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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4139/2020

ATAS/768/2022 du 02.09.2022 ( AVS ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

 

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4139/2020 ATAS/768/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 2 septembre 2022

9ème Chambre

En la cause

Monsieur A______, domicilié chemin ______, VERNIER, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Urs PORTMANN

 

recourant

contre

Monsieur B______, domicilié à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Urs PORTMANN

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION, sise rue des Gares 12, GENÈVE

Monsieur C______, domicilié à ANNECY, France

Monsieur D______, domicilié à GENÈVE

 

 

intimés

EN FAIT

 

A. a. La société E______, en liquidation, avec siège social à F______ et inscrite le 10 décembre 2013 au registre du commerce de Genève (ci-après : RC), avait pour but notamment la fourniture de produits et services dans le domaine de la numérisation et de la mesure stéréo-photogrammétrique d'environnements 3D.

b. La société était affiliée à la caisse cantonale genevoise de compensation
(ci-après : la caisse).

c. Par jugement du 18 mai 2017, le Tribunal de première instance a prononcé la faillite de la société. La procédure de faillite a été clôturée par jugement du 12 mars 2018 et la société a été radiée d’office selon publication dans la Feuille officielle suisse du commerce (FOSC) du 19 mars 2018.

d. Monsieur A______ (ci-après : administrateur 1 ou recourant) en a été l'administrateur avec signature collective à deux du 10 décembre 2013 au 9 septembre 2015, puis administrateur président avec signature collective à deux du 9 septembre 2015 jusqu'à la radiation de la société.

e. Monsieur B______ (ci-après : administrateur 2) en a été l'administrateur avec signature collective à deux du 4 août 2014 au 9 septembre 2015, puis administrateur vice-président avec signature collective à deux du 9 septembre 2015 jusqu'à la radiation de la société.

f. Monsieur C______ (ci-après : administrateur 3) en a été l'administrateur avec signature collective à deux du 9 septembre 2015 jusqu'à la radiation de la société.

g. Monsieur D______ (ci-après : administrateur 4) en a été l'administrateur vice-président avec signature collective à deux du 4 août 2014 au 4 mai 2015, puis administrateur président avec signature collective à deux jusqu’au 9 septembre 2015.

Du 5 décembre 2014 au 7 octobre 2015, M. D______ a été le titulaire de l’entreprise individuelle G______, dont le but était de fournir des services aux entreprises et aux particuliers, conseils en stratégie marketing, communication, réseaux sociaux, nouvelles technologies, administration et gestion d’entreprise. L’inscription de l’entreprise a été radiée le 7 octobre 2015 par suite de cessation de l’exploitation.

B. a. Le 12 août 2015, les actionnaires de E______ ont tenu une assemblée générale extraordinaire lors de laquelle ils ont décidé de radier avec effet immédiat les fonctions, signatures et responsabilités de l’administrateur 4 pour cause de comportement incompatible.

b. Par courrier recommandé du 13 août 2015, E______ a indiqué à l’administrateur 4 que c’était avec regret qu’elle lui retirait avec effet immédiat l’ensemble des droits qui lui avaient été conférés le 30 juin 2014 pour l’exécution de son mandat de CEO et de son siège de président du Conseil d’administration. La résiliation de son mandat de CEO et la radiation de ses droits étaient la conséquence directe des risques encourus par le management mené sous sa direction en tant que CEO. Le but de la démarche était d’assurer la sérénité, la viabilité et la pérennité des activités du groupe dans l’esprit de E______.

c. Par jugement du 4 novembre 2016, le Tribunal des prud’hommes a débouté l’administrateur 4 de ses conclusions en paiement de CHF 152'000.- à titre de salaire, d’arriérés de salaire, de compensation pour congés non pris, d’indemnité pour licenciement abusif et tort moral à l’encontre de E______. Le tribunal a considéré que l’intéressé n’avait pas prouvé avoir réellement fourni à E______ une prestation de travail. Les activités qu’il a exercées, à savoir le fait de demander des comptes précis sur l’utilisation des fonds mis à disposition par le biais de son réseau de contacts, d’informer la société de la nécessité d’assainir l’entreprise et de réduire la charge d’exploitation et de rechercher de l’argent pour la société, n’étaient assurément pas celles d’un employé, mais bien plutôt celles d’un administrateur. Le demandeur n’avait ainsi pas prouvé qu’il aurait exercé, contre rémunération, en plus de ses fonctions inhérentes à sa qualité de membre du conseil, des tâches déléguées par le conseil d’administration. Il ne ressortait pas non plus du dossier que les parties auraient prévu que le demandeur mette son temps à disposition de la société pour une durée déterminée ou indéterminée. S’agissant de la rémunération, il ressortait du dossier qu’un versement de CHF 10'000.- par mois avait été convenu. Ce n’était toutefois pas toujours la société défenderesse, mais H______, qui avait versé ce montant au demandeur de février 2014 à janvier 2015. Ces montants se confondaient du reste avec la rémunération qui lui était due en tant qu’administrateur. Enfin, il ne ressortait pas du dossier que le demandeur ait reçu des instructions de la part de la société.

