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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1745/2018

ATAS/729/2019 du 20.08.2019 ( PC ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1745/2018 ATAS/729/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 20 août 2019

1ère Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à THÔNEX, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Daniel MEYER

 

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

1.        Madame A______ (ci-après l'assurée), née le ______ 1945, a déposé auprès du service des prestations complémentaires (ci-après SPC), le 22 novembre 2016, une demande visant à l'octroi de prestations complémentaires fédérales (PCF) et cantonales (PCC) à sa rente de vieillesse.

2.        Par décision du 26 avril 2017, le SPC a rejeté la demande de l'assurée, au motif que les dépenses reconnues (CHF 32'490.- pour les PCF et CHF 38'861.- pour les PCC) étaient entièrement couvertes par le revenu déterminant (CHF 98'747.- pour les PCF et CHF 168'557.- pour les PCC). Dans son calcul, le SPC a tenu compte de biens dessaisis à hauteur de CHF 736'406.55 du 1er novembre au 31 décembre 2016, et de CHF 726'406.55 dès le 1er janvier 2017.

3.        L'assurée a formé opposition le 19 mai 2017. Le SPC lui a répondu le 2 juin 2017 qu'il procédait à un nouvel examen de son dossier.

4.        Par décision du 26 septembre 2017, le SPC a informé l'assurée qu'elle n'avait pas droit aux prestations complémentaires dès le 1er octobre 2017 pour le même motif que celui déjà invoqué dans sa décision du 26 avril 2017.

5.        Le même jour, il a également rejeté sa demande de prestations d'aide sociale.

6.        L'assurée, représentée par Me Daniel MEYER, a formé opposition le 31 octobre 2017.

Elle a rappelé qu'à la date de son licenciement intervenu en 1999, elle s'occupait de sa mère atteinte dans sa santé. Elle n'avait alors pas pu trouver un logement adapté au handicap de celle-ci et avait fait l'acquisition d'une ferme en France voisine, dans laquelle elle avait vécu jusqu'à son décès. Début 2002, elle avait repris une activité professionnelle jusqu'à fin septembre 2004, date à laquelle son employeur avait fait faillite. En juin 2009, elle avait vendu le bien immobilier pour un montant de EUR 280'000.-.

Elle avait par ailleurs perçu un capital de son deuxième pilier de CHF 485'883.40, déduction faite des impôts, en 1999.

L'assurée conteste la prise en considération de biens dessaisis, alléguant qu'elle a dépensé, d'une part, le capital 2ème pilier et, d'autre part, le bénéfice réalisé lors de la vente du bien immobilier en 2009, pour rembourser l'hypothèque et l'emprunt contracté auprès de Crédit Mutuel, et pour ses charges et dépenses courantes, ce qui était d'autant plus nécessaire que de 1999 à 2002, elle était sans emploi et sans indemnité de l'assurance-chômage, puisque domiciliée en France, et que depuis 2009, elle n'avait pour tout revenu qu'une rente simple de vieillesse. Elle fait enfin valoir qu'« en étalant ce capital sur dix-sept ans, on parvient à un montant annuel de CHF 28'581.-, soit CHF 2'381.- par mois ».

Elle conclut dès lors à ce qu'il soit procédé à un nouveau calcul des prestations « d'aide sociale » pour la période à compter du 1er juillet 2017, et à ce que la décision du 26 septembre 2017 soit annulée.

7.        Par décision du 11 décembre 2017, le SPC, reprenant des biens dessaisis à hauteur de CHF 416'406.55, a à nouveau refusé le droit de l'assurée à des prestations complémentaires, tant fédérales que cantonales, à compter du 1er janvier 2018.

8.        Par décision du même jour, le droit à l'aide sociale lui a également été nié.

9.        L'assurée, par l'intermédiaire de son mandataire, a formé opposition le 15 janvier 2018.

10.    Par décision du 17 avril 2018, le SPC a rejeté les trois oppositions aux décisions des 26 avril, 26 septembre et 11 décembre 2017. Il a admis qu'il n'y avait pas lieu de retenir de dessaisissement pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2001. Il a par contre confirmé le dessaisissement pour la période du 1er juillet au 31 décembre 2009, rappelant que l'assurée devait supporter l'absence de preuve. Il prend ainsi en compte le produit de la vente du bien immobilier de CHF 385'140.55 au titre de biens dessaisis (prix de vente - dettes hypothécaires = EUR 253'482.-, soit CHF 385'140.55 au taux de change de 1.5194), étant précisé que ce montant a été ramené à CHF 325'140.55 du 1er novembre au 31 décembre 2016, à CHF 315'140.55 pour 2017 et à CHF 305'140.55 dès le 1er janvier 2018.

