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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1384/2014

ATAS/993/2014 (2) du 09.09.2014 ( PC ) , ADMIS/RENVOI

Descripteurs : PRESTATION COMPLÉMENTAIRE; IMMEUBLE; ACQUISITION DE LA PROPRIÉTÉ; CONTRAT FIDUCIAIRE; FORTUNE ; RESTITUTION(EN GÉNÉRAL)
Normes : LPGA.25; LPC.11.1.c; OPC-AVS/AI.17; LPCC.7
Résumé : Lorsqu'une convention de fiducie prévoit que la fiduciaire n'a aucun droit sur l'immeuble - qui lui a été cédé à titre gratuit -, et qu'à la première demande du fiduciant, elle est tenue de lui en retransmettre la propriété, par donation ou par cession, à titre gratuit, ce qui s'est du reste produit en octobre 2013, elle n'a, à aucun moment, été en mesure d'en disposer. Elle n'a pas davantage bénéficié d'un droit d'usufruit. Par conséquent, la restitution du bien immobilier au fiduciant ne peut pas être considérée comme un dessaisissement. En cas de fiducie, l'imposition des biens et des rendements se fait auprès du fiduciant, c'est-à-dire le propriétaire économique, moyennant le respect de plusieurs conditions, mentionnées notamment dans la notice de l'administration fédérale des contributions d'octobre 1967 et reprises par la jurisprudence du Tribunal administratif, devenu chambre administrative de la Cour de justice (ATA du 20 novembre 1991 en la cause S; ATA du 26 novembre 1996 en la cause A.Z ; ATA/330/2007). Partant, aucune fortune relative au bien immobilier ne peut être prise en considération dans le calcul du droit de la fiduciaire aux prestations complémentaires pendant la durée du contrat de fiducie.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1384/2014 ATAS/993/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 9 septembre 2014

1ère Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié c/o EMS B______, à CHENE-BOUGERIES,

Madame C______, domiciliée à GENEVE,

tous deux comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître CORMINBOEUF HARARI Corinne

recourants

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLEMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENEVE

intimé

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______, né le _______ 1936, et son épouse, Madame C______, née le _____1940, tous deux d’origine italienne, sont venus en Suisse, respectivement en 1957 et 1958.

2.        L’assuré a déposé une demande auprès de l’Office cantonal des personnes âgées (ci-après OCPA), le 10 juillet 2005, visant à l’octroi de prestations complémentaires.

3.        Sur demande de l’OCPA, l’assuré a précisé, le 26 octobre 2005, que ni son épouse, ni lui-même, n’étaient propriétaires d’un bien immobilier, qu’ils étaient simplement coopérateurs d’une coopérative d’habitations. Il a par ailleurs expliqué pour quelle raison il avait préféré prendre sa prestation de deuxième pilier sous forme de capital.

4.        Par décision du 8 mai 2006, l’OCPA a reconnu le droit de l’assuré à des prestations complémentaires cantonales à compter du 1er juillet 2005. Il a retenu à titre d’épargne, CHF 165'255.65 du 1er juillet au 31 décembre 2005, CHF 163'896.90 du 1er janvier au 28 février 2006, CHF 165'783.60 du 1er au 31 mars 2006, et CHF 56'555.80 pour la période à compter du 1er avril 2006.

Depuis 2006, le SPC a par ailleurs pris en considération une rente viagère que lui versait son fils, Monsieur D______, à hauteur de CHF 5'225.40, représentant une somme mensuelle de CHF 435.45.

5.        Par courrier du 3 septembre 2012, l’OCPA, devenu le Service des prestations complémentaires (ci-après le SPC), constatant que l’assuré ne lui avait pas adressé les justificatifs demandés nécessaires à la mise à jour de son dossier dans les délais impartis, a informé celui-ci qu’il supprimait le versement des prestations complémentaires et du subside d’assurance-maladie dès le 30 septembre 2012.

6.        Une nouvelle demande de prestations a été déposée auprès du SPC le 28 janvier 2013.

7.        Le 31 janvier 2013, le SPC a requis la production de documents, plus particulièrement d’une attestation officielle délivrée par les autorités compétentes, indiquant si, à titre conjoint et / ou individuel, l’assuré était propriétaire d’un bien immobilier à Putignano (Italie).

Par courrier du 4 mars 2013, Me Eric STAMPFLI a informé le SPC que l’assuré et son épouse l’avaient consulté et lui a transmis plusieurs documents, dont la copie d'une convention de fiducie conclue en date du 11 octobre 1997 par leur fils, le fiduciant, d'une part, et par les assurés, les fiduciaires, d'autre part. Dans ce document, il est préalablement exposé :

« Que le 6 juillet 1995, le fiduciant a acquis une maison, sise au lieu-dit "E______ ", Putignano, pour un montant de 149'000’000 de ITL, soit pour l’équivalent de 95’000 CHF, par devant Me Di Marcantonio, notaire à Putignano ;

Que le 31 décembre 1995, le fiduciant a quitté la Suisse pour s’établir et travailler à Londres ;

Qu’en janvier 1997, le fiduciant s’est fait licencier de F______ ;

Que peu après cette mise à pied, la banque a entamé une procédure devant la High Court of Justice, Chancery Division de Londres, en alléguant notamment que le fiduciant aurait procédé à des opérations de change pour son compte propre, cette activité, proscrite pour les employés, lui aurait ainsi permis de retirer des bénéfices personnels ;