C. a. Par décision du 12 avril 2019, la caisse a réclamé à l’administrateur 1 le paiement de la somme de CHF 47'414.10, correspondant à son dommage en raison du non-paiement des cotisations paritaires AVS/AC/AF/AMAT en lien avec les salaires versés en 2014 et 2015. D’après le décompte annexé à la décision, le montant du dommage était de CHF 18'924.30 en 2014 et de CHF 28'489.80 en 2015.

b. Le 13 mai 2019, l’administrateur 1 a formé opposition à cette décision, contestant les cotisations relatives à la relation avec l’administrateur 4. Ce dernier n’avait jamais été salarié de l’entreprise E______. Il agissait comme prestataire indépendant et facturait ses services à E______. Les montants qu’il avait perçus en 2014 et 2015 avaient été convenus avec le collège des associés de E______ dans le contexte d’une relation de mandataire indépendant uniquement. Le mandat de l’administrateur 4 avait été résilié en août 2015 suite à un comportement incompatible et préjudiciable au fonctionnement de la société. Les conséquences de cette situation et des agissements de ce dernier avaient amené la société à la faillite. Enfin, les montants perçus par l’administrateur 4 avaient été calculés comme des montants bruts, tenant compte des risques et charges consécutives au statut d’indépendant. Il a donc perçu des montants plus élevés que s’il avait été salarié.

c. Par décision du 8 novembre 2020, la caisse a rejeté l’opposition. En sa qualité d’organe de E______, il incombait à l’administrateur 1 de veiller personnellement au paiement ponctuel des cotisations et contributions paritaires ainsi que de prendre toutes mesures utiles afin que tel soit effectivement le cas. Il avait commis une faute grave en négligeant de s’occuper du paiement des cotisations sociales et par conséquent des dettes envers la caisse et avait engagé sa responsabilité envers celle-ci pour l’intégralité du dommage causé. En ce qui concernait le montant de la masse salariale, l’administrateur 4 avait contacté le service des indépendants de l’OCAS afin d’obtenir le statut d’indépendant. La caisse avait toutefois considéré que son activité auprès de E______ devait être considérée comme salariée. Cette décision n’avait pas été contestée. Il ressortait par ailleurs du dossier que la société avait été vraisemblablement le seul « client » de ce dernier. Ainsi, si la société avait dû révoquer son mandat, celui-ci se serait retrouvé dans la même situation qu’un salarié qui se fait licencier.

d. Par acte du 4 décembre 2020, l’administrateur 1 a interjeté recours contre la décision sur opposition du 8 novembre 2020 par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, concluant à son annulation et à ce que le montant réclamé ne doit pas inclure les cotisations concernant l’administrateur 4 en raison de son activité indépendante.

L’activité déployée par ce dernier pour E______ devait être considérée comme indépendante. Contrairement à ce que soutenait la caisse, l’intéressé n’avait pas qu’un seul client. La qualification du contrat conclu entre ce dernier et la société ne pouvait pas dépendre d’une décision de la caisse. Le Tribunal des prud’hommes avait d’ailleurs qualifié leur relation de contrat de mandat.

e. La chambre de céans a enregistré ce recours sous le numéro de cause A/4139/2020.

f. Dans sa réponse du 13 janvier 2021, la caisse a conclu au rejet du recours. Les conclusions prises par le juge civil ne liaient pas les assurances sociales. Le Tribunal des prud’hommes avait du reste retenu que les montants perçus par l’administrateur 4 se confondaient avec la rémunération qui lui était due en tant qu’administrateur. Or, les revenus des administrateurs des sociétés étaient systématiquement assujettis aux cotisations salariales AVS et devaient être pris en compte dans le cadre d’une éventuelle procédure en réparation du dommage au sens de l’art. 52 de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10). L’administrateur 4 n’avait pas de clientèle, pas de véritable adresse professionnelle, pas de facturation pouvant démontrer une activité diversifiée. Les deux sociétés, centre de l’activité professionnelle de ce dernier (E______ et H______) avaient fait faillite en l’espace de quelques mois. L’intéressé n’avait dès lors pas poursuivi son activité de consultant indépendant. Il n’avait donc aucune autre relation d’affaires à l’extérieur des liens entre les deux sociétés précitées. Or, un véritable indépendant doit pouvoir poursuivre son activité avec d’autres clients, ce qui n’était pas le cas.

g. Dans sa réplique du 20 avril 2021, l’administrateur 1 a persisté dans ses conclusions. L’administrateur 4 avait mené de nombreux projets en tant qu’entrepreneur indépendant avant, pendant et après son mandat chez E______. Il avait notamment été consultant indépendant pour I______ et fondateur de J______.

h. Dans son écriture du 28 avril 2021, l’administrateur 1 a sollicité l’appel en cause des administrateurs 2 et 3, persistant pour le reste dans ses conclusions.

i. Par duplique du 31 mai 2021, la caisse a persisté dans ses conclusions.

j. Par écriture du 14 juillet 2021, l’administrateur 1 a déclaré maintenir les conclusions prises à l’appui de son recours du 4 décembre 2020 et de sa réplique du 16 avril 2021. L’OCAS jouait sur plusieurs tableaux en adoptant des comportements contradictoires. Suite au jugement du Tribunal des prud’hommes du 4 novembre 2016, il avait facturé les cotisations en lien avec l’activité indépendante de l’administrateur 4 à ce dernier directement et engagé une procédure de recouvrement à son encontre.

Il a produit un extrait du registre des poursuites de l’administrateur 4 faisant état d’une poursuite pour un montant de CHF 18'924.30 à l’encontre de ce dernier, laquelle s’était soldée par un acte de défaut de biens du 18 octobre 2019. Or, ce montant correspondait exactement au montant réclamé aux anciens administrateurs de E______.

k. Le 20 août 2021, la caisse a persisté dans ses conclusions. Le rapport de service pour les personnes qui concluent des affaires pour le compte d’un tiers doit être apprécié selon les dispositions de la LAVS et non celles du CO. C’était la situation de fait qui était déterminante. L’administrateur 4 était comme tout propriétaire/actionnaire qui tirait des bénéfices d’une personne morale et dont les revenus étaient systématiquement qualifiés de salaire du point de vue du droit de l’AVS.

l. Les 24 août, 22 novembre et 8 décembre 2021, l’administrateur 1 a persisté dans ses conclusions, rappelant que le rapport de droit civil fournissait des indices pour la qualification des rapports juridiques en matière d’AVS. L’administrateur 4 n’avait jamais perçu de revenus au sens de l’art. 7 let. h du règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 (RAVS - RS 831.101) mais uniquement des honoraires fondés sur son activité indépendante.

