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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3164/2020

ATAS/923/2021 du 10.09.2021 ( PC ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3164/2020 ATAS/923/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 10 septembre 2021

3ème Chambre

En la cause

Madame A______, domiciliée au PETIT-LANCY, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Daniel BURKHARDT

 

 

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


 

 

EN FAIT

 

A.      a. Madame A______ (ci-après : la bénéficiaire), née en 1941, reçoit des prestations complémentaires cantonales depuis juillet 2008.

b. Par décision du 11 mars 2019, le Service des prestations complémentaires (ci-après : SPC), ayant appris que le fils de sa bénéficiaire était domicilié chez cette dernière, a mis un terme au versement des prestations avec effet au 1er avril 2019.

c. Par courrier du 31 mars 2019, la bénéficiaire s'est opposée à cette décision, en contestant toute cohabitation avec son fils. Ce dernier expliquait dans une lettre les raisons qui avaient motivé sa domiciliation à l’adresse de sa mère depuis son retour du Japon, durant l’été 2013.

d. Par décision du 29 août 2019, le SPC, considérant avoir versé des prestations à tort d’octobre 2012 à mars 2019, a réclamé à sa bénéficiaire le remboursement de CHF 25'056.-. En revanche, il lui a reconnu le droit à des prestations complémentaires cantonales de 380.- CHF/mois à compter d'avril 2019.

Par décision du même jour, le SPC a également requis la restitution des subsides d’assurance-maladie versés indûment entre 2016 et 2019, soit CHF 2'964.-.

e. Par décision du 30 août 2019, le SPC a considéré que l’opposition du 31 mars 2019 était devenue sans objet, puisqu'une nouvelle décision avait été rendue le 29 août 2019, qui avait reconnu à l'intéressée le droit aux prestations à compter d'avril 2019, date au-delà de laquelle la domiciliation de son fils chez elle avait été révoquée auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM).

f. Par pli du 22 septembre 2019, la bénéficiaire a demandé la remise de l’obligation de restituer les sommes réclamées, demande que le SPC a rejetée par décision du 16 juillet 2020, confirmée sur opposition le 4 septembre 2020, au motif que la condition de la bonne foi n’était pas remplie.

B.       a. Par écriture du 7 octobre 2020, la bénéficiaire a interjeté recours auprès de la Cour de céans en concluant à l'annulation de la décision du 4 septembre 2020, à la remise de l’obligation de restituer la somme litigieuse et au renvoi de la cause à l’intimé pour nouvelle décision.

b. Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse 27 octobre 2020, a conclu au rejet du recours.

c. Le 11 février 2021, s’est tenue une audience de comparution personnelle, au cours de laquelle l’intimé a soutenu que la question litigieuse se limitait à savoir si la recourante avait annoncé le fait que son fils partageait son logement durant la période litigieuse, fait qui, en tant que tel, était admis, puisque la recourante ne s’était pas opposée à la décision de restitution, laquelle était en conséquence entrée en force. La recourante, a allégué avoir reçu les décisions des 29 et 30 août 2019 en même temps; si son courrier du 22 septembre 2019 mentionnait expressément « une demande de remise », c'est qu'elle avait été mal conseillée par une assistante sociale.

d. Les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives et la recourante a versé au dossier différentes pièces, démontrant, selon elle, qu’elle n’a pas cohabité avec son fils.

 

EN DROIT

 

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30).

Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Les dispositions de la LPGA s’appliquent aux prestations complémentaires fédérales à moins que la LPC n’y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC). En matière de prestations complémentaires cantonales, la LPC et ses dispositions d’exécution fédérales et cantonales, ainsi que la LPGA et ses dispositions d’exécution, sont applicables par analogie en cas de silence de la législation cantonale (art. 1A LPCC).

3.        Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Toutefois, dans la mesure où le recours était alors pendant devant la Cour de céans, il reste soumis à l'ancien droit (cf. art. 82a LPGA ; RO 2020 5137 ; FF 2018 1597; erratum de la Commission de rédaction de l’Assemblée fédérale du 19 mai 2021, publié le 18 juin 2021 in RO 2021 358).

4.        a. L’art. 52 al. 1 LPGA prévoit qu'avant d'être soumises à la Cour de céans, les décisions d'un assureur doivent être attaquées dans les trente jours par voie d'opposition auprès de l'assureur qui les a rendues.

b. Conformément aux art. 56 al. 1 et 60 al. 1 LPGA, les décisions sur opposition et celles contre lesquelles l'opposition n'est pas ouverte, sont sujettes à recours dans le délai de trente jours suivant la notification de la décision.

c. En l’espèce, il convient au préalable de déterminer si c’est à juste titre que l’intimé, dans sa décision du 16 juillet 2020 refusant la remise de l’obligation de restituer la somme de CHF 28'020.-, correspondant aux prestations complémentaires cantonales et aux subsides d’assurance-maladie versés selon lui indûment entre octobre 2012 et mars 2019, a implicitement considéré que la décision de restitution du 29 août 2019 était entrée en force, faute d’opposition.

