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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1001/2020

ATAS/683/2022 du 04.08.2022 ( AI )

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1001/2020 ATAS/683/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Ordonnance d’expertise du 4 août 2022

9ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié aux AVANCHETS, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Maëlle KOLLY

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né en 1975, a effectué un apprentissage d’employé de commerce et obtenu un certificat fédéral de capacité (ci-après : CFC) en 1995. Il a travaillé dans le domaine de l'informatique, en dernier lieu au service de B______ entre 2005 et 2014. Depuis le 1er octobre 2016, il est aidé par l’Hospice général. Il est célibataire, père d’une fille née en 2006 qui vit avec sa mère.

b. Le 1er novembre 2017, l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI) a enregistré une demande de prestations de l’assuré.

c. Dans le cadre de l’instruction du dossier, l’OAI a recueilli de nombreuses pièces médicales mentionnant un état dépressif, un trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (ci-après : TDA-H), une poly-pharmacodépendance et une maladie alcoolique.

d. Par rapport du 20 mars 2019, la doctoresse C______, spécialiste FMH en psychiatrie et responsable du Centre D______ (ci-après : le Centre), a diagnostiqué un trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen avec syndrome somatique (F33.11), un TDA-H, un syndrome de dépendance à l'alcool, consommation continue (F10.20), et une suspicion d'un trouble schizo-affectif type dépressif (F25.1). La capacité de travail du patient était nulle dans toute activité en raison de l'instabilité de l'état clinique et de la difficulté à traiter la pathologie de base, soit le TDA-H sévère.

e. Mandaté par l’OAI, le docteur E______, spécialiste FMH en psychiatrie, a rendu un rapport d’expertise le 15 juillet 2019. Il a posé, à titre de diagnostics ayant des répercussions sur la capacité de travail, des troubles dépressifs récurrents moyens avec un syndrome somatique depuis 2014 (F33.11) et un trouble panique depuis septembre 2014, avec des attaques de panique hebdomadaires selon les périodes (F41.0). Il a également mentionné, à titre de diagnostics sans effets sur la capacité de travail, des troubles mixtes de la personnalité émotionnellement labile de type impulsif et dépendante actuellement non décompensés (F61), divers troubles de dépendances primaires (F10.26, F12.25, F14.26, F15.26) et un trouble de l'attention avec une hyperactivité légère depuis l'enfance (F90), qui n’avait pas empêché l’intéressé de finir l’école, de se former et de travailler à 100 % de façon stable durant plusieurs années, malgré l’absence de traitement spécifique. L’expert a conclu à une capacité de travail de 50 % sans baisse de rendement depuis le mois de septembre 2014 dans toute activité, ajoutant que cette capacité pourrait s'élever à 100 % en cas d'évolution positive, après la mise en place d'un sevrage qui était exigible et un traitement antidépresseur, avec une probabilité de 50% dans une année.

f. Par avis du 16 juillet 2019, le service médical régional (ci-après : SMR) de l’OAI a indiqué suivre les conclusions de l’expertise, dont le rapport remplissait les exigences de valeur probante.

B. a. Le 26 août 2019, l’OAI a informé l’assuré qu’il envisageait de lui accorder une demi-rente sur la base d'un degré d'invalidité de 50 % dès le 1er mai 2018.

b. Par rapport du 7 octobre 2019, la Dresse C______ a contesté la position de l’OAI et critiqué une partie des conclusions de l'expert.

Elle a joint un rapport de bilan de l'Unité des troubles de l'humeur du Service des spécialités psychiatriques des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) pour une suspicion de trouble bipolaire en janvier et février 2019.

c. Dans un avis du 15 octobre 2019, le SMR a écarté l’appréciation de la
Dresse C______, aux motifs que cette dernière n’avait pas rapporté de status psychiatrique et de limitations fonctionnelles pouvant étayer la sévérité décrite, que les consommations étaient actuellement annoncées comme épisodiques, et que l’assuré souhaitait lui-même réintégrer une activité à temps partiel.

d. Par décision du 5 mars 2020, l’OAI a reconnu à l’assuré le droit à une demi-rente, basée sur un degré d’invalidité de 50 % dès le 1er mai 2018.

C. a. Par acte du 23 mars 2020, l’assuré a interjeté recours contre cette décision, faisant valoir des incohérences entre les rapports du médecin-conseil de l’intimé et de sa psychiatre.

b. Dans sa réponse du 30 avril 2020, l’intimé a conclu au rejet du recours, soutenant que le rapport d’expertise était probant. Il a notamment souligné que les absences de suivi psychiatrique plus fréquent que mensuel, d’hospitalisation récente, et de traitement psychotrope à des taux sanguins efficaces, plaidaient en défaveur d’une atteinte psychiatrique plus sévère que celle retenue par l’expert.

c. Le 11 septembre 2020, le recourant, représenté par une mandataire, a complété son recours et conclu, sous suite de frais et dépens, préalablement, à ce qu’une expertise judiciaire auprès d’un psychiatre spécialiste en addictologie soit ordonnée et à ce que ses médecins et lui-même soient auditionnés. Principalement, il a conclu à l’annulation de la décision attaquée en ce qu'elle limitait la rente à 50 %, et à l’octroi d’une rente d’invalidité entière dès le
1er mai 2018. En substance, le recourant a contesté l'évaluation de sa capacité de travail par l'expert et soutenu que celle-ci était nulle dans toute activité.

Il a produit un rapport de la Dresse C______ du 22 août 2020.

d. Par écriture du 7 octobre 2020, l’intimé a persisté dans ses conclusions, motif pris que l’argumentation du recourant consistait essentiellement à souligner une divergence d’opinion entre l’expert psychiatre et sa psychiatre traitante quant aux limitations fonctionnelles retenues et au degré de la capacité de travail exigible, ce qui n’était pas suffisant pour remettre en cause le rapport d’expertise.

Il a transmis une appréciation du SMR du 1er octobre 2020, aux termes de laquelle le dernier rapport de la psychiatre n’amenait pas d’éléments nouveaux lui permettant de modifier ses précédentes conclusions.

e. Le 26 novembre 2020, le recourant a maintenu sa position, exposant qu’il ne disposait d'aucune capacité de travail dans une activité répondant aux exigences du marché ordinaire du travail, et que seule une activité bénévole, occupationnelle et sans objectif de rendement, pouvait être assumée.

Il a joint un nouveau rapport de la Dresse C______, daté du 20 novembre 2020.

D. a. En date du 2 décembre 2020, la chambre des assurances sociales en charge de la procédure a transmis au Dr E______ les rapports de la Dresse C______ des
7 octobre 2019 et 22 août 2020, lui demandant si ces documents étaient susceptibles de modifier ses conclusions.

b. Le 4 décembre 2020, le Dr E______ a répondu que les arguments apportés dans les deux rapports communiqués n’étaient pas de nature à changer l'évaluation de la capacité de travail au moment de l'expertise car la psychiatre traitante maintenait la plupart des diagnostics qu’il avait retenus et n'apportait pas d'éléments objectivables suffisants pour modifier la discussion faite au moment de l'expertise concernant les indices jurisprudentiels de gravité. Il a également indiqué qu’il lui semblait important qu'une évaluation extérieure du quotidien puisse être faite par une infirmière à domicile, mandatée par l’intimé, afin d’apprécier l'impotence fonctionnelle dans le quotidien et clarifier si une tutelle ou curatelle était en cours de mise en place, avec une demande d'un logement thérapeutique, vu la description de la psychiatre traitante.

c. Par écriture du 20 janvier 2021, l’intimé a persisté dans ses conclusions, se référant pour l’essentiel à un nouvel avis du SMR du 18 janvier 2021, aux termes duquel sa dernière appréciation demeurait valable.

d. Le 22 février 2021, le recourant a souligné que sa psychiatre remettait à nouveau en cause l’appréciation de l’expert quant à l’impact des troubles du TDA-H et des troubles addictifs sur sa capacité de travail, ainsi que la complexité de l’interaction de ces troubles entre eux. Il n’était pas question d’une aggravation symptomatique après l’entretien d’expertise, mais sa situation de santé avait été sous-évaluée par l’expert qui n’avait manifestement pas correctement cerné l’ampleur de ses troubles et leurs interactions. Cela étant, il résultait du rapport du
Dr E______ que des investigations complémentaires étaient nécessaires pour déterminer son état actuel, ce qui plaidait en faveur de ses conclusions quant à la mise en œuvre d’une expertise judiciaire.

Il s’est référé à un rapport établi le 15 février 2021 par la Dresse C______, prenant position sur celui du Dr E______.

e. En date du 8 septembre 2021, l’intimé a maintenu ses conclusions, relevant notamment que les conditions jurisprudentielles pour remettre en cause les conclusions de l’expert n’étaient pas remplies, de sorte que la mise en œuvre de mesures d’investigation complémentaires était inutile.

Il a joint un rapport du SMR du 2 septembre 2021, concluant que la
Dresse C______ n’avait pas amené de nouvel élément médical objectif lui permettant de modifier sa précédente appréciation du cas.

f. Par écriture du 27 septembre 2021, le recourant a persisté à solliciter une expertise judiciaire auprès d’un psychiatre spécialiste en addictologie, subsidiairement l’audition de sa psychiatre et celle contradictoire du Dr E______.

E. a. Par courrier du 19 mai 2022, la chambre de céans a informé les parties de son intention de confier une expertise psychiatrique aux docteurs F______, médecin adjoint agrégé aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), unité des troubles de la régulation émotionnelle, et G______, chef de clinique aux HUG, unité de psychopharmacologie clinique, en leur transmettant les questions qu'elle avait l'intention de leur poser et en leur impartissant un délai pour faire valoir une éventuelle cause de récusation et sur la mission d’expertise.

b. Par pli du 23 mai 2022, la chambre de céans a informé les parties qu’après avoir échangé avec les Drs F______ et G______, il s’avérait que les deux spécialistes avaient eu de brefs entretiens avec l’assuré. Pour sa part, le Dr F______ l’avait rencontré pour de brèves évaluations et conseils pour son médecin psychiatre traitant en 2012 et 2018. Quant au Dr G______, il l’avait rencontré lors de deux entretiens d’évaluation dans le contexte de son activité à l’unité des troubles de l’humeur en janvier et février 2019. Les deux experts ne voyaient toutefois pas d’objection pour réaliser l’expertise.

c. Par écriture du 8 juin 2022, l’intimé a indiqué qu’il s’opposait à la mise en œuvre d’une expertise judiciaire. Il a également demandé la récusation des deux experts, relevant qu’il existait une présomption de partialité du fait qu’ils avaient déjà tous les deux reçu et examiné l’assuré pendant la période litigieuse et étaient intervenus dans le suivi médical des atteintes à la santé qui devaient être examinées dans l’expertise judiciaire.

d. Le 12 juillet 2022, le recourant a confirmé que les deux experts ne l’avaient rencontré que lors de brefs examens ou évaluations dans le cadre d’une consultation spécialisée et qu’il ne s’agissait pas pour eux d’un patient avec un suivi régulier et investi. Il s’en rapportait à l’appréciation de la chambre de céans s’agissant de l’opportunité de les désigner comme experts. Il a également formé des observations s’agissant des questions 9.3.3, 10.1 et 11.2.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l’art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-invalidité, à moins que la loi n’y déroge expressément.