D. a. Par décision du 12 avril 2019, la caisse a réclamé à l’administrateur 2 le paiement de la somme de CHF 47'414.10, correspondant à son dommage en raison du non-paiement des cotisations paritaires AVS/AC/AF/AMAT en lien avec les salaires versés en 2014 et 2015.

b. Le 13 mai 2019, l’administrateur 2 a formé opposition à cette décision. L’opposition est identique à celle formée par l’administrateur 1.

c. Par décision du 8 novembre 2020, la caisse a rejeté l’opposition.

d. Par acte du 30 avril 2021, l’administrateur 1 a interjeté recours contre la décision sur opposition du 8 novembre 2020, rendue à l'égard de l’administrateur 2, par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, concluant, préalablement, à la restitution du délai de recours contre la décision sur opposition du 8 novembre 2020, à la jonction de la procédure avec la procédure A/4139/2020, à l'appel en cause des administrateurs 2 et 3 et, au fond, à l'annulation de la décision sur opposition du 8 novembre 2020 et à ce que le montant réclamé ne doit pas inclure les cotisations concernant l’administrateur 4 en raison de son activité indépendante. Il a repris en substance la motivation contenue dans son recours du 4 décembre 2020.

e. La chambre de céans a enregistré deux nouveaux recours sous les numéros de cause A/1564/2021 et A/1565/2021.

f. Dans sa réponse du 3 juin 2021, la caisse a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision sur opposition du 8 novembre 2020, relevant que tant la décision en réparation du dommage adressée à l’administrateur 3 que la décision sur opposition du 8 novembre 2020 émise à l'encontre de l’administrateur 2 étaient définitivement entrées en force.

g. Par réplique du 14 juillet 2021, l’administrateur 1 a rappelé qu’il n’avait à aucun moment été invité à participer aux procédures engagées à l’encontre des administrateurs 2 et 3.

h. Par duplique du 7 septembre 2021, la caisse a persisté dans ses conclusions. La décision sur opposition concernant l’administrateur 2 était non seulement entrée en force mais était justifiée sur le fond. Les oppositions aux décisions de réparation du 12 avril 2019 avaient été rédigées ensemble par l’administrateur 1 et l’administrateur 2. Les deux oppositions étaient identiques et avaient été adressées à la caisse le même jour. Il ressortait d’ailleurs de l’opposition de l’administrateur 2 que l’expéditeur était l’administrateur 1. Elle sollicitait l’audition de l’administrateur 4.

i. Le 29 septembre 2021, l’administrateur 1 a persisté dans ses conclusions. Rien ne permettait d’affirmer qu’il avait eu connaissance de la décision notifiée à l’administrateur 2.

j. Le 22 novembre 2021, la caisse a persisté dans ses conclusions.

k. Cette écriture a été transmise à l’administrateur 1.

E. a. Par décision du 12 avril 2019, la caisse a réclamé à l’administrateur 3 le paiement de la somme de CHF 47'414.10, correspondant à son dommage en raison du non-paiement des cotisations paritaires AVS/AC/AF/AMAT en lien avec les salaires versés en 2014 et 2015.

b. L’administrateur 3 n’a pas formé opposition à cette décision.

c. Par pli du 7 mai 2021, la chambre de céans a transmis à la caisse l’acte de recours de l’administrateur 1 du 30 avril 2021, l’invitant à produire une réponse.

d. Par réponse du 3 juin 2021, la caisse a informé la chambre de céans de ce que l’administrateur 1 lui avait fait parvenir une opposition à l’encontre de la décision en réparation de la caisse du 12 avril 2019 prononcée à l’égard de l’administrateur 3. La caisse considérait cette écriture comme « une manœuvre purement dilatoire ». Un courrier informant l’administrateur 1 que la caisse n’entrerait pas en matière lui serait prochainement adressé. La décision en réparation du dommage adressée à l’administrateur 3 était donc définitivement entrée en force.

e. Par pli du 4 juin 2021, la chambre de céans a invité l’administrateur 1 à se déterminer sur la suite de la procédure entamée devant la chambre de céans à l’encontre de la décision en réparation de la caisse du 12 avril 2019 prononcée à l’égard de l’administrateur 3, compte tenu de l’opposition formée le 23 avril 2021.

f. Par écriture du 14 juillet 2021, l’administrateur 1 a déclaré maintenir son recours du 30 avril 2021 à l’encontre de la décision en réparation de la caisse du 12 avril 2019 prononcée à l’égard de l’administrateur 3. Faute d’avoir été invité à participer à la procédure de réparation engagée à l’encontre de l’administrateur 3, il n’avait pas été en mesure de faire opposition dans le délai légal à cause d’une erreur de l’autorité.

g. Le 20 août 2021, l’administrateur 1 a sollicité, à titre préalable, la suspension par la caisse de toute démarche en vue du recouvrement de la créance et la restitution du délai de recours contre la décision en réparation du 12 avril 2019 notifiée à l’administrateur 3. Il a également conclu à la jonction des trois procédures et à l’appel en cause des administrateurs 2 et 3. Sur le fond, il a conclu à l’annulation de la décision en réparation du 12 avril 2019 notifiée à l’administrateur 3.

h. Le 24 septembre 2021, la caisse s'est opposée à toute restitution de délai, à la jonction des causes et à l'ensemble des prétentions formulées par l’administrateur 1 dans son écriture du 20 août 2021. Elle a conclu au « rejet pur et simple » du recours.

i. Le 22 novembre 2021, l’administrateur 1 a persisté dans ses conclusions. Son conseil ne représentait pas les intérêts de l’administrateur 3, mais ceux de l’administrateur 1 en vertu de son droit d’intervenir dans des procédures concernant les autres administrateurs. Selon la jurisprudence (ATF 134 V 306), les débiteurs solidaires devaient être invités à participer à la procédure des autres débiteurs solidaires, peu importe si la procédure d’opposition à leur encontre était encore pendante ou si leur responsabilité avait déjà été établie par une décision entrée en force. Par ailleurs, celui qui avait été empêché de participer à une procédure d’opposition devait avoir la possibilité d’introduire un recours. Or, la caisse n’avait à tort par invité l’administrateur 1 à participer aux procédures de réparation dirigées contre les administrateurs 2 et 3.

j. Cette écriture a été transmise à la caisse.