Le SPC a ajouté que le minimum vital de l'assurée était préservé par les subsides de l'assurance-maladie qui lui avaient été accordés.

11.    L'assurée, représentée par son mandataire, a interjeté recours le 18 mai 2018 contre ladite décision sur opposition.

Elle conteste le dessaisissement retenu par le SPC, relève que le bien immobilier a été vendu en 2009, soit sept ans avant la demande de prestations complémentaires, répète que le produit de la vente, après remboursement des dettes immobilières, lui a permis de rembourser les prêts privés qu'elle avait contractés lorsqu'elle s'était retrouvée sans emploi et d'assurer son entretien courant et extraordinaire, étant rappelé que dès juillet 2009, elle n'avait pour seul revenu que sa rente AVS. Elle indique que ses charges incompressibles sont de CHF 4'200.- par mois (loyer CHF 1'810.-, primes et frais maladie CHF 600.-, frais de déplacement CHF 70.-, charges fiscales CHF 500.-, minimum d'existence CHF 1'200.-).

Elle conteste enfin le taux de change appliqué par le SPC, dès lors que le taux de change officiel au 1er juin 2009 était de CHF 1.512, ce qui correspond à un montant de CHF 383'264.-.

Elle conclut à ce qu'elle soit mise au bénéfice de prestations complémentaires fédérales et cantonales à compter du 1er novembre 2016.

12.    La chambre de céans a ordonné la comparution personnelle des parties le 2 octobre 2018. L'assurée a déclaré que :

« Je n'avais pas dû faire d'emprunt au moment de l'acquisition du bien immobilier en France en janvier 2000. J'ai emprunté à la banque Crédit Mutuel Région Annemasse la somme de EUR 67'000.- en 2002 lorsque ma mère est décédée.

Avec le produit de la vente, en 2009, j'ai payé l'impôt sur la vente (EUR 35'000.-) et remboursé l'emprunt hypothécaire auprès du Crédit Mutuel. J'habitais dans cette maison avec ma mère dans un premier temps, puis seule. En 2009, j'ai cherché à louer un appartement à Genève. Ça a été difficile, je ne l'ai trouvé qu'après trois mois durant lesquels j'ai vécu chez une amie à Genève. J'ai mis mes meubles dans un garde-meubles pour environ, sauf erreur, CHF 7'000.-. Le loyer de mon appartement est de CHF 2'010.-, y compris un garage que j'ai été obligée de prendre. J'ai une voiture. J'ai un peu de peine à me déplacer.

J'ai perçu mes avoirs LPP en capital en 1999 lorsque j'ai été licenciée.

Lorsque j'ai emménagé dans mon appartement, j'ai dû acheter une cuisinière, une machine à laver la vaisselle, ainsi qu'une machine à laver le linge, parce que je peux difficilement descendre jusqu'à la buanderie malgré l'ascenseur.

J'ai travaillé jusqu'à l'âge de 67 ans. J'avais ajourné ma rente de vieillesse. J'avais essayé de « pousser » le plus possible le chômage. Mes revenus avaient sensiblement diminué lorsque je me suis retrouvée à la retraite.

J'ai pu acheter la maison en France grâce à mon capital LPP.

Lorsque j'ai acheté cette maison, c'était pour y vivre avec ma mère. Celle-ci était très malade. Elle ne pouvait plus rester seule, raison pour laquelle j'ai recherché un appartement de 4 pièces pour elle et moi. Je ne l'ai pas trouvé et me suis tournée vers la France. Je suis restée dans cette maison parce que j'avais retrouvé du travail. J'ai ensuite alterné des périodes chômage-activité lucrative jusqu'en 2009.

