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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2300/2022

ATAS/952/2022 du 03.11.2022 ( LCA )

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2300/2022 ATAS/952/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt incident du 3 novembre 2022

4ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié rue ______, GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Albert J. GRAF

 

demandeur

contre

 

AXA ASSURANCE SA, sise General-Guisan Strasse 40, WINTERTHUR, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Patrick MOSER

 

 

défenderesse

 


 

EN FAIT

A. a. Par jugement du 18 mars 2022, la présidente du Tribunal civil d’arrondissement de La Côte a prononcé l’irrecevabilité pour incompétence territoriale d’une demande déposée par Monsieur A______ (ci-après : le demandeur) contre AXA ASSURANCE SA (ci-après : la défenderesse), qui concluait au paiement de CHF 26'503.36 avec intérêts à 5% dès le 1er juin 2020 à titre d’indemnités journalières pour une incapacité de travail due à des problèmes psychologiques.

b. Le 30 mars 2022, le demandeur a déposé une requête de conciliation auprès du Tribunal de première instance civil de Genève (ci-après : le Tribunal civil) reprenant ses précédentes conclusions.

c. Le 20 juin 2022, la défenderesse a fait valoir l’incompétence de ce dernier.

d. Au terme d’une audience du 7 juillet 2022, le Tribunal civil a délivré une autorisation de procéder (C/6409/2022).

e. Le demandeur a déposé sa demande devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice le 12 juillet 2022, faisant valoir que l’autorisation de procéder du 7 juillet 2022 avait perpétué la litispendance, réputée créée au 25 mars 2021. La validité de l’autorisation de procéder rendue par le Tribunal de première instance n’importait pas, vu l’absence de conciliation préalable obligatoire par devant l’autorité de céans.

f. La défenderesse a fait valoir dans sa réponse que la procédure introduite par la requête de conciliation du 30 mars 2022 était toujours pendante et que seule une demande déposée auprès du Tribunal civil aurait éventuellement permis de perpétuer la litispendance. Ce n’était que si l’irrecevabilité faute de compétence matérielle ou locale avait été constatée que la demande pouvait être réintroduite dans les conditions de l’art. 63 du code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272). Cette disposition ne s’appliquait pas en cas d’autorisation de procéder invalide. Il fallait en conclure que la demande du 7 juillet 2022 auprès de la chambre des assurances sociales constituait une nouvelle demande pour laquelle l’art. 63 CPC n’était pas applicable.

L’écriture adressée le 7 juillet 2022 à la chambre des assurances sociales devait être considérée comme une nouvelle demande auprès d’une autorité tierce pour laquelle le demandeur ne pouvait se prévaloir de la litispendance éventuellement créée dans le prolongement de la décision du Tribunal d’arrondissement de la Côte du 18 mars 2022.

En l’absence de déclaration d’irrecevabilité pour cause d’incompétence des tribunaux genevois, le délai de prescription n’avait pas été fictivement interrompu.

g. Le 30 septembre 2022, le demandeur a demandé la suspension de la procédure, car il était dans l’attente d’un jugement d’irrecevabilité du Tribunal civil, qui serait produit dès notification, référence faite à la doctrine et à la jurisprudence citée dans le Commentaire romand CPC (n. 55 ad art. 59 p. 190).

h. Le 4 octobre 2022, le demandeur a déposé sa demande au Tribunal civil concluant à son irrecevabilité.

i. Le 17 octobre 2022, la défenderesse a fait valoir devant la chambre de céans que dès lors que l’identité de l’objet du litige ne faisait aucun doute, le demandeur devait se voir opposer l’exception de litispendance. L’action du demandeur était prématurée et devait être déclarée irrecevable.

j. Le 19 octobre 2022, le demandeur a confirmé sa position.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 7 du Code de procédure civile suisse du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272) et à l'art. 134 al. 1 let. c de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives aux assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale prévue par la LAMal, relevant de la loi fédérale sur le contrat d'assurance, du 2 avril 1908 (loi sur le contrat d’assurance, LCA - RS 221.229.1).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Selon l’art. 59 al. 1 CPC, le tribunal n’entre en matière que sur les demandes et les requêtes qui satisfont aux conditions de recevabilité de l’action (al. 1). Selon l’al. 2 let. d de cette disposition, le litige ne doit pas faire l’objet d’une litispendance préexistante.