F. a. Par ordonnance du 9 décembre 2021, la chambre de céans a ordonné la jonction des procédures A/4139/2020, A/1564/2021 et A/1565/2021, ainsi que l’appel en cause des administrateurs 2 et 3.

b. Le 17 février 2022, le conseil de l’administrateur 1 a informé la chambre de céans de ce que l’administrateur 2 se joignait aux arguments avancés et aux conclusions prises par l’administrateur 1 dans ses écritures.

Le 22 février 2022, le conseil de l’administrateur 1 a produit une procuration lui donnant pouvoir de représenter l’administrateur 2.

c. L’administrateur 3 ne s’est pas déterminé dans le délai imparti à cet effet.

d. Le 21 juin 2022, sur demande de la chambre de céans, la caisse a produit une décision en réparation du dommage à l’encontre de l’administrateur 4 datée du 23 mai 2019 et lui réclamant le paiement de la somme de CHF 18'924.30 correspondant à son dommage en raison du non-paiement des cotisations paritaires AVS/AC/AF/AMAT en lien avec les salaires versés en 2014, le commandement de payer relatif au montant du dommage causé par ce dernier, la facture finale et la facture rectificative relatives à la période 2014 et les attestations salariales rectificatives concernant les périodes 2014 et 2015. La caisse a également informé la chambre de céans que l’ensemble des décisions relatives aux cotisations paritaires usuelles d’employeur avaient été adressées à la société et n’avaient jamais été contestées, de sorte qu’elles étaient toutes entrées définitivement en force.

e. Par ordonnance du 28 juin 2022, la chambre de céans a ordonné l’appel en cause de l’administrateur 4.

f. L’administrateur 4 ne s’est pas déterminé dans le délai imparti à cet effet.

g. Le 18 juillet 2022, les administrateurs 1 et 2 ont relevé qu’il y avait des doutes raisonnables quant à l’authenticité des attestations de salaire 2014 et 2015 et du certificat de salaire 2015 transmis par la caisse. Par ailleurs, compte tenu de la présente procédure, il était faux de prétendre que les décisions relatives aux cotisations de l’employeur n’auraient pas été contestées.

h. Le 16 août 2022, la caisse a produit des déterminations spontanées et requis des mesures d’instruction complémentaires.

i. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

j. Par écritures spontanées du 26 août 2022, les administrateurs 1 et 2 ont conclu au rejet des réquisitions de pièces formulées par la caisse.

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la LAVS.

Sa compétence ratione materiae pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Selon l’art. 52 al. 5 LAVS, en dérogation à l’art. 58 al. 1 LPGA, le tribunal des assurances du canton dans lequel l’employeur est domicilié est compétent pour traiter le recours. Cette disposition est également applicable lorsque la caisse recherche un organe de l’employeur en réparation du dommage, et ce quel que soit le domicile dudit organe (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 184/06 du 25 avril 2007 consid. 2.3).

Le siège de la société ayant été situé dans le canton de Genève jusqu’au moment de sa faillite, la chambre de céans est également compétente ratione loci.

1.3 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA, applicable par renvoi de l’art. 1 al. 1 LAVS; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

1.3.1 Le recours, enregistré sous le numéro de cause A/4139/2020 et formé le 7 décembre 2020 contre la décision sur opposition du 8 novembre 2020 a été interjeté dans les formes et délai prévus par la loi, de sorte qu’il est recevable.

1.3.2 En revanche, en tant qu’il est formé le 30 avril 2021 contre la décision sur opposition du 8 novembre 2020, le recours, enregistré sous le numéro de cause A/1564/2020, est tardif. Devant la chambre de céans, le recourant se prévaut de l’ATF 134 V 306 pour en déduire un droit de recours en dépit de l’entrée en force de la décision sur opposition. Selon cette jurisprudence, lorsque la caisse n’invite pas le coresponsable éventuel à la procédure, elle le prive de la possibilité de prendre part à celle-ci. Il s’ensuit que le coresponsable, quand bien même il n’était pas partie à la procédure d’opposition, bénéficie alors néanmoins de la qualité pour recourir. Compte tenu des règles de la bonne foi, la partie intéressée doit alors exiger dans un délai raisonnable dès la connaissance de l'existence du vice de forme la notification de la décision sur opposition et, le cas échéant, recourir en temps utile auprès du tribunal cantonal des assurances compétent (ATF 134 V 306 consid. 3.3 in RDAF 2009 p. 437).

En l’occurrence, il ne ressort ni du dossier, ni a fortiori de la décision entreprise, que le recourant aurait été invité à participer à la procédure d’opposition concernant l’administrateur 2. Il ne saurait, pour autant, se fonder sur la jurisprudence précitée pour en déduire un droit de recours. Cette jurisprudence exige en effet que la caisse invite les administrateurs tenus pour responsables du dommage à participer à la procédure d’opposition concernant un autre administrateur, de manière à leur permettre de sauvegarder leurs droits. Ils risquent en effet de voir leur situation péjorée en cas d’admission de l’opposition, puisqu'ils perdent un codébiteur solidaire. Or, dans le cas présent, les droits du recourant ne sont pas mis en péril, puisque la caisse a confirmé la décision en réparation rendue à l’égard de l’administrateur 2. Il ne dispose dès lors d’aucun intérêt à former recours contre la décision entreprise.