5.        La restitution de prestations - au sens de l'art. 25 al. 1 LPGA ainsi que de la jurisprudence qui en découle - nécessite en principe la mise en œuvre d'une procédure en trois étapes: la première étape porte sur l'examen du caractère indu des prestations ou, en d'autres termes, sur le point de savoir si les conditions d'une reconsidération de la décision par laquelle celles-ci avaient été octroyées sont réalisées; la deuxième étape concerne la restitution des prestations et comprend, notamment, l'examen à l'aune de l'art. 25 al. 1, première phrase, LPGA des effets dans le temps de la correction à effectuer en raison du caractère indu des prestations; la troisième étape porte sur la remise de l'obligation de restituer, au sens de l'art. 25 al. 1, seconde phrase, LPGA (arrêt du Tribunal fédéral 9C_638/2014 du 13 août 2015 consid. 3.2 et les références).

Il résulte de cette différenciation que les éléments constatés dans une décision (administrative ou judiciaire non contestée et, partant, entrée en force) prise à l'issue d'une procédure en restitution ne peuvent plus être contestés lors d'une procédure ultérieure de remise de l'obligation de restituer (arrêt précité consid. 3.2 et la référence citée).

6.        Selon l'art. 25 al. 1, première phrase, LPGA, les prestations indûment touchées doivent être restituées. L'assuré concerné peut demander la remise de l'obligation de restituer, lorsque la restitution des prestations allouées indûment, mais reçues de bonne foi, le mettrait dans une situation difficile (art. 25 al. 1, deuxième phrase, LPGA). Le destinataire d'une décision de restitution qui entend la contester dispose en réalité de deux moyens qu'il convient de distinguer de façon claire: s'il prétend qu'il avait droit aux prestations en question, il doit s'opposer à la décision de restitution dans un délai de trente jours; en revanche, s'il admet avoir perçu indûment des prestations, mais qu'il invoque sa bonne foi et des difficultés économiques qu'il rencontrerait en cas de remboursement, il doit présenter une demande de remise. La demande de remise ne peut être traitée sur le fond que si la décision de restitution est entrée en force, la remise et son étendue faisant l'objet d'une procédure distincte (arrêt du Tribunal fédéral 8C_799/2017, 8C_814/2017 du 11 mars 2019 consid. 6 et les références). Intrinsèquement, une remise de l'obligation de restituer n'a de sens que pour la personne tenue à restitution (arrêt du Tribunal fédéral 9C_211/2009 du 26 février 2010 consid. 3.1).

On précisera encore que selon l'art. 4 al. 4 de l’ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales du 11 septembre 2002 (OPGA - RS 830.11), une telle demande doit être déposée au plus tard trente jours à compter de l'entrée en force de la décision de restitution.

7.        En l’occurrence, c’est à tort que l’intimé soutient que la décision de restitution du 29 août 2019 est entrée en force.

Certes, dans son courrier du 16 juillet 2020, la recourante indique expressément présenter une demande de remise de l’obligation de restituer la somme réclamée en invoquant sa bonne foi et son incapacité à rembourser ladite somme. Cela étant, elle remet également en cause son obligation de restituer puisqu’elle fait valoir qu’elle n’a pas cohabité avec son fils. Elle se réfère à son opposition du 31 mars 2019 à la décision du 11 mars 2019 lui niant son droit aux prestations complémentaires dès le 1er avril 2019 acte dans lequel elle avait déjà contesté cette cohabitation et, à la lettre de son fils du 31 mars 2019.

C'est dès lors à tort que l’intimé, dans sa décision du 30 août 2019 a déclaré l'opposition sans objet, étant rappelé que, la veille, il avait rendu une décision reconnaissant certes à la recourante le droit à des prestations complémentaires dès avril 2019, mais exigeant aussi la restitution des prestations versées en trop entre octobre 2012 et mars 2019.

