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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/808/2012

ATAS/958/2013 du 30.09.2013 ( LAMAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 07.01.2014, rendu le 04.02.2014, REJETE, 9C_814/2013
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/808/2012 ATAS/958/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 30 septembre 2013

9ème Chambre

 

En la cause

Monsieur M__________, domicilié à GENEVE

 

 

recourant

 

contre

EASY SANA ASSURANCE MALADIE SA, Rue des Cèdres 5, MARTIGNY

 

intimée

 

EN FAIT

1.        Monsieur M__________ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né en 1960, est assuré auprès d’EASYSANA ASSURANCE MALADIE SA (ci-après : EASYSANA) pour le risque maladie. Il a également contracté une assurance privée prévoyant le versement d'un capital en cas de décès ou d'invalidité par suite de maladie ainsi qu'une extension de l'assurance-maladie pour l'étranger. Ses primes mensuelles LAMal se sont élevées en 2010 à 274 fr. 65 et en 2011 à 321 fr. Celles soumises à la LCA se sont montées en 2010 à 29 fr. 20 et en 2011 à 42 fr. par mois.

2.        L’assuré a reçu deux rappels pour non-paiement des primes du mois d'août 2010, indiquant qu'en cas de non-paiement dans le délai comminatoire d'un mois, une procédure de recouvrement serait engagée et la suspension, voire la résiliation du contrat LCA étaient envisagées. Les frais de rappel ont été de 10 fr., ceux de sommation de 30 fr.

3.        Des rappels et sommation ont également été adressés pour les primes impayées de septembre 2010 à mars 2011. Par ailleurs, l'assuré ne s'est également pas acquitté d'une participation de frais médicaux de 57 fr. 05 à sa charge.

4.        Selon une quittance postale du 31 janvier 2011, l'assuré a versé la somme de 2'569 fr. 10 à l'assurance. La recherche postale effectuée par la Poste n'a cependant pas permis de retrouver ce paiement, qui n'a pas été crédité sur le compte de l'assurance. Par courriel du 17 mai 2011, les services de la Poste ont ainsi demandé à l'assurance d'accorder un délai supplémentaire de 10 jours à l'assuré.

5.        Le 20 mai 2011, l'assurance a fixé au débiteur un ultime délai au 3 juin 2011 pour s'acquitter des sommes dues.

6.        Le 14 juin 2011, l'assureur a requis une poursuite pour la somme de 1'576 fr. 30 avec intérêts à 5%, composée de 1'339 fr. 25 à titre de primes LAMal impayées, de 180 fr. de primes LCA, de 57 fr. 05 de participation aux frais médicaux, ainsi que pour les montants de 180 fr. à titre de frais de sommation et 120 fr. à titre de frais d'ouverture de dossiers. Une seconde poursuite a été requise pour les primes 2011, soit de 950 fr. 85 pour les primes LAMal et de 126 fr. pour les primes LCA.

7.        Par décisions du 28 novembre 2011, l'assurance a levé les oppositions formées aux poursuites (n° ___________ et ____________) notifiées le 2 août 2011, indiquant pour le surplus renoncer à la perception des primes LCA.

8.        Le 10 février 2012, EASYSANA a rejeté l'opposition de l'assuré contre ses décisions du 28 novembre 2011. Elle a tenu compte du paiement de 316 fr. 95 intervenu le 12 janvier 2012. Les montants dus s'élevaient pour 2010 à 1'769 fr. 30 et pour 2011 à 916 fr., frais de poursuites de 73 fr. inclus.

9.        Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 12 mars 2012, l'assuré recourt contre ces décisions. Il expose s'être acquitté de la somme de 2'569 fr. 10 le 31 janvier 2011 par un virement postal. Malgré ses recherches effectuées auprès de la Poste, celle-ci ne retrouvait pas le paiement dans ses archives. Il produit copie de son carnet postal d'où il ressort qu'il a versé, en mains de la Poste, de la somme de 2'569 fr. 10 le 31 janvier 2011.

10.    L'assurance conclut au rejet du recours.

11.    A la demande de la Cour, l'assurance a indiqué, le 8 août 2012, que le compte no 19-1443-8 était un compte ouvert au nom de la caisse-maladie Hermes; il était désormais au nom de Easy Sana Assurance Maladie. Le montant de 2'569 fr. 10 n'avait pas été comptabilisé.

12.    Par arrêt du 24 septembre 2012, la chambre de céans a partiellement admis le recours de l’assuré et prononcé la mainlevée des oppositions n° __________ et __________ respectivement à hauteur de 843 fr. 90 et 1'696,30. Selon la jurisprudence, le débiteur qui paye par monnaie scripturale supporte les risques de retard et de perte dans l’espace de temps allant de l’ordre de paiement à l’exécution.

13.    L’assuré a interjeté recours auprès du Tribunal fédéral contre l’arrêt précité.

14.    Par arrêt du 13 mai 2013, le Tribunal fédéral a admis le recours, annulé le jugement attaqué et renvoyé la cause à la chambre de céans pour complément d'instruction et nouveau jugement.