Que simultanément, la banque a obtenu la saisie des comptes privés du fiduciant ;

Qu’en septembre 1997, la banque a obtenu une injonction "Mareva" de la High Court of Justice londonienne interdisant au fiduciant la disposition de ses avoirs dans le monde entier ;

Que cette croisade injuste et cet acharnement judiciaire, instigués par la haute direction de la banque à l’encontre du fiduciant, laissent ce dernier dans une situation de précarité financière et ont forcé celui-ci à se replier et occuper sa maison en Italie ;

Qu’afin de préserver son domicile et le mettre à l’abri d’une possible saisie voire confiscation, le fiduciant a décidé d’en faire donation aux fiduciaires, qui acceptent que le bien leur soit confié en leur nom, mais aux risques et périls du fiduciant ».

L'objet de la convention est décrit à l'art. 1, comme suit :

« Le fiduciant charge le fiduciaire d’accepter en donation, à titre fiduciaire, aux risques et périls exclusifs du fiduciant, l’immeuble sis à "E______", Putignano, actuellement propriété du fiduciant.

A cet effet, le fiduciant et le fiduciaire concluront par devant notaire, un acte de donation immobilière, forme exigée pour que la propriété passe.

La signature est prévue pour le 13 octobre en l’Etude de Me Paolo Di Marcantonio. L’acte ainsi ratifié entre les Parties fera partie intégrante de la présente convention ».

Selon l'art. 2,

« Les fiduciaires reconnaissent qu’ils n’ont aucun droit quelconque sur l’immeuble qui leur aura été cédé à titre gratuit en vertu de la présente convention.

Notamment l’immeuble sera retransmis par donation ou par cession, à titre gratuit, à première demande du fiduciant.

En cas de prédécès du fiduciant, les fiduciaires s’engagent à restituer l’immeuble aux éventuels héritiers du fiduciant et à défaut d’appliquer les règles successorales qui trouveraient alors application.

Les fiduciaires s’engagent à informer la sœur du fiduciant de l’existence de cette relation fiduciaire et à lui confirmer qu’elle n’aura aucun droit sur l’objet de la présente convention.

Les fiduciaires s’engagent également à ne pas donner l’usage de l’immeuble sans l’autorisation préalable du fiduciant.

Le fiduciaire s’engage quant à lui à régler toutes les charges, impenses, impôts relatifs au maintien de l’immeuble ».

L'art. 3 prévoit une convention exclusive de responsabilité, aux termes de laquelle

« Le fiduciant déclare relever et garantir les fiduciaires de toute responsabilité et de tous les frais qui pourraient leur être causés par toute prétention dirigée contre eux en relation avec leur activité fiduciaire pour le compte du fiduciant ».

Me STAMPFLI précise encore que la somme de CHF 53'892.-, créditée sur le compte des époux le 1er février 2012 et débitée du même compte le 3 septembre 2012, a toujours appartenu au fils qui en a été le seul ayant droit. Il attire l’attention du SPC sur le fait que les époux n’ont aucun droit quelconque sur l’immeuble sis à Putignano, conformément à l’art. 2 relatif à l’engagement des fiduciaires. Il explique que le fils a chargé ses parents d’accepter en donation, à titre fiduciaire, l’immeuble, dans le but de préserver ses droits, étant précisé que celui-ci sera retransmis par donation ou par cession à titre gratuit à première demande au fiduciant. Il ajoute enfin que les époux ne se sont jamais rendus dans cet immeuble et n’en ont jamais assumé les charges et frais. Il en conclut que les époux ne sont propriétaires d’aucun bien immobilier.

8.        Le 24 mai 2013, Me Corinne CORMINBOEUF HARARI, se substituant à Me STAMPFLI, s’est constituée pour la défense des intérêts des époux.

9.        Le 28 mai 2013, le SPC a encore réclamé l’acte de donation du bien immobilier à Putignano effectué en faveur des époux, une attestation officielle délivrée par les autorités compétentes indiquant si, à titre conjoint et/ou individuel, les époux sont ou non propriétaires d’un bien immobilier à Putignano, et deux déclarations immobilières à retourner dûment complétées et signées.

10.    Le 12 juin 2013, le mandataire des époux a transmis au SPC les documents requis, soit une copie de l’acte de donation de la maison de Putignano de M. D______ en faveur de ses parents le 13 octobre 1997, ce dans les circonstances particulières décrites dans la convention de fiducie du 11 octobre 1997, un e-mail de M. G______, fiscaliste, à M. D______, indiquant que la valeur fiscale actuelle du bien immobilier en question est de 197'390.- euros - l’impôt sur cette valeur fiscale représente 1'174,94 euros et est assumée par le fils -, ainsi qu’un e-mail de M. H______, agent immobilier, au fils, daté du 4 juin 2013, dont il résulte que ce dernier lui a donné depuis le 12 décembre 2011 le mandat de vendre l’appartement au prix de 250'000.- euros. M. H______ propose au fils de réduire ce prix à 210'000.- euros pour augmenter les chances d’une éventuelle vente.

11.    Sur demande du SPC, le mandataire des époux a versé au dossier une traduction certifiée conforme en français de l’acte de donation du 13 octobre 1997.

