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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3912/2013

ATAS/803/2014 du 27.06.2014 ( AVS ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3912/2013 ATAS/803/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 27 juin 2014

3ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à GENEVE

recourant

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION, Service juridique, rue des Gares 12, GENEVE

intimée

 


 

 

EN FAIT

 

1.        Monsieur A______ (ci-après : l’assuré) et Monsieur B______ ont conclu un partenariat enregistré en janvier 2009.

2.        Le 13 juin 2013, l’assuré a sollicité de la caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : la caisse) le versement d’une rente de veuf suite au décès de son partenaire, survenu le ______ 2012.

3.        Par décision du 1er juillet 2013, la caisse a rejeté sa demande vu l’absence d’enfant âgé de moins de 18 ans.

4.        Le 28 juillet 2013, l’assuré s’est opposé à cette décision en se plaignant d’une inégalité de traitement.

5.        Par décision sur opposition du 30 octobre 2013, la caisse, constatant que le couple n’avait eu d’enfants ni individuellement ni en commun, a confirmé sa décision du 1er juillet 2013.

6.        Par écriture du 3 décembre 2013, l’assuré a interjeté recours auprès de la Cour de céans.

En substance, le recourant revient sur son histoire avec le défunt, souligne sa qualité de veuf, et soutient que la décision litigieuse serait constitutive de discrimination.

7.        Invitée à se déterminer, l’intimée, dans sa réponse du 16 décembre 2013, a conclu au rejet du recours.

8.        Par écriture du 22 janvier 2014, l’assuré a persisté dans ses conclusions en se référant par ailleurs à des dispositions de la loi fédérale en matière de prévoyance professionnelle.

9.        Par écriture du 3 février 2014, l’intimée a fait remarquer que les dites dispositions n’étaient pas applicables en matière d’assurance vieillesse et survivants et a persisté dans ses conclusions.

 

EN DROIT

 

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ; RS E 2 05) en vigueur depuis le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA; RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS; RS 831.10).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        La LPGA, entrée en vigueur le 1er janvier 2003, est applicable.

3.        Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA).

4.        Le litige porte sur le droit du recourant à une rente de veuf.

5.        Aux termes de l’art. 13a de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA ; RS 830.1), pendant toute sa durée, le partenariat enregistré est assimilé au mariage dans le droit des assurances sociales (al. 1) et le partenaire enregistré survivant est assimilé à un veuf (al. 2).

Or, l’art. 23 de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS ; RS 831.10) prévoit que les veuves et les veufs ont droit à une rente si, au décès de leur conjoint, ils ont un ou plusieurs enfants (al. 1). Le second alinéa de cette disposition précise que sont assimilés aux enfants de veuves ou de veufs :

a. les enfants du conjoint décédé qui, lors du décès, vivaient en ménage commun avec la veuve ou le veuf et qui sont recueillis par le survivant, au sens de l’art. 25, al. 3;

b. les enfants recueillis au sens de l’art. 25, al. 3, qui, lors du décès, vivaient en ménage commun avec la veuve ou le veuf et qui sont adoptés par le conjoint survivant.

Aux termes de l’art. 24 LAVS, les veuves ont droit à une rente si, au décès de leur conjoint, elles n’ont pas d’enfant ou d’enfant recueilli au sens de l’art. 23, mais qu’elles ont atteint 45 ans révolus et ont été mariées pendant cinq ans au moins. Si une veuve a été mariée plusieurs fois, il sera tenu compte, dans le calcul, de la durée totale des différents mariages (al. 1).

Outre les causes d’extinction mentionnées à l’art. 23, al. 4, le droit à la rente de veuf s’éteint lorsque le dernier enfant atteint l’âge de 18 ans (art. 24 al. 2 LAVS).

6.        a) En l’espèce, il sied tout d’abord de relever que la qualité de veuf du recourant n’est aucunement contestée.

En revanche, force est de constater qu’en l’absence d’enfant de moins de 18 ans et d’une durée suffisante du partenariat, les conditions permettant l’ouverture du droit à une rente de veuf ne sont donc pas réalisées.

b) Dans un arrêt relativement récent (ATAS/386/2013 du 18 avril 2013), la Cour de céans a déjà eu l’occasion de relever que la formulation des art. 23 et 24 LAVS est sans ambigüité et n'offre aucune prise à une interprétation plus large du droit à la rente, étant rappelé que la loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre et que, selon la jurisprudence, il n'y a lieu de déroger au sens littéral d'un texte clair par voie d'interprétation que lorsque des raisons objectives permettent de penser que ce texte ne restitue pas le sens véritable de la disposition en cause. De tels motifs peuvent découler des travaux préparatoires, du but et du sens de la disposition, ainsi que de la systématique de la loi. Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires, du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (ATF non publié 2P.115/2003 du 14 mai 2004, consid. 4.3 et les références). Au besoin, une norme dont le texte est à première vue clair se verra étendre par analogie à une situation qu'elle ne vise pas ou au contraire ne sera pas appliquée à une situation visée par une interprétation téléologique restrictive. Une interprétation de ce type constitue, selon les conceptions actuelles, un acte de création du droit par le juge et non une ingérence inadmissible dans la compétence du législateur (ATF 127 V 484 3b/bb).