Le virement postal comme mode de règlement des factures avait été choisi par l’assureur intimé. Le récépissé produit était muni de la signature du guichetier et du timbre à date. Le numéro de compte indiqué sur le récépissé (CCP n° 19-1443-8) n'était pas celui figurant sur les bulletins de versement (CCP n° 01-32740-8), mais correspondait à un compte toujours actif de la Caisse-maladie Hermes, désormais radiée du registre du commerce. Le seul document au dossier émanant de la Poste consistait en un courriel à l'attention de l'assureur intimé faisant uniquement état de recherches infructueuses jusqu'au 17 mai 2011.

La Cour de céans n’avait pas suffisamment instruit le dossier. Il lui appartenait d'interpeller la Poste pour connaître le résultat des recherches entreprises et de requérir de l'assureur intimé qu'il produise un extrait du compte sur lequel le montant des primes était censé avoir été versé, pour le jour du versement et le lendemain..

15.    Par courrier du 24 juin 2013, EASYSANA a produit le relevé de son compte n° 19-1443-8 pour les 31 janvier et 1er février 2011. Le montant de 2'569 fr. 10 n’apparaissait pas.

Tous les versements opérés en faveur de l’ancienne caisse-maladie Hermes et d’EASYSANA assurance maladie SA étaient effectués sur ce même compte. Si l’assuré avait versé le montant en faveur de Hermes, le montant devait figurer sur le même décompte.

16.    Concernant le CCP n° 01-32740-8, il s’agissait d’un mode de paiement particulier permettant de faire transiter tout versement directement sur le compte client de l’assuré. Il n’était pas possible à l’intimée de fournir le relevé de ce compte puisque les informations figurant sur le numéro du bulletin de versement correspondaient au numéro de client de l’assuré et au numéro de la facture. Le transfert se faisait directement et était enregistré sur le compte de l’assuré auprès de leurs services. L’assuré ayant rempli de façon manuelle le bulletin de versement, l’argent n’avait pas pu transiter par ce compte. L’intimée a versé à la procédure l’extrait du compte du recourant ainsi qu’un descriptif de Postfinance sur ce type de compte de transit.

Le compte de l’assuré ne comportait aucune mention d’un montant de 2'569 fr. 10.

17.    Par courrier du 25 juin 2013, la Poste a informé la chambre de céans que les recherches auxquelles elle avait procédé avaient montré qu’aucun versement correspondant aux indications données n’avait été inscrit dans leur compte de versement. Elle indiquait : « ce montant n’a jamais été payé et il s’agit d’une quittance remise à tort par un/une de nos collaboratrices ».

18.    Par courrier du 26 juin 2013, la Cour a transmis une copie de la correspondance de la Poste aux parties. Elle a résumé la position de la Poste et a interpellé l’assuré quant à savoir s’il maintenait son recours.

19.    Sans nouvelles du recourant dans le délai fixé par la Cour de céans, celle-ci a informé les parties le 22 juillet 2013 que la cause était gardée à juger.

 

 

EN DROIT

1.        Les questions de la compétence de la Cour de céans, de la recevabilité du recours et du droit applicable ont été tranchées par l’arrêt du 24 septembre 2012 (ATAS/1151/2012), de sorte qu’il n’y a pas lieu de les examiner.

2.        L'obligation du recourant de s'acquitter des primes LAMal et de la participation aux frais médicaux n'est pas litigieuse. Il n'est pas non plus contesté que l'assureur a suivi la procédure de recouvrement.

Seule est litigieuse la question de savoir si le paiement de 2'569 fr. 10 effectué le 31 janvier 2011 par le recourant au guichet postal l'a valablement libéré de son obligation.

3.        Si l'assureur est au bénéfice d'un jugement exécutoire au sens de l'art. 80 LP, auquel est assimilée une décision ou une décision sur opposition exécutoire portant condamnation à payer une somme d'argent (art. 54 al. 2 LPGA), il peut requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition (ATF 131 V 147). L'art. 88 al. 2 LAMal prévoit que les décisions et décisions sur opposition au sens de l'art. 88 al. 1 LAMal qui portent condamnation à payer une somme d'argent sont assimilées aux jugements exécutoires selon l'art. 80 LP (cf. aussi ATF 125 V 273 consid. 6c).

Le débiteur qui veut éviter que la mainlevée ne soit prononcée doit prouver par titre que la dette a été éteinte (art. 81 al. 1 LP).

A teneur de l'art. 74 al. 1 CO, le lieu d'exécution de l'obligation est déterminé par la volonté expresse ou présumée des parties. Il est généralement fixé par la volonté expresse des parties. Il peut l'être par leur volonté tacite. L'envoi d'un bulletin de versement postal désigne la poste comme bureau de paiement. De même, par l'indication d'un compte postal ou bancaire dans sa correspondance, sur ses factures, ses sommations, ses bulletins de livraison, le créancier autorise tacitement le débiteur à s'acquitter auprès de la poste ou de la banque (ATF n.p. 4C.172/2005 du 15 septembre 2005, consid. 2.2).