12.    Le SPC a repris le calcul des prestations complémentaires dues aux époux avec effet au 1er juillet 2005 en tenant compte d’un produit immobilier pour la maison de Putignano. Il a dès lors, par décisions du 16 août 2013, établi le montant de CHF 65'458.20, représentant les prestations versées à tort du 1er juillet 2005 au 30 septembre 2012 ; il a également fixé le droit aux prestations complémentaires de l’époux, pour la période du 1er janvier au 31 août 2013, à CHF 39'000.-, et celui de l’épouse à CHF 6'224.-. Il a finalement réclamé aux époux le remboursement d’un montant de CHF 59'234.20 (65'458.20 – 6'224). Il a enfin indiqué que les prestations mensuelles dues à l’époux dès le 1er septembre 2013 s’élevait à CHF 5'574.-, et celle de l’épouse à CHF 778.-.

13.    Le 27 août 2013, le mandataire des époux a rappelé au SPC que ses mandants avaient élu domicile en son étude, ce dont il l'avait dûment informé le 24 mai 2013, et a demandé la notification des cinq décisions en son étude. Lesdites décisions ont ainsi été notifiées à nouveau le 3 septembre 2013.

14.    Les époux, représentés par leur mandataire, ont formé opposition le 4 octobre 2013. Ils reprochent au SPC d’avoir retenu un produit immobilier dans le revenu déterminant du 1er juillet 2005 au 31 août 2013. Ils rappellent que leur fils a acquis le 6 juillet 1995 une maison à Putignano au moyen de ses propres deniers, et qu’il leur a demandé d’accepter la propriété juridique de la maison à la suite d’un litige financier important avec son ancien employeur survenu en 1997, cela afin d’éviter un possible séquestre, voire une confiscation. C’est dans ce contexte que leur fils a procédé à la donation formelle de la maison en leur faveur le 13 octobre 1997. La convention de fiducie, signée le 11 octobre 1997, visait à préciser les termes de cette transmission formelle de la propriété juridique du bien.

Ils soulignent que cette donation porte sur la propriété juridique de l’immeuble, pas sur la propriété économique, l’immeuble continuant à appartenir à leur fils, et la convention ne leur octroyant pas de droit d’usufruit sur l’immeuble. Ils avaient simplement la possibilité de séjourner personnellement dans cette maison ou d’en accorder gratuitement la jouissance à des amis, après en avoir demandé l’autorisation expresse à leur fils. Ils n’ont toutefois pas fait usage de ces deux possibilités. La convention ne les autorise en revanche pas à louer l’immeuble. Ils allèguent quoi qu’il en soit, que, selon un professionnel immobilier sur place, la location de l’immeuble rapporterait au maximum 600.- euros par mois, dont il faudrait déduire l’impôt sur le revenu, ainsi que l’impôt foncier, plus les travaux à entreprendre dans cet immeuble relativement vétuste.

Ils ajoutent que, dès que le litige ayant conduit à ce transfert immobilier avait pris fin, leur fils leur avait demandé la restitution formelle de la propriété de l’immeuble, ce qui devrait être effectué ces prochaines semaines.

Ils concluent à l’annulation des cinq décisions du 4 septembre 2013 et au renvoi de la cause au SPC pour nouveau calcul des prestations dues aux époux pour la période du 1er janvier au 31 août 2013, dans le cadre duquel il ne sera pas tenu compte du bien immobilier sis à Putignano, que ce soit dans les revenus ou la fortune, et que les décisions précédentes, d’ores et déjà prononcées entre le 1er janvier 2005 et le 31 décembre 2012, soient pour le surplus maintenues pour la période antérieure au 1er janvier 2013.

15.    Par courrier du 9 décembre 2013, le SPC a informé les époux qu’il entendait procéder à une reformatio in pejus, de sorte qu’il leur donnait l’occasion de retirer leurs oppositions. Il a en effet considéré que les décisions, erronées, devaient être corrigées, en ce sens que, pour la période du 1er juillet 2005 au 31 août 2013, la propriété de l’immeuble devait être prise en compte à titre de fortune dans le revenu déterminant le droit aux prestations des époux. Celle-ci doit être distinguée du bénéfice économique, le produit immobilier revenant exclusivement au fils, de sorte qu’il admet qu’aucun revenu immobilier ne doit être imputé dans le revenu déterminant.

Le SPC a précisé que dès le 1er novembre 2013 en revanche, plus aucune fortune immobilière ne devait être imputée dans le revenu déterminant, en raison de la restitution du bien au fils. Compte tenu des circonstances (le transfert initial de propriété provenait d’une donation), il n’y avait pas lieu de considérer cette transaction comme un dessaisissement.

Il a ajouté que suite à la restitution de l’immeuble au fils, la situation des époux avait été mise à jour au 1er décembre 2013. Il en résultait une augmentation des prestations pouvant être accordées dès cette date, soit CHF 1'255.- par mois pour l’épouse, et CHF 6'051.- pour l’époux.

