Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2978/2006

ATAS/890/2007 (2) du 21.08.2007 ( LCA ) , REJETE

Descripteurs : ; LOI SUR LE CONTRAT D'ASSURANCE ; RETRAITE ANTICIPÉE ; PERTE DE GAIN ; MALADIE ; INDEMNITÉ JOURNALIÈRE
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2978/2006 ATAS/890/2007

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

Chambre 1

du 21 août 2007

 

En la cause

L__________AG, sise c/o M. V__________, ZOLLIKON, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Olivier CARRARD

demanderesse

 

contre

Y__________ D'ASSURANCES, sise avenue de Cour 26, LAUSANNE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Pierre GABUS

 

Monsieur B__________, domicilié c/o D__________, ZOLLIKON, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Olivier CARRARD

défenderesse

 

 

 

appelé en cause

 

 

 


EN FAIT

Monsieur B__________ (ci-après : l'appelé en cause), né le 1939, a travaillé en qualité de président du conseil d’administration de la société L__________AG (ci-après : la demanderesse).

Celle-ci a assuré tous ses employés pour la perte de gain en cas de maladie auprès de la compagnie X__________ ASSURANCE, dont les droits et obligations ont été repris par Y__________ D'ASSURANCE (ci-après : la défenderesse). Le contrat, daté du 22 novembre 2001, prévoit le versement du salaire assuré à cent pour cent pendant 730 jours sous déduction d'un délai de carence de 60 jours, ainsi qu'un for judiciaire à Genève pour tous litiges en découlant. Il est assorti de conditions générales dont la teneur sera examinée, en tant que de besoin, dans la partie en droit qui suit.

Le 20 janvier 2003, l'appelé en cause a été hospitalisé d'urgence en raison d'un syndrome de Guillain-Barré à la "établissement hospitalier" de Balgrist, dans le canton de Zurich.

Par déclaration de sinistre du 4 février 2003, la demanderesse a informé la défenderesse de l'état de santé de l'appelé en cause et de son incapacité de travail, précisant que le salaire déterminant était de 96'000 fr. par an.

Le 7 mars 2003, le Dr A___________, neurologue, a attesté de l'incapacité totale de travail de l'appelé en cause, pour une période indéterminée en raison d'un état très grave consécutif au syndrome précité ayant nécessité son hospitalisation aux soins intensifs.

Il ressort des pièces médicales que l'appelé en cause a souffert d'une infection des voies respiratoires supérieures, ayant nécessité une intubation pendant douze heures, puis a été atteint d'une paralysie très rapide de toutes les extrémités. La motricité volontaire du patient se limitait à de petits mouvements minimaux au niveau du pouce gauche et des orteils des deux côtés.

La défenderesse, conformément au contrat précité, a versé à la demanderesse dès le 21 mars 2003 des indemnités journalières d'un montant de 263 fr. 01 par jour en raison de l'incapacité totale de travail du bénéficiaire survenue dès le 23 janvier 2003.

En juin 2003, Monsieur V__________, membre du conseil d’administration de la demanderesse, s'est adressé par téléphone à Monsieur G___________, employé de la défenderesse en charge des contrats d'assurances conclus avec elle, afin de se renseigner sur les conséquences d'un éventuel départ à l'étranger de l'appelé en cause, de même que d'une éventuelle cessation d'activité ou liquidation de la société.

Dans le cadre d'enquêtes judiciaires devant le Tribunal de première instance en date du 25 janvier 2006, Monsieur G___________ a confirmé avoir eu plusieurs entretiens téléphoniques avec M. V__________. Ainsi informé que l'appelé en cause envisageait d'émigrer et interrogé sur les conséquences de ce départ sur les prestations versées par l'assurance, il a répondu que tant que l'appelé en cause avait son domicile en Suisse, AXA devrait verser les prestations. Il n’y avait pas eu, à sa connaissance, d'échange de correspondance avec M. V__________.