Le 1er janvier 2021, est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Toutefois, dans la mesure où le recours était, au 1er janvier 2021, pendant devant la chambre de céans, il reste soumis à l'ancien droit (cf. art. 82a LPGA).

3.             Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du
19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ;
ATF 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).

En l’occurrence, la décision querellée a été rendue antérieurement au
1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

4.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

5.             Le litige porte sur le droit du recourant à une rente d’invalidité entière, singulièrement sur son degré d’invalidité.

6.             Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles
(al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).

En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70 % au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60 % au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50 % au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40 % au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et 28 al. 2 LAI).

6.1 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; ATF 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanent d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; ATF 141 V 281 consid. 2.1
et 2.1.1 ; ATF 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

6.1.1 Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques
(ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).

Le Tribunal fédéral a en revanche maintenu, voire renforcé la portée des motifs d'exclusion définis dans l'ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d'un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d'une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2 ; ATF 132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).

L'organe chargé de l'application du droit doit, avant de procéder à l'examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d'une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l'assurance-invalidité, c'est-à-dire qui résiste aux motifs dits d'exclusion tels qu'une exagération ou d'autres manifestations d'un profit secondaire tiré de la maladie (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 5.2.2 et la référence).

6.1.2 Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources)
(ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence).

Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

Ces indicateurs sont classés comme suit :

I. Catégorie « degré de gravité fonctionnelle »

Les indicateurs relevant de cette catégorie représentent l’instrument de base de l’analyse. Les déductions qui en sont tirées devront, dans un second temps, résister à un examen de la cohérence (ATF 141 V 281 consid. 4.3).

A. Axe « atteinte à la santé »

1. Caractère prononcé des éléments et des symptômes pertinents pour le diagnostic

Les constatations relatives aux manifestations concrètes de l’atteinte à la santé diagnostiquée permettent de distinguer les limitations fonctionnelles causées par cette atteinte de celles dues à des facteurs non assurés. Le point de départ est le degré de gravité minimal inhérent au diagnostic. Il doit être rendu vraisemblable compte tenu de l’étiologie et de la pathogenèse de la pathologie déterminante pour le diagnostic (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.1).

L'influence d'une atteinte à la santé sur la capacité de travail est davantage déterminante que sa qualification en matière d'assurance-invalidité
(ATF 142 V 106 consid. 4.4). Diagnostiquer une atteinte à la santé, soit identifier une maladie d'après ses symptômes, équivaut à l'appréciation d'une situation médicale déterminée qui, selon les médecins consultés, peut aboutir à des résultats différents en raison précisément de la marge d'appréciation inhérente à la science médicale (ATF 145 V 361 consid. 4.1.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_212/2020 du 4 septembre 2020 consid. 4.2 et 9C_762/2019 du 16 juin 2020 consid. 5.2).

2. Succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à ces derniers

Le déroulement et l'issue d'un traitement médical sont en règle générale aussi d'importants indicateurs concernant le degré de gravité du trouble psychique évalué. Il en va de même du déroulement et de l'issue d'une mesure de réadaptation professionnelle. Ainsi, l'échec définitif d'une thérapie médicalement indiquée et réalisée selon les règles de l'art de même que l'échec d'une mesure de réadaptation - malgré une coopération optimale de l'assuré - sont en principe considérés comme des indices sérieux d'une atteinte invalidante à la santé. À l'inverse, le défaut de coopération optimale conduit plutôt à nier le caractère invalidant du trouble en question. Le résultat de l'appréciation dépend toutefois de l'ensemble des circonstances individuelles du cas d'espèce (arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2.1.3 et la référence).

3. Comorbidités

La présence de comorbidités ou troubles concomitants est un indicateur à prendre en considération en relation avec le degré de gravité fonctionnel (arrêt du Tribunal fédéral 9C_650/2019 du 11 mai 2020 consid. 3.3 et la référence). On ne saurait toutefois inférer la réalisation concrète de l'indicateur « comorbidité » et, partant, un indice suggérant la gravité et le caractère invalidant de l'atteinte à la santé, de la seule existence de maladies psychiatriques et somatiques concomitantes. Encore faut-il examiner si l'interaction de ces troubles ayant valeur de maladie prive l'assuré de certaines ressources (arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du
17 avril 2019 consid. 5.2.3 et le référence). Il est nécessaire de procéder à une approche globale de l’influence du trouble avec l’ensemble des pathologies concomitantes. Une atteinte qui, selon la jurisprudence, ne peut pas être invalidante en tant que telle (cf. ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_98/2010 du 28 avril 2010 consid. 2.2.2, in : RSAS 2011 IV n° 17,
p. 44) n’est pas une comorbidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1040/2010 du
6 juin 2011 consid. 3.4.2.1, in : RSAS 2012 IV n° 1, p. 1) mais doit à la rigueur être prise en considération dans le cadre du diagnostic de la personnalité
(ATF 141 V 281 consid. 4.3.2). Ainsi, un trouble dépressif réactionnel au trouble somatoforme ne perd pas toute signification en tant que facteur d’affaiblissement potentiel des ressources, mais doit être pris en considération dans l’approche globale (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.3).

Même si un trouble psychique, pris séparément, n'est pas invalidant en application de la nouvelle jurisprudence, il doit être pris en considération dans l'appréciation globale de la capacité de travail, qui tient compte des effets réciproques des différentes atteintes. Ainsi, une dysthymie, prise séparément, n'est pas invalidante, mais peut l'être lorsqu'elle est accompagnée d’un trouble de la personnalité notable. Par conséquent, indépendamment de leurs diagnostics, les troubles psychiques entrent déjà en considération en tant que comorbidité importante du point de vue juridique si, dans le cas concret, on doit leur attribuer un effet limitatif sur les ressources (ATF 143 V 418 consid. 8.1).

B. Axe « personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles)

Le « complexe personnalité » englobe, à côté des formes classiques du diagnostic de la personnalité qui vise à saisir la structure et les troubles de la personnalité, le concept de ce qu’on appelle les « fonctions complexes du moi » qui désignent des capacités inhérentes à la personnalité, permettant des déductions sur la gravité de l’atteinte à la santé et de la capacité de travail (par exemple : auto-perception et perception d’autrui, contrôle de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité et motivation ; cf. ATF 141 V 281 consid. 4.3.2). Étant donné que l’évaluation de la personnalité est davantage dépendante de la perception du médecin examinateur que l’analyse d’autres indicateurs, les exigences de motivation sont plus élevées (ATF 141 V 281
consid. 4.3.2).

Le Tribunal fédéral a estimé qu’un assuré présentait des ressources personnelles et adaptatives suffisantes, au vu notamment de la description positive qu’il avait donnée de sa personnalité, sans diminution de l'estime ou de la confiance en soi et sans peur de l'avenir (arrêt du Tribunal fédéral 8C_584/2016 du 30 juin 2017 consid. 5.2).

C. Axe « contexte social »

Si des difficultés sociales ont directement des conséquences fonctionnelles négatives, elles continuent à ne pas être prises en considération. En revanche, le contexte de vie de l’assuré peut lui procurer des ressources mobilisables, par exemple par le biais de son réseau social. Il faut toujours s’assurer qu’une incapacité de travail pour des raisons de santé ne se confond pas avec le chômage non assuré ou avec d’autres difficultés de vie (ATF 141 V 281 consid. 4.3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 consid. 5.2.3).

Lors de l'examen des ressources que peut procurer le contexte social et familial pour surmonter l'atteinte à la santé ou ses effets, il y a lieu de tenir compte notamment de l'existence d'une structure quotidienne et d'un cercle de proches [ ]. Le contexte familial est susceptible de fournir des ressources à la personne assurée pour surmonter son atteinte à la santé ou les effets de cette dernière sur sa capacité de travail, nonobstant le fait que son attitude peut rendre plus difficile les relations interfamiliales (arrêt du Tribunal fédéral 9C_717/2019 du 30 septembre 2020 consid. 6.2.5.3). Toutefois, des ressources préservées ne sauraient être inférées de relations maintenues avec certains membres de la famille dont la personne assurée est dépendante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2020 du
22 octobre 2020 consid. 5.2).

II. Catégorie « cohérence »

Il convient ensuite d’examiner si les conséquences qui sont tirées de l’analyse des indicateurs de la catégorie « degré de gravité fonctionnel » résistent à l’examen sous l’angle de la catégorie « cohérence ». Cette seconde catégorie comprend les indicateurs liés au comportement de l’assuré (ATF 141 V 281 consid. 4.4). À ce titre, il convient notamment d’examiner si les limitations fonctionnelles se manifestent de la même manière dans la vie professionnelle et dans la vie privée, de comparer les niveaux d’activité sociale avant et après l’atteinte à la santé ou d’analyser la mesure dans laquelle les traitements et les mesures de réadaptation sont mis à profit ou négligés. Dans ce contexte, un comportement incohérent est un indice que les limitations évoquées seraient dues à d’autres raisons qu’une atteinte à la santé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020
consid. 8.3).

A. Limitation uniforme du niveau des activités dans tous les domaines comparables de la vie

Il s’agit ici de se demander si l’atteinte à la santé limite l’assuré de manière semblable dans son activité professionnelle ou dans l’exécution de ses travaux habituels et dans les autres activités (par exemple, les loisirs). Le critère du retrait social utilisé jusqu’ici doit désormais être interprété de telle sorte qu’il se réfère non seulement aux limitations mais également aux ressources de l’assuré et à sa capacité à les mobiliser. Dans la mesure du possible, il convient de comparer le niveau d’activité sociale de l’assuré avant et après la survenance de l’atteinte à la santé (ATF 141 V 281 consid. 4.4.1).

B. Poids de la souffrance révélé par l’anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation

L'interruption de toute thérapie médicalement indiquée sur le plan psychique et le refus de participer à des mesures de réadaptation d'ordre professionnel sont des indices importants que l’assuré ne présente pas une évolution consolidée de la douleur et que les limitations invoquées sont dues à d'autres motifs qu'à son atteinte à la santé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_569/2017 du 18 juillet 2018 consid. 5.5.2).

La prise en compte d’options thérapeutiques, autrement dit la mesure dans laquelle les traitements sont mis à profit ou alors négligés, permet d’évaluer le poids effectif des souffrances. Tel n’est toutefois pas le cas lorsque le comportement est influencé par la procédure assécurologique en cours. Il ne faut pas conclure à l’absence de lourdes souffrances lorsque le refus ou la mauvaise acceptation du traitement recommandé est la conséquence d’une incapacité (inévitable) de l’assuré à reconnaître sa maladie (anosognosie). Les mêmes principes s’appliquent pour les mesures de réadaptation. Un comportement incohérent de l'assuré est là aussi un indice que la limitation fonctionnelle est due à d’autres raisons qu’à l'atteinte à la santé assurée (ATF 141 V 281 consid. 4.4.2).

