Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1014/2018

ATAS/79/2022 du 31.01.2022 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1014/2018 ATAS/79/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 31 janvier 2022

6ème Chambre

 

En la cause

 

Monsieur A______, domicilié c/o Mme B______, à MEYRIN, comparant avec élection de domicile en l'étude de Me Yann ARNOLD

 

 

recourant

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

A.      a. Monsieur A______ (ci-après l’assuré ou le recourant), né le ______ 1981, originaire de Macédoine, est entré en Suisse en 2001 et a exercé depuis le 23 juin 2014 comme plâtrier-plaquiste pour Monsieur C______ ; il était assuré à ce titre, selon la loi fédérale sur l'assurance-accidents du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20) auprès de la CAISSE NATIONALE D'ASSURANCES EN CAS D'ACCIDENTS (ci-après : SUVA).

b. Le 27 juin 2014, l’assuré s’est entaillé la main gauche avec un fer d’angle. Il a été en incapacité de travail jusqu’au 13 juillet 2014. Le cas a été annoncé à la SUVA le 4 juillet 2014, laquelle l’a pris en charge.

B.       a. Le 3 septembre 2014, l’employeur a annoncé une rechute à la SUVA le 19 août 2014 entrainant une incapacité de travail totale, la plaie de l’assuré s’était rouverte alors qu’il travaillait. La SUVA a pris le cas en charge. Un diagnostic de névrome douloureux de la base du pouce gauche a été posé par les docteurs D______, du centre Helveticare SA (avis du 2 septembre 2014), et E______, FMH chirurgie de la main (avis des 19 septembre 2014 et 7 octobre 2014). Le 2 décembre 2014, l’assuré a subi une intervention effectuée par le Dr E______ (cure de névrome d’une branche sensitive du nerf radial gauche), lequel a relevé que l’assuré avait développé après son accident des douleurs importantes de type allodynique sur le trajet d’une branche sensitive du radial. Le 26 janvier 2015, il a constaté une récupération pauvre, un déficit musculaire de la main opérée et la persistance de l’allodynie au contour de la cicatrice ; le 16 février 2015, il a attesté de la persistance d’une incapacité de travail totale et d’un traitement médical en cours ; le 5 mars 2015 il a mentionné une allodynie, une hyperesthésie et une incapacité de travail toujours en cours.

b. Le 5 mars 2015, le docteur F______, FMH chirurgie orthopédique et traumatologie, médecin de la SUVA, a relevé que l’incapacité de travail était justifiée.

c. Le 17 juillet 2015, le Dr E______ a attesté d’une capacité de travail de 50 % dès le 24 mai 2015 ; l’assuré avait repris une activité de plâtrier-plaquiste à 50 %. Le 28 septembre 2015, il a attesté de progrès limités suite à l’intervention du 2 décembre 2014, l’assuré présentant des douleurs de type allodynie extrêmement gênantes, au simple attouchement de la zone de névrome ; le 1er février 2016 il a relevé un état stationnaire. Le 31 mars 2016, il a opéré l’assuré (résection de névrome de la branche sensitive du radial gauche et enfouissement intramusculaire des moignons proximal et distal au poignet gauche) et le 5 juillet 2016, il a attesté d’une évolution défavorable avec des douleurs intolérables ; il a suggéré de convoquer l’assuré à la Clinique romande de réadaptation (ci-après : CRR).

d. L’assuré a séjourné à la CRR du 13 septembre au 26 octobre 2016. Les diagnostics d’allodynie en territoire de la branche superficielle du nerf radial gauche et plaie partie dorso-radiale à la base du pouce gauche suturée en urgence le 17 juin 2014, ont été posés. L’assuré présentait les limitations fonctionnelles provisoires suivantes : port de charges lourdes, activités nécessitant une préhension de force avec la main gauche ou des mouvements répétitifs avec la main gauche. La situation n’était pas stabilisée du point de vue médical et des aptitudes fonctionnelles. Le 19 janvier 2017, le Dr F______ a indiqué qu’il fallait prévoir une activité avec limitation de port des charges de la main gauche.

e. Le 3 mars 2017, l’assuré a déposé une demande de prestations d’invalidité.

f. Le 11 mai 2017, le Dr F______ a rendu un rapport suite à une appréciation médicale du 1er mai 2017 ; il a posé les diagnostics de névrome post-traumatique après une plaie au niveau de la face antéro-externe du tiers distal de l’avant-bras gauche. Persistance de douleurs, malgré deux interventions chirurgicales correctrices avec excision de névrome. L’assuré portait jour et nuit un gant de protection. Il a estimé l’atteinte à l’intégrité à 10 %. Il persistait une nette diminution de la force au niveau de la main gauche et une zone de douleurs allodyniques en regard. De nombreuses séances d’ergothérapie avaient été prescrites et l’assuré déclarait avoir retiré un grand bénéfice de son séjour à la CRR. Sur le plan professionnel, on pouvait conclure que l’ancienne activité de plaquiste nécessitant la manipulation de lourdes charges à deux mains n’était plus exigible. Sur le plan de l’exigibilité, dans une activité professionnelle réalisée indifféremment en position assise ou debout, sans limitation de port de charges du côté droit avec, pour le côté gauche, une utilisation des 4 derniers doigts ayant juste une fonction de stabilisation, sans devoir porter de charges du côté gauche, sans devoir monter sur une échelle ou un toit, on pouvait s’attendre à une activité professionnelle réalisée à la journée entière, sans baisse de rendement. Il ne devait pas exercer de travail sur des machines, compte tenu d’un traitement médicamenteux pouvant entrainer des vertiges ou des épisodes de fatigue. Le cas était stabilisé aujourd’hui.

g. Le 11 mai 2017, la SUVA a informé l’assuré qu’elle cesserait le versement de l’indemnité journalière au 31 juillet 2017 et qu’elle examinerait le droit à une invalidité partielle dès le 1er août 2017.

h. Par communication du 16 juin 2017, l’OAI a pris en charge un cours de français en faveur de l’assuré et le 7 juillet 2017, la réadaptation professionnelle a clos le mandat en constatant un degré d’invalidité de 17 %. L’assuré pouvait travailler dans des activités comprenant des tâches simples de surveillance, d’accueil ou de réception, le SMR ayant estimé une capacité de travail de 100 % dans une activité adaptée. Par communication du 11 juillet 2017, l’OAI a pris en charge les frais d’une orientation professionnelle auprès des EPI du 17 juillet au 15 octobre 2017.

i. Selon le questionnaire pour l’employeur du 12 juillet 2017, l’assuré percevrait un salaire depuis le 1er janvier 2016 de CHF 29.- de l’heure et actuellement de CHF 29,50 de l’heure. Il avait été licencié pour le 31 juillet 2017.

j. Le 30 août 2017, le Dr E______ a rempli un rapport médical AI attestant d’une capacité de travail de 50 % dès le 15 août 2017, date du début de l’aptitude à la réadaptation. Il a posé le diagnostic de neuropathie post-traumatique branche sensitive dorsale du nerf radial avec exclusion de force ; l’assuré pourrait travailler dans l’atelier mécanique où il était actuellement, à 50 %.

k. Le rapport des EPI du 20 octobre 2017, rendu suite à l’orientation professionnelle, mentionne que l’assuré a suivi une mesure à 100 % jusqu’au 14 août 2017 et à 50 % ensuite (selon certificat médical du Dr E______). Il a conclu à l’impossibilité pour l’assuré de rejoindre le circuit économique ordinaire, ses rendements étant inexploitables pour le placement en entreprise ; l’assuré n’utilisait que sa main droite. Toute activité comportant l’utilisation des deux mains ne pouvait être réalisée. Le fait de travailler avec une seule main engendrait une baisse significative du rythme et de la continuité dans la tâche. Ceci influençait négativement la résistance physique et diminuait la polyvalence. Les raisons suivantes expliquaient les rendements en dents de scie : pas d’utilisation du bras gauche ; tonus général faible à moyen ; polyvalence très diminuée ; gestuelle réduite à la seule utilisation du bras droit.

l. Le 24 octobre 2017, le service médical régional (ci-après : SMR) a estimé que l’incapacité de travail était totale depuis le 17 (recte : 27) juin 2014 et que l’on pouvait retenir une exigibilité entière dans une activité adaptée (légère, épargnant le membre supérieur gauche) dès la sortie de la CRR le 27 octobre 2016, exigibilité confirmée par le Dr F______ le 1er mai 2017. Il a retenu les limitations fonctionnelles suivantes : pas de port de charges avec le membre supérieur gauche, pas de sollicitation répétée du membre supérieur gauche, pas de travail en hauteur ou sur engin dangereux, pas de conduite automobile professionnelle ; préférer une activité légère effectuée indifféremment en position assise ou debout, sans travail de force ni travail de précision avec la main gauche, celle-ci pouvant être utilisée uniquement à une fonction de stabilisation d’un objet par les 4 derniers doigts.

m. Par projet de décision du 8 janvier 2018 et décision du 19 février 2018, l’OAI a rejeté la demande de prestations du recourant au motif qu’il aurait eu droit à une rente entière d’invalidité dès le 12 novembre 2015 (incapacité de travail totale du 12 novembre 2014 [sic] au 27 octobre 2016 ) mais que sa demande était tardive et que dès octobre 2016 son degré d’invalidité était de 17 % (soit des revenus en 2015 sans invalidité de CHF 64'182.- et d’invalide de CHF 53'380.-, celui-ci étant fondé sur l’ESS 2014, tableau TA1, homme, total, niveau 1, pour un horaire hebdomadaire de travail de 41,7 h, indexé à 2015, avec une déduction de 20%).

n. Par décision du 26 février 2018, la SUVA a refusé à l’assuré le droit à une rente d’invalidité au motif que son degré d’invalidité était de 1,38 % et lui a alloué une indemnité pour atteinte à l’intégrité (IPAI) de CHF 12'600.-.

o. Le 2 mars 2018, le Dr E______ a écrit à l’OAI que l’ancienne activité n’était plus exigible et qu’il convenait de reclasser l’assuré, à défaut d’une rente, l’usage de sa main gauche étant difficile, sinon impossible.

p. Le 14 mars 2018, l’assuré a fait opposition à la décision de la SUVA.