Je n'ai pas gardé de factures depuis 2009, en particulier. Il est également probable que j'en ai perdues lors du déménagement.

Le produit de la vente a été versé sur un compte bancaire français au Crédit Mutuel Région Annemasse. Je suis sûre d'avoir communiqué une copie de l'extrait du compte depuis 2009 au SPC. Je suis restée inscrite à l'office cantonal de la population à Genève depuis 2009. J'y payais mes impôts. Je n'avais pas déclaré ce compte bancaire français en Suisse ».

Le mandataire de l'assurée a précisé que

« Depuis 2012, date depuis laquelle ma mandante est à la retraite, le seul revenu dont elle dispose s'élève à CHF 1'600.- (rente AVS).

J'informe la Cour qu'une procédure en évacuation pour non-paiement du loyer est actuellement en cours. Ma mandante est reconvoquée, sauf erreur, pour le 30 octobre prochain ».

Le représentant du SPC ayant constaté que seul un extrait du compte bancaire 2015 figurait au dossier, soit la pièce 13 de son chargé, l'assurée a sollicité un délai pour produire de nouvelles pièces.

13.    Le 15 octobre 2018, l'assurée a transmis à la chambre de céans les relevés de compte du Crédit Mutuel, ainsi que du CCP, de 2009 à 2017.

14.    Le SPC s'est déterminé le 8 novembre 2018. Il constate que les relevés bancaires produits sont ceux qui étaient en sa possession. Il a reconstitué la fortune de l'assurée du 9 octobre 2009, date à laquelle le bien immobilier a été vendu, au 31 décembre 2016, et constate qu'elle a passé de CHF 367'599.73 à CHF 4.31. Il admet que les diminutions de fortune semblent avoir été en majeure partie les conséquences de dépenses moyennant contre-prestations adéquates effectuées par l'assurée pour ses besoins. Il considère en revanche que l'importante diminution de fortune qui a eu lieu entre le 9 octobre 2009 et le 31 décembre 2009, à savoir de CHF 124'606.05 (364'599.73 - 242'993.68), ne s'explique pas d'elle-même, de sorte que certains virements et retraits bancaires mériteraient des explications accompagnées des justificatifs pertinents, pour un total de EUR 70'589.90, soit EUR 10'565.94 le 13 octobre 2009, EUR 26'414.85 le 14 octobre 2009, EUR 2'200.- le 20 octobre 2009, EUR 2'000.- le 7 novembre 2009, EUR 7'500.- le 17 novembre 2009, EUR 5'302.23 le 26 novembre 2009, et EUR 16'606.88 le 27 novembre 2009.

Le SPC a également relevé que l'assurée avait perçu un héritage de CHF 64'640.35 sur son compte postal le 22 juillet 2011. Le 8 août 2011, elle avait retiré un montant de CHF 65'000.- de ce même compte, sans que l'on sache quelle utilisation elle en avait fait.

15.    Le 14 décembre 2018, le mandataire de l'assurée a répondu aux questions que se posait le SPC comme suit :

« 1. Ma cliente a pour habitude, à l'instar de nombreuses personnes de son âge, de prélever des montants en espèces sur son compte bancaire et/ou de conserver à son domicile d'importantes sommes d'argent pour régler ses factures aux guichets de la Poste.

2. Elle a agi de la sorte en retirant le montant de CHF 65'000.- afin de pouvoir payer son loyer et rembourser mensuellement son emprunt auprès du Crédit Mutuel.

3. En ce qui concerne les paiements effectués en 2009, elle ne dispose plus de factures, mais le relevé bancaire produit permet de connaître le destinataire du virement.