La rente de survivant est une prestation destinée à compenser ou indemniser la perte de soutien que représente le décès d'un conjoint, respectivement d'un parent. Aussi, en présence d'enfants mineurs, la perte de soutien est une présomption irréfragable et constitue le fondement du droit à la rente de survivant (ATF non publié 9C_521/2008 du 5 octobre 2009, consid. 6.1). Lors de l'élaboration de la LAVS, le Conseil fédéral a noté qu'il serait superflu de verser leur vie entière une rente aux veuves sans enfants et âgées de moins de 30 ans, car on peut raisonnablement exiger d'elles qu'elles exercent une activité lucrative (Message du Conseil fédéral du 24 mai 1946 relatif à un projet de loi sur l'assurance-vieillesse et survivants, FF 1946 II 399). L'idée motrice pour définir les conditions d’accès au droit était ainsi de savoir si l’on pouvait raisonnablement exiger de la veuve qu’elle commence à exercer ou qu’elle reprenne une activité lucrative (Message concernant la 11ème révision de l’assurance-vieillesse et survivants et le financement à moyen terme de l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 2 février 2000, FF 2000 1863).

Ainsi, le but de la rente de veuve est de pallier la perte de soutien que subit une femme dont l’époux décède et dont on ne peut exiger qu’elle reprenne une activité lucrative, en raison de son âge ou des soins à donner à ses enfants.

c) Dans le cas examiné par la Cour, la veuve se plaignait également de la violation des principes constitutionnels d'égalité de traitement et d'interdiction de l'arbitraire, en affirmant que la décision querellée consacrait une discrimination injustifiée à raison de son âge et du fait qu'elle n'avait pas pu avoir d'enfants, malgré son désir de devenir mère. La Cour avait jugé que même s’il fallait admettre que les conditions d'octroi d'une rente de veuve prévues par la loi constituaient une inégalité de traitement ou une discrimination contraires à la constitution, il y avait lieu de confirmer la décision querellée dès lors qu'elle était conforme aux dispositions légales fédérales régissant le droit à une telle prestation et dont le libellé était sans équivoque.

d) Enfin, la veuve, à l’instar du recourant, invoquait l’art 14 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH ; RS 0.101)

Cette disposition précise que la jouissance des droits et libertés reconnus dans la Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. Selon la jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l'homme, l’art. 14 complète les autres clauses normatives de la Convention et de ses Protocoles. Il n’a pas d’existence indépendante puisqu’il vaut uniquement pour la jouissance des droits et libertés que garantissent ces clauses. Certes, il peut entrer en jeu même sans un manquement à leurs exigences et, dans cette mesure, possède une portée autonome, mais il ne saurait trouver à s’appliquer si les faits du litige ne tombent pas sous l’empire de l’une au moins de ces clauses (arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme X et autres c. Autriche du 19 février 2013, n° 19010/07, par. 94). Or, la CEDH ne donne pas droit à des prestations sociales de l'Etat (ATF 120 V 1 consid. 2a et les références citées). Partant, la Cour a rappelé que le Tribunal fédéral avait considéré que, dans la mesure où la perte de droits ou d'avantages découlant de lois d'assurance sociale en raison du mariage ne viole ni le droit au respect de la vie familiale consacré par l'art. 8 al. 1 CEDH ni le droit au mariage garanti par l'art. 12 CEDH, un assuré ne pouvait se prévaloir de l'art. 14 CEDH (ATF 121 V 229 consid. 2).

Cet arrêt de la Cour de céans a été confirmé par le Tribunal fédéral en date du 23 septembre 2013 (arrêt 9C_400/2013).

e) Il ressort de ce qui précède que les griefs du recourant ne sauraient être admis étant relevé qu’il n’est aucunement discriminé par rapport à un veuf lié à son conjoint décédé par les liens du mariage puisque le droit à la rente de ce dernier est soumis aux mêmes conditions que celui du recourant.

7.        Eu égard aux considérations qui précèdent, le recours est rejeté, étant encore précisé que, comme l’a fait remarquer l’intimée, les dispositions valables en matière de prévoyance professionnelles invoquées par le recourant ne s’appliquent pas au domaine de l’AVS.

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

A la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie-Catherine SECHAUD

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le