16.    Les époux se sont déterminés le 17 janvier 2014. Ils persistent dans leur requête en annulation de l’ensemble des décisions rendues le 21 août 2013. Ils partagent l’avis du SPC quant à la manière de traiter le transfert fiduciaire de la propriété de l’immeuble de leur fils du 1er juillet 2005 au 31 août 2013, ce qui implique qu’aucun revenu immobilier ne doit être imputé dans leur revenu déterminant. Les époux considèrent cependant que leur fortune n’est pas non plus affectée par cette détention fiduciaire et que, dès lors, il n’y a pas lieu de tenir compte de la propriété fiduciaire par eux-mêmes du bien litigieux, ni dans leur fortune, ni dans leurs revenus. En effet, si leur fils est devenu leur créancier, cela implique qu'ils ont une dette envers lui, dette correspondant à la valeur de l'immeuble, de sorte que leur fortune n'a subi aucune modification. Ils en veulent pour preuve que l'administration fédérale des contributions, division principale de l'impôt fédéral direct, de l'impôt anticipé et des droits de timbre, dans une note relative aux rapports fiduciaires, stipule que les "bilans présentés à l'autorité fiscale doivent indiquer clairement que le fiduciaire détient des valeurs pour le compte de tiers ; les comptes fiduciaires y figureront séparément, à l'actif comme au passif, ou "hors bilan". "

17.    Le 31 mars 2014, le SPC a indiqué que l’ensemble de prestations versées à tort aux époux du 1er juillet 2005 au 30 novembre 2013 s’élève à CHF 87'264.20, soit CHF 27'948.80 de prestations complémentaires, et CHF 59'315.40 de subside de l’assurance-maladie.

18.    Par décisions du 31 mars 2014, le SPC a rejeté l’opposition. Il confirme les explications données dans son courrier du 9 décembre 2013 et fixe dorénavant le montant à rembourser à CHF 87'264.20, procédant ainsi à la reformatio in pejus annoncée.

19.    Les époux, représentés par leur mandataire, ont interjeté recours contre lesdites décisions le 15 mai 2014. Ils concluent à l’annulation des quatre décisions rendues par le SPC le 31 mars 2014, en tant qu’elles tiennent compte d’une fortune immobilière. Ils reprochent au SPC de n'avoir pas considéré le fait que si leur fils avait une créance contre eux, eux-mêmes avaient une dette pour le même montant envers lui, puisqu’ils devaient restituer le bien immobilier sur simple demande de leur fils selon l’art. 2 § 2 de la convention de fiducie. Le SPC avait également ignoré les règles fiscales applicables en matière de contrat de fiducie, alors que selon l'art. 17 OPC, la fortune se calcule précisément sur la base de la législation sur l'impôt cantonal direct du canton du domicile.

Ils allèguent à titre subsidiaire que les conditions de bonne foi et de situation financière difficile sont réalisées et, plus subsidiairement encore, que la demande de restitution portant sur les prestations versées avant octobre 2008 est prescrite.

Enfin, ils estiment que le montant des prestations complémentaire mensuelles dues à l'épouse s'élève en réalité à CHF 1'255.- pour l'année 2013 (alors qu'elle n'a reçu que 3X CHF 778.-). C'est du reste ce montant que reconnait lui devoir le SPC dès le mois de décembre 2013, tenant compte du fait que les époux ont restitué la maison à leur fils. Quant au montant dû à l'époux, il devrait être de CHF 5'250.50 par mois du 1er janvier au 31 août 2013 et de CHF 6'051.- dès le 1er septembre 2013.

20.    Dans sa réponse du 12 juin 2014, le SPC a conclu au rejet du recours.

21.    Le 20 juin 2014, les époux ont informé la chambre de céans qu’ils persistaient dans leur recours.

22.    Ce courrier a été transmis au SPC, puis la cause gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ; RS E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA; RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC ; RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations cantonales complémentaires du 25 octobre 1968 (LPCC; RS J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        La LPGA, en vigueur depuis le 1er  janvier 2003, s’applique aux prestations complémentaires fédérales à moins que la LPC n’y déroge expressément (art. 1er  al. 1er LPC).

3.        Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 et 60 LPGA; art. 9 de la loi sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité [LPFC; RSG  J 4 20], art. 43 LPCC).

4.        Le litige porte sur le droit du SPC de réclamer aux époux la restitution d'un montant de CHF 87'264.20, représentant des prestations versées en trop du 1er juillet 2005 au 31 octobre 2013, ainsi que sur le montant des prestations complémentaires dues aux époux du 1er janvier au 31 octobre 2013. Il s’agit, plus particulièrement, de se déterminer sur la prise en compte, dans le revenu déterminant le droit aux prestations complémentaires, de la propriété acquise à titre fiduciaire d’un bien immobilier sis à Putignano, soit de sa valeur vénale, pour la période du 1er juillet 2005 au 31 octobre 2013, à titre de fortune. La question de la prise en compte d'un revenu immobilier hypothétique ne se pose plus, le SPC ayant admis qu'un tel revenu revenait exclusivement au fils, le fiduciant.

5.        Les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse et qui remplissent les conditions personnelles prévues aux art. 4, 6 et 8 LPC ont droit à des prestations complémentaires. Ont ainsi droit aux prestations complémentaires notamment les personnes qui perçoivent une rente de vieillesse de l'assurance-vieillesse et survivants, conformément à l'art. 4 al. 1 let. a LPC.

Les prestations complémentaires fédérales se composent de la prestation complémentaire annuelle et du remboursement des frais de maladie et d’invalidité (art. 3 al. 1 LPC).

L’art. 9 al. 1er LPC dispose que le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants.