C.      a. Le 23 mars 2018, l’assuré, représenté par un avocat, a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice à l’encontre de la décision de l’OAI du 19 février 2018 (cause A/1014/2018 - AI), en concluant à son annulation et à l’octroi d’une rente entière d’invalidité dès le 12 novembre 2014, subsidiairement à l’octroi de mesures professionnelles et plus subsidiairement au renvoi de la cause à l’OAI afin qu’il procède dans le sens des considérants que la chambre de céans décidera. Il était totalement incapable de travailler et rencontrait même des limitations dans de simples activités de la vie quotidienne ; l’OAI n’avait pas mentionné les activités exigibles et n’avait pas tenu compte des effets secondaires de son traitement. Il a communiqué un bilan ergothérapeutique du 12 mars 2018, selon lequel il n’utilisait pratiquement pas sa main pendant les activités de la vie quotidienne à cause des douleurs que cela lui provoquait ; en effet le moindre mouvement incontrôlé du pouce ou du poignet provoquait des douleurs très importantes ; il utilisait parfois sa main pour stabiliser par exemple une feuille et utilisait la prise « index-majeur » et non « pollici-digitale » sauf dans les situations où il n’avait pas le choix ; il avait beaucoup de difficultés à réaliser les activités de la vie quotidienne.

b. Le 25 mai 2018, le recourant a complété son recours et requis une expertise judiciaire, l’audition du Dr E______ et celle de sa fiancée, Madame B______. Le Dr E______ avait certifié d’une capacité de travail de 50 % dans le cadre de son stage aux EPI et la CRR avait indiqué un pronostic de réinsertion limité ; une baisse de rendement aurait dû être prise en compte. Si l’on retenait une hypothétique capacité de travail de 50 %, avec une baisse de rendement de 50 %, on aboutissait à un degré d’invalidité de 80 % ; il était disposé à bénéficier de mesures professionnelles.

c. Le 22 juin 2018, le SMR a confirmé une capacité de travail totale dans une activité adaptée.

d. Le 2 juillet 2018, l’OAI a conclu au rejet du recours, au motif qu’il s’était fondé sur le dossier de la SUVA, probant, et qu’une expertise judiciaire n’était pas nécessaire, que le recourant avait bénéficié d’une orientation professionnelle mais que son engagement n’avait été que moyen, que le Dr F______ avait tenu compte des effets du traitement médicamenteux en évaluant la capacité de travail du recourant, que les avis médicaux primaient les observations des EPI, que le revenu d’invalidité était représentatif de ce que le recourant était en mesure de réaliser, qu’enfin des mesures professionnelles n’entraient pas en ligne de compte car le taux de 17 % ne permettait pas un reclassement, que le recourant, étant apte à travailler à 100 % sans limitations qui l’entravaient dans ses recherches de travail, une aide au placement n’était pas justifiée, et que des mesures ne sauraient être ordonnées si le recourant n’avait pas de perspective réaliste que son séjour soit légalisé et un permis de travail octroyé.

e. Le 11 juillet 2018, le Dr F______ a rendu une appréciation médicale selon laquelle le traitement médicamenteux contre-indiquait l’utilisation de machine industrielle agressive ou potentiellement coupante et une IPAI de 10 % était justifiée.

f. Le 3 août 2018, le recourant a répliqué en relevant que des facteurs psychosociaux ou socio-culturels n’étaient pas pertinents dans son cas, son incapacité de travail relevant d’une atteinte physique ; il allait épouser Madame B______, ressortissante suisse ; il renouvelait sa demande d’une expertise judiciaire ; il s’était investi dans les thérapies et mesures ordonnées ; l’OAI n’avait pas indiqué les activités adaptées exigibles ; la diminution de rendement durant la mesure avait été objectivée (mouvement incontrôlable et utilisation du seul bras droit, fatigue) ; le salaire statistique se référait à des activités compatibles avec des limitations fonctionnelles peu contraignantes, ce qui n’était pas son cas ; il avait été admis qu’il ne pouvait réaliser d’activités avec les deux mains et qu’il était quasi privé de l’usage d’une main.

g. Par décision du 13 août 2018, la SUVA a annulé sa décision du 26 février 2018 et reconnu à l’assuré une rente mensuelle de CHF 536.80, sur la base d’une incapacité de gain de 14 % (revenu sans invalidité de CHF 62’257.- et revenu d’invalide de CHF 53'655.-) ainsi qu’une IPAI de 10 % (CHF 12'600.-). La décision mentionne qu’elle est soumise à la voie de l’opposition.

h. Le 3 septembre 2018, la chambre de céans a entendu les parties en audience de comparution personnelle (cause A/1014/2018 - AI). Le recourant a notamment déclaré : « Ma santé va très mal. J’ai des décharges électriques qui remontent jusqu’à la tête surtout lorsque je bouge le poignet, suite à la rupture du nerf radial, opéré par le Dr E______. Cette deuxième opération n’a pas amélioré du tout ma situation, laquelle a même plutôt empiré. Je m’estime capable de travailler à un certain pourcentage selon les indications des médecins, dans une activité qui soit adaptée à mon problème. Je suis prêt à être réadapté dans un nouveau métier ».

La représentante de l’intimé a déclaré : « Nous nous sommes alignés sur le rapport de la CRR car il s’agit d’un pur cas accident sans aggravation postérieure. Nous refusons d’ordonner des mesures professionnelles supplémentaires car une activité légère est exigible du recourant, son degré d’invalidité étant par ailleurs inférieur à 20 % ».

i. Le 13 septembre 2018, l’assuré, représenté par son avocat, a fait opposition à l’encontre de la décision précitée, en sollicitant une expertise médicale et l’audition de sa compagne, Mme B______ et en contestant une capacité de travail de 100 % ; il a requis une rente entière d’invalidité et une IPAI de 40 %. Cette opposition a été reçue à la SUVA le 14 septembre 2018.

j. Le 1er octobre 2018, le recourant a requis la suspension de la procédure A/1014/2018 - AI jusqu’à droit connu sur la procédure d’opposition. Il a communiqué une attestation du 20 septembre 2018 de l’OCPM mentionnant qu’il avait déposé une demande d’autorisation de séjour, laquelle était à l’examen.

k. Par décision du 12 octobre 2018, la SUVA a rejeté l’opposition de l’assuré en se référant à l’avis du Dr F______ du 11 juillet 2018.

l. Le 24 octobre 2018, l’OAI s’est opposé à la suspension de la procédure, la SUVA ayant déjà rendu une décision sur opposition.

D.      a. Le 14 novembre 2018, l’assuré a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice à l’encontre de la décision de la SUVA du 12 octobre 2018 (cause A/4012/2018 - LAA), en concluant principalement à son annulation et à l’octroi d’une rente entière d’invalidité et d’une IPAI de CHF 50'400.-. Préalablement, il a requis la comparution personnelle des parties, l’audition des Drs G______, E______ et de Mme B______, ainsi que l’ordonnance d’une expertise.

b. Le 13 décembre 2018, la SUVA a conclu à l’irrecevabilité du recours (A/4012/2018 LAA), au motif qu’il était tardif, le délai de recours venant à échéance le 12 novembre 2018.

c. Par ordonnance du 17 décembre 2018, la chambre de céans a ordonné l’apport du dossier A/4012/2018 LAA dans la procédure A/1014/2018 AI et par arrêt incident du 18 février 2019 elle a déclaré le recours recevable (A/4012/2018 - LAA). Cet arrêt est entré en force.

d. Par ordonnance du 24 septembre 2019, la chambre de céans a confié, dans le cadre des procédures AI et LAA, une expertise au docteur H______, médecin adjoint, responsable des affections neuromusculaires, et à la doctoresse I______, médecine générale, département des neurosciences cliniques, service de neurologie des hôpitaux universitaires de Genève (HUG).