A la demande de la défenderesse, les Drs B__________ et C__________ de la "établissement hospitalier" de Balgrist, ont confirmé, par lettre du 17 juin 2003, que l'appelé en cause était totalement incapable de travailler depuis son entrée à la "établissement hospitalier". Il avait pu quitter les soins intensifs après avoir été stabilisé au niveau respiratoire et circulatoire et suivait depuis une ergothérapie intensive à la "établissement hospitalier", ainsi qu'une physiothérapie respiratoire et un petit "training". Il n'était pas possible de se prononcer définitivement sur le succès de ces soins, cependant on pouvait compter sur une guérison au cours des prochains mois. Il était encore trop tôt pour évaluer la future capacité de travail du patient. Une modification de cette capacité était théoriquement possible, et une réévaluation devait être pratiquée dans les deux à trois mois.

Par décision du 15 décembre 2003, l'appelé en cause s'est vu reconnaître le droit à une rente entière d'invalidité par l'assurance-invalidité d'un montant de 2'110 fr. par mois avec effet au 1er janvier 2004.

Par courrier du 23 janvier 2004, l'institution de prévoyance à laquelle l'appelé en cause était affilié, AGSA Pensionskass (ci-après : AGSA) s'est prononcée suite à une question de la demanderesse sur la possibilité d'un versement en capital. Elle l'a ainsi informée qu'après la survenance d'un cas d'assurance, un tel versement n'était plus possible, puisqu'une rente d'invalidité viagère de 13'500 fr. par an serait versée. La prestation de sortie découlant de l'assurance surobligatoire pouvait, elle, être versée sans limitation. AGSA a cependant proposé - sans préjudice ni reconnaissance d'une obligation juridique - de résilier l'assurance au 29 février 2004, à condition que l'appelé en cause pour sa part renonce à l'octroi de la rente vieillesse-invalidité ainsi qu'aux montants économisés jusqu'au 31 octobre 2004. A ces conditions, le versement pouvait intervenir, une fois le formulaire nécessaire signé et retourné.

Dès le 28 janvier 2004, la défenderesse a exigé de la demanderesse la production de certificats médicaux mensuels attestant de l'incapacité de travail de l'appelé en cause. Elle demandait également copie des documents relatifs à la demande de rente auprès de l'assurance-invalidité, précisant que le montant de l'indemnité journalière serait diminué par l'octroi d'une rente AI.

La défenderesse aurait également précisé à la demanderesse, lors d'entretiens non écrits, que l'appelé en cause ne pouvait quitter la Suisse pour une durée supérieure à 18 jours.

Le 2 février 2004, le Dr D__________, chef du département de paraplégie de la "établissement hospitalier" de Balgrist, a indiqué que l'affection était lentement en rémission.

Par lettre du 3 février 2004 adressée à la demanderesse, AGSA a accusé réception du formulaire exigé pour le versement en capital et a indiqué qu'elle mettait un terme à l'assurance concernant l'appelé en cause consécutivement à la retraite anticipée de celui-ci au 29 février 2004.

Le 6 février 2004, l'appelé en cause s'est installé avec sa famille aux Philippines, pays dont son épouse est ressortissante. Il a cependant conservé une adresse officielle en Suisse, d'abord à Zollikerberg puis à Zollikon dès le 1er juin 2005, où il paie encore ses impôts et son assurance-maladie.

Par courrier du même jour, le conseil de la demanderesse a informé la défenderesse du départ de l'appelé en cause pour les Philippines. Il s'est référé à l'entretien téléphonique qui avait eu lieu en juin 2003 entre la demanderesse et M. G___________ s'agissant des conditions de versement de l'indemnité journalière en cas de départ à l'étranger et a demandé à la défenderesse de lui confirmer la poursuite du versement des indemnités journalières, ainsi que le maintien de l'exigence de la production de certificats médicaux mensuels, également en ce qui concernait des médecins philippins.

Par lettre du 27 février 2004, la défenderesse a répondu en substance à l'avocat précité qu'elle devait mettre un terme au paiement de l'indemnité suite au transfert à l'étranger du domicile de l'appelé en cause. L'art. 38 al. 2 CGA, disposition discutée entre les parties, prévoyait en effet l'extinction de la couverture d'assurance en ce cas.

Par lettre du même jour, la défenderesse a procédé à un nouveau calcul du montant des indemnités journalières pour les mois de janvier et février 2004, afin de tenir compte de l'octroi de la rente d'invalidité dès le 1er janvier 2004 et a fixé ce montant journalier à 165 fr. 90. Cette décision adressée à la demanderesse, a été également communiquée à l'appelé en cause.