6.1.3 Selon la jurisprudence applicable jusqu’ici, un syndrome de dépendance primaire à des substances psychotropes (dont l’alcool) ne pouvait conduire à une invalidité au sens de la loi que s’il engendrait une maladie ou occasionnait un accident ou s’il résultait lui-même d’une atteinte à la santé physique ou psychique ayant valeur de maladie. Cette jurisprudence reposait sur la prémisse que la personne souffrant de dépendance avait provoqué elle-même fautivement cet état et qu'elle aurait pu, en faisant preuve de diligence, se rendre compte suffisamment tôt des conséquences néfastes de son addiction et effectuer un sevrage ou à tout le moins entreprendre une thérapie (cf. notamment ATF 124 V 265 consid. 3c).

Dans un arrêt du 11 juillet 2019 (ATF 145 V 215), le Tribunal fédéral est parvenu à la conclusion que sa pratique en matière de syndrome de dépendance ne peut plus être maintenue. D’un point de vue médical, les syndromes de dépendance et les troubles liés à la consommation de substances diagnostiqués lege artis par un spécialiste doivent également être considérés comme des atteintes (psychiques) à la santé significative au sens du droit de l’assurance invalidité (consid. 5.3.3 et 6).

Le caractère primaire ou secondaire d’un trouble de la dépendance n’est plus décisif pour en nier d’emblée toute pertinence sous l’angle du droit de l’assurance-invalidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.1.1). Par conséquent, il s’agit, comme pour toutes les autres troubles psychiques, de déterminer selon une grille d’évaluation normative et structurée (à cet égard, ATF 141 V 281) si, et le cas échéant, dans quelle mesure un syndrome de dépendance diagnostiqué par un spécialiste influence dans le cas concret la capacité de travail de l’assuré. La gravité de la dépendance dans un cas particulier peut et doit être prise en compte dans la procédure de preuve structurée
(ATF 145 V 215 consid. 6.3). Ceci est d'autant plus important que dans le cas des troubles de la dépendance – comme dans celui d'autres troubles psychiques – il y a souvent un mélange de troubles ayant valeur de maladie ainsi que de facteurs psychosociaux et socio-culturels. L’obligation de diminuer le dommage
(art. 7 LAI) s'applique également en cas de syndrome de dépendance, de sorte que l’assuré peut être tenu de participer activement à un traitement médical raisonnablement exigible (art. 7 al. 2 let. d LAI). S’il ne respecte pas son obligation de diminuer le dommage, mais qu’il maintient délibérément son état pathologique, l’art. 7b al. 1 LAI en liaison avec l'art. 21 al. 4 LPGA permet le refus ou la réduction des prestations (consid 5.3.1).

6.1.4 Selon la jurisprudence rendue jusque-là à propos des dépressions légères à moyennes, les maladies en question n'étaient considérées comme invalidantes que lorsqu'on pouvait apporter la preuve qu'elles étaient « résistantes à la thérapie » (ATF 140 V 193 consid 3.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_841/2016 du
8 février 2017 consid. 3.1 et 9C_13/2016 du 14 avril 2016 consid. 4.2).

Dans l'ATF 143 V 409 consid. 4.2, le Tribunal fédéral a rappelé que le fait qu'une atteinte à la santé psychique puisse être influencée par un traitement ne suffit pas, à lui seul, pour nier le caractère invalidant de celle-ci ; la question déterminante est en effet celle de savoir si la limitation établie médicalement empêche, d'un point de vue objectif, la personne assurée d'effectuer une prestation de travail. À cet égard, toutes les affections psychiques doivent en principe faire l'objet d'une procédure probatoire structurée au sens de l'ATF 141 V 281 (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Ainsi, le caractère invalidant des atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_142/2018 du 24 avril 2018 consid. 5.2).

7.             Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. Dans le cas des maladies psychiques, les indicateurs sont importants pour évaluer la capacité de travail, qui - en tenant compte des facteurs incapacitants externes d’une part et du potentiel de compensation (ressources) d’autre part -, permettent d’estimer la capacité de travail réellement réalisable (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_286/2020 du
6 août 2020 consid. 4 et la référence).

7.1 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales
(cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d’investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (ATF 125 V 351 consid. 3a ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du
4 mai 2012 consid. 3.2.1).

On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

7.2 Le point de départ de l'évaluation prévue pour les troubles somatoformes douloureux (ATF 141 V 281), les troubles dépressifs (ATF 143 V 409), les autres troubles psychiques (ATF 143 V 418) et les troubles mentaux du comportement liés à l’utilisation de substances psychoactives (ATF 145 V 215) est l'ensemble des éléments médicaux et constatations y relatives. Les experts doivent motiver le diagnostic psychique de telle manière que l'organe d'application du droit puisse comprendre non seulement si les critères de classification sont remplis
(ATF 141 V 281 consid. 2.1.1), mais également si la pathologie diagnostiquée présente un degré de gravité susceptible d'occasionner des limitations dans les fonctions de la vie courante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_551/2019 du
24 avril 2020 consid. 4.1 et la référence).

Dans un arrêt de principe du 2 décembre 2019 (ATF 145 V 361), le Tribunal fédéral, à la lumière de l'ATF 141 V 281, a notamment posé une délimitation, entre l'examen (libre), par les autorités chargées de l'application du droit, de l'admission d'une incapacité de travail par l'expert psychiatre, d'une part, et une appréciation juridique parallèle inadmissible, d'autre part.

Selon le Tribunal fédéral, dans tous les cas, l’administration et, en cas de recours, le juge, doivent examiner si et dans quelle mesure les experts ont suffisamment et de manière compréhensible étayé leur évaluation de l'incapacité de travail, en tenant compte des indicateurs pertinents (questions de preuve). À cette fin, les experts doivent établir un lien avec la partie précédente de l'expertise médico-psychiatrique (avec extraits du dossier, anamnèse, constatations, diagnostics, etc.), c'est-à-dire qu'ils doivent se référer en détails aux résultats médico-psychiatriques des examens et explorations cliniques menés dans les règles de l’art qui relèvent de leur compétence. Le médecin doit donc exposer de manière détaillée les raisons médico-psychiatriques pour lesquelles les éléments constatés sont susceptibles de restreindre la capacité fonctionnelle et les ressources psychiques en termes qualitatifs, quantitatifs et temporels (ATF 143 V 418 consid. 6). À titre d’exemple, dans le cadre de troubles dépressifs récurrents de degrés légers à modérés qui sont souvent au premier plan dans l’examen de l’invalidité au sens de l’AI, cela signifie qu’il ne suffit pas que l'expert psychiatre déduise directement de l'épisode dépressif diagnostiqué une incapacité de travail, quel qu'en soit le degré ; il doit bien plutôt démontrer si et dans quelle mesure les constatations qu'il a faites (tristesse, désespoir, manque de dynamisme, fatigue, troubles de la concentration et de l'attention, diminution de la capacité d'adaptation, etc.), limitent la capacité de travail, en tenant compte - à des fins de comparaison, de contrôle et de plausibilité - des autres activités personnelles, familiales et sociales de la personne requérant une rente. Si les experts s'acquittent de cette tâche de manière convaincante, en tenant compte des éléments de preuve établis par
l'ATF 141 V 281, l'évaluation des répercussions de l’atteinte psychique sera également valable du point de vue des organes chargés de l’application du droit, que ce soit l’administration ou le juge. À défaut, il se justifie, juridiquement, de s'en écarter (ATF 145 V 361 consid. 4.3 et la référence).

En ce qui concerne l'évaluation du caractère invalidant des affections psychosomatiques et psychiques, l'appréciation de la capacité de travail par un médecin psychiatre est soumise à un contrôle (libre) des organes chargés de l'application du droit à la lumière de l'ATF 141 V 281 (ATF 145 V 361
consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_585/2019 du 3 juin 2020 consid. 2 et les références). Il peut ainsi arriver que les organes d'application du droit se distancient de l'évaluation médicale de la capacité de travail établie par l’expertise sans que celle-ci ne perde sa valeur probante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_128/2018 du 17 juillet 2018 consid. 2.2 et les références). Du point de vue juridique, il est même nécessaire de s’écarter de l’appréciation médicale de la capacité de travail si l’évaluation n’est pas suffisamment motivée et compréhensible au vu des indicateurs pertinents, ou n’est pas convaincante du point de vue des éléments de preuve instaurés par l’ATF 141 V 281. S’écarter de l’évaluation médicale est alors admissible, du point de vue juridique, sans que d’autres investigations médicales ne soient nécessaires (arrêt du Tribunal fédéral 9C_832/2019 du 6 mai 2020 consid. 2.2). Toutefois, lorsque l’administration ou le juge, au terme de son appréciation des preuves, parvient à la conclusion que le rapport d'expertise évalue la capacité de travail en fonction des critères de médecine des assurances établis dans l'ATF 141 V 281 et qu’il satisfait en outre aux exigences générales en matière de preuves (ATF 134 V 231 consid. 5.1), il a force probante et ses conclusions sur la capacité de travail doivent être suivies par les organes d'application de la loi. Une appréciation juridique parallèle libre en fonction de la grille d'évaluation normative et structurée ne doit pas être entreprise (cf. ATF 145 V 361 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_213/2020 du
19 mai 2020 consid. 4.3 et les références).

En fin de compte, la question décisive est toujours celle des répercussions fonctionnelles d'un trouble. La preuve d'une incapacité de travail de longue durée et significative liée à l’état de santé ne peut être considérée comme rapportée que si, dans le cadre d’un examen global, les éléments de preuve pertinents donnent une image cohérente de l’existence de limitations dans tous les domaines de la vie. Si ce n'est pas le cas, la preuve d'une limitation invalidante de la capacité de travail n'est pas rapportée et l'absence de preuve doit être supportée par la personne concernée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_423/2019 du 7 février 2020 consid. 3.2.2 et les références).

8.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

Selon une jurisprudence constante, le juge des assurances sociales apprécie la légalité des décisions attaquées, en règle générale, d’après l’état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue. Les faits survenus postérieurement, et qui ont modifié cette situation, doivent normalement faire l’objet d’une nouvelle décision administrative (ATF 121 V 366 consid. 1b et les références). Les faits survenus postérieurement doivent cependant être pris en considération dans la mesure où ils sont étroitement liés à l’objet du litige et de nature à influencer l’appréciation au moment où la décision attaquée a été rendue
(ATF 99 V 102 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances 
I 321/04 du 18 juillet 2005 consid. 5).

9.             Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3).

10.         En l’espèce, dans sa décision litigieuse du 5 mars 2020, l’intimé a conclu que le recourant disposait d’une capacité de travail de 50 % et lui a octroyé une
demi-rente d’invalidité dès le 1er mai 2018.

Cette appréciation repose sur les avis du SMR, eux-mêmes fondés sur le rapport d’expertise psychiatrique du 15 juillet 2019 du Dr E______.

10.1 Le recourant conteste l’évaluation et les conclusions du Dr E______ et lui oppose les rapports de sa psychiatre traitante, qui le suit depuis le mois
d’avril 2018 au Centre Phénix.