e. Le 30 octobre 2019, les experts ont rendu leur rapport. L’assuré se plaignait de douleurs persistantes à la main et à l’avant-bras gauche, avec de fréquentes sensations de décharges électriques, de céphalées, d’une insomnie chronique, de troubles attentionnels et de pertes de connaissance. Ils ont posé les diagnostics de névrose, neuropathie principalement axonale et douleurs neuropathiques chroniques, de la branche sensitive (superficielle) du nerf radial gauche. Les atteintes et les plaintes avaient un substrat organique. L’état était stabilisé depuis 2016, avec des limitations fonctionnelles. L’assuré était totalement incapable de travailler comme aide plâtrier plaquiste mais capable de travailler à 75% dans une activité adaptée.

f. Le 21 janvier 2020, le docteur J______, FMH neurologie, médecin de la SUVA, a rendu une appréciation neurologique selon laquelle il confirmait la présence d’une douleur neuropathique et du névrome de la branche sensitive (superficielle) du nerf radial gauche et les limitations fonctionnelles de la main gauche. L’évaluation de la capacité de travail dans une activité adaptée n’était pas convaincante ; l’IPAI de 40 % était erronée et la situation n’était pas stabilisée.

g. Le 27 janvier 2020, la SUVA a estimé qu’un complément d’expertise était nécessaire.

h. Le 27 janvier 2020, la doctoresse K______, du SMR, a rendu un avis médical. Les troubles cognitifs n’étaient pas objectivés ; les plaintes psychiatriques, postérieures à la décision, ne permettaient pas de poser un diagnostic ni de retenir des limitations fonctionnelles.

i. Le 27 janvier 2020, l’OAI a maintenu ses conclusions.

j. Le 7 février 2020, l’assuré a contesté une capacité de travail de 75 % dans une activité adaptée, laquelle était insuffisamment motivée et incohérente par rapport aux limitations fonctionnelles retenues. Il a requis un complément orthopédique. Du point de vue de l’AI, une déduction de 25% était justifiée sur le revenu d’invalide, lequel devait se fonder sur des activités plus limitées que celles retenues par l’OAI, de sorte qu’il était de CHF 27'869.60 pour une activité exercée à 75 %. Le revenu sans invalidité était de CHF 64'320.15 et non pas de CHF 64'182.-. Il a sollicité un complément d’expertise neurologique. Du point de vue de la LAA, le revenu sans invalidité était de CHF 69'979.28 (sic) et le revenu d’invalide était de CHF 26'624.- pour une activité à 75%. Il a communiqué des rapports médicaux des docteurs L______, FMH psychiatrie et psychothérapie, du 14 janvier 2020 et G______, médecin chef de clinique au service de médecine de premier recours des HUG du 23 janvier 2020.

k. À la demande de la chambre de céans, les experts ont rendu, le 15 octobre 2020, un complément d’expertise, concluant à une capacité de travail de l’assuré de 60 % dans une activité adaptée, en raison d’une perte de rendement supplémentaire de 20 % due à la sévérité du syndrome douloureux chronique (douleurs neuropathiques et leurs répercussions psychologiques ainsi qu’un effet secondaire médicamenteux). Un examen neuropsychologique était préconisé, afin d’évaluer les troubles de la mémoire et de la concentration.

l. À la demande de la chambre de céans, Madame M______, psychologue spécialiste en neuropsychologie, a rendu un rapport d’examen neuropsychologique le 9 février 2021, concluant à une suspicion de défaut d’effort et à un problème d’attention soutenue, en particulier une fluctuation de l’attention, laquelle pouvait être due aux douleurs, à l’état dépressif avec trouble du sommeil et prise de médicaments.

m. Le 25 mai 2021, les experts ont maintenu une capacité de travail exigible de l’assuré de 60% dans une activité adaptée. L’examen neuropsychologique confirmait le déficit d’attention qu’ils avaient constaté.

n. Le 8 juin 2021, le Dr J______ a estimé que l’examen neuropsychologique était susceptible d’ébranler la notion même d’un handicap majeur chez l’assuré, aucun déficit cognitif n’ayant été confirmé, de sorte que des facteurs neuropsychiques ne justifiaient pas une baisse de la capacité de travail.

o. Le 22 juin 2021, la SUVA s’est ralliée à l’avis du Dr J______.

p. Le 25 juin 2021, le SMR a rendu un avis selon lequel les experts ne motivaient pas la diminution de l’exigibilité de 75% à 60%. Des déficits cognitifs n’avaient pas pu être mis en évidence, de sorte qu’une capacité de travail de 100% dans une activité adaptée devait être retenue.

q. Le 30 juin 2021, l’OAI s’est rallié à l’avis du SMR précité.

r. Le 15 juillet 2021, l’assuré a contesté le défaut d’effort et la majoration des symptômes ; il avait collaboré au mieux à l’examen neuropsychologique. Il requérait l’audition de son épouse et de Madame M______.

s. Le 27 septembre 2021, la chambre de céans a tenu une audience et auditionné Madame M______ (causes AI et LAA).

t. Le 21 octobre 2021, le Dr J______ a rendu une appréciation neurologique selon laquelle il paraissait arbitraire de vouloir, comme le faisait Madame M______, séparer un trouble cognitif objectivé des incohérences multiples qu’elle décrivait ; partant elle se contredisait ; elle avait cherché à établir un diagnostic psychiatrique pour expliquer la situation qui ne clarifiait pas la situation sur le plan assécurologique ; finalement, Madame M______ avait considéré que le tableau était plutôt bon dans son ensemble à part l’attention soutenue ; son examen et son audition ne permettaient pas de faire une appréciation objective de la capacité de travail de l’assuré.

u. Le 25 octobre 2021, la SUVA a observé que tout en objectivant un problème d’attention et de concentration, Madame M______ disait ne pas pouvoir en évaluer la gravité, de sorte qu’on peinait à comprendre ce qui était objectivé ; l’avis des experts ne pouvait être suivi lorsqu’ils expliquaient que l’examen neuropsychiatrique permettrait de distinguer les troubles cognitifs subjectifs directement secondaires aux douleurs neuropathiques chroniques de ceux secondaires à leurs répercussions psychologiques. En retenant une capacité de travail de 60%, Madame M______ ne tenait compte ni d’une activité adaptée, ni d’une atteinte neuropsychologique qui n’avait pu être mesurée de manière valide. Le recours devait être rejeté, subsidiairement une nouvelle expertise médicale ordonnée.

v. Le 8 novembre 2021, l’assuré a observé que le diagnostic de majoration des symptômes pour raisons psychologiques ne pouvait être retenu, Madame M______ n’étant pas à même de poser un tel diagnostic ; les incohérences relevées par Madame M______ étaient expliquées par la composante histrionique et un évitement des douleurs ; Madame M______ avait objectivé des problèmes de concentration et une baisse des performances dans certaines situations, il présentait une incapacité de travail d’au moins 40% dans une activité adaptée ; un taux d’IPAI d’au minimum 50% devait être retenu en tenant également compte des atteintes psychiques (trouble de la mémoire et de la concentration). Il a communiqué :

-        un rapport du 26 octobre 2021 du Dr L______ selon lequel l’assuré présentait un comportement pour éviter les douleurs qui pouvait faire penser à de l’exagération ; les éléments histrioniques présents dans le diagnostic de majoration des symptômes pour des raisons psychologiques et de la dépression permettaient d’expliquer l’attitude de l’assuré décrite par Madame M______. Les plaintes étaient, selon celle-ci, cohérentes par rapport aux diagnostics qu’il avait posés en 2020 et un trouble cognitif affectant l’attention avait été objectivé. La capacité de travail de l’assuré était de 50%, avec une diminution de rendement en raison de problèmes psychiques et attentionnels ;

-        un rapport du Dr G______ du 5 août 2021, selon lequel les diagnostics de syndrome douloureux chronique et trouble dépressif rendaient les facultés cognitives fluctuantes, ce qu’avait indiqué Madame M______ ; en tant que médecin généraliste, il n’avait jamais mis en doute la véracité des plaintes de l’assuré ; il paraissait judicieux d’effectuer une nouvelle évaluation neuropsychologique.

w. Le 8 novembre 2021, le SMR a maintenu ses précédentes conclusions et observé qu’il était surprenant qu’en présence d’un défaut d’effort, Madame M______ relève une fluctuation d’attention comme un trouble cognitif objectif, responsable d’une baisse de la capacité de travail de 40%.

x. Le 10 novembre 2021, l’OAI s’est rallié à l’avis du SMR précité.

y. À la demande de la chambre de céans, l’OAI a précisé le 6 décembre 2021 que le revenu sans invalidité devait être fixé à CHF 71'230.- en 2016, au vu du rapport employeur du 12 juillet 2017. Il a pris en compte un salaire-horaire de CHF 29.50, avec un horaire effectif oscillant entre 40 et 45 heures par semaine et un 13ème salaire, ce qui aboutissait à un salaire de CHF 70'626.-, qu’il a ensuite indexé de l’année 2014 à l’année 2016. Le degré d’invalidité était de 20%, soit un revenu sans invalidité de CHF 71'230.- et un revenu d’invalide de CHF 56'783.- (fondé sur l’ESS 2016, TA1, homme, Total, niveau 1, pour un taux de 100%, avec une déduction de 15%).

z. Le 14 janvier 2022, l’assuré a observé que le revenu sans invalidité devait être celui recalculé par l’OAI de CHF 71'220.- et qu’il convenait d’appliquer une déduction de 20% et non de 15% sur le revenu d’invalide. Celui-ci devait se fonder sur l’ESS 2016, branches 10-33, 45-47- 49-53, 77-82 et 94-96 à l’exclusion des autres domaines ; en considérant une capacité de travail de maximum 60%, il avait déjà droit à une demi-rente d’invalidité.