Le 1er mars 2004, la prestation de sortie LPP d'un montant de 314'500 fr. 75 a été versée à l'appelé en cause par l'institution de prévoyance. Cette information n’a pas été communiquée à la défenderesse.

Par missive du 3 mars 2004, la demanderesse a contesté que l'art. 38 al. 2 CGA trouvait application, et a soutenu que seul l'art. 42 CGA était pertinent, car l'appelé en cause était assuré au moment de la survenance du sinistre. La défenderesse ne pouvait, à son avis, refuser le versement.

Par décision du 24 mars 2004, l'assurance-invalidité a octroyé à l'appelé en cause une allocation pour impotence grave, avec effet au 1er janvier 2004, d'un montant mensuel de 1'688 fr.

Par courrier du 28 avril 2004, la défenderesse a notamment indiqué qu'elle n'avait pas donné son consentement au départ à l'étranger de l'appelé en cause, condition nécessaire selon ses conditions générales pour poursuivre le versement des prestations en pareil cas. Elle a précisé qu'elle n'était pas tenue par l'approbation verbale donnée par son employé (M. G___________). Elle a encore précisé que s'il n'était pas contesté que l'appelé en cause ait eu le droit de toucher des prestations en application de l'art. 38 al. 3 CGA, cela dépendait de son domicile en Suisse ou au Lichtenstein.

S'en est suivi un échange de correspondance, la demanderesse soutenant que sa partie adverse se s'était pas opposé au départ de l’appelé en cause dans la mesure où M. G___________, son employé, était informé de la situation par téléphone et avait indiqué que le versement serait poursuivi, la défenderesse alléguant que les certificats médicaux produits, émanant de médecins philippins, étaient insuffisants à démontrer l'incapacité de travail de l'appelé en cause.

L'appelé en cause ayant atteint l'âge de la retraite le 23 octobre 2004, la rente et l'allocation pour impotent de l'assurance-invalidité ont été remplacées à partir du 1er novembre 2004 en rente et allocation pour impotent de l'assurance-vieillesse, sans changement de montants.

Le 22 novembre 2004, la demanderesse a initié auprès du Tribunal de première instance de Genève une demande en paiement des indemnités journalières contre la défenderesse. Ce tribunal s'est déclaré incompétent par jugement du 21 juin 2006.

En date du 16 août 2006, la demanderesse a alors saisi le Tribunal cantonal des assurances sociales d'une demande visant la condamnation de la défenderesse au paiement d'un montant total de 48'774 fr. 60 correspondant aux indemnités journalières valant pour la période du 1er avril 2004 au 19 janvier 2005, portant intérêts à 5% dès le 15 juillet 2004. Ses arguments juridiques seront examinés pour le surplus dans la partie en droit.

Par réponse du 15 septembre 2006, la défenderesse a conclu au déboutement de sa partie adverse, sous suite de dépens. Ses arguments seront également examinés dans la partie en droit.

Par ordonnance du 19 mars 2007, le Tribunal de céans a appelé en cause Monsieur B__________.

Par mémoire du 16 avril 2007, celui-ci a confirmé intégralement la présentation des faits de la demanderesse et a conclu, sous suite de dépens, à la condamnation de la défenderesse au paiement à son profit d'un montant de 48'774 fr. 60 à titre d'indemnités journalières pour la période du 1er avril 2004 au 19 janvier 2005, plus intérêts, et, en tout état, au paiement à la demanderesse d'une somme de 3'279 fr. 85 plus intérêts. A l'appui de ses conclusions, il a expliqué avoir touché un montant de 314'500 fr. 75 de AGSA, non en raison d'un prétendu départ à l'étranger, mais "en raison de la cessation de son activité".

Il a par ailleurs indiqué, s’appuyant sur une lettre signée par lui à l’attention de Me Nicole WENGER figurant comme pièce au dossier, qu'il percevait depuis 1997 un montant de 70'000 fr. de Z__________ Inc., compagnie dont il détient 50% des actions au travers du X1__________. Ce montant lui est versé à titre d’honoraires de conseil et l’a été également pendant l’année où il n’a plus été capable de travailler. Il exerce cette activité par téléphone ou par utilisation du secrétariat de l’entreprise de son épouse, Y1____________International, dans la mesure où il ne peut utiliser sa main.