10.2 Il convient donc d’examiner la valeur probante de ces différents documents.

11.         Dans son rapport du 15 juillet 2019, l’expert a diagnostiqué des troubles dépressifs récurrents moyens avec un syndrome somatique (F33.11) et un trouble panique (F41.0), existant tous deux depuis septembre 2014 et ayant des répercussions sur la capacité de travail. Il a également posé, à titre de diagnostics sans effets sur ladite capacité, des troubles mixtes de la personnalité émotionnellement labile de type impulsif et dépendante actuellement non décompensés (F61), divers troubles de dépendances primaires (F10.26, F12.25, F14.26, F15.26) et un trouble de l'attention avec une hyperactivité légère depuis l'enfance (F90). Il a conclu à une capacité de travail de 50 % sans baisse de rendement depuis le mois de septembre 2014 dans toute activité, ajoutant que cette capacité pourrait s'élever à 100 % en cas d'évolution positive, après la mise en place d'un sevrage et d’un traitement antidépresseur.

Le Dr E______ a notamment expliqué avoir identifié une dépendance primaire à plusieurs substances, car les dépendances précédaient de plus d'une décade l'éclosion de troubles dépressifs récurrents moyens et des troubles paniques évoluant avec des hauts et des bas depuis septembre 2014. De plus, il retenait une augmentation des consommations ayant précédé la rechute dépressive moyenne de septembre 2014. Il ne notait pas de dommages irréversibles chez un assuré qui avait des capacités intellectuelles au-dessus de la moyenne et gérait son quotidien sans difficultés autre qu’un ralentissement. La question des liens complexes existant entre le trouble de la personnalité et la toxicodépendance restait ouverte, car l'installation de la toxicomanie avait cristallisé le trouble de la personnalité et ce dernier avait également favorisé les rechutes toxicomaniaques, sans pouvoir vraiment séparer les causes des conséquences, les deux troubles étant concomitants depuis le début de l'âge adulte. Toutefois, malgré la coexistence de la toxicomanie et du trouble de la personnalité, l’intéressé avait pu gérer son quotidien sans difficultés.

L’expert a considéré que les indices de gravité des troubles psychiques étaient partiellement remplis depuis septembre 2014. Les troubles dépressifs récurrents moyens avec syndrome somatique selon les critères diagnostiques de la CIM-10 avaient provoqué depuis septembre 2014 des limitations fonctionnelles modérées mais significatives cliniquement dans le sens d'un ralentissement psychomoteur modéré, des troubles modérés de la concentration subjectifs ou lors des abus de substances plus intenses, d'une fatigue objectivable, d'une tristesse modérée présente la plupart de la journée, d'une faible estime de soi, avec un isolement social partiel, des attaques de panique, mais sans anhédonie, ni aboulie. Concernant le succès du traitement et de la réadaptation, l’expert a objectivé une évolution stationnaire des troubles retenus depuis septembre 2014 et indiqué que la compliance était bonne au suivi proposé et fluctuante au traitement antidépresseur qui était sous dosé au moment de l'expertise. Il a considéré que le traitement était peu adéquat, compte tenu de l'absence d'un traitement antidépresseur à des taux sanguins efficaces, d’une compliance variable, d’un suivi psychiatrique (mensuel) trop peu fréquent, et de l’absence de sevrage aux substances. Il a évoqué un dosage plasmatique abaissé de l’antipsychotique parlant pour une inefficacité de traitement et conseillé un changement de l'antidépresseur et un suivi centré sur l'exigibilité d'un sevrage aux substances. Par ailleurs, il était probablement contreproductif de traiter pharmacologiquement le trouble de l'attention, tenant compte des dépendances aux substances et surtout du fait qu'avant ce type de traitement, l’intéressé avait pu se former et travailler de façon stable, malgré une intensité des troubles inchangée selon l'anamnèse. La motivation pour une réadaptation professionnelle était ambivalente, car l’intéressé exprimait des avantages secondaires spontanément, mais qui ne remettaient pas en question les limitations objectivées. Les comorbidités psychiatriques, soit les dépendances primaires à plusieurs substances, le TDA-H depuis l'enfance et des troubles de la personnalité émotionnellement labile et dépendante, étaient des troubles qui entrainaient peu de limitations fonctionnelles, car l’intéressé avait pu se former et travailler à 100 % de façon stable durant plusieurs années, malgré l'absence de prise en charge adéquate. Ce critère n'était donc pas rempli. S’agissant de la personnalité (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles), il a considéré que les critères diagnostiques étaient remplis pour des troubles de la personnalité émotionnellement labile et dépendante avec une décompensation ponctuelle et partielle, dans le contexte d'un trouble dépressif récurrent moyen avec syndrome somatique et des attaques de panique. Quant au contexte social, l’expert a relevé qu’au moment de l’examen, l’intéressé gardait de bonnes capacités et des ressources personnelles, car il arrivait à conserver des bonnes relations avec quelques membres de sa famille et avec quelques amis qu'il fréquentait ponctuellement. Il ne retenait donc pas d'isolement social total. La diminution de la vie sociale datait de septembre 2014, moment de l'éclosion des troubles dépressifs récurrents moyens et des attaques de panique.

Au niveau de la cohérence, l’expert a estimé que les plaintes et les limitations fonctionnelles significatives observées étaient cohérentes et plausibles et en concordance avec l'examen clinique. Il n’avait pas retenu des incohérences chez un assuré authentique qui n'exagérait pas les activités possibles, ses plaintes et ses consommations de cannabis et amphétamines non décrites dans le dossier assécurologique. Les activités possibles durant la journée type et la compliance fluctuante au traitement antidépresseur étaient concordantes avec les plaintes. Toutefois, il notait une discordance entre la capacité de travail nulle retenue par la psychiatre traitante et la journée type chez un assuré qui participait aux tâches ménagères, aux courses, aux activités administratives simples, malgré un ralentissement psychomoteur qui faisait que tout lui prenait plus de temps, qui partait régulièrement en vacances, faisait des promenades, seul ou avec des amis. Par ailleurs, l’intéressé expliquait clairement des avantages secondaires, ce qui montrait qu'il était très authentique : il lui était difficile de reprendre une activité après une longue pause professionnelle, avait besoin de plus de temps pour récupérer de ses abus d'alcool, cannabis, amphétamines et cocaïne, était démotivé pour une reprise professionnelle à cause de dettes. Le trouble de la personnalité et le trouble de l'attention avec hyperactivité n'avaient pas empêché une formation et une stabilité professionnelle à 100 % sans limitations durant plusieurs années sans prise en charge psychiatrique, donc il peinait à comprendre pourquoi ces deux troubles seraient devenus incapacitants après la prise en charge psychiatrique et pharmacologique. Le suivi psychiatrique seulement mensuel et non hebdomadaire et l'absence d'un traitement psychotrope à des taux sanguins efficaces plaidaient également pour l'absence d'un trouble psychiatrique significatif. S’agissant du critère relatif aux limitations uniformes du niveau d'activité dans tous les domaines comparables de la vie, il a relevé qu’au moment de l'expertise, l’intéressé gardait des capacités et ressources personnelles limitées mais existantes, car il arrivait à gérer partiellement son quotidien avec des difficultés dans le contexte d'un ralentissement psychomoteur modéré et des troubles de la concentration subjectifs, sauf au moment des abus de substances plus importants, à avoir une vie sociale restreinte avec un isolement social partiel, mais qui faisait une partie des activités ménagères, rencontrait des amis et partait en vacances. Enfin, concernant le poids des souffrances révélé par l'anamnèse établie pour le traitement et la réadaptation, il a retenu que l’intéressé présentait une motivation ambivalente pour une reprise professionnelle dans un contexte de surendettement et d'avantages secondaires et une bonne motivation pour le suivi psychiatrique et ambivalente pour les antidépresseurs qui lui avaient été prescrits, mais sans motivation pour un sevrage aux substances.

Le pronostic d'une reprise professionnelle était sombre, tenant compte des avantages secondaires exprimés. Le trouble de la personnalité dépendante et émotionnellement labile de l’intéressé représentait un frein à la réadaptation professionnelle en affaiblissant sa résistance au stress, bien qu'il ne soit pas incapacitant en soi.

11.1 La chambre de céans constate que cette expertise émane d’un spécialiste en psychiatrie et est basée sur le dossier communiqué par l’intimé, ainsi que sur deux entretiens avec le recourant et les résultats de nombreux tests. L’expert a relaté les plaintes spontanées et sur demande de l’intéressé, présenté des anamnèses familiale, personnelle, scolaire, professionnelle et sociale, résumé le déroulement d’une journée-type et le traitement suivi. Il a ensuite détaillé le status, expliqué les résultats des nombreux tests cliniques réalisés, posé des diagnostics selon la Classification Internationale des Maladies publiée par l’Organisation Mondiale de la Santé (ci-après : CIM-10), analysé les critères développés par la jurisprudence et motivé les différents indicateurs.

Contrairement à ce que soutient le recourant, le fait que le Dr E______ n’ait fait référence qu’à l’une des deux lettres de sortie datées du 24 février 2017 est sans incidence, dès lors que ce médecin a bien tenu compte des deux admissions ordinaires pour des sevrage d'alcool, la première en décembre 2016 et la seconde en février 2017 (cf. rapport p. 11). Les critiques du recourant selon lesquelles le rapport d’expertise serait basé sur des faits incomplets tombe donc à faux.

Partant, ce document remplit a priori les exigences jurisprudentielles pour se voir reconnaître une pleine valeur probante.

11.2 Sur le fond, la Dresse C______ a émis de nombreuses critiques, motivées et étayées d’exemples concrets, à l’encontre de l’analyse de l’expert.

Ainsi, dans son rapport du 7 octobre 2019, la psychiatre traitante a expliqué ne pas partager l'estimation de l'expert quant au degré d'intensité du TDA-H et quant à l'impact de ce trouble sur la capacité de travail. Elle a souligné que le critère de légèreté dudit trouble semblait central dans l'évaluation de l'expert, selon lequel l’intéressé gérait son quotidien sans difficulté significative. Or, l’expert n’avait pas exploré la tendance à accumuler ni la lenteur ou la fatigue, alors que ces problèmes dans la gestion du quotidien étaient liés aux critères du TDA-H. Elle a mentionné que le patient décrivait un sentiment de honte lié à l’état d’hygiène de son appartement et à sa difficulté à le ranger, ce qui avait été constaté par les assistants sociaux. En outre, le critère de l'impulsivité n'avait pas été retenu par l'expert dans l'exploration du trouble TDA-H, mais seulement lors de la description du trouble de la personnalité. Elle a réfuté l'argument selon lequel la compliance du patient serait fluctuante, étant précisé qu’il prenait son traitement sous contrôle médical. Elle a contesté qu’il soit contreproductif de traiter pharmacologiquement le TDA-H en tenant compte des dépendances aux substances, et expliqué que les études encourageaient à avoir recours à des dosages de 30 % plus élevés que chez les patients qui ne souffraient pas d’addiction. L’évaluation de l’expert ne prenait pas en considération la situation globale du patient, notamment l’impact du TDA-H sur le fonctionnement
socio-professionnel, et l’expert n’avait pas décrit la place prise par la consommation de substances dans la gestion émotionnelle ayant permis à l’intéressé de finir ses études et de travailler. On savait que plus de 25 % des enfants souffrant de TDA-H développaient à l’adolescence des troubles d’usage de substance et que ce risque était d’autant plus élevé que l’enfant n’avait pas été traité. On savait également que plus de 70 % des patients souffrant de TDA-H présentaient une comorbidité psychiatrique et addictologique et que la fréquence des troubles de l’humeur était de 60 % et des addictions de 70 %. Il était erroné de considérer la problématique addictologique comme primaire et de l’évaluer sans tenir compte des comorbidités. Elle a ajouté que le patient souhaitait être soutenu en vue de retrouver un cadre de vie plus organisé et une certaine dynamique, et réintégrer un milieu professionnel adapté