Il a joint un courriel du Dr N______ du 25 novembre 2021 confirmant la nécessité de demander plusieurs avis d’experts et une nouvelle évaluation neuropsychologique.

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 LPGA).

2.             Le litige porte sur le droit du recourant à une rente d’invalidité, singulièrement sur l’évaluation de sa capacité de travail dès le 27 octobre 2016.

3.              

3.1 Conformément aux art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI, est réputée invalidité l’incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée. Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al.2).

Il y a lieu de préciser, que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraine une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

3.2 Selon l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins. En vertu des art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA.

3.3 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entrainer une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c; ATF 102 V 165 consid. 3.1; VSI 2001 p. 223 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

Dans sa jurisprudence récente (ATF 143 V 409 consid. 4.5 et ATF 143 V 418 consid. 6 et 7), le Tribunal fédéral a modifié sa pratique lors de l'examen du droit à une rente d'invalidité en cas de troubles psychiques. La jurisprudence développée pour les troubles somatoformes douloureux, selon laquelle il y a lieu d'examiner la capacité de travail et la capacité fonctionnelle de la personne concernée dans le cadre d'une procédure structurée d'administration des preuves à l'aide d'indicateurs (ATF 141 V 281), s'applique dorénavant à toutes les maladies psychiques. En effet, celles-ci ne peuvent en principe être déterminées ou prouvées sur la base de critères objectifs que de manière limitée. La question des effets fonctionnels d'un trouble doit dès lors être au centre. La preuve d'une invalidité ouvrant le droit à une rente ne peut en principe être considérée comme rapportée que lorsqu'il existe une cohérence au niveau des limitations dans tous les domaines de la vie. Si ce n'est pas le cas, la preuve d'une limitation de la capacité de travail invalidante n'est pas rapportée et l'absence de preuve doit être supportée par la personne concernée.

Même si un trouble psychique, pris séparément, n'est pas invalidant en application de la nouvelle jurisprudence, il doit être pris en considération dans l'appréciation globale de la capacité de travail, qui tient compte des effets réciproques des différentes atteintes. Ainsi, une dysthymie prise séparément, n'est pas invalidante, mais peut l'être lorsqu'elle est accompagnée d’un trouble de la personnalité notable. Par conséquent, indépendamment de leurs diagnostics, les troubles psychiques entrent déjà en considération en tant que comorbidité importante du point de vue juridique si, dans le cas concret, on doit leur attribuer un effet limitatif sur les ressources (ATF 143 V 418 consid. 8.1)

4.              

4.1 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 125 V 256 consid. 4; ATF 115 V 133 consid. 2; ATF 114 V 310 consid. 3c; arrêt du Tribunal fédéral 8C 442/2013 du 4 juillet 2014 consid. 2).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. A cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3).

4.2 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux. Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

4.3 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

4.4 Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Etant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

4.5 Une expertise sur pièces n'apporte pas d'élément décisif s'agissant d'une atteinte à la santé psychique, dont les effets sur la capacité de travail impliquent un examen personnel de l'assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 455/06 du 22 janvier 2007 consid. 6.2). Les expertises psychiatriques sur dossier ne sont admissibles qu'à titre exceptionnel, et seulement lorsque l'intéressé a déjà fait l'objet d'une ou plusieurs expertises, lesquelles doivent de surcroit être récentes et qu'aucune modification essentielle (identité du tableau clinique) n'est intervenue depuis. Une expertise sur dossier peut aussi être envisagée lorsque la personne à examiner n'est que difficilement atteignable ou refuse de se soumettre à l'examen. C'est à l'expert de déterminer si son mandat est réalisable dans de telles conditions (ATF 127 I 54 consid. 2f).

4.6 Un rapport du SMR (art. 49 al. 3 RAI) a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI; arrêt du Tribunal fédéral 9C 542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). Il ne pose pas de nouvelles conclusions médicales mais porte une appréciation sur celles déjà existantes. Au vu de ces différences, il ne doit pas remplir les mêmes exigences au niveau de son contenu que les expertises médicales. On ne saurait en revanche lui dénier toute valeur probante. Il a notamment pour but de résumer et de porter une appréciation sur la situation médicale d'un assuré, ce qui implique aussi, en présence de pièces médicales contradictoires, de dire s'il y a lieu de se fonder sur l'une ou l'autre ou s'il y a lieu de procéder à une instruction complémentaire (cf. arrêts du Tribunal fédéral 9C 581/2007 du 14 juillet 2008 consid. 3.2 et 9C 341/2007 du 16 novembre 2007 consid. 4.1).

4.7 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C 973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaitre pleine valeur probante. A cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV n° 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C 369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

4.8 Les constatations médicales peuvent être complétées par des renseignements d’ordre professionnel, par exemple au terme d'un stage dans un centre d'observation professionnel de l'assurance-invalidité, en vue d'établir concrètement dans quelle mesure l'assuré est à même de mettre en valeur une capacité de travail et de gain sur le marché du travail. Il appartient alors au médecin de décrire les activités que l'on peut encore raisonnablement attendre de l'assuré compte tenu de ses atteintes à la santé (influence de ces atteintes sur sa capacité à travailler en position debout et à se déplacer; nécessité d'aménager des pauses ou de réduire le temps de travail en raison d'une moindre résistance à la fatigue, par exemple), en exposant les motifs qui le conduisent à retenir telle ou telle limitation de la capacité de travail. En revanche, il revient au conseiller en réadaptation, non au médecin, d'indiquer quelles sont les activités professionnelles concrètes entrant en considération sur la base des renseignements médicaux et compte tenu des aptitudes résiduelles de l'assuré. Dans ce contexte, l'expert médical et le conseiller en matière professionnelle sont tenus d'exercer leurs tâches de manière complémentaire, en collaboration étroite et réciproque (ATF 107 V 17 consid. 2b; SVR 2006 IV n° 10 p. 39).

En cas d'appréciation divergente entre les organes d'observation professionnelle et les données médicales, l'avis dûment motivé d'un médecin prime pour déterminer la capacité de travail raisonnablement exigible de l'assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 531/04 du 11 juillet 2005 consid. 4.2). En effet, les données médicales permettent généralement une appréciation plus objective du cas et l'emportent, en principe, sur les constatations qui peuvent être faites à l'occasion d'un stage d'observation professionnelle, qui sont susceptibles d’être influencées par des éléments subjectifs liés au comportement de l'assuré pendant le stage (arrêt du Tribunal fédéral 9C 462/2009 du 2 décembre 2009 consid. 2.4).

5.              

5.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3, ATF 126 V 353 consid. 5b, ATF 125 V 193 consid. 2). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

5.2 Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, les autorités administratives et les juges des assurances sociales doivent procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raison pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Ils ne peuvent ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). Selon la jurisprudence qui prévalait jusqu'à récemment, le juge cantonal qui estimait que les faits n'étaient pas suffisamment élucidés avait en principe le choix entre deux solutions : soit renvoyer la cause à l'administration pour complément d'instruction, soit procéder lui-même à une telle instruction complémentaire (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 58/01 du 21 novembre 2001 consid. 5a). Dans un arrêt de principe, le Tribunal fédéral a cependant modifié sa jurisprudence en ce sens que les instances cantonales de recours sont en principe tenues de diligenter une expertise judiciaire si les expertises médicales ordonnées par l'OAI ne se révèlent pas probantes (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3). Cela étant, un renvoi à l'administration pour mise en œuvre d'une nouvelle expertise reste possible, même sous l'empire de la nouvelle jurisprudence, notamment lorsqu'une telle mesure est nécessaire en raison du fait que l'administration n'a pas du tout instruit un point médical ou lorsqu’il s’agit de préciser un point de l’expertise ordonnée par l’administration ou de demander un complément à l’expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.4).

 

6.              

6.1 Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).

La comparaison des revenus s'effectue, en règle ordinaire, en chiffrant aussi exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les confrontant l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux d'invalidité (méthode générale de comparaison des revenus; ATF 128 V 29 consid. 1; ATF 104 V 135 consid. 2a et 2b).

Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient de se placer au moment de la naissance du droit à la rente; les revenus avec et sans invalidité doivent être déterminés par rapport à un même moment et les modifications de ces revenus susceptibles d'influencer le droit à la rente survenues jusqu'au moment où la décision est rendue doivent être prises en compte (ATF 129 V 222 et ATF 128 V 174).