À cela s’ajoute que le recourant ne saurait de bonne foi prétendre qu’il ne pouvait pas se douter que des actions en réparation étaient ouvertes à l’encontre des autres administrateurs de la société. Comme relevé par l’intimée, l’opposition formée par le recourant contre la décision en réparation le concernant est en tous points identique à celle formée par l’administrateur 2 contre la décision en réparation le concernant. Le contenu (à l’exception du nom et des coordonnées de l’auteur de l’opposition), la mise en page, les annexes et la date sont les mêmes dans les deux documents. L’opposition formée par l’administrateur 2 indique du reste clairement dans son en-tête que l’expéditeur est l’administrateur 1. Il convient donc d’admettre que le recourant et l’administrateur 2 ont rédigé conjointement les deux oppositions du 13 mai 2019. Ayant lui-même reçu une décision sur opposition le 8 novembre 2020, le recourant devait donc s’attendre à ce qu’une décision sur opposition soit également prononcée à l’égard de l’administrateur 2 et, cas échéant, exiger dans un délai raisonnable sa notification, ce qu’il n’a pas fait. Le recourant est ainsi désormais forclos à se plaindre d’avoir été privé de la possibilité de prendre part à la procédure administrative concernant l’administrateur 2.

Il suit des considérants qui précèdent que le recours interjeté le 30 avril 2021 contre la décision sur opposition du 8 novembre 2020 concernant l’administrateur 2 et enregistré sous le numéro de cause A/1564/2020 est irrecevable.

1.3.3 Il en va de même du recours interjeté le 30 avril 2021, complété par l’écriture du 14 juillet 2021, contre la décision en réparation du dommage du 12 avril 2019 concernant l’administrateur 3 et enregistré sous le numéro de procédure A/1565/2021. La chambre de céans relèvera, au demeurant, que la jurisprudence citée par le recourant pour en déduire un droit de recours ne porte que sur les procédures engagées contre les coresponsables. En effet, d’après la jurisprudence, la caisse, saisie d’une opposition formée par l’un de ses organes, doit appeler à la procédure les éventuels coresponsables, de manière à ce qu’ils puissent faire valoir leurs moyens, puis recourir (ATF 134 V 306 consid. 3 in RDAF 2009 p. 437). En l’occurrence, l’administrateur 3 n’a pas formé opposition à la décision en réparation. Ainsi, faute de procédure administrative, le recourant ne pouvait pas être appelé à y participer. Ses droits ne sont du reste pas mis en péril puisque la décision en réparation notifiée à l’égard de l’administrateur 3 est entrée en force, de sorte que ce dernier répond solidairement de la totalité du dommage.

La chambre de céans relèvera à toutes fins utiles qu’afin de sauvegarder les droits des administrateurs 2, 3 et 4, elle a ordonné leur appel en cause dans le cadre de la présente procédure.

2.             Le litige porte sur la responsabilité du recourant dans le préjudice causé à l’intimée, par le défaut de paiement des cotisations sociales (AVS-AI-APG et AC ainsi qu’AMat et AF) en 2014 et 2015.

3.             À titre liminaire, il convient d’examiner si la prétention de la caisse est prescrite.

3.1 L’art. 52 al. 3 LAVS prévoit que l’action en réparation du dommage se prescrit conformément aux dispositions du code des obligations sur les actes illicites. Cette disposition renvoie à l’art. 60 al. 1 de la loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le Code civil suisse (Code des obligations [CO] - RS 220), selon lequel l’action en dommages-intérêts ou en paiement d’une somme d’argent à titre de réparation morale se prescrit par trois ans à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance du dommage ainsi que la personne tenue à réparation et, dans tous les cas, par dix ans à compter du jour où le fait dommageable s’est produit ou a cessé.

Ces deux dispositions sont entrées en vigueur le 1er janvier 2020. Jusqu’au 31 décembre 2019, l’ancien art. 53 al. 3 LAVS prévoyait que le droit à la réparation se prescrivait deux ans après que la caisse de compensation compétente a eu connaissance du dommage et, dans tous les cas, cinq ans après la survenance du dommage. En renvoyant aux nouvelles dispositions du CO relatives à la prescription, le nouvel art. 52 al. 3 LAVS porte le délai de prescription relatif de deux à trois ans et le délai de prescription absolu de cinq à dix ans. En outre, le délai absolu de prescription ne commence plus à courir à la survenance du dommage mais le jour où le fait dommageable s’est produit ou a cessé, ce qui inclut les dommages causés par une omission, les dommages survenant de manière répétée et les dommages résultant d’une action prolongée dans le temps. Les autres aspects de la prescription, notamment les motifs d’empêchement ou de suspension et les actes interruptifs, sont régis par les art. 130ss CO (Message relatif à la modification du code des obligations [droit de la prescription] du 29 novembre 2013, FF 2014 221, spéc. pp. 237 et 260). S’agissant de déterminer le droit de la prescription applicable, l’art. 49 al. 1 Titre final CC (Code civil suisse du 10 décembre 1907 ; RS 210), ici pertinent, règle de manière générale les questions de droit transitoire en matière de prescription et a été réécrit lors de la révision du droit de la prescription (FF 2014 221, 230 s.). Selon cette disposition, lorsque le nouveau droit prévoit des délais de prescription plus longs que l’ancien droit, le nouveau droit s’applique dès lors que la prescription n’est pas échue en vertu de l’ancien droit (al. 1). L’entrée en vigueur du nouveau droit est sans effet sur le début des délais de prescription en cours, à moins que la loi n’en dispose autrement (al. 3).