En date du 22 août 2020, la Dresse C______ a répondu à un questionnaire du recourant. Elle a posé, à titre de diagnostics ayant une influence sur la capacité de travail, un trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen avec syndrome somatique (F33.1), un trouble déficit de l'attention et hyperactivité, ainsi qu’un syndrome de dépendance à l'alcool, consommation continue (F10.20). Les limitations fonctionnelles consistaient en une difficulté à maintenir l'attention, une baisse de l'élan vital avec des difficultés à se mettre en action ce qui était source d'anxiété, une gestion difficile du stress, une procrastination, des difficultés relationnelles, une tendance au repli et une importante labilité émotionnelle. La situation restait globalement stationnaire depuis les derniers rapports, avec la persistance d'une consommation alcoolique régulière d'intensité modérée, un trouble dépressif stationnaire avec la présence d'une symptomatologie résiduelle d'intensité modérée malgré un haut dosage d'antidépresseur et le traitement psychothérapeutique, des difficultés persistantes au niveau du fonctionnement, liées à l'interaction entre le TDA-H et les troubles dépressif et addictologique. Toutefois, un meilleur contrôle de la consommation des substances était noté, l’intéressé ne présentant plus des prises compulsives de substances multiples ni d'abus de médicaments. Au status, l’humeur était triste, les affects labiles, le discours cohérent, la pensée également mais dispersée avec une difficulté à maintenir le focus. Elle a relevé une procrastination, une mauvaise image de soi, un sentiment de vide et une intolérance à l'ennui, une anxiété persistante, une baisse de l'élan vital et une anhédonie modérée, une impulsivité, une difficulté à tolérer le rejet, des difficultés relationnelles avec un comportement évitant, ainsi que des idées noires passagères. La situation clinique, bien que stabilisée, restait très précaire et n'était pas compatible en l’état avec une reprise professionnelle, même à temps partiel. Seule une activité dans un milieu avec un encadrement pourrait être envisagée à moyen terme, avec une reprise progressive, dans l'objectif d'atteindre un taux maximum de 50 %. L’intéressé avait été orienté dans des ateliers d'ergothérapie, où il avait débuté depuis quelques mois une activité d’arrosage de plantes à raison de deux heures par semaine. L’objectif était l'obtention d'une régularité et d'une capacité d'organisation dans une activité plaisante, bien que très limitée dans le temps. L'investissement du patient était bon, mais son rendement demeurait encore assez faible. Depuis le début du suivi, le patient avait bénéficié, à sa demande, d'une distribution journalière et sous contrôle médical de son traitement afin de réduire le risque d'abus. Elle avait ainsi été interpellée par les doutes de l'expert concernant l'observance du traitement pharmacologique. L'expert avait évoqué un suivi psychiatrique uniquement mensuel, ce qui était erroné car le patient bénéficiait d'une prise en soins de type psychiatrique et psychothérapeutique intégrée, consistant en des entretiens psychiatriques mensuels et plus fréquents lors des moments de crises, associés à des entretiens hebdomadaires psychothérapeutiques avec sa thérapeute. Depuis le début de l'été, les entretiens psychothérapeutiques avaient été espacés à une fréquence bimensuelle. S’agissant du traitement et de son éventuelle adaptation suite à l’expertise, elle a exposé que le patient avait été réticent à la mise en place d'un médicament antipsychotique pendant une longue période, mais que ce traitement avait été accepté plusieurs mois auparavant. Elle avait observé une meilleure stabilisation de la labilité émotionnelle depuis l’augmentation du dosage du traitement pour le TDA-H (au-dessus des dosages habituels) et l'intégration du traitement antipsychotique. Le dosage de l'antidépresseur avait été augmenté, sans observation d’un virage maniaque, ce qui était en défaveur du diagnostic du trouble bipolaire. Une nouvelle évaluation de l'humeur n’avait pas pu être réalisée car ses collègues du programme desdits troubles exigeaient une période de longue abstinence avant de faire une telle évaluation. Elle ne suspectait plus de troubles bipolaires et estimait que la labilité émotionnelle était liée au TAD-H. Selon les connaissances actuelles, il était difficile de mettre un lien direct entre les taux plasmatiques des médicaments et l'efficacité du traitement, en raison des différents facteurs génétiques et métaboliques pouvant interférer. Le patient avait réussi à investir une relation thérapeutique lui permettant de faire appel de manière précoce lors de la péjoration de son état clinique et de contenir les crises, sans recours à des séjours hospitaliers. Ainsi, des sevrages d'alcool et des adaptations du traitement avaient pu être faits en ambulatoire avec une prise en soins journalière. La mise en place d'un traitement psychothérapeutique et pharmacologique conséquent, ainsi que la bonne alliance psychothérapeutique et le bon investissement du patient, lui permettaient d'atteindre une certaine stabilité clinique. Cependant, il restait très démuni au niveau social et n'arrivait pas à gérer des choses basiques de son quotidien, comme relever son courrier, ranger son appartement, s'alimenter de manière adéquate, gérer ses finances. Il tolérait mal la solitude et avait de la peine à voir des personnes en difficulté sans leur venir en aide, de sorte qu’il hébergeait souvent des tiers sans arriver à poser des limites. Ainsi, il avait été convenu avec le patient de la mise en place d'un projet de logement avec encadrement.

La Dresse C______ a rendu un autre rapport le 20 novembre 2020, dans lequel elle a rappelé que l’expert avait retenu que les syndromes de dépendance étaient primaires, ce qui était difficilement compréhensible puisque le TDA-H avait été reconnu et retenu depuis l'enfance, soit antérieurement à la problématique addictive. Elle a exposé qu’un tiers des enfants et adolescents souffrant de ce trouble présentait au début de l'âge adulte un trouble de l'usage de substances, et plus de 70 % (dont plus de 50 % des cas non traités à l'enfance) présentaient une comorbidité psychiatrique et ou addictologique à l'âge adulte. L'état clinique était globalement plus stable depuis les adaptations récentes du traitement, mais cette stabilité, voire amélioration, n'avait pas un impact sur le fonctionnement global du patient, de manière à lui permettre d'intégrer une activité régulière répondant aux exigences du marché du travail, même à temps très partiel. Elle permettait en revanche de réduire la souffrance psychique. Concernant l’évaluation des indices de gravité, elle a rappelé que l’argumentation du Dr E______, qui avait retenu un TDA-H d'intensité légère, s'appuyait sur le fait que le patient avait pu pendant des années maintenir une activité. Or, cette évaluation ne prenait pas en considération la multiplicité des comorbidités addictives, anxieuse, thymique et de gestion émotionnelle associées, ni le retentissement sur le fonctionnement psychosocial du patient. Les ressources de l’intéressé étaient amoindries, étant rappelant qu’il avait besoin d'héberger des personnes inconnues pour ne pas rester seul, peinait à ouvrir sa boite aux lettres, à s'occuper de son administratif, à ranger et nettoyer son appartement, à s'organiser une alimentation saine, à accueillir sa fille. Pour ces motifs, un projet de lieu de vie avec encadrement était en cours, ce qui était un signe de faibles ressources et de la sévérité des troubles psychiques. S’agissant du traitement mis en place, la réponse était limitée, avec la persistance d'une dépendance à l'alcool active, d'un état dépressif modéré, d'une labilité émotionnelle et d'une gestion difficile de l'anxiété, malgré une bonne observance sous contrôle médical. L’interaction de multiples comorbidités expliquait grandement la réponse limitée au traitement. Le comportement de l’intéressé et le tableau général était cohérent dans tous les domaines de vie, soit relationnel, familial, social, professionnel et de santé.

11.3 Invité par la chambre de céans à se déterminer sur les avis de la
Dresse C______ des 7 octobre 2019 et 22 août 2020, le Dr E______ a rendu un rapport complémentaire le 4 décembre 2020. Il a relevé qu’il était difficile de se prononcer clairement sur l’existence ou non d’une aggravation symptomatique après l'expertise, ainsi que sur le lien social que l’intéressé gardait encore ou non avec les personnes qu'il hébergeait à cette époque. Dans ce contexte, une évaluation à domicile par une infirmière lui semblait importante, afin d’évaluer l'impotence fonctionnelle dans le quotidien et clarifier si une tutelle ou curatelle était actuellement mise en place, avec une demande de logement thérapeutique. Il lui semblait en outre utile de solliciter des analyses sanguines et urinaires afin de clarifier la consommation actuelle de toxiques et la prise de psychotropes, connaître la compliance et identifier une éventuelle métabolisation rapide des médicaments, ce qui pourrait motiver des prescriptions plus importantes. Après avoir clarifié l'évolution de la journée-type et les données biologiques, il serait possible de se déterminer sur une éventuelle aggravation et proposer une autre expertise pour évaluer l'évolution de la capacité de travail depuis l’expertise. Les arguments apportés dans les courriers des 7 octobre 2019 et du 22 août 2020 n’étaient pas de nature à changer l’appréciation de la capacité de travail au moment de l'expertise car la psychiatre traitante maintenait la plupart des diagnostics qu’il avait retenus, mais pas tous. Elle avait diagnostiqué une dépendance éthylique « avec utilisation continue » en mettant le code diagnostic d'une « abstinence », ce qui prêtait à confusion car étaient possibles soit une aggravation de la dépendance éthylique soit une amélioration dans le sens d'un sevrage. En outre, les autres dépendances (cocaïne, amphétamines, cannabis) et leur évolution n’étaient pas décrites. L'appréciation de la journée-type n'était pas foncièrement différente, et la psychiatre traitante n'apportait pas d'éléments objectivables suffisants pour modifier la discussion faite au moment de l’examen concernant les indices jurisprudentiels de gravité pour le trouble dépressif moyen et pour les dépendances. Contrairement à ce qu’avait indiqué la psychiatre, il avait bien décrit la fatigue, le ralentissement psychomoteur et la tendance à laisser accumuler. Il avait d’ailleurs retenu une capacité de travail de 50 % et pas de 100 %, en raison des limitations fonctionnelles objectivables et des indices jurisprudentiels de gravité. Il peinait à comprendre pourquoi le TDA-H serait devenu incapacitant après la prise en charge psychiatrique et pharmacologique seulement, paradoxe qui n’était pas expliqué par la psychiatre traitante. Il a précisé à cet égard que l’intéressé avait clairement mentionné son envie de consommer des substances diverses sans désir de sevrage et de réinsertion professionnelle, et relaté des abus de méthylphénidate alors qu'il était dépendant aux amphétamines. Ainsi, sa prescription lui permettait d'abuser de certaines substances classées stupéfiantes, alors que ce traitement ne permettait pas d'avoir un impact visible sur sa capacité de concentration dans son quotidien. Il avait analysé les indices jurisprudentiels de gravité sans prendre en compte uniquement le caractère primaire ou non des dépendances, étant rappelé que cet aspect n’était plus décisif pour l'appréciation de la capacité de travail. La psychiatre estimait que les dépendances étaient secondaires au TDA-H, mais il ne pouvait pas confirmer l’existence d’un trouble psychique incapacitant au sens de l’assurance-invalidité, car autant les dépendances que le TDA-H présents depuis l'adolescence, respectivement depuis l'enfance, n'avaient pas empêché une formation et un emploi stable durant plusieurs années. La psychiatre avait adapté le traitement pharmacologique justement après la réalisation du monitoring sanguin, ce qui suggérait que son raisonnement avait été utile. De plus, il avait retenu une posologie faible, ce qui signifiait que normalement, en cas d'absence de guérison ou de limitations fonctionnelles sévères, il était recommandé par les études d'augmenter les doses, ce qui n'avait pas été fait avant l'entretien d'expertise. La compliance fluctuante avait été décrite par l’intéressé après qu’il ait été confronté aux résultats de la prise de sang. Il avait constaté une nette discordance entre le fait que la psychiatre affirmait que la compliance ne pouvait qu’être optimale puisque le patient recevait les médicaments dans un cadre médicalisé et expliquait en même temps que le patient ne faisait plus d'abus de méthylphénidate. Concernant la fréquence des séances, l’intéressé avait décrit un suivi bimensuel par la psychologue et mensuel par la psychiatre, mais expliqué qu’il ratait parfois ses rendez-vous. Enfin, il lui semblait incomplet de considérer que la labilité émotionnelle serait liée uniquement au TDA-H et pas aussi au trouble de la personnalité sous-jacent et aussi modulé en fonction des abus de substances.