Pour ce qui a trait aux sept virements/prélèvements pour lesquels le SPC sollicite des renseignements, ma cliente est en mesure d'expliquer :

-          Débit du 13 octobre 2009 de EUR 10'565.- correspondent au paiement de loyers du garde-meubles de l'entreprise PELICHET SA (3 mois) ;

-          Débit du 14 octobre 2009 de EUR 26'414.- ont servi au règlement des taxes douanières/TVA et aux deux déménagements effectués ;

-          Débit du 20 octobre 2009 de EUR 2'200.- ont été utilisés pour l'achat d'une télévision ;

-          Débit du 7 novembre 2009 de EUR 2'000.- ont servi pour payer le loyer de l'appartement ;

-          Débit du 17 novembre 2009 de EUR 7'500.- correspondent au règlement de la garantie de loyer ;

-          Débit du 26 novembre 2009 de EUR 5'302.- ont servi à acheter du mobilier chez IKEA (fauteuils, commodes, tapis, etc.) ;

-          Débit du 27 novembre 2009 de EUR 16'606.- correspondent à l'achat d'une cuisinière, d'une machine à laver le linge, d'une machine à laver la vaisselle, d'un ordinateur, etc. chez LEM à Thônex ». 

16.    Par courrier du 10 janvier 2019, le SPC a relevé que les diminutions de fortune constatées en 2009 et 2011 n'étaient pas documentées. Il rappelle à cet égard que les assurés doivent supporter les conséquences de l'absence de preuves justifiant les diminutions de fortune par des contre-prestations adéquates.

17.    Le 5 février 2019, le mandataire a reconnu que compte tenu du temps écoulé, l'assurée n'avait pas conservé les factures y relatives et n'était pas non plus en mesure d'obtenir des duplicatas. Il souligne toutefois que la diminution de fortune sur la période considérée et les explications données sont cohérentes et en adéquation avec les dépenses que l'on peut habituellement rencontrer à l'occasion d'un important déménagement.

18.    Ce courrier a été transmis au SPC pour information.

19.    Par courrier du 5 mars 2019, le mandataire a informé la chambre de céans que dans le cadre d'une procédure pendante par-devant le Tribunal des baux et loyers, l'assurée s'était vu accorder un « sursis humanitaire de deux mois ».

20.    Par courrier du 26 mars 2019, la chambre de céans a informé les parties que la cause était gardée à juger.

21.    Par courrier du 1er mai 2019, le mandataire de l'assurée a indiqué que sa cliente devait être expulsée dans les jours à venir.

22.    Le 2 mai 2019, la chambre de céans a confirmé que la cause avait été gardée à juger et qu'un jugement devrait être notifié prochainement. Le 24 mai 2019 toutefois, elle a jugé utile d'interroger à nouveau le mandataire de l'assurée s'agissant plus particulièrement des sept virements/prélèvements pour lesquels le SPC sollicite des informations complémentaires.

23.    Par courrier du 18 juin 2019, celui-ci a indiqué que l'assurée ne pouvait apporter davantage d'informations sur ces sept virements/prélèvements.

24.    La cause a alors été gardée à juger.

25.    Le 26 juin 2019, l'assurée a ajouté qu'elle avait vraisemblablement utilisé le montant de CHF 60'000.- au paiement d'arriéré d'impôts de 1999 à 2009 (CHF 30'000.-) et au déménagement/achat d'électroménagers/garantie de loyer (CHF 25'000.-).

26.    Ce courrier a été transmis au SPC pour information.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d'espèce est ainsi établie.

2.        Les dispositions de la LPGA, en vigueur depuis le 1er janvier 2003, s'appliquent aux prestations complémentaires fédérales, à moins que la LPC n'y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC).

Il en va de même en matière de prestations complémentaires cantonales (cf. art. 1A let. b LPCC).

3.        Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable
(art. 38, 56 et 60 LPGA ; art. 43 LPCC).

4.        Le litige porte sur le droit de l'assurée aux prestations complémentaires dès le 1er novembre 2016, en particulier sur le montant de CHF 124'606.05 finalement retenu par le SPC au titre de biens dessaisis dès le 9 octobre 2009.

5.        a. Les prestations complémentaires fédérales se composent de la prestation complémentaire annuelle et du remboursement des frais de maladie et d'invalidité (art. 3 al. 1 LPC). Le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants (art. 9 al. 1 LPC). Les revenus déterminants comprennent notamment les ressources et parts de fortune dont un ayant droit s'est dessaisi (art. 11 al. 1 let. g LPC).