3.2 Selon la jurisprudence rendue à propos de l’ancien art. 53 al. 3 LAVS, la caisse de compensation a connaissance du dommage au moment où elle doit savoir, en usant de l’attention qu’on est en droit d’attendre d’elle, que les circonstances ne lui permettent plus d’exiger le paiement des cotisations, mais peuvent entraîner l’obligation de réparer le dommage. C’est à ce moment que le délai relatif commence à courir. Quant au moment de la survenance du dommage, il s’agit du moment où l’on doit admettre que les cotisations dues ne peuvent plus être recouvrées pour des motifs juridiques ou des motifs de fait. Ainsi en cas de faillite, en raison de l’impossibilité pour la caisse de récupérer les cotisations dans la procédure ordinaire de recouvrement, le dommage subi par la caisse est réputé être survenu le jour de la faillite ; le jour de la survenance du dommage marque celui de la naissance de la créance en réparation et de la date à partir de laquelle court le délai absolu (ATF 129 V 193 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_246/2017 du 18 décembre 2017 consid. 4.2). S’agissant de délais de prescription et non de péremption, cela signifie qu’ils ne sont pas sauvegardés une fois pour toutes avec la décision relative aux dommages-intérêts ; le droit à la réparation du dommage peut donc aussi se prescrire durant la procédure d’opposition ou la procédure de recours qui s’ensuit. Tandis que le juge ne peut interrompre la prescription que par une ordonnance ou une décision, « chaque acte judiciaire des parties » suffit à produire cet effet (art. 138 al. 1 CO). Cette notion d’acte judiciaire des parties doit être interprétée largement, tout en ayant égard à la ratio legis de la disposition citée, qui est de sanctionner l’inaction du créancier. Il faut donc considérer comme acte judiciaire d’une partie tout acte de procédure relatif au droit invoqué en justice et susceptible de faire progresser l’instance (arrêt du Tribunal fédéral 9C_289/2009 du 19 mai 2010 consid. 4.2 et les références citées). La prescription du droit à la réparation du dommage vis-à-vis de l’organe employeur ne peut être interrompue que par des actes qui se rapportent à la créance. Les actes concernant la créance vis-à-vis de l’employeur n’engagent aucun effet interruptif de délai. En outre, l’art. 136 CO ne s’applique pas à l’organe tenu subsidiairement à la réparation de l’art. 52 LAVS, de sorte que les actes interruptifs de la prescription contre la personne morale (débiteur primaire) ne peuvent lui être opposés (ATF 141 V 487 consid. 4).

3.3 En l’espèce, le prononcé de la faillite, en date du 18 mai 2017, marque le début du délai de prescription absolu de cinq ans prévu par l’ancien droit (ATF 129 V 193 consid. 2.2). Quant au délai relatif de deux ans (toujours selon l’ancien droit), il court depuis le moment de la connaissance du dommage, soit en l’occurrence depuis la publication de l’état de collocation le 12 septembre 2017 qui a révélé que le dividende prévisible serait de 0 %, de sorte que sa créance produite dans la faillite ne serait pas couverte. Ce dernier délai de deux ans était échu lorsque le nouveau droit de la prescription est entré en vigueur au 1er janvier 2020, de sorte que c’est l’ancien droit qui s’applique. En l’occurrence, en demandant la réparation du dommage au recourant le 12 avril 2019, l’intimée a valablement interrompu tant la prescription relative qu’absolue. Le délai de prescription de deux ans a à nouveau été interrompu par la décision sur opposition du 8 novembre 2020, puis le recours du 8 décembre 2020.

4.             L’action en réparation du dommage n’étant pas prescrite, il convient à présent d’examiner si les conditions de la responsabilité de l'art. 52 LAVS sont réalisées.

4.1 À teneur de l’art. 52 al. 2 LAVS, si l'employeur est une personne morale, les membres de l'administration et toutes les personnes qui s'occupent de la gestion ou de la liquidation répondent à titre subsidiaire du dommage. Lorsque plusieurs personnes sont responsables d'un même dommage, elles répondent solidairement de la totalité du dommage.

4.2 La notion d'organe selon l'art. 52 LAVS est en principe identique à celle qui se dégage de l'art. 754 al. 1 CO.

En matière de responsabilité des organes d'une société anonyme, l'art. 52 LAVS vise en première ligne les organes statutaires ou légaux de celle-ci, soit les administrateurs, l'organe de révision ou les liquidateurs (ATF 128 III 29 consid. 3a; Thomas Nussbaumer, Les caisses de compensation en tant que parties à une procédure de réparation d'un dommage selon l'art. 52 LAVS, in RCC 1991 p. 403).

Le lien de causalité adéquate entre le comportement fautif – soit la rétention des cotisations alors même que les salaires sont versés – et le dommage survenu ne peut pas être contesté avec succès lorsque les salaires versés sont tels que les créances de cotisations qui en découlent directement ex lege ne sont plus couvertes (SVR 1995 AHV n° 70 p. 214 consid. 5; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 167/05 du 21 juin 2006 consid. 8; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 74/05 du 8 novembre 2005 consid. 4).

4.3 Devant la chambre de céans, le recourant ne remet pas en cause sa qualité d’organe de la société E______, laquelle est au demeurant incontestable vu sa fonction d’administrateur au sein de la société. Il a par ailleurs été administrateur pour les périodes de cotisations 2014 et 2015. L’intéressé ne conteste pas qu’en sa qualité d’administrateur de la société, il doit être tenu responsable du dommage qu'il a causé à l'assurance, en omettant de lui reverser les cotisations sociales pour la période de 2014 à 2015. Il remet toutefois en cause le fondement des cotisations paritaires exigées initialement par l’intimée et, partant, le montant du dommage dont la réparation lui est réclamée.

5.              

5.1 Le montant du dommage correspond à celui pour lequel la caisse de compensation subit une perte. Appartiennent à ce montant les cotisations paritaires (cotisations patronales et d’employés ou ouvriers) dues par l’employeur, les contributions aux frais d’administration, les intérêts moratoires, les taxes de sommation et les frais de poursuite (Directives sur la perception des cotisations - DP, n8016 et 8017). Les éventuelles amendes prononcées par la caisse de compensation ne font pas partie du dommage et doivent le cas échéant être déduites (arrêt du tribunal fédéral des assurances H 142/03 du 19 août 2003 consid. 5.5).

5.2 Par arrêt du 30 janvier 2020 (ATAS/79/2020), la chambre de céans a jugé qu’il n’existait pas de base légale suffisante pour rechercher les employeurs ou leurs organes pour le dommage résultant du défaut de paiement des cotisations dues en vertu de la loi instituant une assurance en cas de maternité et d'adoption du 21 avril 2005 (LAMat - J 5 07).