11.4 En date du 22 février 2021, la Dresse C______ a répondu à la prise de position du Dr E______, soulignant que le TDA-H, décrit dès l'enfance, n'avait été ni diagnostiqué ni traité. Dans son anamnèse, l’expert avait noté des troubles du comportement tout le long du parcours de l’intéressé et le recours à des quantités importantes de substances psychoactives, avec une consommation de cannabis dès 14 ans, associée à une consommation d'alcool puis rapidement d'autres substances. Le patient expliquait que ces consommations lui avaient permis de fonctionner, avec une forme d'automédication. Pendant des années, il était professionnellement inséré, mais le soir, il fréquentait des toxicomanes et faisait la fête à outrance, prenait beaucoup de risques et avait besoin d'adrénaline. Elle a rappelé que les personnes souffrant de TDA-H et qui n’avaient pas été traitées à l'enfance ou à l'adolescence développaient un trouble d'usage de substance plus sévère que si elles n'avaient pas de TDA-H, et ajouté que l'automédication par les patients présentant un TDA-H était décrite dans les manuels spécialisés pour son effet bénéfique sur la suppression de l'éparpillement des pensées et des émotions, et la baisse du niveau d'hyperactivité. Il était également décrit que certaines substances, telles que la cocaïne et le cannabis, semblaient compenser au moins partiellement certaines dysfonctions neurobiologiques. L’incapacité de travail était antérieure à la prise en charge. En 2012, le patient avait présenté une symptomatologie compatible avec un burnout, marquée d'abord par des insomnies, des accès anxieux importants, une irritabilité et une nervosité extrêmes. Pour tenir le rythme, se recentrer, gérer son état d'épuisement et d'anxiété, il avait augmenté les consommations d'alcool et d'autres toxiques. Devant son comportement hyper thymique, son agitation psychomotrice, la forte labilité émotionnelle, une évaluation avait été réalisée, laquelle avait permis de conclure à un TDA-H évoluant depuis l'enfance. Un traitement de methylphénidate à haut dosage et d’antidépresseurs avait été prescrit. À la demande de l’intéressé, des sevrages, en hospitalier et en ambulatoire, avaient été mis en place, suivis d'une abstinence plus ou moins longue. L'incapacité de travail était liée à l'effondrement dépressif (deuxième dépression, la première survenue à l'âge de 28 ans), associé à la pathologie addictive. Le TDA-H non traité à l'enfance évoluait avec l'âge et se compliquait à l’âge adulte de modifications émotionnelles et comportementales (instabilité émotionnelle, intolérance à l'ennui, mauvaise estime de soi, impulsivité) qui elles-mêmes entretenaient les autres troubles (dépressif, addictif). L'objectif du traitement pharmacologique était d'améliorer la capacité d'attention du patient mais n'agissait pas sur les modifications. Ainsi, elle estimait que l'incapacité de travail était une conséquence (indirecte) de l'absence d'un traitement précoce du TDA-H. Elle a relevé que 1’envie sans désir décrite par le patient à l'expert n'était que l'expression des critères CIM-10 du syndrome de dépendance dont il souffrait. En ce qui concernait le mésusage de methylphénidate, il était bien précisé dans ses rapports que le patient avait lui-même exprimé cette problématique dès le début de la prise en soins et demandé une aide pour une administration journalière du traitement sous surveillance, ce qui était le cas jusqu'à présent. Les abus, que le patient peinait à contenir, se passaient uniquement sur les comprimés de la fin de semaine, lorsque les structures de soins étaient fermées. L’intéressé était partagé entre son désir de reprendre une activité, « la vie normale », et la réalité de sa situation clinique, et faisait un travail d'acceptation de ses propres limitations et leur incompatibilité avec une activité répondant aux exigences du marché concurrentiel, même à un temps très limité. Ce travail psychothérapeutique était utile, permettant au patient de viser des objectifs réalistes et principalement une stabilité médico-psychosociale.

11.5 La chambre de céans considère que les critiques émises par la
Dresse C______ sont pertinentes et que ses rapports contiennent plusieurs éléments objectifs propres à remettre en cause le bien-fondé de l’expertise du
Dr E______.

11.5.1 En ce qui concerne les diagnostics, elle remarque que les troubles retenus par l’expert psychiatre ne sont en l’état pas tous établis, au degré de la vraisemblance prépondérante requis.

En effet, si la Dresse C______ a également diagnostiqué un trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen avec syndrome somatique (F33.11), elle n’a en revanche pas mentionné de trouble panique (F41.0) ni ne s’est prononcée sur l’existence d’une telle atteinte. En outre, contrairement à ce que le Dr E______ a mentionné dans son expertise, la Dresse C______ n’avait pas conclu à un trouble de la personnalité, mais avait uniquement évoqué une suspicion d'un trouble schizo affectif type dépressif (F25.1 ; cf. rapport du 20 mars 2019). Par la suite, elle a formellement écarté un trouble de la personnalité, estimant que la labilité émotionnelle était liée au TDA-H (cf. rapport du 22 août 2020). Le diagnostic posé par l’expert ne saurait donc à ce stade être considéré comme établi.

S’agissant des dépendances, il sied de relever avec le Dr E______ une erreur manifeste dans le diagnostic posé par la psychiatre en lien avec le syndrome de dépendance à l'alcool, puisqu’elle a retenu une « consommation continue », tout en indiquant le code CIM-10 « F10.20 », lequel correspond à une personne actuellement abstinente en rémission récente. L’expert a pour sa part diagnostiqué une consommation épisodique (F10.26), dès lors que l’intéressé a annoncé une consommation actuelle de 1.5 litre de bière par jour, deux jours par semaine. Si ce diagnostic peut ainsi paraître conforme à l’anamnèse, il sied toutefois de rappeler que la psychiatre a fait état de la « persistance d'une consommation alcoolique régulière d'intensité modérée » dans son rapport du 22 août 2020, et de la « persistance d'une dépendance à l'alcool active » dans son rapport du
20 novembre 2020, ce qui laisse donc subsister un doute quant à la consommation réelle du recourant. Il en va de même quant à l’exhaustivité des diagnostics posés en lien avec les autres dépendances, puisque la Dresse C______ n’a pas formellement énuméré tous les syndromes de dépendance, mais qu’elle a signalé une consommation de cannabis, de cocaïne, d’ecstasy, et même d’héroïne, cette dernière substance ne ressortant toutefois pas des diagnostics posés par l’expert.

11.5.2 En ce qui concerne les indicateurs du degré de gravité fonctionnelle, la chambre de céans relève à titre liminaire quelques imprécisions, voire contradictions, entre les différentes parties du rapport d’expertise, ce qui rend sa lecture peu aisée et engendre des incertitudes quant aux éléments pris en considération, ou non, par le Dr E______. À titre d’exemples, ce dernier n’a pas systématiquement cité toutes les limitations fonctionnelles retenues
(cf. l’intolérance à l’ennui avec une impulsivité est mentionnée en p. 42, mais pas aux p. 41 et 45 ; la faible estime de soi est relevé en p. 41 et 45, mais pas en
p. 42 ; l’anhédonie partielle est confirmée en p. 42 mais pas en p. 41 et 45). Également à titre d’exemple, l’expert a indiqué que le suivi du recourant consistait en une prise en charge psychiatrique avec une fréquence mensuelle et un suivi à quinzaine par une psychologue (cf. rapport p. 18), mais il n’a rappelé que le suivi psychiatrique mensuel avant de conclure à l’absence de trouble psychiatrique significatif (rapport p. 48). Il convient également de relever que la position du
Dr E______, qui a qualifié les limitations fonctionnelles de « modérées mais significatives », est peu compréhensible en l’absence de développement suffisant.

S’agissant du TDA-H en particulier, les rapports rendus par la psychiatre traitante contiennent plusieurs éléments concrets remettant en cause le degré de gravité (léger) retenu par l’expert. En effet, l’argumentation du Dr E______ repose pour l’essentiel sur le fait que l’intéressé a réussi à terminer l’école et à travailler durant plusieurs années, et qu’il gère son quotidien « sans difficultés significatives » (cf. rapport p. 31). Cependant, il convient de rappeler, d’une part, que l’intéressé a abandonné l’école de commerce pour réaliser un CFC, qu’il a eu des difficultés à trouver des emplois et a souvent rencontré des problèmes relationnels dans le cadre professionnel (cf. rapport p. 15). En outre, l’expert n’a pas du tout examiné l’éventuelle influence des consommations de toxiques sur les capacités d’apprentissage de l’intéressé, alors que la Dresse C______ avait expliqué, dans son rapport du 20 mars 2019, que le patient avait pu poursuivre sa scolarité et travailler durant de nombreuses années malgré la sévérité du TDA-H, car il avait fonctionné pendant une longue période avec des toxiques qui lui permettaient de contenir son état d’agitation interne. Cette soupape ne semblait plus agir depuis le burnout de 2012 où une cassure était décrite avec l’impossibilité à reprendre un élan de vie stable, avec ou sans substances. D’autre part, l’expert n’a manifestement pas saisi l’ampleur des difficultés du recourant dans la gestion du quotidien, difficultés qui ont d’ailleurs justifié qu’un placement soit désormais organisé, afin de lui permettre d’intégrer un lieu de vie offrant un encadrement. Il sied également de relever que l’expert n’a pas mentionné, à titre de limitations fonctionnelles, l’impulsivité, la procrastination, les difficultés relationnelles ou encore l’intolérance à l’ennui, alors qu’il a posé le diagnostic de trouble mixte de la personnalité émotionnellement labile de type impulsif et dépendant, qu’il a relaté une « tendance à laisser accumuler » certaines tâches ménagères (cf. rapport p. 17), et qu’il a préconisé une activité adaptée avec une hiérarchie simple et bienveillante, un coaching positif (cf. rapport p. 49).