L'art. 10 al. 1 let. a LPC prévoit, pour les personnes vivant à domicile, que les dépenses reconnues comprennent les montants destinés à la couverture des besoins vitaux, soit, par année CHF 19'290.- pour les personnes seules. Selon la let. b de cette disposition, les dépenses reconnues comprennent en outre le loyer d'un appartement et les frais accessoires y relatifs ; le montant annuel maximal reconnu est de CHF 13'200.- pour les personnes seules (ch. 2). Sont en outre reconnus comme dépenses, pour toutes les personnes, qu'elles vivent à domicile, en home ou à l'hôpital, les cotisations aux assurances sociales de la Confédération, à l'exclusion des primes d'assurance-maladie (art. 10 al. 3 let. c LPC).

b. En vertu de l'art. 11 al. 1 LPC, les revenus déterminants comprennent notamment deux tiers des ressources en espèces ou en nature provenant de l'exercice d'une activité lucrative, pour autant qu'elles excèdent annuellement CHF 1'000.- pour les personnes seules (let. a); le produit de la fortune mobilière et immobilière (let. b); un quinzième de la fortune nette, un dixième pour les bénéficiaires de rentes de vieillesse, dans la mesure où elle dépasse CHF 37'500.- pour les personnes seules (let. c); les rentes, pensions et autres prestations périodiques, y compris les rentes de l'AVS et de l'AI (let. d); les ressources et parts de fortune dont un ayant droit s'est dessaisi (let. g).

c. À teneur de l'art. 17a OPC-AVS/AI, la part de fortune dessaisie à prendre en compte (art. 11 al. 1 let. g LPC) est réduite chaque année de CHF 10'000.- (al. 1). La valeur de la fortune au moment du dessaisissement doit être reportée telle quelle au 1er janvier de l'année suivant celle du dessaisissement, pour être ensuite réduite chaque année (al. 2). Est déterminant pour le calcul de la prestation complémentaire annuelle le montant réduit de la fortune au 1er janvier de l'année pour laquelle la prestation est servie (al. 3).

6.        Pour qu'un dessaisissement de fortune puisse être pris en compte dans le calcul des prestations complémentaires, la jurisprudence soumet cet acte à la condition qu'il ait été fait « sans obligation juridique », respectivement « sans avoir reçu en échange une contre-prestation équivalente ». Les deux conditions précitées ne sont pas cumulatives, mais alternatives (ATF 131 V 329 consid. 4.2 à 4.4). Pour vérifier s'il y a contre-prestation équivalente et pour fixer la valeur d'un éventuel dessaisissement, il faut comparer la prestation et la contre-prestation à leurs valeurs respectives au moment de ce dessaisissement (ATF 120 V 182 consid. 4b; arrêt du Tribunal fédéral 9C_67/2011 du 29 août 2011 consid. 5.1).

Il y a lieu de prendre en considération dans le revenu déterminant tout dessaisissement sans limite de temps (FERRARI, Dessaisissement volontaire et prestations complémentaires à l'AVS/AI in RSAS 2002, p. 420).

Le Tribunal fédéral a considéré qu'il n'y avait pas dessaisissement dans le cas d'une assurée ayant épuisé sa fortune après avoir vécu dans un certain luxe (ATF 115 V 352 consid. 5b). L'existence d'un dessaisissement de fortune ne peut être admise que si l'assuré renonce à des biens sans obligation légale ni contre-prestation adéquate. Lorsque cette condition n'est pas réalisée, la jurisprudence considère qu'il n'y a pas lieu de tenir compte d'une fortune (hypothétique) dans le calcul de la prestation complémentaire, même si l'assuré a pu vivre au-dessus de ses moyens avant de requérir une telle prestation. En effet, il n'appartient pas aux organes compétents en matière de prestations complémentaires de procéder à un contrôle du mode de vie des assurés ni d'examiner si l'intéressé s'est écarté d'une ligne que l'on pourrait qualifier de « normale » et qu'il faudrait au demeurant préciser. Il convient bien plutôt de se fonder sur les circonstances concrètes, à savoir le fait que l'assuré ne dispose pas des moyens nécessaires pour subvenir à ses besoins vitaux, et - sous réserve des restrictions découlant de l'art. 3c al. 1 let. g LPC - de ne pas se préoccuper des raisons de cette situation (VSI 1994 p. 225 s. consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 65/04 du 29 août 2005 consid. 5.3.1).