Les revenus déterminants comprennent notamment le produit de la fortune mobilière et immobilière (art. 11 al. 1 let. b LPC) et un quinzième de la fortune nette, un dixième pour les bénéficiaires de rentes de vieillesse, dans la mesure où elle dépasse 37 500 francs pour les personnes seules, 60 000 francs pour les couples et 15 000 francs pour les orphelins et les enfants donnant droit à des rentes pour enfants de l'AVS ou de l'AI; si le bénéficiaire de prestations complémentaires ou une autre personne comprise dans le calcul de ces prestations est propriétaire d'un immeuble qui sert d'habitation à l'une de ces personnes au moins, seule la valeur de l'immeuble supérieure à 112 500 francs entre en considération au titre de la fortune; (art. 11 al. 1 let. c LPC).

L’art. 17 de l’ordonnance sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 (OPC-AVS/AI ; RS 831.301) précise que

« 1 La fortune prise en compte doit être évaluée selon les règles de la législation sur l'impôt cantonal direct du canton du domicile.

2 et 3...

4 Lorsque des immeubles ne servent pas d'habitation au requérant ou à une personne comprise dans le calcul de la prestation complémentaire, ils seront pris en compte à la valeur vénale.

5 En cas de dessaisissement d'un immeuble, à titre onéreux ou gratuit, est déterminante la valeur vénale pour savoir s'il y a renonciation à des parts de fortune au sens de l'art. 11, al. 1, let. g, LPC. La valeur vénale n'est pas applicable si, légalement, il existe un droit d'acquérir l'immeuble à une valeur inférieure.

6 En lieu et place de la valeur vénale, les cantons peuvent appliquer uniformément la valeur de répartition déterminante pour les répartitions intercantonales ».

Le revenu de la fortune immobilière comprend les loyers et fermages, l’usufruit, le droit d’habitation (RCC 1967, p. 212/213), ainsi que la valeur locative (RCC 1968, p. 221) du logement de l’assuré dans son propre immeuble, pour autant que cette valeur ne soit pas déjà comprise dans son revenu d’une activité lucrative.

Le revenu de sous-location doit être évalué selon les règles de la législation sur l’impôt cantonal direct du canton de domicile. A défaut de telles règles, celles prévues par la législation sur l’impôt fédéral direct sont déterminantes.

Font partie de la fortune d’un requérant ses biens mobiliers et immobiliers, ainsi que les droits personnels et réels lui appartenant. L’origine des éléments de fortune est irrelevante.

Ne sont notamment pas pris en considération :

- les éléments de fortune dont le bénéficiaire de PC est usufruitier ou titulaire d’un droit d’habitation ;

- les immeubles qui appartiennent au bénéficiaire de PC mais sont grevés d’un usufruit ou d’un droit d’habitation qui s’étend sur tout l’immeuble ;

- la valeur capitalisée d’un usufruit (ATF 122 V 394) ou d’un droit d’habitation;

- les éléments de fortune se trouvant à l’étranger et ne pouvant être transférés en Suisse ou réalisés pour une raison quelconque. Si le produit de la vente d’un bien foncier peut être transféré en Suisse, celui-ci doit être pris en compte comme fortune.

L’estimation des parts de fortune à prendre en compte doit s’effectuer selon les principes prévus par la législation sur l’impôt cantonal direct du canton de domicile. Est déterminante la valeur de la fortune retenue par le fisc avant la déduction des montants exempts d’impôt.

Lorsque des immeubles ou bien-fonds ne servent pas d’habitation au requérant ou à une personne comprise dans le calcul de la PC, ils seront pris en compte à la valeur vénale actuelle (valeur du marché).

Si la valeur actuelle d’un immeuble n’est pas connue, on peut se fonder sur la valeur moyenne entre la valeur selon la législation sur l’impôt cantonal direct et la valeur d’assurance immobilière, pour autant que la valeur ainsi obtenue ne soit pas manifestement erronée (ATF du 8 février 2001, P 50/00). Quant aux immeubles sis à l’étranger, on peut se fonder sur une estimation établie à l’étranger s’il n’est pas raisonnablement possible de procéder à une autre estimation (ATF du 17 septembre 2009, 9C_540/2009).

(Directives concernant les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI (DPC), valables dès le 1er avril 2011, état au 1er janvier 2014, nos 3433.01 ss).

6.        Selon l'art. 25 al. 1 1ère phrase LPGA, en relation avec l'art. 2 al. 1 let. a de l'Ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales du 11 septembre 2002 (OPGA; RS 830.11), les prestations complémentaires fédérales indûment touchées doivent être restituées par le bénéficiaire ou par ses héritiers.

L'obligation de restituer suppose aujourd'hui encore, conformément à la jurisprudence rendue à propos des anciens articles 47 al. 1 de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS; RS 831.10) ou 95 de la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (LACI; RS 837.0) (p. ex. ATF 129 V 110 consid. 1.1; ATF 126 V 23 consid. 4b et ATF 122 V 19 consid. 3a), que soient remplies les conditions d'une reconsidération ou d'une révision procédurale de la décision - formelle ou non - par laquelle les prestations en cause ont été allouées (ATF 130 V 318 consid. 5.2; arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 32/06 du 14 novembre 2006 consid. 3 et les références). Ceci est confirmé sous l'empire de la LPGA (arrêt du Tribunal fédéral 8C_512/2008 du 4 janvier 2009 consid. 4). A cet égard, la jurisprudence constante distingue la révision d'une décision entrée en force formelle, à laquelle l'administration est tenue de procéder lorsque sont découverts des faits nouveaux ou de nouveaux moyens de preuve susceptibles de conduire à une appréciation juridique différente (ATF 122 V 19 consid. 3a; ATF 122 V 134 consid. 2c; ATF 122 V 169 V consid. 4a; ATF 121 V 1 consid. 6), de la reconsidération d'une décision formellement passée en force de chose décidée sur laquelle une autorité judiciaire ne s'est pas prononcée quant au fond, à laquelle l'administration peut procéder pour autant que la décision soit sans nul doute erronée et que sa rectification revête une importance notable (ATF 122 V 19 consid. 3a; ATF 122 V 169 consid. 4a; ATF 121 V 1 consid. 6). En ce qui concerne plus particulièrement la révision, l'obligation de restituer des prestations complémentaires indûment touchées et son étendue dans le temps ne sont pas liées à une violation de l'obligation de renseigner (ATF 122 V 134 consid. 2e). Il s'agit simplement de rétablir l'ordre légal après la découverte du fait nouveau (arrêt du Tribunal fédéral 8C_120/2008 du 4 septembre 2008 consid. 3.1).