6.2 Pour fixer le revenu sans invalidité, il faut établir ce que l'assuré aurait, au degré de la vraisemblance prépondérante, réellement pu obtenir au moment déterminant s'il n'était pas invalide (RAMA 2000 n° U 400 p. 381 consid. 2a). Ce revenu doit être évalué de manière aussi concrète que possible si bien qu’il convient, en règle générale, de se référer au dernier salaire que l’assuré a obtenu avant l’atteinte à sa santé, en tenant compte de l’évolution des salaires (ATF 129 V 222 consid. 4.3.1). Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières qu'il peut se justifier qu'on s'en écarte et qu'on recoure aux données statistiques résultant des ESS édité par l'Office fédéral de la statistique. Tel sera le cas lorsqu'on ne dispose d'aucun renseignement au sujet de la dernière activité professionnelle de l'assuré ou si le dernier salaire que celui-ci a perçu ne correspond manifestement pas à ce qu'il aurait été en mesure de réaliser, selon toute vraisemblance, en tant que personne valide; par exemple, lorsqu'avant d'être reconnu définitivement incapable de travailler, l'assuré était au chômage ou rencontrait d'ores et déjà des difficultés professionnelles en raison d'une dégradation progressive de son état de santé ou encore percevait une rémunération inférieure aux normes de salaire usuelles. On peut également songer à la situation dans laquelle le poste de travail de l'assuré, avant la survenance de l'atteinte à la santé, n'existe plus au moment déterminant de l'évaluation de l'invalidité (arrêts du Tribunal fédéral des assurances I 168/05 du 24 avril 2006 consid. 3.3 et B 80/01 du 17 octobre 2003 consid. 5.2.2).

6.3 Quant au revenu d'invalide, il doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l'intéressé (ATF 135 V 297 consid. 5.2). Lorsque l'assuré n'a pas repris d'activité, ou aucune activité adaptée lui permettant de mettre pleinement en valeur sa capacité de travail résiduelle, contrairement à ce qui serait raisonnablement exigible de sa part, le revenu d'invalide peut être évalué sur la base de données statistiques, telles qu'elles résultent de l’ESS (ATF 126 V 75 consid. 3b/aa et bb). Dans ce cas, il convient de se fonder, en règle générale, sur les salaires mensuels indiqués dans la table ESS TA1, à la ligne « total secteur privé » (ATF 124 V 321 consid. 3b/aa). On se réfère alors à la statistique des salaires bruts standardisés, en se fondant toujours sur la médiane ou valeur centrale (ATF 124 V 321 consid. 3b/bb). La valeur statistique - médiane - s'applique alors, en principe, à tous les assurés qui ne peuvent plus accomplir leur ancienne activité parce qu'elle est physiquement trop astreignante pour leur état de santé, mais qui conservent néanmoins une capacité de travail importante dans des travaux légers. Pour ces assurés, ce salaire statistique est suffisamment représentatif de ce qu'ils seraient en mesure de réaliser en tant qu'invalides dès lors qu'il recouvre un large éventail d'activités variées et non qualifiées (branche d'activités), n'impliquant pas de formation particulière, et compatibles avec des limitations fonctionnelles peu contraignantes (cf. arrêts du Tribunal fédéral 9C 603/2015 du 25 avril 2016 consid. 8.1 et 9C 242/2012 du 13 août 2012 consid. 3).

La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits, dépend de l'ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d'autorisation de séjour et taux d'occupation) et résulte d'une évaluation dans les limites du pouvoir d'appréciation. Une déduction globale maximum de 25% sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative (ATF 126 V 75 consid. 5b/aa-cc). L'étendue de l'abattement justifié dans un cas concret relève du pouvoir d'appréciation (ATF 132 V 393 consid. 3.3). Cette évaluation ressortit en premier lieu à l'administration, qui dispose pour cela d'un large pouvoir d'appréciation. Le juge doit faire preuve de retenue lorsqu'il est amené à vérifier le bien-fondé d'une telle appréciation. L'examen porte alors sur le point de savoir si une autre solution que celle que l'autorité, dans le cas concret, a adoptée dans le cadre de son pouvoir d'appréciation et en respectant les principes généraux du droit, n'aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. Pour autant, le juge ne peut, sans motif pertinent, substituer son appréciation à celle de l'administration; il doit s'appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaitre sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 126 V 75 consid. 6; ATF 123 V 150 consid. 2 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 8C 337/2009 du 18 février 2010 consid. 7.5).

7.             Les frais qui découlent de la mise en œuvre d'une expertise judiciaire pluridisciplinaire confiée à un Centre d'observation médicale de l'assurance-invalidité (COMAI) peuvent le cas échéant être mis à la charge de l'assurance-invalidité (cf. ATF 139 V 496 consid. 4.3). En effet, lorsque l'autorité judiciaire de première instance décide de confier la réalisation d'une expertise judiciaire pluridisciplinaire à un COMAI parce qu'elle estime que l'instruction menée par l'autorité administrative est insuffisante (au sens du consid. 4.4.1.4 de l'ATF 137 V 210), elle intervient dans les faits en lieu et place de l'autorité administrative qui aurait dû, en principe, mettre en œuvre cette mesure d'instruction dans le cadre de la procédure administrative. Dans ces conditions, les frais de l'expertise ne constituent pas des frais de justice au sens de l'art. 69 al. 1 bis LAI, mais des frais relatifs à la procédure administrative au sens de l'art. 45 LPGA qui doivent être pris en charge par l'assurance-invalidité (arrêt du Tribunal fédéral 8C 312/2016 du 13 mars 2017 consid. 6.2).

Cette règle, qu'il convient également d'appliquer dans son principe aux expertises judiciaires mono- et bidisciplinaires (cf. ATF 139 V 349 consid. 5.4), ne saurait entrainer la mise systématique des frais d'une expertise judiciaire à la charge de l'autorité administrative. Encore faut-il que l'autorité administrative ait procédé à une instruction présentant des lacunes ou des insuffisances caractérisées et que l'expertise judiciaire serve à pallier les manquements commis dans la phase d'instruction administrative. En d'autres mots, il doit exister un lien entre les défauts de l'instruction administrative et la nécessité de mettre en œuvre une expertise judiciaire (ATF 137 V 210 consid. 4.4.2). Tel est notamment le cas lorsque l'autorité administrative a laissé subsister, sans la lever par des explications objectivement fondées, une contradiction manifeste entre les différents points de vue médicaux rapportés au dossier, lorsqu'elle a laissé ouverte une ou plusieurs questions nécessaires à l'appréciation de la situation médicale ou lorsqu'elle a pris en considération une expertise qui ne remplissait manifestement pas les exigences jurisprudentielles relatives à la valeur probante de ce genre de documents (voir par exemple arrêt du Tribunal fédéral 8C 71/2013 du 27 juin 2013 consid. 2). En revanche, lorsque l'autorité administrative a respecté le principe inquisitoire et fondé son opinion sur des éléments objectifs convergents ou sur les conclusions d'une expertise qui répondait aux réquisits jurisprudentiels, la mise à sa charge des frais d'une expertise judiciaire ordonnée par l'autorité judiciaire de première instance, pour quelque motif que ce soit (à la suite par exemple de la production de nouveaux rapports médicaux ou d'une expertise privée), ne saurait se justifier (ATF 139 V 496 précité consid. 4.4; arrêt du Tribunal fédéral 8C 312/2016 du 13 mars 2017 consid. 6.3).

8.            

8.1 En l’occurrence, la chambre de céans a ordonné une expertise judiciaire en considérant ce qui suit : l’intimé s’est fondé sur l’instruction médicale menée par la SUVA pour rendre la décision litigieuse, en particulier sur l’avis du Dr F______ du 11 mai 2017 estimant que l’ancienne activité de plaquiste n’était plus exigible mais que le recourant présentait une capacité de travail totale dans une activité adaptée (utilisation des 4 derniers doigts de la main gauche seulement avec une fonction de stabilisation, sans port de charges à gauche, sans devoir monter sur une échelle ou un toit et sans travail sur machines). Cet avis est cependant remis en question par ceux du Dr E______ des 30 août 2017 et 2 mars 2018, lequel estime que le recourant n’est capable de travailler qu’à 50 % sans usage de la main gauche. Par ailleurs, le rapport des EPI du 20 octobre 2017, suite à l’orientation professionnelle ordonnée par l’intimé, a conclu à une impossibilité pour l’assuré de rejoindre le circuit économique normal, le recourant n’utilisant pas sa main gauche ; le rendement était diminué par l’impossibilité d’utiliser le bras gauche, un tonus général faible à moyen, une polyvalence très diminuée et une gestuelle réduite à la seule utilisation du bras droit. Enfin, le rapport d’ergothérapie du 12 mars 2018 signale une allodynie mécanique sévère entrainant des douleurs très importantes à chaque mouvement involontaire du pouce ou du poignet et un manque de force de la main.

8.2 Les Drs H______ et I______ ont rendu leur rapport d’expertise le 30 octobre 2019.

8.2.1 Fondé sur les pièces du dossier, comprenant une anamnèse, la description des plaintes du recourant, un examen neurologique, posant des diagnostics clairs, (avec une description des atteintes objectivables et des limitations fonctionnelles), l’analyse de la cohérence du tableau et une évaluation motivée et convaincante de la capacité de travail du recourant, le rapport d’expertise judiciaire répond aux réquisits jurisprudentiels précités pour qu’il lui soit reconnu une pleine valeur probante.