Par écritures du 11 mai 2007, la défenderesse a conclu, sur l'appel en cause, au déboutement de l'appelé en cause de toutes ses conclusions, confirmant ses conclusions antérieures pour le surplus. Elle relève, en sus de ses arguments déjà développés précédemment, que l’appelé en cause a réalisé en 2004 un revenu de 87'000 fr., composés du paiement de 70'000 fr. de Z__________ Inc. et de 17'320 fr. auprès d’un employeur inconnu, ce qui ressort de la déclaration fiscale produite en procédure.

Par lettre du 11 mai 2007, la demanderesse a indiqué se rallier aux constatations de fait, raisonnement en droit et conclusions de l’appelé en cause et a persisté dans ses propres conclusions.

Après communication des écritures aux parties, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

Conformément à l'art. 56 V al. 1 let. c LOJ, le Tribunal cantonal des assurances sociales connaît en instance unique des contestations relatives aux assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale prévue par la loi fédérale sur l’assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal), et à l’assurance-accident obligatoire prévue par la loi fédérale sur l’assurance-accident du 20 mars 1981 (LAA). Cette compétence couvre l'ensemble des contestations relatives aux assurances complémentaires, que celles-ci soient offertes par un assureur social ou par un assureur privé (Arrêt du Tribunal fédéral non publié du 8 février 2007, no 5P.359/2006).

En l'occurrence, la défenderesse est un assureur privé offrant une assurance complémentaire à la LAMal. La compétence du Tribunal de céans pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

Le contrat liant les parties ressortit à la loi sur le contrat d’assurance du 2 avril 1908 (LCA). Cette loi a subi des modifications, en vigueur depuis le 1er janvier 2006. Cependant, du point de vue temporel, sont en principe applicables les règles de droit en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits. Dès lors, les dispositions de la LCA seront citées dans leur teneur antérieure au 1er janvier 2006.

L'art. 46 LCA prévoit une prescription de deux ans pour les créances qui dérivent du contrat d'assurance, à dater du fait d'où naît l'obligation. Une telle prescription est cependant interrompue, en application de l'art. 127 CO applicable par renvoi de l'art. 100 al. 1 LCA, lorsque le créancier fait valoir ses droits par une action devant un tribunal, à condition que ce tribunal soit compétent. En cas d'incompétence du tribunal saisi, l'art. 139 CO apporte néanmoins une solution en ce sens qu'un délai supplémentaire de 60 jours est accordé au créancier pour faire valoir ses droits.

En l'espèce, le jugement du tribunal de première instance a été notifié à la demanderesse en date du 22 juin 2006. Celle-ci a déposé la présente demande au greffe du Tribunal de céans le 16 août 2006, de sorte que cette demande est recevable.

La défenderesse conteste préalablement la qualité pour agir de la demanderesse, employeur du bénéficiaire de l'assurance perte de gain.

En matière d'indemnité journalière, la jurisprudence a reconnu à un employeur, qui paie les primes d'assurance et avance le salaire d'un employé en cas d'accident, un intérêt digne de protection à voir annulée une décision contestant à l'employé la qualité d'assuré ou niant l'existence d'un événement accidentel, eu égard, aux obligations de l'employeur découlant des 324a et 324b CO (ATF 131 V 298 consid. 5.3). Il est ainsi admis que l'employeur peut avoir un intérêt direct pour former opposition contre le refus de l'assureur-accidents de prendre en charge le cas, afin que l'assuré obtienne une indemnité journalière qui a pour vocation de se substituer au salaire que l’employeur serait tenu de lui verser ou de lui avancer.

Même si le travailleur n'est pas assuré obligatoirement en vertu d’une disposition légale contre les conséquences de l'incapacité de travail pour cause de maladie, un même raisonnement doit être tenu en ce qui concerne l'indemnité journalière prévue par un contrat d'assurance collectif en ce cas. En effet, lorsque l'employeur conclut une assurance perte de gain en faveur de son employé en application de l'art. 324a al. 4 CO, assurance dont les prestations convenues sont au moins équivalentes à ce qui est exigible à teneur de l'art. 324a al. 2 CO, cette couverture par assurance se substitue à l'obligation légale faite à l'employeur de payer le salaire (voir Brunner/Bühler/Waeber, Commentaire du contrat de travail, 3e éd., N. 20 ad art. 324a CO). En cas de carence de l'assureur-maladie, il appartient en principe à l'employeur de verser le salaire dû. Il s'agit bien d'une situation similaire à celle qui prévaut en cas de refus de prester de l'assureur-accidents.