5.3  

5.3.1 L'art. 14 al. 1 LAVS, en corrélation avec les art. 34 ss RAVS, prescrit que l'employeur doit déduire, lors de chaque paie, les cotisations sociales du salarié et verser celles-ci à la caisse de compensation en même temps que sa propre cotisation.

Le salaire déterminant pour la perception des cotisations comprend toute rémunération pour un travail dépendant, fourni pour un temps déterminé ou indéterminé (art. 5 al. 2 LAVS). Selon l'art. 7 let. h RAVS, le salaire déterminant pour le calcul des cotisations comprend notamment les tantièmes, les indemnités fixes et les jetons de présence des membres de l'administration et des organes dirigeants des personnes morales.  

Lorsque des honoraires sont versés par une société anonyme à un membre du conseil d'administration, il est présumé qu'ils lui sont versés en sa qualité d'organe d'une personne morale et qu'ils doivent être, par conséquent, considérés comme salaire déterminant réputé provenir d'une activité salariée (RCC 1983 p. 22 consid. 2; Greber/ Duc/Scartazzini, Commentaire des articles 1 à 16 de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants [LAVS], note 40 ad art. 5). C'est le cas même si les indemnités sont proportionnelles à l'activité et à l'état des affaires (RCC 1952 p. 272). Cette présomption peut être renversée en établissant que les honoraires versés ne font pas partie du salaire déterminant; c'est le cas lorsque les indemnités n'ont aucune relation directe avec le mandat de membre du conseil d'administration mais qu'elles sont payées pour l'exécution d'une tâche que l'administrateur aurait assumée même sans appartenir au conseil d'administration (arrêt du Tribunal fédéral 9C_365/2007 du 1er juillet 2008 consid. 5.1 et la référence citée). 

5.3.2 Pour une personne qui exerce une activité lucrative, l'obligation de payer des cotisations dépend, notamment, de la qualification du revenu touché dans un certain laps de temps ; il faut se demander si cette rétribution est due pour une activité indépendante ou pour une activité salariée. Selon l'art. 5 al. 2 LAVS, on considère comme salaire déterminant toute rétribution pour un travail dépendant effectué dans un temps déterminé ou indéterminé ; quant au revenu provenant d'une activité indépendante, il comprend tout revenu du travail autre que la rémunération pour un travail accompli dans une situation dépendante (art. 9 al. 1 LAVS).

Les rapports de droit civil ou sur le plan fiscal ne sont pas décisifs pour savoir si l'on a affaire, dans un cas donné, à une activité indépendante ou salariée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_302/2016 du 28 février 2017 consid. 5.2). Cette question doit être tranchée en fonction des circonstances économiques concrètes (ATF 140 V 241 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_460/2015 du 18 novembre 2015 consid. 3.2).

Est réputé salarié, d'une manière générale, celui qui dépend d'un employeur quant à l'organisation du travail et du point de vue de l'économie de l'entreprise, et ne supporte pas le risque économique couru par l'entrepreneur. Ces principes ne conduisent cependant pas à eux seuls à des solutions uniformes, applicables schématiquement. Les manifestations de la vie économique revêtent en effet des formes si diverses qu'il faut décider dans chaque cas particulier si l'on est en présence d'une activité dépendante ou d'une activité indépendante en considérant toutes les circonstances de ce cas. Souvent, on trouvera des caractéristiques appartenant à ces deux genres d'activité ; pour trancher la question, on se demandera quels éléments sont prédominants dans le cas concret (ATF 123 V 161 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 19/06 du 14 février 2007 consid. 3.1). Selon la jurisprudence, les sous-traitants sont réputés exercer une activité dépendante. Leur activité ne peut être qualifiée d'indépendante que lorsque les caractéristiques de la libre entreprise dominent manifestement et que l'on peut admettre, d'après les circonstances, que l'intéressé traite sur un pied d'égalité avec l'entrepreneur qui lui a confié le travail (arrêt du Tribunal fédéral 9C_796/2014 du 27 avril 2015 consid. 3.3).

5.4 Selon la jurisprudence, les créances de cotisations restées impayées ne font plus l'objet d'un examen quant à leur étendue dans le cadre du procès en responsabilité au sens de l'art. 52 LAVS, pour autant qu'elles reposent sur une décision de cotisations arriérées qui n'a pas été attaquée et est dès lors entrée en force. La possibilité pour la société de recourir contre la décision (sur opposition) de cotisations arriérées garantit de manière suffisante que les organes de l'employeur devenu insolvable ne soient pas confrontés à des créances en réparation injustifiées. Sont réservés les cas dans lesquels la décision de cotisations arriérées a été signifiée à la personne morale après que l'organe recherché soit sorti de la société (ATF 134 V 401) ou qu'il ressort des circonstances des indices suffisants que les cotisations fixées par la décision de cotisations arriérées reposent sur une erreur manifeste (arrêts du Tribunal fédéral 9C_381/2018 du 6 décembre 2018 c. 4.1 ; 9C_651/2012 du 15 mai 2013 consid. 4.1 et les arrêts cités).

 

6.              

6.1 En l’occurrence, s’agissant d’abord de l’année 2014, la caisse a rendu une facture finale de cotisations le 3 février 2015 retenant une masse salariale de CHF 130'000.- sur la base de la masse salariale annoncée dans l’attestation de salaires 2014, signée par la société le 29 janvier 2015. Le 18 décembre 2015, la caisse a rendu une facture rectificative concernant 2014, laquelle retient une masse salariale de CHF 242'000.-. Ce montant tient compte des revenus de l’administrateur 4 à hauteur de CHF 112'000.-.

Ensuite, s’agissant de l’année 2015, la caisse a rendu une facture finale de cotisations le 3 mars 2016 retenant une masse salariale de CHF 277'971.- sur la base de la masse salariale annoncée par la société dans l’attestation de salaires 2015, signée le 29 février 2016. Le 27 juin 2017, la caisse a rendu une facture rectificative concernant 2015, laquelle retient une masse salariale de CHF 365'427.75. Ce montant tient compte des revenus de l’administrateur 4 à hauteur de CHF 87'456.75.

