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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1359/2022

ATAS/708/2022 du 15.08.2022 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1359/2022 ATAS/708/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 15 août 2022

6ème Chambre

 

En la cause

 

Madame A______, domiciliée à ONEX, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Karin BAERTSCHI

 

 

recourante

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1966, suissesse depuis 1986, séparée, mère de 4 enfants nés entre 1987 et 2000, a exercé une activité de vendeuse, aide de cuisine, employée de maison et nettoyeuse. Elle a déposé le 20 janvier 2003 une demande de prestations d’invalidité en raison d’épilepsie.

ba. L’office de l’assurance invalidité (ci-après : OAI) a diligenté un examen clinique bidisciplinaire (rhumato-psychiatrique) au service médical régional (ci-après : SMR), lequel a notamment conclu, les 18 janvier et 6 février 2006, à l’absence de diagnostic psychiatrique et à une hypertension artérielle non traitée et intracrânienne bégnine et une suspicion non confirmée d’épilepsie, diagnostics non-incapacitant.

bb. Par décision du 13 février 2006, confirmée sur opposition le 23 mai 2006, l’OAI a rejeté la demande de prestations.

ca. Le 17 septembre 2012, l’assurée a déposé une nouvelle demande de prestations en raison d’épilepsie.

cb. Le 3 avril 2013, le SMR a conclu à une épilepsie focale temporale avec généralisation, un trouble anxio-dépressif réactionnel et chronique, des chutes à répétition secondaires à l’épilepsie et une hypertension intracrânienne.

cc. Le 24 janvier 2014, le Centre d’expertise médicale (CEMed) a rendu une expertise pluridisciplinaire et a conclu à une épilepsie focale d’origine indéterminée incapacitante à hauteur de 30% depuis janvier 2009, une suspicion d’hypertension intracrânienne et un épisode dépressif moyen avec syndrome somatique non incapacitants.

cd. Par décision du 16 octobre 2014, l’OAI a rejeté la demande de prestations, au motif que l’assurée présentait une capacité de travail de 70% dans toute activité.

B. a. Le 2 juillet 2021, l’assurée a déposé une nouvelle demande de prestations, en raison d’épilepsie depuis 2006.

b. Le 12 juillet 2021, l’OAI a requis de l’assurée la production de documents médicaux permettant d’admettre une aggravation de son état de santé.

c. L’assurée a produit le 26 août 2021 :

-        un rapport médical du 13 août 2021 de la doctoresse B______, FMH neurologie, selon lequel, d’une part, l’épilepsie était très certainement associée à une pathologie psychiatrique qui devait faire l’objet d’une évaluation et prise en charge par le docteur C______, FMH psychiatrie, le 3 septembre 2021, d’autre part, l’incapacité de travail était totale ;

-        deux rapports des hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) des 2 et 12 août 2019, attestant d’une admission du 28 au 31 juillet 2019 pour un état confusionnel aigu dans un contexte de pic hypertensif et céphalées et de suspicion de récidive de crises focales secondairement généralisées et épisode de perte de connaissance d’origine indéterminée. L’anamnèse était suggestive de crises d’épilepsie mais l’assurée refusait de procéder à un EEG de nuit, ce qui ne permettait pas de trancher entre une origine ictale ou pseudo-épileptique ;

-        un rapport des HUG du 5 avril 2020, attestant d’une admission pour aphasie, dysarthrie, amnésie, diplopie, paralysie, parésie, paresthésie, trouble de l’équilibre, vertiges et « amput. champ visuel » ;

-        un rapport de la Tour Médical Group du 8 avril 2020, attestant d’une hospitalisation du 5 au 8 avril 2020 pour hyponatrémie hypo-osmolaire sévère sur potomanie et état confusionnel aigu sur hyponatrémie.

d. Le 13 janvier 2022, le SMR a estimé qu’il n’y avait pas d’aggravation notable et durable de l’état de santé de l’assurée depuis le 16 octobre 2014. Le SMR a retenu une atteinte d’épilepsie focale temporale gauche secondairement généralisée d’origine indéterminée, entrainant une limitation de la capacité de travail à 70% depuis le 1er janvier 2009.

e. Par projet de décision du 14 février 2022 et décision du 23 mars 2022, l’OAI a refusé d’entrer en matière sur la nouvelle demande de prestations.

C. a. Le 2 mai 2022, l’assurée a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice à l’encontre de la décision précitée, en faisant valoir qu’elle souffrait d’épilepsie, qu’elle était gravement malade et qu’elle ne pouvait pas travailler à 70%. Elle indiquait que sa médecin lui communiquerait des informations d’ici peu. Elle a joint :

-        une attestation médicale de la Dresse B______ du 2 mai 2022, indiquant une aggravation de la situation ces derniers mois et l’attente d’une évaluation neurologique et psychiatrique des HUG ;

-        des certificats médicaux d’arrêt de travail à 100% de cette médecin.

b. Le 13 mai 2022, la Dresse B______ a transmis une demande du 7 mai 2022 qu’elle adressait aux HUG en vue d’une hospitalisation de l’assurée en neurologie, avec notamment un enregistrement EEG prolongé et précisait que l’assurée avait débuté un suivi psychiatrique avec la doctoresse D______, FMH psychiatrie.

