs deux enfants, B______ et C______, nés le ______ 2008, « vivent une partie de leur temps chez leur mère, et une autre chez moi-même, conformément au jugement de séparation du 8 mars 2013 ».

4.        Sur demande du SPC, l’intéressé a versé au dossier copie dudit jugement le 15 mai 2014. Il appert qu’il s’agit d’un arrêt rendu par la Cour de justice, chambre civile, confirmant un jugement du Tribunal de première instance du 15 octobre 2012.

Aux termes de ce jugement, la garde des enfants a été attribuée à la mère, étant précisé qu’« un large droit de visite est réservé au père, droit de visite qui s’exercera, à défaut d’accord contraire des parties, à raison de sept nuits par mois, selon un calendrier à établir d’avance par les parties, ainsi que pendant la moitié des vacances scolaires ». L’intéressé s’est par ailleurs engagé à payer à son épouse, au titre de contribution à l’entretien des enfants, par mois, d’avance et par enfant, allocations familiales ou d’études non comprises, les sommes suivantes :

CHF 350.- jusqu’à l’âge de 10 ans

CHF 400.- de 10 ans à 15 ans

CHF 450.- de 15 ans jusqu’à la majorité, voire au-delà de la majorité, mais jusqu’à 25 ans au plus tard, si l’enfant bénéficiaire poursuit des études sérieuses et régulières ou n’a pas achevé sa formation professionnelle.

5.        Par décision du 22 mai 2014, le SPC a rejeté l’opposition. Il se réfère au jugement du Tribunal de première instance du 15 octobre 2012, selon lequel les enfants vivent de manière très prépondérante chez leur mère, de sorte que l’intéressé ne peut être considéré comme vivant en « ménage commun » avec ses enfants au sens de l’art. 36A al. 1 let. b LPCC.

6.        L’intéressé a interjeté recours le 20 juin 2014 contre ladite décision, au motif que « bien que la garde de mes enfants ait été attribuée à leur mère, l’organisation du droit de visite qui a été organisée, s’apparente dans les faits à une garde partagée. En effet, je reçois mes enfants de manière régulière, ils font ménage commun avec moi durant ces périodes. Par ailleurs, j’assume l’ensemble des frais d’entretien de mes enfants quand je les reçois, en sus de la pension alimentaire que je verse à leur mère. ( ) Compte tenu de cette situation, ne faut-il pas considérer que je remplis les conditions cumulatives de l’art. 36A al. 1 let. a et b LPCC, et que les règles pour le calcul des prestations doivent se baser selon l’art. 13 al. 1 notamment du RPCFam ? ».

7.        Dans sa réponse du 22 juillet 2014, le SPC a conclu au rejet du recours, dans la mesure où la garde des enfants du recourant a été exclusivement attribuée à la mère.

8.        Ce courrier a été transmis à l’intéressé, puis la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 3 let. a de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ; RS E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations cantonales complémentaires du 25 octobre 1968 (LPCC; RS J 4 25) concernant les prestations complémentaires familiales au sens de l’art. 36A LPCC en vigueur dès le 1er novembre 2012.

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Interjeté dans les délai et forme légaux, le recours est recevable (art. 43 al. 1 LPCC).

3.        La LPGA est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le régime des prestations complémentaires de l'AVS/AI. Ses dispositions s'appliquent aux prestations versées par les cantons en vertu du chapitre 1a, à moins que la LPC n'y déroge expressément (cf. art. 1 al. l LPC). Sur le plan cantonal, l'art. 1A LPCC prévoit qu'en cas de silence de la loi, la LPC et ses dispositions d'exécution fédérales et cantonales, ainsi que la LPGA et ses dispositions d'exécution, sont applicables par analogie.

4.        Les prestations ayant été sollicitées en 2014, la LPGA est applicable, ainsi que la LPC et la LPCC dans leur teneur dès le 1er janvier 2011.

Il en va de même en matière de prestations complémentaires cantonales (cf. art. 1A let. b LPCC).

5.        Interjeté dans les délai et forme légaux, le recours est recevable (art. 43 al. 1 LPCC)

6.        Le litige porte sur le droit de l'intéressé à des prestations complémentaires cantonales familiales, et plus particulièrement sur l'application de l'art. 36A al. 1 let. b LPCC.

7.        Les prestations complémentaires cantonales familiales ont été introduites à Genève depuis le 1er novembre 2012 (PL 10600 modifiant la LPCC du 11 février 2011). Elles visent une catégorie de bénéficiaires de prestations complémentaires cantonales qui ne sont pas des rentiers AVS/AI, mais des familles pauvres dont les parents travaillent (Mémorial du Grand Conseil du 17 décembre 2009 et rapport de commission du 15 novembre 2010).