D'après la jurisprudence, à la différence de donations ou de jeux d'argents, le fait de placer son patrimoine ne saurait en soi être assimilé à un dessaisissement, puisque tout investissement comprend le risque intrinsèque de perte totale ou partielle de la somme investie. Le critère de distinction essentiel réside dans le degré de vraisemblance qu'une telle issue se produise. En principe, un dessaisissement ne doit être reconnu que dans la situation où l'investissement a été effectué de façon délibérée ou, à tout le moins, de manière imprudente, alors que la vraisemblance que celui-ci se solde par une perte (importante) apparaissait dès le départ si prévisible qu'un homme raisonnable n'aurait pas effectué, dans la même situation et les mêmes circonstances, un tel investissement (arrêt du Tribunal fédéral 9C_180/2010 du 15 juin 2010 consid. 5). C'est donc plus l'importance du risque pris par l'investisseur au moment d'effectuer son placement que la circonstance qu'il ait été fait sans obligation juridique ou sans contre-prestation qui détermine si un placement doit être ou non assimilé à un dessaisissement (arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 55/05 du 26 janvier 2007 consid. 3.2, in SVR 2007 EL n° 6 p. 12; voir également arrêt du Tribunal fédéral 9C_507/2011 du 1er décembre 2011 consid. 5.2).

D'une façon générale, le TFA a précisé que l'on ne peut renoncer à rechercher les causes d'une diminution de fortune et se fonder sur la situation effective de l'assuré que lorsqu'il n'y a pas dessaisissement. Il a cependant rappelé que si, dans le domaine des assurances sociales notamment, la procédure est régie par le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge, ce principe n'est pas absolu. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire, lequel comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 195 consid. 2 et les références; cf. ATF 130 I 183 consid. 3.2). En particulier, dans le régime des prestations complémentaires, l'assuré qui n'est pas en mesure de prouver que ses dépenses ont été effectuées moyennant contre-prestation adéquate ne peut pas se prévaloir d'une diminution correspondante de sa fortune, mais doit accepter que l'on s'enquière des motifs de cette diminution et, en l'absence de la preuve requise, que l'on tienne compte d'une fortune hypothétique (arrêt du Tribunal fédéral des assurances P.4/05 du 29 août 2005 consid. 5.3.2; VSI 1994 p. 227 consid. 4b; VSI 1995, p. 176). Pour que l'on puisse admettre qu'une renonciation à des éléments de fortune ne constitue pas un dessaisissement, il faut que soit établie une corrélation directe entre cette renonciation et la contre-prestation considérée comme équivalente. Cela implique nécessairement un rapport de connexité temporelle étroit entre l'acte de dessaisissement proprement dit et l'acquisition de la contre-valeur correspondante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_945/2011 du 11 juillet 2012 consid. 6.2).

Ainsi, le Tribunal fédéral a estimé que c'était à tort que la juridiction cantonale avait admis l'existence d'un montant de CHF 50'000.- au titre des dépenses effectuées par une assurée pour son propre usage sur la foi des seules allégations de l'assurée, la liste produite par celle-ci en cours de procédure ne contenant aucun justificatif. La juridiction cantonale avait en effet considéré ces dépenses comme établies, dès lors qu'aucun indice ne permettait de mettre en doute ses déclarations qui semblaient vraisemblables et qui n'avaient pas varié depuis le dépôt de la demande de prestations. Le Tribunal fédéral a jugé que ce point de vue était mal fondé, considérant que la possibilité que les dépenses en cause aient été effectuées moyennant contre-prestation adéquate n'apparaissait pas plus probable que l'éventualité d'un autre usage. L'assurée n'ayant pas fourni les justificatifs nécessaires pour prouver ses dépenses, devait supporter les conséquences de l'absence de preuves (arrêt du Tribunal fédéral des assurances P.4/05 du 29 août 2005).

7.        Ont droit aux prestations complémentaires cantonales les personnes qui remplissent les conditions de l'art. 2 LPCC et dont le revenu annuel déterminant n'atteint pas le revenu minimum cantonal d'aide sociale applicable (art. 4 LPCC).