Dans le cas d'espèce, la demanderesse a conclu avec la défenderesse une assurance collective perte de gain en cas de maladie pour l'ensemble de ses employés, laquelle prévoit le versement du salaire assuré à cent pour cent pendant 730 jours sous déduction d'un délai de carence de 60 jours. Le refus de poursuivre le versement de l'indemnité journalière de la défenderesse, a en principe pour corollaire l'obligation de la demanderesse de verser le salaire convenu en cas de maladie. Celle-ci a donc un intérêt évident à agir afin que soit tranchée la question du bien-fondé du refus de la défenderesse.

Il convient par conséquent de reconnaître la qualité pour agir de la demanderesse.

Est litigieuse la question de savoir si la défenderesse était en droit de mettre un terme au versement des indemnités journalières au 31 mars 2004.

La défenderesse allègue que c'est à bon droit qu'elle a cessé le versement de l'indemnité journalière, en application des CGA. Ainsi, elle prétend qu'elle n'a jamais donné son accord préalable au départ pour les Philippines de l'appelé en cause. Elle relève que les discussions entre la demanderesse et M. G___________ en juin 2003 à ce propos ne sont nullement prouvées et, quoiqu'il puisse en être, étaient d'ordre général. Elle indique qu'aucune demande formelle n'a ainsi été déposée auprès d'elle quant à ce départ. Elle allègue encore que dès le 1er mars 2004, la demanderesse a cessé toute activité, ce qui constitue un motif supplémentaire justifiant, selon les CGA, la suppression de l'indemnité. Par ailleurs, tant la rente AI que la prestation LPP versée certes sous forme de capital doivent être déduites des indemnités journalières en application de l'art. 42 al. 6 CGA, avec pour conséquence la suppression de l'indemnité en raison d'une surindemnisation. Enfin, les revenus réalisés par l'appelé en cause en 2004 démontrent que ce dernier ne se trouvait pas en incapacité de travail cette année-là.

La demanderesse soutient quant à elle que l'art. 38 al. 2 CGA relatif à la durée de la couverture d'assurance n'est pas applicable au litige, en ce sens que si la couverture d'assurance est donnée lors de la survenance du sinistre, les conditions de la durée des prestations sont définies par l'art. 42 CGA. Ainsi, lorsqu'un assuré obtient l'assentiment de la compagnie d'assurance lors d'un départ à l'étranger, il conserve le droit de percevoir des indemnités journalières en application de l'art. 42 al. 2 § 3 CGA. Elle invoque encore le fait qu'une condition supplémentaire au maintien du versement aurait été mentionnée par téléphone par l'employé de la défenderesse, à savoir le maintien d'un domicile officiel en Suisse, or tel est bien le cas. Elle considère au surplus que le refus de la défenderesse de permettre à l'appelé en cause de quitter la Suisse pendant sa convalescence est constitutif d'un abus de droit. Enfin, selon elle, ni l'allocation pour impotent ni le montant en capital de l'avoir de prévoyance ne doivent être pris en compte dans l'examen éventuel d'une surindemnisation au sens de l'art. 42 al. 6 § 1CGA.

Les arguments soulevés par l'appelé en cause sont similaires à ceux de la demanderesse, de sorte qu'il convient d'y renvoyer.

Le droit applicable comprend d’une part la loi sur le contrat d'assurance (LCA) et d’autre part le contrat d’assurance maladie collectif du 22 novembre 2001 les conditions générales (ci-après : CGA), édition 2000, ce qui n'est ni contesté ni contestable.