L'exposé des motifs du PL 10600 explique que :

« Ce projet de loi vise précisément à améliorer la condition économique des familles pauvres. La prestation complémentaire familiale qui leur est destinée, ajoutée au revenu du travail, leur permettra d’assumer les dépenses liées à leurs besoins de base. Grâce au caractère temporaire de cette aide financière et aux mesures d’incitation à l’emploi qu’elle associe, le risque d’enlisement dans le piège de l’aide sociale à long terme et de l’endettement sera largement écarté. En effet, le revenu hypothétique étant pris en compte dans le calcul des prestations, il constitue un encouragement très fort à reprendre un emploi ou augmenter son taux d'activité.

8.        Le nouvel art. 1er LPCC dispose que

"Les personnes âgées, les conjoints ou partenaires enregistrés survivants, les orphelins et les invalides ont droit à un revenu minimum cantonal d'aide sociale, qui leur est garanti par le versement de prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité (ci-après : prestations complémentaires AVS/AI).

Les familles avec enfant(s) ont droit à un revenu minimum cantonal d'aide sociale, qui leur est garanti par le versement de prestations complémentaires cantonales pour les familles (ci-après : prestations complémentaires familiales)".

Les prestations complémentaires familiales sont régies par :

a) les dispositions figurant aux titres IIA et III de la LPCC;

b) les dispositions de la loi fédérale auxquelles la présente loi renvoie expressément, ainsi que les dispositions d'exécution de la loi fédérale désignées par règlement du Conseil d'Etat;

c) la LPGA et ses dispositions d'exécution.

(art. 1 A al. 2 LPCC)

Aux termes de l'art. 36 A LPCC, figurant au titre II A de la loi,

"1Ont droit aux prestations complémentaires familiales les personnes qui, cumulativement :

a) ont leur domicile et leur résidence habituelle sur le territoire de la République et canton de Genève depuis 5 ans au moins au moment du dépôt de la demande de prestations;

b) vivent en ménage commun avec des enfants de moins de 18 ans, respectivement 25 ans si l'enfant poursuit une formation donnant droit à une allocation de formation professionnelle au sens de l'article 3, alinéa 1, lettre b, de la loi fédérale sur les allocations familiales, du 24 mars 2006 (ci-après : la loi sur les allocations familiales);

c) exercent une activité lucrative salariée;

d) ne font pas l'objet d'une taxation d'office par l'administration fiscale cantonale. Le Conseil d’Etat définit les exceptions;

e) répondent aux autres conditions prévues par la présente loi.

( )

4 Pour bénéficier des prestations, le taux de l'activité lucrative mentionnée à l'article 36A, alinéa 1, lettre c, doit être, par année, au minimum de :

a) 40% lorsque le groupe familial comprend une personne adulte;

b) 90% lorsque le groupe familial comprend deux personnes adultes.

5 Aux fins de la présente loi, les personnes qui touchent des indemnités en application de la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982, sont assimilées aux personnes exerçant une activité lucrative."

Selon l’art. 36C al. 1 LPCC,

« 1 Le droit à des prestations complémentaires fédérales, au sens de la loi fédérale, ou à des prestations complémentaires cantonales, au sens du titre II de la présente loi, ainsi que la renonciation à un tel droit, excluent le droit à des prestations complémentaires familiales.

2 Sous réserve des situations prévues à l'alinéa 4, un seul et même enfant ne peut donner droit aux prestations que pour un seul groupe familial.

3 Le droit aux prestations est reconnu :

a) au parent qui a la garde de l'enfant, attribuée par un jugement;

b) à la personne qui vit en ménage commun avec un enfant recueilli au sens de l'article 4, alinéa 1, lettre c, de la loi sur les allocations familiales.

4 En cas de garde partagée fixée par un jugement, lorsque l'enfant vit alternativement chez son père et sa mère, chacun des parents a droit aux prestations. Le Conseil d'Etat fixe le calcul des prestations ».

9.        Le Conseil d'Etat a adopté un règlement relatif aux prestations complémentaires familiales (RPCFam) le 27 juin 2012, entré en vigueur le 1er novembre 2012 et complétant plus particulièrement le titre II A de la LPCC, soit les art. 36A et suivants LPCC.

10.    Selon l'art. 5 al. 1 du règlement relatif aux prestations complémentaires familiales du 27 juin 2012 (RS J 4 25.04; RPCFam), dans une famille monoparentale, les conditions personnelles doivent être remplies par le parent qui demande les prestations. L'art 7 RPCFam précise que sont considérées comme faisant ménage commun, au sens de l'art. 36A alinéa 1 lettre b de la loi, les personnes domiciliées à la même adresse, inscrites à l'office cantonal de la population.

Selon l'art 7 de l'ordonnance sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité, du 15 janvier 1971 (OPC-AVS/AI ; RS 831.301) si l’enfant ne vit pas chez ses parents, ou s’il vit chez celui des parents qui n’a pas droit à une rente, ni ne peut prétendre l’octroi d’une rente complémentaire, la prestation complémentaire pour enfants donnant droit à une rente pour enfant de l’assurance-invalidité doit être calculée séparément.