8.2.2 Selon les conclusions de ce rapport, le recourant présente un névrome de la branche sensitive (superficielle) du nerf radial gauche et une neuropathie principalement axonale de la branche sensitive (superficielle) du nerf radial gauche ainsi que des douleurs neuropathiques chroniques de la branche sensitive (superficielle) du nerf radial gauche ; les plaintes du recourant sont corrélées à un substrat organique ; l’allodynie avec décharges électriques et les douleurs au repos au niveau de la main gauche avec importantes limitations fonctionnelles sont en corrélation avec le développement d’un névrome ainsi que d’une neuropathie de la branche sensitive (superficielle) du nerf radial gauche. Les symptômes du recourant correspondent à ceux d’un névrome de la branche sensitive (superficielle) du nerf radial gauche, lequel est une complication de la lésion traumatique du nerf périphérique due à l’accident du 27 juin 2014. La neuropathie est objectivée à l’ENMG du 19 septembre 2019 (recte : 2016) et la manifestation clinique est cohérente avec cette atteinte (hypoesthésie avec composante hyperalgique, allodynie et hyperpathie dans le territoire distal de ce nerf). Les troubles attentionnels ont une origine mixte due aux douleurs chroniques neuropathiques et à un possible effet médicamenteux. Les plaintes et symptômes sont en association avec le névrome et la neuropathie post-traumatique et sont expliqués par ces diagnostics ; l’évolution reste cohérente avec la sévérité de la lésion initiale ; il n’y a pas de discordance entre les plaintes et le comportement du recourant.

Les experts ont retenu une capacité de travail nulle dans l’activité habituelle d’aide plâtrier-plaquiste et de 75% dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles, compte tenu d’une limitation de l’attention et de la performance sur restriction temporelle non adaptable, dans le contexte de douleurs chroniques et possible effet médicamenteux (vertiges, nausées, trouble de la vigilance, fatigue, insomnie, irritabilité, agitation, confusion, troubles attentionnels). Même dans une activité adaptée, il persiste des douleurs neuropathiques chroniques qui diminuent la capacité de travail. Les experts ont mentionné les limitations fonctionnelles suivantes : port de charges lourdes qui nécessitent une manipulation bimanuelle ; activité nécessitant une préhension de force avec la main gauche ou des mouvements répétitifs avec la main gauche ; travail de force, précision et motricité fine avec la main gauche ; travail en hauteur, sur engin dangereux (industriel ou « coupant ») et machine avec utilisation bimanuelle ; conduite automobile professionnelle ; attention soutenue (dans le contexte de douleurs chroniques) ; performance sur restriction temporelle, non adaptable (dans le contexte de douleurs chroniques). Ils ont précisé que la mobilisation active et passive de la main gauche reste très restreinte, notamment au niveau du pouce gauche, dans le contexte de l’allodynie importante, déclenchée par la stimulation externe (toucher, frottement) au niveau du dos latéral radial de la main et du pouce ainsi qu’à la mobilisation du pouce gauche ; l’utilisation effective de la main est limitée à une fonction de stabilisation par la main gauche par les quatre derniers doigts uniquement.

8.2.3 Comme les experts l’ont suggéré, dans le cadre de la demande de complément d’expertise, un examen neuropsychologique a été effectué. La valeur probante des conclusions du rapport de cet examen effectué par Madame M______ sera analysée ci-après. Il peut cependant déjà être retenu que Madame M______ a conclu à la présence d’un trouble en attention soutenue, montrant surtout une fluctuation de l’attention (confirmé par des tests de validation des symptômes jugés adéquats - rapport d’examen neuropsychologique, p. 6), trouble qu’elle a confirmé lors de son audition du 27 septembre 2021, en précisant qu’il y avait objectivement un problème chez le recourant pour effectuer les tâches longues, qui n’était pas remis en cause par un déficit d’effort et que le trouble cognitif était bien objectivé au niveau de l’attention (procès-verbal d’audience du 27 septembre 2021). Dans leur complément d’expertise du 25 mai 2021, les experts ont ensuite souligné que les conclusions de l’examen neuropsychologique rejoignaient leurs propres conclusions et objectivaient un déficit de l’attention soutenue, avec des fluctuations de concentration.

8.2.4 Les limitations fonctionnelles retenues dans le rapport précité par les experts comme justifiant la limitation de la capacité de travail du recourant dans une activité adaptée, à un taux de 75%, ont été mises en lien avec les lésions accidentelles objectivées. Dans cette mesure, les douleurs dues aux lésions neurologiques et le déficit d’attention soutenue, objectivé à l’examen neuropsychologique, en tant que limitations fonctionnelles objectivées, ne commandent pas une analyse selon les indicateurs jurisprudentiels précités, applicable en présence de toute affection psychique, dont le trouble somatoforme douloureux. En toute hypothèse, même si une telle analyse devait être effectuée, elle amènerait au constat d’un trouble incapacitant. On constate en effet que le critère de la cohérence, examiné par les experts (rapport d’expertise p. 14), a permis à ceux-ci de conclure que le tableau clinique était cohérent avec les diagnostics et les plaintes et que les limitations fonctionnelles s’expliquaient par les lésions objectives constatées, que l’évolution était possible et cohérente avec la sévérité de la lésion initiale, qu’il n’y avait pas de discordance entre les plaintes et le comportement du recourant, entre les limitations alléguées et ce qui était connu des activités quotidiennes du recourant et que celui-ci s’était engagé dans les traitements proposés (dont deux opérations chirurgicales et un suivi par la consultation de la douleur des HUG ainsi qu’un suivi psychiatrique). Au demeurant, les limitations fonctionnelles retenues par les experts peuvent être confirmées.

8.3 S’agissant de l’expertise neuropsychologique de Mme M______, il convient de relever ce qui suit :

8.3.1 L’examen a permis d’établir un trouble de l’attention soutenue, confirmé aux tests de validation des symptômes, que Mme M______ a précisé lors de son audition, en relevant que les tâches longues qui sollicitent une attention soutenue étaient déficitaires, que ce trouble cognitif au niveau de l’attention était objectivé, qu’il n’était pas remis en cause par un déficit d’effort et que la fluctuation de l’attention pouvait être reliée au syndrome douloureux chronique. Mme M______ explique ensuite que l’intensité du trouble de l’attention est difficile à mesurer, en raison des problèmes de comportement du recourant et que celui-ci présente une majoration des symptômes pour des raisons psychologiques. Or, l’analyse du comportement du recourant par Mme M______ et les motifs donnés par celle-ci pour évoquer un diagnostic de majoration des symptômes pour des raisons psychologiques ne sont pas convaincants. Mme M______ admet d’abord qu’elle n’est pas habilitée à poser un tel diagnostic ; elle relève ensuite des incohérences et discordances qui sont dans le même temps relativisées, voire niées. À cet égard, elle mentionne qu’il est incohérent que le recourant réussisse des tests complexes et rate des tests simples en présentant parfois, pour certains tests, une bonne organisation alors que, pour d’autres tests, il est perdu. Toutefois, elle admet que l’attention peut fluctuer en raison du syndrome douloureux chronique, de sorte qu’elle n’explique pas pourquoi le recourant ne pourrait pas échouer à des tests simples, en raison du trouble de l’attention. Elle indique aussi que le recourant est moins performant lorsqu’il est seul pour réaliser une tâche, mais ne précise pas s’il était seul ou accompagné lors de la réalisation des tests simples. Elle estime en outre qu’il a présenté une attitude changeante ; par exemple, il prétendait avoir besoin de l’aide de son épouse, estimant tout oublier, mais finalement il avait réussi à répondre aux questions sans difficultés ; or, Mme M______ n’explique pas en quoi la peur évoquée par le recourant en début de séance quant à ses performances cognitives relèverait d’une incohérence. Il était aussi sorti acheter des cigarettes alors qu’il disait avoir peur de se perdre. À cet égard, Mme M______ a indiqué que le recourant avait insisté pour fumer, ce qu’elle avait refusé. Or, il apparaît légitime que le recourant, gros fumeur (trois paquets par jour) souhaite se procurer des cigarettes pour fumer lors des pauses d’un long examen tel que l’examen neuropsychologique en cause, ce d’autant que le recourant a expliqué, sans être contesté, qu’il connaissait le quartier et qu’il était donc à même, sans difficulté, de s’y orienter. Mme M______ a reconnu ensuite, lors de son audition, qu’il n’apparaissait pas compatible avec la bonne marche de l’examen que le recourant ne puisse pas fumer lors des pauses. Dans ces conditions, l’achat de cigarettes par le recourant dans un quartier qu’il connaissait, alors qu’il avait un intense besoin de fumer, n’apparaît pas constitutif d’une incohérence. Elle mentionne que le recourant, quand il a conduit, n’a pas présenté de problème, alors que la conduite était incompatible avec son trouble de l’attention. Or, le recourant a à cet égard indiqué qu’il ne conduisait plus depuis un an et qu’il ne possédait pas de voiture ; par ailleurs Mme M______ a précisé qu’elle ne savait pas s’il conduisait bien et s’il avait effectué de longs trajets. Mme M______ n’explique ainsi pas de façon convaincante la présence d’une incohérence. Elle relève encore que le recourant s’est énervé quand elle lui a demandé pourquoi il ne pouvait pas travailler. Or, ce mouvement d’humeur peut être le signe d’une résistance psychique affaiblie du recourant face à ses perspectives d’avenir, sans constituer pour autant une incohérence avec d’autres éléments du dossier, et Mme M______ n’explique d’ailleurs pas en quoi une incohérence est réalisée. À cet égard, la consultation ambulatoire de la douleur des HUG avait déjà relevé, lors d’une consultation du 22 août 2019, que le recourant poursuivait son suivi psychologique et prévoyait de discuter son ressenti et ses angoisses quant à ses perspectives professionnelles, sa situation sociale restant à ce jour vécue comme une injustice et source de colère (rapport du Dr O______ du 10 septembre 2019). Le recourant présentait ainsi déjà, une année et demie avant l’examen de Mme M______, des sentiments d’injustice et de colère face à ses perspectives professionnelles, ce qui confirme plutôt une constance du recourant dans sa manière d’exprimer son désarroi. Par ailleurs, les constatations faites par Mme M______ de l’utilisation par le recourant de son petit doigt de la main gauche et de celle-ci lors de deux mouvements ne sont, en outre, pas à même de remettre en cause les constatations et conclusions des experts neurologues, lesquels ont bien objectivé la douleur du recourant et les importantes limitations fonctionnelles de sa main gauche. Enfin, Mme M______ admet elle-même que tous les comportements mentionnés comme incohérents peuvent aussi être le reflet de la douleur du recourant (expertise neuropsychologique p. 4). Elle relativise également les incohérences soulevées puisqu’elle considère que même dans une activité adaptée, la fatigue, les douleurs, le trouble cognitif et l’état dépressif du recourant limitent sa capacité de travail dans une mesure telle que même le taux de travail de 60% retenu par les experts est jugé élevé et qu’une diminution de rendement devrait encore, selon elle, être prise en compte.