A teneur des CGA, l'assurance est valable dans le monde entier, mais n'est valable que pendant douze mois en cas de voyage ou de séjour temporaire en dehors de l'Europe à compter du jour où l'assuré a franchi la frontière (art. 37 CGA). La couverture d'assurance cesse notamment lorsque l'assuré quitte l'entreprise assurée après 30 jours, pour autant qu'il n'existe pas, en vertu de conventions de libre passage, une autre couverture d'assurance, en cas de transfert de domicile à l'étranger ou au terme d'une période de douze mois lors d'un séjour dans un pays non européen (art. 38 al. 2 § 1, 2 et 10 CGA). S'agissant des cas qui ne sont pas encore réglés à l'extinction de la couverture d'assurance, l'art. 38 al. 3 CGA prévoit que les prestations continuent à être versées au-delà pour les maladies survenues pendant la durée du contrat, mais au maximum encore pour la durée des prestations prévues contractuellement, mais tout au plus jusqu'à l'attribution d'une rente de prévoyance professionnelle et seulement si l'assuré ne passe pas dans l'assurance individuelle. Aux termes de l'art. 42 CGA, les prestations consistent notamment en indemnité journalière, qui, si elle est fondée sur le gain, fait de la perte de gain l'objet de l'assurance; s'agissant de sa durée, un assuré malade qui se rend à l'étranger sans l'assentiment de l'assurance n'a, de toute façon, droit aux prestations que dès la date de son retour; enfin, les attestations d'incapacité de travail faites à l'avance ne sont reconnues que pour la durée d'un mois au maximum.

Les dispositions précitées distinguent clairement la question de la couverture d'assurance (art. 38 al. 2) des prestations, en particulier l'indemnité journalière (art. 42).

Dans le cas d'espèce, l'appelé en cause a pris une retraite anticipée avec effet au 29 février 2004. Il a ainsi quitté le cercle des assurés de la défenderesse. Dans cette mesure, la couverture d'assurance a pris fin après trente jours, conformément à l'art. 38 al. 2 § 1 CGA. En application de l'art. 38 al. 3 CGA, cela ne signifie pas la fin des prestations en cours. En effet, dans cette situation, la défenderesse est tenue de poursuivre le versement de l'indemnité journalière à certaines conditions.

Le Tribunal se dispensera toutefois de l'examen de ces conditions, laissant la question ouverte, car la demande doit être rejetée pour les raisons exposées ci-après.

En vertu de l’art. 42 al. 2 CGA, l’objet de l’assurance est la perte de gain si le montant de l’indemnité journalière est fondée sur le gain. L'art. 47 al. 1 CGA précise encore qu'est déterminant pour le calcul de l'indemnité journalière, le gain que l'assuré aurait touché pendant la durée de l'incapacité de gain s'il avait pu travailler.

Force est ainsi de constater que dans le cas d'espèce, la perte de gain est bien l'objet de l'assurance. Le montant du gain assuré de 96'000 fr. correspond au salaire de l’appelé en cause, réalisé auprès de la demanderesse, salaire qui a servi de référence à la fixation de l’indemnité journalière. Le lien entre ce salaire et l’indemnité journalière explique que le montant de celle-ci ait été diminué dans la même proportion que la rente de l’assurance-invalidité allouée à l’appelé en cause dès le 1er janvier 2004.

Il en découle qu’en l’absence d’une perte de gain, l’assuré ne saurait prétendre à l’indemnité journalière. Le Tribunal fédéral des assurances a du reste déjà eu l'occasion de préciser qu'un assuré en pré-retraite n’a pas droit à l’indemnité journalière faute de perte de gain (ATF 130 V 35 consid.3).

En l’occurrence, l’appelé en cause a mené de front plusieurs activités : celle pour la demanderesse, celle de conseil, encore exercée aujourd’hui depuis les Philippines, et des activités dont la teneur n'est pas connue mais qui ont dégagé un revenu de plus de 17'000 fr. en 2004. Seule la première activité concerne la présente cause, puisqu'elle seule fait l'objet du contrat signé entre les parties, fondement de la demande litigieuse.