L'art. 3 al. 1 OPGA précise que l’étendue de l’obligation de restituer est fixée par une décision.

Le droit de demander la restitution s'éteint un an après le moment où l'institution d’assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation (art. 25 al. 2 1ère phrase LPGA). Les délais de l’art. 25 al. 2 LPGA sont des délais (relatif et absolu) de péremption, qui doivent être examinés d'office (ATF 133 V 579 consid. 4; ATF 128 V 10 consid. 1). Contrairement à la prescription, la péremption prévue à l’art. 25 al. 2 LPGA ne peut être ni suspendue ni interrompue et lorsque s’accomplit l’acte conservatoire que prescrit la loi, comme la prise d’une décision, le délai se trouve sauvegardé une fois pour toutes (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 271/04 du 21 mars 2006 consid. 2.5).

7.        Ont droit aux prestations complémentaires cantonales les personnes dont le revenu annuel déterminant n’atteint pas le revenu minimum cantonal d’aide sociale applicable (art. 4 LPCC).

Le revenu déterminant est calculé conformément aux règles fixées dans la loi fédérale et ses dispositions d'exécution, moyennant les adaptations suivantes :

a) les prestations complémentaires fédérales sont ajoutées au revenu déterminant;

b) ;

c) En dérogation à l'article 11, alinéa 1, lettre c, de la loi fédérale, la part de la fortune nette prise en compte dans le calcul du revenu déterminant est de un huitième, respectivement de un cinquième pour les bénéficiaires de rentes de vieillesse, et ce après déduction :

1° des franchises prévues par cette disposition,

2° du montant des indemnités en capital obtenues à titre de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice corporel, y compris l'indemnisation éventuelle du tort moral (art. 5 LPCC).

Selon l’art. 7 LPCC,

« 1 La fortune comprend la fortune mobilière et immobilière définie par la loi fédérale et ses dispositions d'exécution.

2 La fortune est évaluée selon les règles de la loi sur l'imposition des personnes physiques, du 27 septembre 2009, à l'exception des règles concernant les diminutions de la valeur des immeubles et les déductions sociales sur la fortune, prévues aux articles 50, lettre e, et 58 de ladite loi, qui ne sont pas applicables. Les règles d'évaluation prévues par la loi fédérale et ses dispositions d'exécution sont réservées ».

8.        Au niveau cantonal, l'art. 24 al. 1 1ère phrase LPCC prévoit également que les prestations indûment touchées doivent être restituées.

L'art. 14 du règlement relatif aux prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité du 25 juin 1999 (RPCC-AVS/AI; RSG J 4 25.03) précise que le SPC doit demander la restitution des prestations indûment touchées au bénéficiaire, à ses héritiers ou aux autres personnes mentionnées à l'art. 2 OPGA appliqué par analogie (al. 1). Il fixe l'étendue de l'obligation de restituer par décision (al. 2).

9.        En l'espèce, par décisions du 16 août 2013, le SPC a, tenant compte d’un revenu immobilier hypothétique, réclamé aux époux le remboursement de la somme de CHF 59'234.20. Dans sa décision sur opposition du 31 mars 2014 toutefois, le SPC a indiqué qu’il ne comptabilisait plus aucun revenu immobilier, admettant que celui-ci revenait exclusivement au fils. Il a en revanche considéré que la valeur vénale de l'immeuble devait être retenue à titre de fortune, se fondant sur le fait qu’une acquisition à titre fiduciaire est une acquisition pleine et entière.

10.    Il y a préalablement lieu de rappeler que la particularité du domaine des prestations complémentaires réside en ce que c'est l'absence de revenu et de fortune qui fonde le droit aux prestations et que celles-ci sont d'autant plus élevées que le revenu et la fortune déterminants sont peu importants. Dans la mesure où l'absence totale ou partielle de revenu ou de fortune constitue une condition du droit aux prestations, le fardeau de la preuve en incombe au requérant, qui supporte les conséquences de l'absence ou de l'échec de cette preuve qui doit être rapportée au degré, usuel en droit des assurances sociales, de la vraisemblance prépondérante (ATF 121 V 208 consid. 6a-b ; ATF P 29/02 du 10 décembre 2002).