Devant la chambre de céans, le recourant conteste la prise en compte des montants de CHF 112'000.- pour 2014 et CHF 87'456.75 pour 2015, retenus à titre de revenus de l’administrateur 4 dans la masse salariale de la société.

6.2 La chambre de céans constate, à titre préalable, que les factures rectificatives 2014 et 2015, mentionnant les voies de droit, ont été notifiées, respectivement, les 18 décembre 2015 et 27 juin 2017. Aucune opposition n’a toutefois été formée à l’encontre de ces décisions. Or, dans la mesure où le recourant avait la qualité d’organe formel au moment où l’intimée a rendu les décisions de cotisations entrées en force, il n’est possible de revenir sur celles-ci que si elles sont entachées d’une erreur manifeste.

Or tel n’est pas le cas en l’occurrence. Ainsi que le relève l’intimée, l’administrateur 4 n’avait pas de véritable clientèle. Le recourant se prévaut de relations d’affaires entre ce dernier et les sociétés H______ et K______. Or, force est de constater que ces sociétés sont représentées par les mêmes administrateurs que E______, K______ et E______ étant situées dans les mêmes locaux. Les trois sociétés ont d’ailleurs toutes été dissoutes par suite de faillite au même moment. Ainsi, compte tenu de leur imbrication, il convient d’admettre avec l’intimée que ces sociétés ne constituaient en réalité qu’une seule et même entité économique et financière, représentant la seule source de revenus de l’administrateur 4. Aucun autre élément au dossier ne permet de retenir l’existence de mandats extérieurs. Le recourant n’a en particulier produit aucune facturation faisant état d’une activité diversifiée. D’ailleurs, l’activité de consultant de l’administrateur 4 a cessé avec la faillite de la société E______, ce qui tend à démontrer que ce dernier n’avait aucun autre client lui garantissant une indépendance financière. S’ajoute à cela que sa rémunération variait peu, le Tribunal des prud’hommes ayant retenu qu’un versement de CHF 10'000.- par mois avait été convenu entre les parties, ce qui plaide également en faveur d’une activité salariée qui, comme l’a retenu le Tribunal des prud’hommes, se confond avec la rémunération qui lui était due en sa qualité d’administrateur. L’intéressé n’avait pas non plus d’adresse professionnelle et, à s’en tenir aux témoins entendus au cours de la procédure prud’hommale, exerçait la plupart du temps son activité au siège de la société E______. L’ensemble de ces éléments conduit à retenir que les revenus perçus par l’administrateur 4 devaient être considérés comme du salaire du point de vue du droit de l’AVS et faire l’objet de cotisations paritaires de l’employeur. Il n’existe, en tous les cas, pas au dossier d’indices suffisants permettant de retenir que les cotisations fixées par les décisions de cotisations arriérées des 18 décembre 2015 et 27 juin 2017, lesquelles tenaient compte des revenus de l’administrateur 4 dans la masse salariale de la société, reposaient sur une erreur manifeste.

Les motifs invoqués pour contester l’obligation de l’employeur de s’acquitter des cotisations arriérées à l’origine de la créance en réparation, objet de la décision sur opposition du 8 novembre 2020, sont, ainsi, mal fondés. Le montant du dommage dont la réparation est réclamée par l’intimée doit, partant, être confirmé, sous réserve de ce qui suit.

6.3 Si la responsabilité du recourant au sens de l’art. 52 LAVS doit être confirmée pour la période litigieuse, soit pour les années 2014 à 2015, comme exposé
ci-dessus, il n’existe toutefois pas de base légale suffisante pour rechercher les employeurs ou leurs organes pour le dommage résultant du défaut de paiement des cotisations dues en vertu de la LAMat (cf. consid. 5.2 ci-dessus ; ATAS/79/2020 du 30 janvier 2020 consid. 14).

Partant, il y a lieu de déduire du dommage de l’intimée les cotisations impayées découlant de la LAMat.

6.4 Eu égard à ce qui précède, le recours sera très partiellement admis. Compte tenu de l’issue du litige et par appréciation anticipée des preuves, il sera renoncé à l’audition de l’administrateur 4, ainsi qu’aux mesures d’instruction complémentaires sollicitées par l’intimée, dans une procédure qui est par principe écrite.

La décision litigieuse du 8 novembre 2020 sera donc annulée et la cause renvoyée à l’intimée pour nouveau calcul du dommage, en excluant les cotisations impayées découlant de la LAMat, les intérêts moratoires et frais administratifs afférents à ces montants, et nouvelle décision.

7.             Le recourant, représenté par un conseil, n’obtenant que très partiellement gain de cause sur le montant du dommage dont il est responsable, l’indemnité de dépens sera fixée à CHF 200.- (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986
[RFPA – E 5 10.03]).

Pour le surplus, la procédure est gratuite.

 

******


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare recevable le recours formé le 7 décembre 2020 contre la décision sur opposition du 8 novembre 2020 et enregistré sous le numéro de cause A/4139/2020.

2.        Déclare irrecevable le recours formé le 30 avril 2021 contre la décision sur opposition du 8 novembre 2020 rendue à l’égard de Monsieur B______ et enregistré sous le numéro de cause A/1564/2021.

3.        Déclare irrecevable le recours formé le 30 avril 2021, complété par l’écriture du 14 juillet 2021, contre la décision en réparation du 12 avril 2019 rendue à l’égard de Monsieur C______ et enregistré sous le numéro de cause A/1565/2021.

Au fond :

4.        L’admet très partiellement.

5.        Annule la décision du 8 novembre 2020 et renvoie la cause à l’intimée pour nouveau calcul et nouvelle décision au sens des considérants.

6.        Alloue au recourant une indemnité de CHF 200.- à titre de dépens, à la charge de l'intimée.

7.        Dit que la procédure est gratuite.

8.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Sylvie CARDINAUX

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le