En ce qui concerne son activité professionnelle au sein de la demanderesse, l’appelé en cause a fait le choix de prendre une retraite anticipée selon l’échange de courriers entre AGSA d’une part et la demanderesse d’autre part dès le début de l’année 2004. Un capital de prévoyance d’un montant de 314'500 fr. 75 a ainsi été versé le 1er mars 2004 par AGSA en faveur de l’appelé en cause. Parallèlement, le contrat de prévoyance a pris fin le 29 février 2004. L’appelé en cause a indiqué très clairement, ce qui est avéré par la correspondance susmentionnée, que ce capital avait été touché pour cause de retraite anticipée et nullement en raison de son départ pour les Philippines. Il a fait ce choix, en lieu et place d’une rente d’invalidité servie par l’institution de prévoyance, laquelle aurait nécessité un délai d’attente selon les règles statutaires et aurait rendu impossible le choix d’un versement en capital. Ainsi, l’appelé en cause a volontairement renoncé à son activité de directeur pour la demanderesse au profit d’une retraite anticipée. Il a renoncé à un travail qui lui procurait un gain, objet de l’assurance conclue auprès de la défenderesse. Dans ces conditions, il n’y a plus eu de perte de gain à partir du versement du capital au 1er mars 2004 et l’indemnité journalière n’a plus de fondement depuis cette date. Peu importe, dans ces circonstances, que l’appelé en cause ait poursuivi une activité de conseil, semble-t-il à titre indépendant, et qu’il en ait retiré un revenu. Cela n’a pas d’incidence sur le gain qu’il réalisait auprès de la demanderesse et auquel il a renoncé.

Ces considérations sont confortées par le cadre d’assurance mis en place par les parties.

En cas de perte de gain résultant d’une incapacité de travail de longue durée, le contrat liant les parties, les CGA et les conditions statutaires de l'institution de prévoyance LPP de la demanderesse, dont une partie du contenu peut être compris au travers des courriers échangés, se complètent afin d’éviter que l’assuré ne subisse une perte de gain résultant du risque maladie-invalidité. Ainsi, la perte de gain pendant les premiers 730 jours d’incapacité est assurée, sous réserve d’un délai de carence de 60 jours, par l’assurance-maladie perte de gain. Au terme des 720 jours, intervient l’institution de prévoyance avec le versement d'une rente d’invalidité. Ainsi, l’indemnité journalière prend fin lors de l’attribution d’une rente d’invalidité LPP. C’est ce que prévoit l’art. 38 al. 3 CGA, aux termes duquel, pour les cas qui ne sont pas encore réglés à l'extinction de la couverture d'assurance, les prestations sont versées, pour les maladies survenues pendant la durée du contrat, au maximum pour la durée des prestations prévues contractuellement, mais tout au plus jusqu'à l'attribution d'une rente de prévoyance professionnelle.

En l’occurrence, l'invalidité de l'appelé en cause, reconnue dès le 1er janvier 2004 par l’assurance-invalidité, entraînait un droit à une rente d'invalidité viagère de 13'500 fr. l’an par l’institution de prévoyance. Ce droit prenait effet dès janvier 2005, soit après 720 jours d’attente. Dans l’intervalle, était due l’indemnité journalière. La survenance de l’invalidité ayant rendu impossible le versement de la prestation de sortie LPP sous forme de capital, l’appelé en cause a préféré, pour des raisons qui lui sont propres, opté pour une retraite anticipée et ainsi renoncé à la rente LPP, de même qu’à l’indemnité journalière la précédant.

Le Tribunal de céans considère par surabondance de moyens qu’il ne serait pas admissible que grâce à ce choix, l’appelé en cause puisse bénéficier d’un montant correspondant au cumul de prestations prévues en réalité pour se relayer dans le temps, afin de couvrir la perte de gain consécutive à la maladie. Sous cet angle pourrait du reste se poser la question d’un éventuel abus de droit.

Pour les raisons qui viennent d’être exposées, la défenderesse était fondée à supprimer le versement de cette indemnité au 31 mars 2004. La demande sera donc rejetée.

Compte tenu de la demande et de l’issue du litige, le Tribunal mettra à charge de la demanderesse des dépens, valant participation aux honoraires de la défenderesse.


 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

(conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ)

A la forme :

Déclare la demande recevable.

Au fond :

La rejette.

Condamne la demanderesse à verser à la défenderesse une indemnité de 2'000 fr. à titre de dépens.

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral, 1000 LAUSANNE 14, conformément aux articles 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

Marie-Louise QUELOZ

 

La Présidente :

 

 

Doris WANGELER

 

 

La secrétaire-juriste :

 

 

Sandrine TORNARE

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances privées par le greffe le