c. Le 8 juin 2022, l’assurée, représentée par une avocate, a complété son recours, concluant à l’annulation de la décision litigieuse et à l’octroi d’une rente entière d’invalidité. La Dresse B______ avait indiqué que son état de santé s’était aggravé et préconisait une évaluation psychiatrique ; il convenait d’attendre les résultats des investigations suite à son hospitalisation. Elle a produit un courrier de la Dresse B______, attestant d’une hospitalisation de l’assurée depuis le 24 mai 2022 ; il convenait d’attendre les résultats de cette investigation pour donner des précisions concernant l’état de santé et la capacité de travail de l’assurée.

d. Le 4 juillet 2022, l’OAI a conclu au rejet du recours.

e. Le 27 juillet 2022, l’assurée a communiqué :

-        un rapport du docteur F______, FMH médecine interne générale, du 7 juillet 2022, selon lequel il était difficile d’attester avec certitude d’une aggravation de la pathologie neurologique mais la pathologie épileptique était responsable du développement d’un trouble dépressif récurrente invalidant ;

-        une lettre de sortie de HUG du 23 juin 2022, attestant d’un séjour du 24 au 31 mai 2022, concluant à une récidive de crises d’épilepsie dans le cadre d’une insuffisance de traitement et un trouble dépressif récurrent avec des troubles cognitifs.

L’assurée a précisé qu’elle avait requis des rapports auprès des Drs E______ et D______.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 LPGA).

3.             Le litige porte sur le bien-fondé du refus de l'intimé d'entrer en matière sur la nouvelle demande de prestations de la recourante.

4.              

4.1 Selon l'art. 87 al. 2 et 3 du règlement sur l'assurance-invalidité (RAI), dans sa teneur en vigueur dès le 1er janvier 2012, lorsqu'une demande de révision est déposée, celle-ci doit établir de façon plausible que l'invalidité, l'impotence ou l'étendue du besoin de soins ou du besoin d'aide découlant de l'invalidité de l'assuré s'est modifiée de manière à influencer ses droits (al. 2). Lorsque la rente, l'allocation pour impotent ou la contribution d'assistance a été refusée parce que le degré d'invalidité était insuffisant, parce qu'il n'y avait pas d'impotence ou parce que le besoin d'aide ne donnait pas droit à une contribution d'assistance, la nouvelle demande ne peut être examinée que si les conditions prévues à l'al. 2 sont remplies (al. 3).

La jurisprudence développée sous l'empire de l'art. 87 al. 3 et 4 RAI, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2011, reste applicable à l'art. 87 al. 2 et 3 RAI modifié dès lors que la demande de révision doit répondre aux mêmes critères.

4.2 L’exigence de l’art. 87 al. 3 RAI (ATF 109 V 262 consid. 3 p. 264 s.) doit permettre à l'administration, qui a précédemment rendu une décision de refus de prestations entrée en force, d'écarter sans plus ample examen de nouvelles demandes dans lesquelles l'assuré se borne à répéter les mêmes arguments, sans alléguer une modification des faits déterminants (ATF 125 V 410 consid. 2b p. 412, 117 V 198 consid. 4b p. 200 et les références). Lorsqu'elle est saisie d'une nouvelle demande, l'administration doit commencer par examiner si les allégations de l'assuré sont, d'une manière générale, plausibles. Si tel n'est pas le cas, l'affaire est liquidée d'entrée de cause et sans autres investigations par un refus d'entrée en matière. A cet égard, l'administration se montrera d'autant plus exigeante pour apprécier le caractère plausible des allégations de l'assuré que le laps de temps qui s'est écoulé depuis sa décision antérieure est bref. Elle jouit sur ce point d'un certain pouvoir d'appréciation que le juge doit en principe respecter. Ainsi, le juge ne doit examiner comment l'administration a tranché la question de l'entrée en matière que lorsque ce point est litigieux, c'est-à-dire quand l'administration a refusé d'entrer en matière en se fondant sur l'art. 87 al. 4 RAI et que l'assuré a interjeté recours pour ce motif. Ce contrôle par l'autorité judiciaire n'est en revanche pas nécessaire lorsque l'administration est entrée en matière sur la nouvelle demande (ATF 109 V 108 consid. 2b p. 114).