11.    Le commentaire article par article du PL 10600 apporte les précisions suivantes :

« Le projet énumère les conditions personnelles à remplir afin de bénéficier des prestations complémentaires familiales. Certaines de ces conditions sont les mêmes que pour les prestations complémentaires à l'AVS/AI (domicile et résidence, durée de séjour préalable), d'autres sont spécifiques. Ainsi et en principe, ne peuvent toucher des prestations complémentaires familiales que les personnes qui ne font pas l'objet d'une taxation d'office par l'AFC. Le contrôle des conditions économiques d'un demandeur ou d'un ayant droit aux prestations complémentaires familiales est largement fondé sur les données fiscales. Une taxation d'office, établie en l'absence de données précises sur la situation réelle d'un contribuable, ne doit pas autoriser l'ouverture d'un droit à des prestations sociales. Les personnes qui sont taxées d'office ont souvent besoin d'un accompagnement social pour régulariser leur situation administrative et financière. Dans ce cas, il est judicieux qu'elles soient suivies par l'Hospice général. Au besoin, le règlement du Conseil d'Etat précisera les exceptions à cette règle.

La condition du ménage commun est définie en relation avec les enfants : peuvent bénéficier de prestations complémentaires familiales les personnes vivant en communauté domestique avec au moins un enfant de moins de 18 ans, respectivement 20 ans si l'enfant poursuit une formation donnant droit à des allocations de formation professionnelle, au sens de la loi fédérale sur les allocations familiales (LAFam). La limite ultime est fixée à 20 ans car elle correspond, d'une manière générale, à la fin de la formation post-obligatoire. Elle tient compte des avis exprimés dans la procédure de consultation. Les études qui s'étendent au-delà sont des formations supérieures, pour lesquelles des bourses d'études peuvent être sollicitées. Une exception au principe du ménage commun n'est prévue que si cette communauté ne peut pas être maintenue en raison de justes motifs, tels qu'un séjour prolongé à l'hôpital ou une formation exigeant un séjour en dehors du canton (cf. alinéa 4 ; art. 36 A LPCC).

Une seule et même personne peut simultanément remplir les conditions du droit à des prestations complémentaires familiales et à des prestations cantonales complémentaires à l'AVS/AI. Des règles de coordination sont donc nécessaires. Ainsi, un rentier AVS ou AI, bénéficiaire de prestations fédérales et/ou cantonales complémentaires à l'AVS/AI ne pourra pas bénéficier de prestations complémentaires familiales. Il en va de même lorsqu'un rentier AVS ou AI renoncerait à un tel droit.

Vu la définition du groupe familial (cf. article 36D, alinéa 3), plusieurs personnes peuvent théoriquement faire valoir un droit aux prestations pour le même enfant. Dès lors, il est indispensable de déterminer la personne ayant droit à la prestation. Si les deux parents font ménage commun avec l'enfant et exercent conjointement la garde ou l'autorité parentale, la prestation est accordée à celui des parents qui en fait la demande. Elle est calculée en tenant compte des revenus et dépenses de toute la famille. Si les parents vivent séparés, le droit aux prestations est en priorité reconnu au parent qui a la garde de l'enfant, car c'est lui qui, en règle générale, vit avec l'enfant et subvient à son entretien. Si un parent vit séparé et/ou en ménage commun avec une personne sans lien de filiation avec l'enfant, cette dernière n'est pas englobée dans le calcul des prestations (mais sa contribution aux frais du ménage est prise en compte par une participation au loyer).

Lors de la procédure de consultation, la nécessité de tenir compte des situations de garde conjointe a été soulignée. Dans le cas où l'enfant vit alternativement chez sa mère et chez son père (équivalent à une répartition qui sera précisée dans le règlement, de 50 - 50%, pour le moins 40 - 60%, du temps passé chez l'un et l'autre parent), les deux ménages doivent pouvoir bénéficier, en cas de besoin, des prestations complémentaires familiales. L'alinéa 4 tient compte de cette préoccupation » (art. 36C LPCC).

12.    En l’espèce, le droit de garde des enfants du recourant a été attribué à la mère par jugement du 15 octobre 2012, confirmé par arrêt de la Cour de justice, chambre civile, du 15 mai 2014. Il est vrai qu’un large droit de visite a été accordé au recourant. Il n’en reste pas moins que les enfants vivent de façon prépondérante chez leur mère. Ils sont au demeurant domiciliés chez elle selon l’Office cantonal de la population. Ils ne sauraient dans ces conditions être considérés comme faisant ménage commun avec leur père.

13.    Aussi le recours ne peut-il être que rejeté.

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

A la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours constitutionnel subsidiaire (articles 113 ss LTF) aux conditions de l’art. 116 LTF. Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

 

Doris GALEAZZI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le