Le montant de la prestation complémentaire correspondant à la différence entre les dépenses reconnues et le revenu déterminant du requérant (art. 15 al. 1 LPCC).

Aux termes de l'art. 5 al. 1 LPCC, le revenu déterminant est calculé conformément aux règles fixées dans la loi fédérale et ses dispositions d'exécution, moyennant certaines adaptations, notamment : les prestations complémentaires fédérales sont ajoutées au revenu déterminant (let. a) et en dérogation à l'article 11, alinéa 1, lettre c, de la loi fédérale, la part de la fortune nette prise en compte dans le calcul du revenu déterminant est de un huitième, respectivement de un cinquième pour les bénéficiaires de rentes de vieillesse, et ce après déduction des franchises prévues par cette disposition (let. c).

8.        La procédure est régie par le principe inquisitoire, d'après lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge. Mais ce principe n'est pas absolu. Celui-ci comprend en particulier l'obligation de ces dernières d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2; VSI 1994, p. 220 consid. 4). Car si le principe inquisitoire dispense les parties de l'obligation de prouver, il ne les libère pas du fardeau de la preuve. En cas d'absence de preuve, c'est à la partie qui voulait en déduire un droit d'en supporter les conséquences (ATF 117 V 261 consid. 3), sauf si l'impossibilité de prouver un fait peut être imputée à l'adverse partie (ATF 124 V 372 consid. 3; RAMA 1999 n° U 344 p. 418 consid. 3).

En particulier, dans le régime des prestations complémentaires, l'assuré qui n'est pas en mesure de prouver que ses dépenses ont été effectuées moyennant contre-prestation adéquate ne peut pas se prévaloir d'une diminution correspondante de sa fortune, mais doit accepter que l'on s'enquière des motifs de cette diminution et, en l'absence de la preuve requise, que l'on tienne compte d'une fortune hypothétique (cf. arrêt du TF 9C_124/2014 du 4 août 2014, consid. 5, arrêt P 27/93 du 15 mars 1994 consid. 4b in VSI 1994 p. 222; arrêt du TF P 65/04 du 29 août 2005, consid. 5.3.1 ; VSI 1994 p. 227 consid. 4b).

Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3; ATF 126 V 353 consid. 5b; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

9.        a. En l'espèce, le SPC a, dans sa décision sur opposition du 17 avril 2018, retenu un montant de CHF 385'140.55 à titre de biens dessaisis dès le 1er juillet 2009 (recte 1er octobre 2009), représentant le produit de la vente de la maison sise en France.

Il a repris ses calculs sur la base des relevés bancaires et du compte postal produits par l'assurée, allant du 9 octobre 2009, - date à laquelle le bien immobilier a été vendu -, au 31 décembre 2016. Il en a conclu, le 8 novembre 2018, que les diminutions de fortune semblaient avoir été, en majeure partie, les conséquences de dépenses moyennant contre-prestations adéquates effectuées par l'assurée pour ses besoins. La chambre de céans en prend acte.

Le SPC a en revanche constaté que la fortune de l'assurée avait subi une diminution de CHF 124'606.05 entre le 9 octobre et le 31 décembre 2009 et plus particulièrement que certains virements et retraits bancaires, pour un total de EUR 70'589.90 effectués durant cette période n'étaient pas accompagnés de justificatifs.

Il y a à cet égard lieu de rappeler que les assurés doivent supporter les conséquences de l'absence de preuves justifiant les diminutions de fortune par des contre-prestations adéquates (arrêt du Tribunal fédéral P 65/04).

Le Tribunal fédéral a maintes fois déclaré que dans le régime des prestations complémentaires, l'assuré qui n'est pas en mesure de prouver que ses dépenses ont été effectuées moyennant contre-prestation adéquate ne peut pas se prévaloir d'une diminution correspondante de sa fortune, mais doit accepter que l'on s'enquière des motifs de cette diminution et, en l'absence de la preuve requise, que l'on tienne compte d'une fortune hypothétique (VSI 1994 p. 227 consid. 4b). La possibilité que les dépenses en cause aient été effectuées moyennant contre-prestation adéquate n'est en conséquence pas plus probable que l'éventualité d'un autre usage - l'assurée aurait pu s'être défait du montant en question sous forme de don, ou le placer secrètement ailleurs, de sorte qu'il y a lieu de confirmer l'existence de biens dessaisis.