À toutes fins utiles, il sera observé que les difficultés rencontrées par le recourant dans son quotidien ne sont pas postérieures à l’examen par l’expert, dès lors que la psychiatre avait signalé, dans son rapport du 20 mars 2019 déjà, que son patient avait de la peine à faire les courses, prendre soin de son hygiène, s’occuper de son logement et de ses affaires administratives, et que la mise en place d’une aide à domicile était compliquée par la honte du patient à présenter son intérieur, décrit par l’intéressé comme un « capharnaüm ». En outre, la Dresse C______ a clairement attesté, dans son rapport du 22 août 2020, que la situation du recourant restait globalement stationnaire depuis ses derniers rapports, excluant ainsi une aggravation de l’état de santé ou des difficultés. Au contraire, une meilleure stabilisation de la labilité émotionnelle et un meilleur contrôle de la consommation des substances ont été observés suite à l’adaptation du traitement, mais tous les autres troubles persistaient.

On rappellera encore que l’évaluation du degré de gravité du TDA-H par la Dresse C______ repose sur ses observations objectives, au cours de ses consultations régulières qui ont débuté en avril 2018. Dans son rapport du
20 mars 2019, elle a notamment fait état d’une agitation psychomotrice importante, de la perte du fil de la pensée, de l’impossibilité à maintenir l’attention, d’une désorganisation psychomotrice, d’une procrastination, d’une difficulté à s’organiser et d’un discours souvent peu compréhensible. Au status du 22 août 2020, elle a constaté une pensée dispersée avec une difficulté à maintenir le focus et rapporté, entre autres, une procrastination, une mauvaise image de soi, un sentiment de vide, une intolérance à l'ennui, une anxiété persistante, une impulsivité, des difficultés relationnelles avec un comportement évitant ou encore une difficulté à tolérer le rejet. C’est encore le lieu de souligner que le bilan réalisé en 2015 à la demande du service d'addictologie des HUG a permis de conclure que l’intéressé présentait « sans aucun doute » un TDA-H de type mixte d'intensité relativement « sévère » (cf. rapport du 9 mars 2015 de la
Dresse H______), ce qui vient conforter l’appréciation de la Dresse C______.

11.5.3 Concernant le traitement, la psychiatre traitante a largement décrit la prise en charge au Centre, comprenant des entretiens psychiatriques mensuels ou plus fréquents en cas de crises, ainsi que des entretiens hebdomadaires psychothérapeutiques. L’expert n’a pas justifié les raisons pour lesquelles il considérait que les séances avec la psychiatre traitante étaient trop peu fréquentes. De manière convaincante, la Dresse C______ a attesté d’une bonne compliance au traitement médicamenteux, dès lors que ce dernier était, à la demande du patient, distribué quotidiennement et sous surveillance médicale, et précisé que les épisodes d’abus survenaient lorsque le Centre était fermé. Elle a exposé que la bonne alliance psychothérapeutique et le bon investissement du patient lui permettaient d'atteindre une certaine stabilité clinique. Ces explications permettent de douter des conclusions de l’expert, lequel a d’ailleurs suggéré, dans son complément du 4 décembre 2020, qu’il soit procédé à des analyses sanguines et urinaires afin de clarifier la compliance aux psychotropes et identifier une éventuelle métabolisation rapide des médicaments. Pour le surplus, au vu des limitations fonctionnelles qui découlent des troubles psychiques dont souffre le recourant, on ne saurait reprocher à celui-ci d’avoir manqué quelques séances avec sa psychothérapeute.

11.5.4 S’agissant des comorbidités psychiatriques citées par le Dr E______, en particulier des dépendances primaires à plusieurs substances et un TDA-H léger, il est rappelé que la Dresse C______ a contesté le caractère « primaire » desdites dépendances et indiqué que le TDA-H était la pathologie de base, présente depuis l’enfance et accompagnée d’une prise compulsive et boulimique de toxiques multiples, à visée d’automédication. Elle a justifié son appréciation, mentionnant notamment que plus de 70% des patients souffrant de TDA-H présentaient une comorbidité psychiatrique et addictologique.

On relèvera également avec la psychiatre que le Dr E______ n’a pas procédé à une approche globale de l’influence des différents troubles, en étudiant l’interaction entre le TDA-H et les troubles dépressif et de dépendances.

11.5.5 S’agissant des ressources personnelles et du contexte social, le fait que le recourant ait maintenu certains liens avec son père et sa sœur, et qu’il fréquente « ponctuellement » « quelques amis » ne sauraient suffire à conclure à l’existence de ressources préservées.

Il est rappelé que la psychiatre de l’intéressé a considéré que les ressources étaient « amoindries », soulignant que le patient avait besoin d'héberger des personnes marginales pouvant l’accepter pour ne pas rester seul, qu’il avait de la peine à s’occuper de lui, de ses affaires et de son logement, qu’il ne parvenait pas à accueillir sa fille. Elle a indiqué que le patient entretenait un lien stable avec son assistante sociale, mais qu’il était « très peu entouré », qu’il présentait une certaine méfiance et une peur du rejet qui pouvait se manifester par un comportement relationnel souvent inadéquat, provocateur, voire défiant pouvant rendre difficile la relation aux autres. L’intéressé passait ses journées devant la télévision, restait très démuni au niveau social, n'arrivait pas à gérer les tâches basiques de son quotidien. Les nombreux exemples donnés par la psychiatre traitante contredisent l’évaluation de l’expert, selon laquelle l’intéressé arriverait à gérer partiellement son quotidien et ne rencontrerait que des difficultés dans le contexte d'un ralentissement psychomoteur modéré et des troubles subjectifs de la concentration. Une telle conclusion est en outre mise à mal par le fait que le recourant envisage d’intégrer un lieu de vie avec un encadrement et un environnement communautaire.

11.5.6 Au niveau de la cohérence, l’expert a noté une discordance entre l’incapacité totale de travail et le fait que le recourant participait aux tâches ménagères, aux courses, aux activités administratives simples, partait régulièrement en vacances et faisait des promenades.

Comme déjà relevé, ces constatations sont opposées à celles de la
Dresse C______, laquelle a conclu que son patient était dans un deuil de toutes les pertes de vie, dans une incapacité à reprendre sa vie en main, à se projeter vers l’avenir, qu’il était « dans un fonctionnement de survie ».

11.6 Pour ces diverses raisons, le rapport d'expertise du Dr E______ ne saurait se voir attribuer une pleine valeur probante.

11.7 En ce qui concerne les rapports de la Dresse C______, il y a lieu de tenir compte de la relation de confiance qui unit la psychiatre traitante et son patient.

Ses rapports ne permettent donc pas non plus de trancher le litige.

12.         Eu égard à tout ce qui précède, il n'est en l'état pas possible de retenir des diagnostics clairs, au degré de la vraisemblance prépondérante requis, ni de se déterminer sur la capacité de travail du recourant à l'aune des indicateurs développés par la jurisprudence en matière de troubles psychiques.

Partant, il est indispensable de compléter l'instruction médicale en ordonnant une expertise psychiatrique judiciaire, laquelle est confiée aux docteurs F______, médecin adjoint agrégé aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), unité des troubles de la régulation émotionnelle, et G______, chef de clinique aux HUG, unité de psychopharmacologie clinique.

13.         L’intimé a requis la récusation des Drs F______ et G______. Il a indiqué qu’il existait une présomption de partialité du fait que les deux experts avaient déjà reçu et examiné le recourant pendant la période litigieuse et étaient intervenus dans le suivi médical des atteintes à la santé qui devaient être examinées dans l’expertise judiciaire.

13.1 Selon l’art. 38 al. 1 LPA, lorsqu’une expertise est ordonnée, l’autorité nomme un ou des experts. Un délai est imparti aux parties pour proposer, s’il y a lieu, la récusation des experts (art. 39 al. 1 LPA).

La récusation d'un expert judiciaire - qui ne fait pas partie du tribunal - s'examine au regard de l'art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101) garantissant l'équité du procès (ATF 125 II 541 consid. 4a p. 544). Cette disposition assure au justiciable une protection équivalente à celle de l'art. 30 al. 1 Cst. s'agissant des exigences d'impartialité et d'indépendance requises d'un expert (ATF 127 I 196 consid. 2b p. 198).

En matière de récusation, il convient de distinguer entre les motifs formels et les motifs matériels. Les motifs de récusation qui sont énoncés dans la loi (cf. art. 10 al. 1 PA et 36 al. 1 LPGA) sont de nature formelle parce qu'ils sont propres à éveiller la méfiance à l'égard de l'impartialité de l'expert. Les motifs de nature matérielle, qui peuvent également être dirigés contre la personne de l'expert (par exemple ses compétences professionnelles), ne mettent en revanche pas en cause son impartialité. De tels motifs doivent en principe être examinés avec la décision sur le fond dans le cadre de l'appréciation des preuves (ATF 132 V 93 consid. 6.5 p. 108 ; voir aussi ATF 139 V 349 ; AT 138 V 271).

Selon la jurisprudence relative aux art. 29 al. 1 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), les parties à une procédure ont le droit d'exiger la récusation d'un expert dont la situation ou le comportement sont de nature à faire naître un doute sur son impartialité. Cette garantie tend notamment à éviter que des circonstances extérieures à la cause ne puissent influencer le jugement en faveur ou au détriment d'une partie. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective est établie, car une disposition interne de l'expert ne peut guère être prouvée ; il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale. Seules des circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération ; les impressions individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (cf. ATF 134 I 20 consid. 4.2 p. 21 et les arrêts cités).

Un expert passe pour prévenu lorsqu’il existe des circonstances propres à faire naître un doute sur son impartialité. Dans ce domaine, il s’agit toutefois d’un état intérieur dont la preuve est difficile à rapporter. C’est pourquoi il n’est pas nécessaire de prouver que la prévention est effective pour récuser un expert. Il suffit que les circonstances donnent l’apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale de l’expert. L’appréciation des circonstances ne peut pas reposer sur les seules impressions de l’expertisé, la méfiance à l’égard de l’expert devant au contraire apparaître comme fondée sur des éléments objectifs. Seules des circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération (ATF 127 I 198 consid. 2b, ATF 125 V 351 consid. 3b/ee,
123 V 175 consid. 3d ; RAMA 1999 n° U 332 p. 193, U 212/97, consid. 2a/bb et les références). Dans ce domaine, la jurisprudence exige des faits qui justifient objectivement la méfiance. Celle-ci ne saurait reposer sur le seul sentiment subjectif d'une partie ; un tel sentiment ne peut être pris en considération que s'il est fondé sur des faits concrets et si ces derniers sont, en eux-mêmes, propres à justifier objectivement et raisonnablement un tel sentiment chez une personne réagissant normalement (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 127/06 du 6 février 2007).