Dans une très ancienne jurisprudence, le Tribunal fédéral a retenu que le paiement n'est parfait qu'à l'instant où l'office postal inscrit le montant qu'il a reçu de l'expéditeur sur le compte du destinataire et remet à ce dernier le coupon du bulletin de versement. C'est donc seulement à ce moment que le destinataire entre en possession de la somme versée à son compte (ATF 55 II 200 consid. 2; ATF du 2 mai 1967 publié in RVJ 1967 p. 424 consid. 1).

Dans des jurisprudences plus récentes, le Tribunal fédéral a maintenu ce point de vue: le débiteur qui paie par monnaie scripturale supporte les risques de retard et de perte dans l'espace de temps allant de l'ordre de paiement à l'exécution (art. 74 al. 2 ch. 1 CO; ATF n.p. I 83/2007 du 2 mai 2007, consid. 3.3; H 29/2003 du 4 mars 2004, consid. 3.2; ATF 124 III 112 consid. 2a; 119 II 232 consid. 2;).

4.        Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b, 125 V 195 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

5.        En l’espèce, conformément à l’arrêt du Tribunal fédéral, les mesures d’instruction supplémentaires ont été ordonnées. Interpellée, la Poste confirme ne pas avoir retrouvé de traces du paiement et invoque une erreur de l’un de ses collaborateurs qui aurait remis à tort une quittance. La Poste affirme que le montant n’a jamais été payé. L’assureur a produit le détail du compte sur lequel le montant contesté aurait été versé. La somme litigieuse de 2'569 fr. 10 n’apparait pas.

6.        La solution retenue dans l’arrêt de la Cour de céans du 24 septembre 2012 reste dès lors fondée et peut être reprise.

Le recourant pouvait valablement se libérer en versant le montant en suspens sur le compte postal de l'intimée. Celle-ci a confirmé que le numéro de compte ressortant du récépissé de paiement produit par le recourant correspondait bien à l'un de ses comptes.

Cependant, le récépissé ne comporte pas la preuve stricte du fait que le paiement du recourant est parvenu en mains de l'intimée. Il ressort, au contraire, des pièces au dossier que les services de la poste ont tenté, sans succès, de retrouver la trace du versement litigieux. Au regard de la jurisprudence sus-évoquée, le risque de paiement est demeuré auprès du débiteur. Dans la mesure où ce dernier supporte le fardeau de la preuve du paiement (art. 8 CC et art. 81 al. 1 LP), c'est à juste titre que l'assurance a considéré que la preuve libératoire n'était pas apportée.

L'assurance a levé l'opposition, dans les deux poursuites, à concurrence des montants correspondant aux primes de l'assurance obligatoire pour les mois d'août à décembre 2010 d'au total 1'519 fr. 25 (5 x 303 fr. 85) et de janvier à mars 2011 d'au total 1'076 fr. 85 (3 x 358 fr. 95), à la participation de 57 fr. 05, aux frais de sommation de 6 x 30 fr., respectivement 3 x 30 fr. et d'ouverture de dossier de 2 x 120 fr. - admissibles au regard de l'art. 105b OAMal et de l'art. 3 ch. 1 des conditions générales de l'assurance obligatoire de l'intimé (ATF 125 V 276; ATFA non publié du 29 janvier 2003, K 28/02, consid. 5) - et aux frais de poursuite de 73 fr. par poursuite. Il n'y a toutefois pas lieu de lever l'opposition pour ces deux derniers montants. En effet, les frais de poursuite (art. 16 LP) suivent le sort de la poursuite en cours (GILLIERON, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, n. 15 ad art. 68). La mainlevée de l'opposition n'a ainsi pas à être prononcée séparément pour les frais de poursuite de 73 fr. que réclame l'intimée.

La décision querellé sera donc modifiée en ce sens que le prononcé de la mainlevée sera limité au montant de 843 fr. 90 (1'076 fr. 85 + 90 fr. + 120 fr. - 126 fr. (abandon primes LCA) - 316 fr. 95 (acompte)) dans la poursuite 11 756816 B et à 1'696 fr. 30 (1'519 fr. 25 + 57 fr. 05 + 120 fr. + 180 fr. - 180 fr. (abandon de primes LCA) dans la poursuite ___________.

7.        Il n'appartient pas à la Cour de se prononcer sur la question de savoir si le recourant peut, avec succès, se retourner contre les services de la poste; ce point ne fait pas l'objet du présent litige.

8.        La procédure est gratuite.

* * *

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

A la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement.

3.        Prononce la mainlevée de l’opposition faite au commandement de payer, poursuite n° ____________, à concurrence de 843 fr. 90.

4.        Prononce la mainlevée de l’opposition faite au commandement de payer, poursuite n° ____________, à concurrence de 1'696 fr. 30.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Brigitte BABEL

 

La présidente

 

 

 

 

Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le