Dûment interrogée, l'assurée a précisé pour chacun des sept virements/retraits bancaires effectués entre le 13 octobre et le 27 novembre 2009 pour un total de EUR 70'589.90 à quoi ils avaient servi, sans toutefois produire les justificatifs correspondants, mais en attirant l'attention sur le fait que le relevé bancaire permettait de connaître le destinataire du virement. Elle allègue ainsi avoir acheté divers meubles et appareils électro-ménagers, les loyers du garde-meubles et de l'appartement, la garantie de loyer, ainsi que les taxes douanières-TVA liées aux déménagements.

b. Il résulte de ce qui précède que les diminutions de fortune relevées par le SPC pour un total de EUR 70'589.90 doivent être considérées comme les conséquences de dépenses effectuées sans obligation juridique, ni contre-prestation équivalente.

Il est vrai que selon la jurisprudence, il n'appartient pas aux organes compétents en matière de prestations complémentaires de procéder à un contrôle du mode de vie des assurés, ni d'examiner si l'intéressé s'est écarté d'une ligne que l'on pourrait qualifier de « normale ». C'est ainsi qu'il a été admis par le Tribunal fédéral qu'il n'y avait pas dessaisissement dans le cas d'une assurée ayant épuisé sa fortune après avoir vécu dans un certain luxe (ATAS/589/2017). Il y a toutefois lieu de préciser que les diminutions de patrimoine dues à un train de vie élevé ne sont pas prises en considération à titre de fortune hypothétique que si les dépenses correspondantes ont pu être établies. Ainsi, dans le cas où l'intéressé allègue avoir utilisé un capital pour subvenir aux besoins courants, il importe de le prouver par pièces (ATAS/1032/2013).

c. Force est de constater qu'elle ne rend pas vraisemblable, au degré requis par la jurisprudence, que les diminutions de fortune y relatives ont fait l'objet de contre-prestations. Les dépenses indiquées ne peuvent en effet pas être établies grâce aux relevés bancaires.

10.    Dès lors, eu égard aux considérations qui précèdent, le recours est partiellement admis, en ce sens que ne sera retenue, à titre de biens dessaisis, que la somme de EUR 70'589.90, étant rappelé qu'il y a lieu de réduire la part de fortune dessaisie, chaque année, de CHF 10'000.-.

11.    L'assurée fait enfin valoir que le taux de change officiel applicable est celui au 1er juin 2009 de CHF 1.512 (recte 1.5140), de sorte que le montant de EUR 70'589.90 correspondrait à CHF 106'730.60 (recte 106'873.10), et non à CHF 107'205.- tel que calculé par le SPC selon le taux de CHF 1.5187 au 9 octobre 2009 et à CHF 107'254.30 si l'on prend le taux de 1.5194 mentionné dans sa décision du 17 avril 2018.

Il y a en principe lieu d'appliquer par analogie les taux de conversion des devises auxquels renvoient les Directives de l'Office fédéral des assurances sociales concernant les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI (DPC). Selon les directives en question, pour les rentes et pensions qui sont versées en devises d'États parties à l'Accord entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (RS 0.142.112.68 - ALCP), le cours de conversion applicable est le cours du jour publié par la Banque centrale européenne (ci-après : BCE). Est déterminant le dernier cours du jour disponible du mois qui précède immédiatement le début du droit à la prestation.

Le taux de change en l'occurrence applicable est dès lors celui du 31 octobre 2016, soit 1,0820. (https://www.ecb.europa.eu/stats/exchange/eurofxref/shared/pdf/2016/11/20161101.pdf)

Aussi y a-t-il lieu de prendre en considération le montant de CHF 76'378.30.- à titre de biens dessaisis.

12.    L'assurée obtenant très partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 1'000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement dans le sens des considérants, annule la décision du 17 avril 2018 et renvoie la cause au SPC pour nouveau calcul et nouvelle décision.

3.        Condamne le SPC à verser à l'assurée une indemnité de CHF 1'000.- à titre de dépens.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

 

Doris GALEAZZI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances sociales par le greffe le