Un expert donne l'apparence de prévention, et peut donc être récusé, s'il a déjà été impliqué, à quelque titre que ce soit (conseiller ou expert privé, témoin, membre d'une autorité), dans la procédure, pour autant qu'il ait pris position au sujet de certaines questions de manière telle qu'il ne semble plus exempt de préjugés
(ATF 126 I 68 consid. 3c p. 73, ATF 125 II 541 consid. 4 p. 544). Le fait que l'expert a déjà eu à se prononcer au cours d'une procédure dans laquelle une des parties était impliquée n'exclut pas sa nomination en qualité d'expert
(ATF 132 V 93 consid. 7.2.2 p. 110). La jurisprudence exige cependant que l'issue de la cause ne soit pas prédéterminée, mais qu'elle demeure au contraire indécise quant à la constatation des faits et à la résolution des questions juridiques
(ATF 116 Ia 135 consid. 3b p. 139, 126 I 168 consid. 2a p. 169; Jacques Olivier PIGUET, Le choix de l'expert et sa récusation, HAVE/REAS 2/2011 p. 133).

En matière d'expertise médicale, le fait qu’une expertise a été réalisée par un ancien médecin traitant de l’assuré soumis à cette mesure d’instruction ne justifie pas d’exclure d’emblée une telle expertise, en l’absence d’autre circonstance objective jetant le doute sur l’impartialité de l’expert, par exemple parce qu’il n’a pas rédigé son rapport de manière neutre et factuelle (arrêts du Tribunal fédéral des assurances I 832/04 du 3 février 2006 consid. 2.3.1 et I 29/04 du 17 août 2004 consid. 2.2 et les références). Le fait qu’un médecin se soit déjà prononcé sur le cas de l’assuré ne constitue pas une circonstance de nature à susciter une apparence de prévention au sens de la jurisprudence précitée (cf. arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 291/99 du 8 septembre 2000).

Enfin, il convient de rappeler qu’il existe une présomption d’impartialité de l’expert, de sorte que la partie qui demande sa récusation doit apporter la preuve permettant de renverser cette présomption (cf. arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 752/03 du 27 août 2004 cause et doctrine citée).

13.2 En l’occurrence, l'intimé remet en cause le choix des Drs F______ et G______ pour procéder à l'expertise judiciaire, sans produire de pièces qui pourraient faire douter de leur impartialité pour l'effectuer. Il s’appuie uniquement sur les affirmations des deux médecins selon lesquelles ils avaient eu de brefs entretiens avec le recourant. Or, conformément à la jurisprudence précitée, le fait qu’un médecin se soit déjà prononcé sur le cas de l’assuré ne constitue pas une circonstance de nature à susciter une apparence de prévention. L’intimé ne produit aucun élément concret permettant de considérer que l’issue de la cause dans la présente procédure est prédéterminée par le choix des experts. Les deux médecins ont d’ailleurs déjà donné leur accord de principe pour réaliser l’expertise, sans y voir de motifs de récusation. Le Dr F______ a du reste précisé qu’il n’avait que « très peu vu » le recourant et le Dr G______ a relevé qu’il n’avait procédé qu’à deux entretiens d’évaluation pour une durée totale de trois à quatre heures et qu’il n’avait « jamais eu de contact avec lui en dehors de ces entretiens ». Il convient donc de retenir que les brefs entretiens du recourant réalisés par les Drs F______ et G______ ne sont pas de nature à fonder un motif de récusation tant formel que matériel, étant rappelé qu’il existe une présomption d’impartialité de l’expert et que l’intimé n’a produit aucune pièce à l’appui de ses allégations.

Il sera précisé, au demeurant, que, compte tenu de leur domaine de spécialisation, les experts précités disposent de connaissances techniques approfondies pour rendre des expertises sur des cas de trouble du déficit de l’attention auquel s’ajoute une poly-pharmacodépendance.

La demande de récusation formée par l’intimé sera en conséquence rejetée.

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant préparatoirement

I.                   Ordonne une expertise psychiatrique de Monsieur A______.

Commet à ces fins les docteurs F______, médecin adjoint agrégé aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), unité des troubles de la régulation émotionnelle, et G______, chef de clinique aux HUG, unité de psychopharmacologie clinique.

Dit que la mission d’expertise sera la suivante :

A.    Prendre connaissance du dossier de la cause.

B.     Si nécessaire, prendre tous renseignements auprès des médecins ayant examiné la personne expertisée, en particulier la Dresse C______ et le
Dr E______.

C.     Examiner et entendre la personne expertisée et si nécessaire, ordonner d’autres examens.

D.    Établir un rapport détaillé comprenant les éléments suivants :

1.      Anamnèse détaillée (avec la description d’une journée-type)

2.      Plaintes de la personne expertisée

3.      Status clinique et constatations objectives

4.      Diagnostics (selon un système de classification reconnu)

Précisez quels critères de classification sont remplis et de quelle manière (notamment l’étiologie et la pathogénèse).

4.1 Avec répercussion sur la capacité de travail

4.1.1 Dates d'apparition

4.2 Sans répercussion sur la capacité de travail

4.2.1 Dates d'apparition

4.3 Quel est le degré de gravité de chacun des troubles diagnostiqués (faible, moyen, grave) ?

4.4 L'état de santé de la personne expertisée s'est-il amélioré/détérioré depuis le mois de septembre 2014.

4.5     Dans quelle mesure les atteintes diagnostiquées limitent-elles les fonctions nécessaires à la gestion du quotidien ? (N’inclure que les déficits fonctionnels émanant des observations qui ont été déterminantes pour le diagnostic de l’atteinte à la santé, en confirmant ou en rejetant des limitations fonctionnelles alléguées par la personne expertisée).

4.6     Y a-t-il exagération des symptômes ou constellation semblable (discordance substantielle entre les douleurs décrites et le comportement observé ou l’anamnèse, allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, absence de demande de soins médicaux, plaintes très démonstratives laissant insensible l'expert, allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact) ?

4.7     Dans l’affirmative, considérez-vous que cela suffise à exclure une atteinte à la santé significative ?

5. Limitations fonctionnelles

5.1. Indiquer les limitations fonctionnelles en relation avec chaque diagnostic

5.1.1 Dates d'apparition

5.2 Les plaintes sont-elles objectivées ?

6. Cohérence

6.1 Est-ce que le tableau clinique est cohérent, compte tenu du ou des diagnostic(s) retenu(s) ou y a-t-il des atypies ?

6.2 Est-ce que ce qui est connu de l'évolution correspond à ce qui est attendu pour le ou les diagnostic(s) retenu(s) ?

6.3 Est-ce qu'il y a des discordances entre les plaintes et le comportement de la personne expertisée, entre les limitations alléguées et ce qui est connu des activités et de la vie quotidienne de la personne expertisée ? En d’autre termes, les limitations du niveau d’activité sont-elles uniformes dans tous les domaines (professionnel, personnel) ?

6.4 Quels sont les niveaux d’activité sociale et d’activités de la vie quotidienne (dont les tâches ménagères) et comment ont-ils évolué depuis la survenance de l’atteinte à la santé ?

6.5 Dans l’ensemble, le comportement de la personne expertisée vous semble-t-il cohérent et pourquoi ?

7. Personnalité

7.1 Est-ce que la personne expertisée présente un trouble de la personnalité selon les critères diagnostiques des ouvrages de référence et si oui, lequel ? Quel code ?

7.2 Est-ce que la personne expertisée présente des traits de la personnalité pathologiques et, si oui, lesquels ?

7.3 Le cas échéant, quelle est l'influence de ce trouble de personnalité ou de ces traits de personnalité pathologiques sur les limitations éventuelles et sur l'évolution des troubles de la personne expertisée ?

7.4 La personne expertisée se montre-t-elle authentique ou y a-t-il des signes d'exagération des symptômes ou de simulation ?

8. Ressources

8.1 Quelles sont les ressources résiduelles de la personne expertisée sur le plan somatique ?

8.2 Quelles sont les ressources résiduelles de la personne expertisée sur les plans :

a) psychique

b) mental

c) social et familial. En particulier, la personne expertisée peut-elle compter sur le soutien de ses proches ?

9. Capacité de travail

9.1 Dater la survenance de l’incapacité de travail durable dans l’activité habituelle pour chaque diagnostic, indiquer son taux pour chaque diagnostic et détailler l’évolution de ce taux pour chaque diagnostic.

9.2 La personne expertisée est-elle capable d’exercer son activité lucrative habituelle ?

9.2.1 Si non, ou seulement partiellement, pourquoi ? Quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ?

9.2.2 Depuis quelle date sa capacité de travail est-elle réduite/ nulle ?

9.3 La personne expertisée est-elle capable d’exercer une activité lucrative adaptée à ses limitations fonctionnelles ? 

9.3.1 Si non, ou dans une mesure restreinte, pour quels motifs ? Quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ?

9.3.2 Si oui, quel est le domaine d’activité lucrative adaptée ? A quel taux ? Depuis quelle date ?

9.3.3 Dire si la personne expertisée présente une diminution de rendement en raison de ses diverses limitations fonctionnelles, y compris dans une activité adaptée.

9.4 Comment la capacité de travail de la personne expertisée a-t-elle évolué depuis le mois de septembre 2014 ?

9.5 Des mesures médicales sont-elles nécessaires préalablement à la reprise d’une activité lucrative ? Si oui, lesquelles ?

9.6 Quel est votre pronostic quant à l’exigibilité de la reprise d’une activité lucrative ?

10. Traitement

10.1 Examen du traitement suivi par la personne expertisée et analyse de son adéquation.

10.2 Est-ce que la personne expertisée s'est engagée ou s'engage dans les traitements qui sont raisonnablement exigibles et possiblement efficaces dans son cas ou n'a-t-elle que peu ou pas de demande de soins ?

10.3 En cas de refus ou mauvaise acceptation d’une thérapie, cette attitude doit-elle être attribuée à une incapacité de la personne expertisée à reconnaître sa maladie ?

10.4 Propositions thérapeutiques et analyse de leurs effets sur la capacité de travail de la personne expertisée.

11. Appréciation d'avis médicaux du dossier

11.1 Êtes-vous d'accord avec les avis du Dr E______ des 15 juillet 2019 et
4 décembre 2020 ? En particulier avec les diagnostics posés, les limitations fonctionnelles constatées et l'estimation d'une capacité de travail de 50% ? Si non, pourquoi ?

11.2 Êtes-vous d’accord avec les avis de la Dresse C______, notamment ceux des 20 mars et 7 octobre 2019, 22 août et 20 novembre 2020, et
15 février 2021 ? En particulier avec les diagnostics posés, les limitations fonctionnelles constatées et l’estimation d’une capacité de travail de 0% ? Si non, pourquoi ?

12. Quel est le pronostic ?

13. Des mesures de réadaptation professionnelle sont-elles envisageables ?

14. Faire toutes autres observations ou suggestions utiles.

II.                Invite les experts à déposer, dans un délai de quatre mois, leur rapport en trois exemplaires auprès de la chambre de céans.

III.             Réserve le fond ainsi que le sort des frais jusqu’à droit jugé au fond.

 

 

 

La greffière

 

 

 

 

Sylvie CARDINAUX

 

 

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le