C’est le lieu de rappeler que l'art. 16c al. 1 de l’ordonnance sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité, du 15 janvier 1971(OPC-AVS/AI - RS 831.301), qui prévoit le partage du loyer lorsque des appartements ou des maisons familiales sont aussi occupés par des personnes non comprises dans le calcul des prestations complémentaires, ne fait pas directement référence à la notion de domicile au sens du droit civil. Par l'emploi du terme « occupés » (en allemand: « bewohnt »; en italien: « occupati »), le Conseil fédéral a manifestement voulu se fonder sur la situation concrète de la personne concernée. Dans les faits, cela implique que cette dernière habite effectivement à la même adresse que la personne bénéficiaire des prestations complémentaires. Dans ces circonstances, le dépôt de papiers ou le domicile fiscal, comme indices formels, ne peuvent créer qu'une présomption de fait que d'autres indices peuvent permettre de renverser (arrêt du Tribunal fédéral 9C_807/2009 du 24 mars 2010 consid. 3.4 et la référence).

Or, force est de constater que l’intimé s’est exclusivement fié, tant pour la période débutant le 1er avril 2019 que pour celle antérieure à cette date, aux données de l’OCPM, sans avoir investigué en violation de son obligation d’instruire d’office (art. 43 al. 1 LPGA) la question de savoir si les faits allégués dans les écritures des 31 mars 2019 (la domiciliation du fils de la recourante chez celle-ci n’avait pour objectif que la création d’une adresse légale à des fins administratives sans qu’ils ne vivent ensemble) également pertinents pour la période litigieuse d’octobre 2012 à mars 2019 étaient établis ou pas.

Comme relevé plus haut, dans son courrier du 16 juillet 2020, la recourante ne demandait pas uniquement la remise de l’obligation de restituer. Elle contestait à nouveau avoir jamais partagé son logement avec son fils – allégation répétée tant dans son opposition du 11 août 2020 (à la décision refusant la remise) que dans les actes ultérieurs en procédure contentieuse, en joignant diverses pièces à l’appui de sa position.

Dans ces circonstances, on ne peut suivre l’intimé lorsqu’il affirme que la recourante aurait renoncé à contester avoir cohabité avec son fils. Au contraire, on doit constater qu'elle n'a jamais renoncé à s’opposer à la décision de restitution du 29 août 2021, dès lors que, dans son courrier du 22 septembre 2019, elle a expressément remis en cause le fait que son appartement était occupé par son fils durant la période litigieuse. Comme, par ailleurs, ce courrier a été adressé à l’intimé en temps utile (art. 52 al. 1 LPGA), celui-ci devait considérer cette écriture comme une opposition à la décision de restitution, et examiner le bien-fondé des griefs invoqués par la recourante s'agissant de l'application d'un loyer proportionnel.

L'intimé ne pouvait dès lors traiter la demande de remise de l’obligation de restituer sur le fond comme si la décision du 29 août 2021 était entrée en force.

Il s’ensuit que les décisions des 16 juillet et 4 septembre 2020 sur la remise de l’obligation de restituer ont été rendues prématurément (voir dans le même sens : arrêts du Tribunal fédéral P.63/06 du 14 mars 2007 consid. 4.2.2 ; P.59/06 du 5 décembre 2007 consid. 4).

À défaut de décision susceptible de recours à savoir une décision sur opposition portant sur la restitution, la Cour de céans ne peut entrer en matière sur le recours, lui aussi prématuré. Il doit par conséquent être déclaré irrecevable. Aussi y a-t-il lieu d’annuler la décision litigieuse du 4 septembre 2020 et de renvoyer la cause à l’intimé, à charge pour celui-ci de statuer enfin sur opposition sur la question du bien-fondé de la demande en restitution des prestations complémentaires (arrêt du Tribunal fédéral P.63/06 du 14 mars 2007 consid. 4.2.2 et 4.2.3).

Il appartiendra à l’intimé d’examiner si les pièces produites par la recourante dans le cadre de la présente procédure permettent d’infirmer ou confirmer la cohabitation avec le fils pendant la période litigieuse et d’administrer, cas échéant, d’autres moyens de preuves, en collaboration avec la recourante (art. 43 al. 3 LPGA), laquelle pourra, dans ce contexte, fournir d’autres justificatifs propres à prouver les faits qu'elle allègue.

8.        La recourante, représentée par un avocat, obtient gain de cause, de sorte qu'elle a droit à une indemnité de dépens à la charge de l’intimé, fixée en l’espèce à CHF 1'300.- (art. 61 let. g LPGA; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours irrecevable, car prématuré.

2.        Annule la décision sur opposition du 4 septembre 2020 portant sur la remise de l’obligation de restituer.

3.        Renvoie la cause à l’intimé pour qu’il rende une décision sur opposition sur la restitution des prestations litigieuses dans le sens des considérants.

4.        Alloue une indemnité de CHF 1'300.- à la recourante à titre de dépens, à la charge de l’intimé.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

 

La greffière

 

 

 

 

Marie-Catherine SECHAUD

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le