8.3.2 Les experts neurologues, appelés à se prononcer sur le rapport de Mme M______ ont estimé que le trouble établi rejoignait leurs propres constatations, soit la présence d’un déficit d’attention soutenue avec des fluctuations de concentration et de la fatigue, directement secondaires aux douleurs neuropathiques. Quant aux troubles comportementaux et discordances relevés ainsi que le diagnostic de majoration des symptômes pour raison psychologique évoqué par Mme M______, ils étaient, selon eux, secondaires aux répercussions psychologiques et étaient en pratique observés dans le cadre de syndromes douloureux chroniques. Pour les experts, les incohérences et discordances évoquées étaient ainsi expliquées et ne mettaient pas en cause les diagnostics posés, les limitations fonctionnelles décrites et le taux de capacité de travail réduit auquel ils concluaient.

8.3.3 Dans le même sens que les experts neurologues, le Dr G______ a estimé que les douleurs étaient, selon son expérience du syndrome douloureux chronique, fluctuantes et pouvaient expliquer les discordances relevées par Mme M______. Il a souligné que Mme M______ suspectait un défaut d’effort du recourant, tout en nuançant ses propos puisqu’elle admettait que les comorbidités du recourant influençaient la faculté cognitive, qui pouvait être fluctuante. Il a par ailleurs exclu la présence de doutes sur l’authenticité du recourant, en relevant que c’était aussi le cas des spécialistes de la douleur, qui suivaient le recourant depuis 2018 ainsi que du Dr L______. Enfin, dans le même sens également que les experts neurologues et le Dr G______, le Dr L______ a souligné que le rapport de Mme M______ n’était pas clair dès lors qu’on ne comprenait pas si elle reprochait au recourant de simuler ses douleurs et que l’attitude du recourant décrite par Mme M______ pouvait s’expliquer par une attitude histrionique, phénomène psychologique inconscient qui ne relevait pas de la simulation.

8.3.4 Ainsi les médecins amenés à se prononcer sur le rapport de Mme M______ ont écarté toute incohérence de la part du recourant et confirmé l’existence du trouble de l’attention en lien avec les douleurs. Au demeurant, le rapport neuropsychologique de Mme M______ est probant en tant qu’il atteste d’un trouble de l’attention objectivé mais ne l’est pas s’agissant des incohérences et discordances relevées. Il n’y a ainsi pas suffisamment d’éléments probants permettant de douter du trouble cognitif objectivé, lequel doit être confirmé.

8.4 Le SMR et le médecin-conseil neurologue de la SUVA ont émis des critiques à l’égard du rapport d’expertise judiciaire, lesquelles ne sont toutefois pas convaincantes.

8.4.1 Le SMR estime que les plaintes du recourant sont uniquement subjectives et n’ont pu être objectivées par des tests de dépistage (avis des 25 juin 2021 et 8 novembre 2021). À cet égard, les experts ont clairement attesté de douleurs neuropathiques dues aux atteintes objectivées, en lien avec la lésion accidentelle du nerf radial gauche et ses complications. Dans ce contexte, et contrairement à l’avis du SMR, les douleurs neuropathiques jugées importantes par les experts ne sont pas uniquement subjectives mais sont reliées à un substrat organique. Elles font partie des limitations fonctionnelles mentionnées par les experts justifiant, même dans une activité adaptée, une diminution de la capacité de travail. Il en est de même des troubles de l’attention qui ont été relevés par les experts (en attention soutenue). Au demeurant, la critique du SMR qualifiant les douleurs et l’atteinte cognitive de manifestation uniquement subjective doit être écartée.

8.4.2 Quant au Dr J______, il a estimé (dans son appréciation du 21 janvier 2020) que le rapport d’expertise était circonstancié et complet. Il a confirmé l’atteinte, le substrat organique et la causalité des troubles attestés par les experts, tout comme les limitations fonctionnelles retenues. En revanche, il a contesté la diminution de la capacité de travail de 25% dans une activité adaptée, estimant qu’elle n’était pas motivée. Or, comme il a été relevé ci-avant, les experts ont décrit de façon convaincante les limitations fonctionnelles objectivées qui motivent une diminution de la capacité de travail du recourant dans une activité adaptée. Le Dr J______ ne s’est pas déterminé sur les limitations fonctionnelles précitées et s’est contenté d’opposer à l’estimation de la capacité de travail établie par les experts celle du Dr F______, ce qui est insuffisant pour mettre en doute les conclusions de l’expertise. La diminution de la capacité de travail de 25% du recourant, présente dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles du recourant, objectivée par les experts est en conséquence convaincante.

8.4.3 En outre, les 8 juin 2021 et 21 octobre 2021, le Dr J______, considérant que Mme M______ se contredisait et que son rapport ne permettait pas de faire une appréciation objective de la capacité de travail du recourant, a indiqué que l’on pouvait douter de l’authenticité de la performance du recourant à l’examen neuropschologique et donc de la réalité de ses troubles et que cet examen était susceptible d’ébranler la notion même du handicap majeur chez le recourant, de sorte qu’on ne pouvait suivre les conclusions des experts judiciaires neurologues. À cet égard, les constatations et conclusions de Mme M______ ont fait l’objet d’une analyse de leur valeur probante ci-avant et il a été constaté qu’un trouble de l’attention soutenue était objectivé, nonobstant les critiques qui pouvaient être faites au rapport neuropsychologique et pouvait, en conséquence, être pris en compte par les experts neurologues dans l’appréciation de la capacité de travail du recourant.

8.5 Le 15 octobre 2020, les experts ont rendu un rapport complémentaire d’expertise, à la demande de la chambre de céans.

8.5.1 Ils ont conclu à une capacité de travail du recourant non plus de 75% mais seulement de 60% dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles, pour tenir compte des avis des Drs L______ et G______, en particulier de la sévérité du syndrome douloureux chronique et de ses répercussions, qui entraînaient, selon les médecins traitants précités, une capacité de travail réduite à au moins 50%.

8.5.2 En premier lieu, ce rapport complémentaire précise de façon convaincante certains aspects du rapport d’expertise. En particulier, les limitations fonctionnelles ont été détaillées comme suit : le recourant ne peut exercer qu’un travail comportant une activité légère de sa main droite valide en position assise, allongée ou debout avec possibilité de changements de positions. Sa main gauche ne peut avoir qu’une fonction très limitée de stabilisation d’objets par les 4 derniers doigts et à la condition d’éviter tout contact sur la zone-gâchette des douleurs (partie latérale et dorsale de la main et du pouce gauches). Il pourrait exercer une activité 6 heures par jour, 5 jours par semaine. S’agissant de l’IPAI, les experts ont confirmé un taux de 40% en considérant que les conséquences fonctionnelles et les répercussions psychologiques correspondent à une amputation de la main, suivie de douleurs invalidantes du membre fantôme. Afin d’objectiver les plaintes neuropsychologiques, un examen neuropsychologique était préconisé.

8.5.3 En second lieu et en revanche, ce rapport complémentaire retient de façon non convaincante une baisse de l’exigibilité, soit une capacité de travail de 60% au lieu de 75% initialement retenue.