4.3 Le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par l'autorité (cf. art. 43 al. 1 LPGA), ne s'applique pas à la procédure de l'art. 87 al. 3 RAI (ATF 130 V 64 consid. 5.2.5 p. 68 s.). Eu égard au caractère atypique de celle-ci dans le droit des assurances sociales, le Tribunal fédéral a précisé que l'administration pouvait appliquer par analogie l'art. 73 aRAI (cf. art. 43 al. 3 LPGA depuis le 1er janvier 2003) - qui permet aux organes de l'AI de statuer en l'état du dossier en cas de refus de l'assuré de coopérer - à la procédure régie par l'art. 87 al. 3 RAI, à la condition de s'en tenir aux principes découlant de la protection de la bonne foi (cf. art. 5 al. 3 et 9 Cst. ; ATF 124 II 265 consid. 4a p. 269 s.). Ainsi, lorsqu'un assuré introduit une nouvelle demande de prestations ou une procédure de révision sans rendre plausible que son invalidité s'est modifiée, notamment en se bornant à renvoyer à des pièces médicales qu'il propose de produire ultérieurement ou à des avis médicaux qui devraient selon lui être recueillis d'office, l'administration doit lui impartir un délai raisonnable pour déposer ses moyens de preuve, en l'avertissant qu'elle n'entrera pas en matière sur sa demande pour le cas où il ne se plierait pas à ses injonctions. Enfin, cela présuppose que les moyens proposés soient pertinents, en d'autres termes qu'ils soient de nature à rendre plausibles les faits allégués.

L'exigence du caractère plausible de la nouvelle demande selon l'article 87 RAI ne renvoie pas à la notion de vraisemblance prépondérante usuelle en droit des assurances sociales. Les exigences de preuves sont, au contraire, sensiblement réduites en ce sens que la conviction de l'autorité administrative n'a pas besoin d'être fondée sur la preuve pleinement rapportée qu'une modification déterminante est survenue depuis le moment auquel la décision refusant les prestations a été rendue. Des indices d'une telle modification suffisent alors même que la possibilité subsiste qu'une instruction plus poussée ne permettra pas de l'établir (Damien VALLAT, La nouvelle demande de prestations AI et les autres voies permettant la modification de décisions en force, RSAS 2003, p. 396 ch. 5.1 et les références).

Lors de l'appréciation du caractère plausible d'une modification déterminante des faits influant sur le droit aux prestations, on compare les faits tels qu'ils se présentaient au moment de la décision administrative litigieuse et les circonstances prévalant à l'époque de la dernière décision d'octroi ou de refus des prestations (ATF 130 V 64 consid. 2 ; 109 V 262 consid. 4a).

5.             Le juge doit examiner la situation d'après l'état de fait tel qu'il se présentait à l'administration au moment où celle-ci a statué (ATF 130 V 64 consid. 5.2.5 p. 68, arrêts 9C_708/2007 du 11 septembre 2008 consid. 2.3 et I 52/03 du 16 janvier 2004 consid. 2.2 ; ATF 9C_789/2012 du 27 juillet 2013, consid. 2). Son examen se limite, ainsi, au point de savoir si les pièces déposées en procédure administrative justifient ou non la reprise de l'instruction du dossier (ATF 9C_789/2012 du 27 juillet 2013, consid. 4.1). Il ne sera donc pas tenu compte des rapports produits postérieurement à la décision litigieuse (ATF 130 V 64 consid. 5.2.5 ; 121 V 366 consid. 1b et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C 959/2011 du 6 août 2012 consid. 4.3).

6.              

6.1 En l’occurrence, et conformément à la jurisprudence précitée, seules les pièces médicales présentes dans le dossier de la recourante au 23 mars 2022 peuvent être prises en considération. En particulier, les résultats de l’investigation menée par les HUG suite à l’hospitalisation de la recourante du 24 au 31 mai 2022 ne peuvent être pris en compte.

Dans cette mesure, l’avis du SMR du 13 janvier 2022, selon lequel les rapports médicaux en sa possession n’amènent pas d’éléments propres à retenir une aggravation de l’état de santé de la recourante, n’est pas contestable. En effet, la Dresse B______ a fait état de crises d’épilepsie déjà connues et évaluées lors de la dernière demande de prestations et, comme nouvel élément, un soupçon d’une pathologie psychiatrique, laquelle devait encore faire l’objet d’une évaluation. Or, la seule évocation d’une évaluation psychiatrique à venir ne saurait être admise comme attestant d’une aggravation plausible de l’état de santé de la recourante. Il en est de même des rapports des HUG, lesquels n’amènent pas d’élément médical nouveau mais relèvent seulement des hospitalisations en lien avec une épilepsie temporale gauche, déjà prise en compte lors de la décision du 16 octobre 2014. Quant à l’hospitalisation d’avril 2020 (rapport des HUG du 5 avril 2020 et de la Tour médical Group du 8 avril 2020) pour une hyponatrémie hypo-osmolaire sévère, celle-ci a évolué favorablement et la recourante ne prétend pas non plus qu’elle témoignerait à elle seule d’une aggravation durable de son état de santé.

6.2 Au vu de ce qui précède, la décision de l’intimé, qui constate que la recourante n’a pas rendu plausible une aggravation de son état de santé, ne peut qu’être confirmée.

Au surplus, par appréciation anticipée des preuves, il ne sera pas donné suite à la demande de la recourante de fournir d’autres rapports médicaux.

Enfin, s’agissant des investigations médicales effectuées par la recourante postérieurement à la décision litigieuse, elles pourront, si la recourante estime qu’elles sont à même d’attester une aggravation de son état de santé, être fournies à l’occasion d’une nouvelle demande de prestations.

7.             Partant, le recours sera rejeté.

Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner la recourante au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1 bis LAI).

 

 

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Met un émolument de CHF 200.- à charge de la recourante.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le