Selon la jurisprudence, il ne suffit pas d'émettre l'hypothèse qu'une fraction de la fortune correspondrait à des prêts ou appartiendrait à un tiers sans produire, ni s'appuyer sur le moindre élément concret (contrat de prêt, relevé de compte bancaire attestant un transfert de fonds, etc.; ATF non publié 9C_846/2010 du 12 août 2011 consid. 4.3). La seule possibilité qu'un événement se soit déroulé d'une certaine manière n'est pas suffisante pour retenir, au degré de la vraisemblance prépondérante, que cet événement est établi (ATF non publié 9C_717/2009 du 20 octobre 2009, consid. 3.3 et les références). A relever que dans un cas où le recourant alléguait que des membres de sa famille avaient largement financé son bien immobilier, le Tribunal fédéral a considéré qu’il en était le seul propriétaire au regard de la situation juridique issue du droit civil (ATFA non publié P 57/05 du 29 août 2006). La chambre de céans a également eu l’occasion de traiter le recours d’un bénéficiaire qui soutenait que, dans les faits, son épouse et sa belle-sœur étaient copropriétaires de l’immeuble concerné, même si pour des raisons de simplification administrative, l’acte de vente avait été établi à son nom et à celui de son épouse. Elle a retenu, au vu des actes officiels et registres publics qui seuls font foi en la matière, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l’immeuble était la propriété du recourant et de son épouse (ATAS/154/2014).

11.    Dans le cas d'espèce, la chambre de céans constate que les recourants ont apporté la preuve qu’ils avaient acquis le bien immobilier à titre fiduciaire pour leur fils. Ils ont produit l’acte de donation et la convention de fiducie, de sorte que l’existence d’un rapport fiduciaire est établie. Du reste, le SPC n'en conteste ni l'existence, ni la validité.

Il s'agit ainsi de déterminer si dans le cas de l'acquisition d'un bien immobilier à titre fiduciaire, la valeur vénale de ce bien doit ou non être comprise dans le calcul de la fortune des fiduciaires.

12.    Il est vrai que le fiduciaire est considéré comme légitime et plein propriétaire du bien à lui transféré fiduciairement. Les choses et les droits qui lui appartiennent à titre fiduciaire peuvent en principe être saisis en ses mains et tombent, dans le cadre d’une exécution générale, dans sa masse en faillite ou concordataire, même s’ils appartiennent du point de vue économique à un tiers (ATF 114 II 50 ; JT 1994 II 3 ; JdT 1988 I 383; ATF 113 III 31, JdT 1989 II 84, c. 3 et les réf. ; Pierre TERCIER, La partie spéciale du Code des obligations, p. 390 note marginale 3016).

Il convient toutefois de rappeler qu'en principe, les revenus déterminants selon l’art. 11 LPC comprennent les ressources et les biens dont l’ayant droit a la maîtrise. Selon la jurisprudence (cf. notamment ATF 110 V 21 consid. 3, rendu sous l’empire de l’art. 3c aLPC), on ne considère comme fortune à prendre en compte que les actifs que l’intéressé a effectivement reçus et dont il peut disposer sans restriction. La seule exception à ce principe se trouve à l'art. 11 al. 1 let. g, LPC s'agissant des ressources et parts de fortune dont un ayant droit s’est dessaisi.

Par fortune au sens des art. 11 LPC et 7 LPCC, il faut comprendre toutes les choses mobilières et immobilières ainsi que les droits personnels et réels qui sont la propriété de l’assuré et qui peuvent être transformés en espèces (par le biais d’une vente ou d’un nantissement par exemple) pour être utilisés (MULLER, Bundesgesetz über Ergäzungsleistungen zur Alters-, Hinterlassenen- und Invalidenversicherung, 2006 n° 35, JÖHL, Ergänzungsleistungen zur AHV/IV, SBVR XIV, 2007, n° 216 p. 1789).

Étant donné que l'usufruitier a seulement l'usage et la jouissance de l'objet grevé, sans pouvoir en disposer en fait ou en droit (cf. art. 745 al. 2 et 755 al. 1 CC), il n'y a ainsi pas lieu, en principe, de prendre en compte, dans le calcul des prestations complémentaires revenant à l'usufruitier, la valeur de la fortune qui est grevée d'un usufruit (ATAS/524/2013). Il n'y a pas lieu non plus de prendre en considération, à titre de revenu, la valeur capitalisée de l'usufruit dès lors qu'on se trouve en présence d'une "forme de fortune théorique". Il ne faut pas davantage tenir compte de la valeur de la fortune qui est grevée d'un usufruit dans la fortune du propriétaire, car cela reviendrait à comptabiliser, par le biais de l'imputation de la fortune (art. 11 al. 1 let. c LPC), un revenu que le propriétaire ne pourrait même pas revendiquer en raison des droits conférés à l'usufruitier (ATF 122 V 394 consid. 6 = Pratique VSI 3/1997, pp. 144-146; Directives de l'OFAS concernant les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI, état au 1er avril 2012 - DPC, no 3443.06). En revanche, les immeubles qui sont partiellement grevés d’un usufruit ou d’un droit d’habitation interviennent au chapitre de la fortune du propriétaire, mais il est tenu compte de la diminution de valeur inhérente à la charge dont les immeubles sont grevés (DPC, no 3444.06). Cela dit, l'usufruit n'en représente pas moins, pour son titulaire, une valeur économique qu'il convient de prendre en considération au titre des revenus. En cas d'usufruit sur un immeuble, c'est la valeur locative qui doit être prise en compte (cf. infra consid. 6d).