Le tribunal examine d’office si les conditions de recevabilité sont remplies (art. 60 CPC).

Selon l’art. 62 al. 1 CPC, l’instance est introduite par le dépôt de la requête de conciliation, de la demande ou de la requête en justice, ou de la requête commune en divorce.

Selon l’art. 63 al. 1 CPC, si l’acte introductif d’instance retiré ou déclaré irrecevable pour cause d’incompétence est réintroduit dans le mois qui suit le retrait ou la déclaration d’irrecevabilité devant le tribunal ou l’autorité de conciliation compétent, l’instance est réputée introduite à la date du premier dépôt de l’acte.

À teneur de l’art. 64 al. 1 let. a CPC, la litispendance déploie en particulier les effets suivants: la même cause, opposant les mêmes parties, ne peut être portée en justice devant une autre autorité; b. la compétence à raison du lieu est perpétuée.

Selon l’art. 64 al. 2 CPC, lorsqu’un délai de droit privé se fonde sur la date du dépôt de la demande, de l’ouverture de l’action ou d’un autre acte introductif d’instance, le moment déterminant est le début de la litispendance au sens de la présente loi.

Le tribunal ne peut pas entrer en matière si lui-même (TF, SJ 2014 I 81, RSPC 2013 46, c.2.2.1 et les réf.; pour des réflexions sous l’empire des droits cantonaux: Reymond, 273ss) ou un autre tribunal suisse a été saisi préalablement d’une demande portant sur un même objet de litige entre les mêmes parties. Il se justifie cependant de ne déclarer la demande irrecevable qu’une fois que le tribunal saisi en premier est entré en matière sur le fond (et non pas simplement déclaré compétent, voir Bohnet, RDS II 2009, 256: en cas d’action négatoire par exemple, le premier juge saisi pourrait, après avoir admis, expressément ou tacitement, sa compétence, déclarer la demande irrecevable, faute d’intérêt, voir ATF 131 III 319, c.3, SJ 2005 I 449, qui fait suite à l’ATF 128 III 284, c.3). La cause devrait ainsi, par souci d’efficience, être suspendue jusqu’à droit connu sur le premier procès (Reymond, CEDIDAC 74, 46-48; art.126 al.1). Selon le Tribunal fédéral, la suspension peut certes se révéler judicieuse sur le plan pratique, mais cela ne signifie pas pour autant qu’une décision d’irrecevabilité immédiate serait contraire au droit fédéral (TF, SJ 2014 I 81, RSPC 2013 46, c. 2.2.4).

Si le tribunal saisi en premier entre en matière sur le fond, cette cause se terminera, sauf circonstance particulière, par un jugement au fond revêtu de l’autorité de la chose jugée. Si en revanche le premier tribunal saisi ne statue pas au fond, l’intérêt renaît et l’action cesse d’être paralysée, pour autant qu’elle ne soit pas périmée.

L’examen doit se faire d’office (art.60). Le juge est cependant, par la force des choses, tributaire des informations que les parties voudront bien lui donner (art.60 N4). Cette question doit être traitée avant l’entrée en matière sur le fond. Ainsi, le juge devra par exemple régler la problématique de la litispendance avant celle de la prescription (RSPC 2006 16) (CR CPC-Bohnet, art.59 N 55-57).

Aux termes de l’art. 126 al. 1 CPC, le tribunal peut ordonner la suspension de la procédure si des motifs d'opportunité le commandent. La procédure peut notamment être suspendue lorsque la décision dépend du sort d'un autre procès.

3.             En l’espèce, il se justifie, au vu de la doctrine précitée, de suspendre la présente cause jusqu’à droit connu dans la procédure en cours au Tribunal civil (C/6409/2022).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant sur incident

1.        Suspend l'instance en application de l’art. 126 CPC, jusqu’à droit connu dans la procédure pendante devant le Tribunal civil (C/6409/2022).

2.        Réserve la suite de la procédure.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile (Tribunal fédéral suisse, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14), sans égard à sa valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. b LTF). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoqués comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) par le greffe le