8.5.3.1 En effet, les experts ont ajouté une perte de rendement de 20% qu’ils n’avaient pas retenue initialement, en se basant sur les avis des médecins traitants L______ et G______. Or, le Dr L______ atteste d’un suivi depuis mars 2019 avec la présence d’un trouble dépressif sévère et d’un stress post traumatique probable, entrainant une capacité de travail nulle, voire de 50%, si les douleurs évoluaient favorablement (rapport du 14 janvier 2020). Cet avis, qui semble avoir été déterminant pour les experts, fait principalement état d’une symptomatologie psychiatrique qui outrepasse l’évaluation neurologique. Par ailleurs, le Dr L______ a attesté d’un suivi depuis mars 2019, soit postérieurement à la décision litigieuse de l’OAI du 19 février 2018, de sorte que les diagnostics qu’il pose et qui n’ont pas été mentionnés auparavant par d’autres médecins ne peuvent être considérés comme existant au 19 février 2018. Quant au Dr G______, il atteste d’un suivi depuis le 7 juin 2018 et la présence de douleurs invalidantes avec des répercussions psychologiques et cognitives impactant le fonctionnement quotidien du recourant, incapacitantes à hauteur de 50% (rapport du 23 janvier 2020). Les atteintes mentionnées ont également été constatées postérieurement à la date de la décision litigieuse sans qu’elles ne soient mentionnées au dossier antérieurement, de sorte qu’elles ne peuvent non plus être considérées comme établies au 19 février 2018. Une éventuelle aggravation de l’état de santé du recourant, du point de vue psychiatrique, pourra faire, le cas échéant, l’objet d’une demande de révision de la part du recourant mais ne peut être prise en compte dans le cadre de la présente procédure.

8.5.3.2 Par ailleurs, les experts ont retenu, lors de leur première estimation, des limitations fonctionnelles persistantes dans une activité adaptée, liées à un défaut d’attention soutenue et à des performances diminuées sur restriction temporelle non adaptable (dues aux douleurs chroniques et à un effet médicamenteux possible), limitant la capacité de travail à un taux de 75%. Or, dans leur complément d’expertise, les experts ont repris les mêmes limitations fonctionnelles. Ils ont estimé, sans justification convaincante, qu’une diminution de rendement supplémentaire de 20% devait être admise. En effet, ils mentionnent à cet égard des douleurs neuropathiques chroniques permanentes et les effets secondaires médicamenteux, déjà pris en compte dans la diminution du taux d’activité exigible de 25%, tout en ajoutant des limitations liées aux répercussions psychologiques des douleurs qui, comme exposé ci-avant, ne peuvent être prises en compte. Ainsi la diminution de rendement supplémentaire de 20% n’est-elle pas justifiée et la capacité de travail réduite à un taux de 60% pas probante.

8.6 Au demeurant, les conclusions initiales des experts, selon leur rapport du 30 octobre 2019, peuvent être suivies, soit une capacité de travail du recourant nulle dans son activité habituelle et de 75% dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles. L’aptitude à la réadaptation, non contestée, a été fixée au 27 octobre 2016 par le SMR dans son avis du 24 octobre 2017 et peut être confirmée, ce d’autant que les experts judiciaires ont relevé que la situation était stabilisée depuis fin 2016. Il doit à cet égard encore être relevé que selon le Tribunal fédéral, pour des personnes considérées comme monomanuelles et limitées à des activités légères, il existe suffisamment de possibilités d’emplois dans un marché équilibré de travail (arrêt du Tribunal fédéral 8C_772/2020 du 9 juillet 2021), de sorte qu’une activité à un taux de 75% est effectivement exigible de la part du recourant.

9.             Il convient de calculer le degré d’invalidité du recourant sur la base d’une capacité de travail nulle du 27 juin 2014 au 25 octobre 2016 et de 75% dans une activité adaptée dès le 26 octobre 2016.

9.1 Dès le 27 juin 2015, le degré d’invalidité du recourant est de 100%, sur la base d’une capacité de travail nulle dans toute activité, ouvrant le droit à une rente entière d’invalidité.

9.2 Dès le 26 octobre 2016, le degré d’invalidité doit être calculé en fonction d’une exigibilité de 75% dans une activité adaptée.

9.2.1 S’agissant du revenu sans invalidité, il a fait l’objet d’un nouveau calcul par l’intimé le 6 décembre 2021 et a été fixé, en 2016, à CHF 71'230.-, sur la base du rapport employeur du 12 juillet 2017 et d’un salaire-horaire de CHF 29.50. Selon ce document, l’employeur a cependant indiqué que dès le 1er janvier 2016, le salaire-horaire du recourant aurait été de CHF 29.-. C’est donc ce montant qui est pertinent pour l’année 2016, celui de CHF 29.50 étant mentionnée comme salaire-horaire « actuel », soit à la date de la signature du rapport, en 2017. Quant au salaire de CHF 24.90 retenu par la SUVA, il est indiqué comme versé depuis le 23 juin 2014 et non pas en 2016, année de référence. En suivant le calcul opéré par l’intimé, le revenu annuel sans invalidité du recourant en 2016 est de CHF 69'429.-, soit : ([CHF 29.- x 42,5 h x 52] + [8.33% x CHF 64'090.-]). Enfin ce revenu n’a pas à être indexé dès lors qu’il correspond à l’année de référence 2016.

9.2.2 S’agissant du revenu d’invalide, il a été établi par l’intimé à CHF 66'803.- sur la base de l’ESS 2016, TA 1, homme, total, niveau 1, pour 41,7 h de travail par semaine. Ce calcul peut être confirmé conformément à la jurisprudence précitée ; il convient en effet, en règle générale, de se fonder sur la table TA1, ligne total secteur privé ; on peut parfois se référer, comme le requiert le recourant, aux salaires mensuels des secteurs particuliers, voire des branches particulières dans les cas dans lesquels, avant l’atteinte à la santé, l’assuré concerné avait travaillé dans un domaine pendant de nombreuses années et où une activité dans un autre domaine n’entre pratiquement plus en ligne de compte (arrêt du Tribunal fédéral 8C 405/2021 du 9 novembre 2021), ce qui n’est toutefois pas le cas du recourant. En outre, seules des tâches de niveau de compétence 1 ont été retenues, soit des tâches physiques ou manuelles simples, correspondant aux aptitudes du recourant. Il convient encore de tenir compte d’une capacité de travail de 75%. Quant à l’abattement retenu, l’intimé l’avait fixé, dans la décision litigieuse, à 20%, au motif que le recourant présentait une importante liste de limitations fonctionnelles et de son âge. Dans son calcul du 6 décembre 2021, l’intimé ne motive pas la prise en compte d’un abattement réduit de 20% à 15%. Un abattement de 20% sera en conséquence confirmé, étant relevé qu’il se justifie, nonobstant une réduction de l’exigibilité à un taux de 75%, le handicap du recourant étant particulièrement intense, l’activité possible étant réduite à une activité quasi monomanuelle et l’utilisation effective de la main gauche étant limitée à une fonction de stabilisation de la main gauche par les 4 derniers doigts uniquement. À cet égard, il a d’ailleurs été admis un abattement maximal de 25% pour un assuré ne pouvant exercer qu’une activité monomanuelle avec sa main non dominante, à un taux de 100% (arrêt du Tribunal fédéral 8C_772/2020 du 9 juillet 2021). En conséquence, compte tenu en l’espèce de l’activité quasi monomanuelle exigible du recourant et des limitations fonctionnelles importantes qu’il subit, une réduction de 20% se justifie.

Le revenu d’invalide est ainsi de CHF 40'082.- ([75% x CHF 66'803.-] – [20% x CHF 66'803.-]).

9.3 Le degré d’invalidité est en conséquence de 42%, soit :

69'429 – 40'082 = 42.2% = 42%

69'429

Ce degré donne droit à un quart de rente d’invalidité.

Compte tenu du dépôt de la demande de prestations le 3 mars 2017, le droit à la rente d’invalidité ne peut naître que six mois plus tard, soit le 1er septembre 2017. À cette date, le recourant avait droit à un quart de rente d’invalidité dès lors que son droit à une rente entière d’invalidité est réduit le 1er janvier 2017 à un quart de rente (art. 88a RAI).

10.         Partant, le recours sera partiellement admis et la décision litigieuse annulée. Il sera dit que le recourant a droit à un quart de rente d’invalidité depuis le 1er septembre 2017.

Le recourant obtenant partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 3'000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA; art. 6 du règlement sur les frais, émolument et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA – E 5 10.03]). Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).

S’agissant des frais de l’expertise neurologique judiciaire en CHF 5'277.30, il y a lieu, en application de la jurisprudence précitée, de les mettre par moitié à la charge de l’OAI, étant constaté que l’OAI s’en est remis à l’instruction médicale effectuée par la SUVA et que celle-ci a uniquement mis en œuvre son médecin-conseil, dont l’avis quant à la capacité de travail du recourant était sérieusement contesté par le médecin traitant et le rapport des EPI du 20 octobre 2017.

 

 


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision de l’intimé du 19 février 2018.

4.        Dit que le recourant a droit à un quart de rente d’invalidité depuis le 1er septembre 2017.

5.        Alloue une indemnité de CHF 3'000.- au recourant, à la charge de l’intimé.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

7.        Met la moitié des frais de l’expertise, à hauteur de CHF 2'638.65, à la charge de l’intimé.

8.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le