13.    Il résulte de ce qui précède que ce qui importe en matière de prestations complémentaires, est de déterminer si le requérant peut disposer de ce bien pour subvenir à ses besoins, sans avoir à recourir à l'aide des prestations complémentaires, s’il peut le vendre et utiliser le bénéfice réalisé, ou le louer. Seul importe finalement l’effet économique.

Or, en l’espèce, force est de constater quele transfert de propriété n'a précisément eu aucun effet sur la fortune des époux, du point de vue économique.

Ils n’ont, à aucun moment, été en mesure d’en disposer. Ils n'ont pas non plus bénéficié d'un droit d'usufruit. Il résulte en effet de la convention de fiducie qu'ils n’ont aucun droit sur l’immeuble -qui leur a été cédé à titre gratuit -, et qu’à la première demande de leur fils, ils sont tenus de lui en retransmettre la propriété, par donation ou par cession, à titre gratuit, ce qui s'est du reste produit en octobre 2013.

Le SPC a, dans ces conditions, admis - à juste titre - de ne pas considérer la restitution du bien immobilier au fils comme un dessaisissement.

Au surplus, l'obligation de restitution du bien immobilier à leur fils, sur simple demande de celui-ci, représente pour les recourants une dette d’un montant équivalent, ce dont le SPC n'a pas tenu compte.

14.    Qui plus est, selon l’art. 17 OPC, la fortune des époux doit être évaluée sur la base des dispositions légales applicables en matière d’impôt cantonal et communal (ICC). Or, sur le plan fiscal, il est présumé que les opérations effectuées en nom propre sont conclues pour le compte de la personne qui agit. Les autorités fiscales sont donc autorisées à imputer une opération à la personne qui l'a effectuée. La "Notice: rapports fiduciaires" d'octobre 1967 de l'Administration fédérale des contributions (cf. www.estv.admin.ch, Impôt anticipé/Documentation: Notices/S-02.107) précise qu'un rapport fiduciaire ne peut être admis du point de vue fiscal que lorsqu'un contrat écrit, qui décrit les biens sous mandat fiduciaire, a été conclu et qu'il prévoit que le fiduciaire n'encourt aucun risque et fixe la rémunération de celui-ci. Selon la jurisprudence, ces conditions ne doivent cependant pas impérativement être remplies, mais une preuve évidente doit en tous les cas être apportée (cf. arrêt 2A.72/2006 du 9 juin 2006 consid. 2.2 et les arrêts cités). A défaut d'une telle preuve, on peut conclure que toute somme d'argent reçue par la société en son nom propre l'a enrichie (cf. arrêt 2C_387/2007 du 4 mars 2008 consid. 4.7 ; arrêt du TF 2C_1120/2012 du 1er mai 2013).

Pour constater l'existence d'un contrat de fiducie, une preuve formelle irrécusable peut être exigée du contribuable, quand bien même les parties à ce contrat sont les membres d'une même famille (RDAF 1997 II p. 653 ; ATA/330/2007). Des rapports fiduciaires ne doivent pas être admis comme tels s'ils ne sont pas fondés sur des motifs économiques sérieux et si la fiduciaire intervient en même temps comme acheteur et vendeur pour le compte du fiduciant (ATA du 26 novembre 1996 en la cause R.).

Selon l'ATA du 20 novembre 1991 (cause n° 90.FC.583), le contrat de fiducie est un rapport juridique reconnu par le droit fiscal. Selon la jurisprudence constante en la matière, le contribuable doit rapporter la preuve irrécusable du rapport fiduciaire et celui-ci doit reposer sur des motifs économiques. Le contribuable qui remet à l'AFC des contrats de fiducie, mais refuse de lui communiquer les informations bancaires qui permettraient de suivre le mouvement des fonds et d'établir la réalité du rapport de fiducie allégué, échoue à rapporter la preuve qui lui incombe.

En cas de fiducie, l'imposition des biens et des rendements se fait auprès du fiduciant, c'est-à-dire le propriétaire économique, moyennant le respect de plusieurs conditions, mentionnées notamment dans la notice de l'administration fédérale des contributions d'octobre 1967 et reprise par la jurisprudence du Tribunal administratif, devenu chambre administrative de la Cour de justice (ATA du 20 novembre 1991 en la cause S; ATA du 26 novembre 1996 en la cause A.Z ; ATA/330/2007).

15.    Il y a en conséquence lieu de considérer qu’aucune fortune relative au bien immobilier de Putignano ne doit être retenue (ATAS/489/2011).

Aussi le recours est-il admis et les décisions litigieuses annulées. La demande en restitution est ainsi annulée et la cause renvoyée au SPC pour nouveau calcul des prestations dues aux époux pour la période du 1er janvier au 31 octobre 2013 dans le sens des considérants et nouvelle décision.

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

A la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Dit que la demande en restitution est annulée.

4.        Renvoie la cause au SPC pour nouveau calcul des prestations dues aux époux pour la période du 1er janvier au 31 octobre 2013 dans le sens des considérants, et nouvelle décision.

5.        Condamne l’intimé à verser aux recourants la somme de CHF 2'000.-, à titre de participation à ses frais et dépens.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF; RS 173.110) aux conditions de l’art. 95 LTF pour ce qui a trait aux prestations complémentaires fédérales, par la voie du recours constitutionnel subsidiaire (articles 113 ss LTF) aux conditions de l’art. 116 LTF pour ce qui a trait aux prestations complémentaires cantonales. Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

Doris GALEAZZI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le