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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3264/2020

ATAS/682/2022 du 04.08.2022 ( AI )

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3264/2020 ATAS/682/2022

 

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Ordonnance d’expertise (complément) du 3 août 2022

3ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié au GRAND-SACONNEX, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître William RAPPARD

 

 

recourant

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITE DU CANTON DE GENEVE, Service juridique, sis rue des Gares 12, GENÈVE

 

 

intimé

 

 

 

 

 

ATTENDU EN FAIT

 

Que, par décision du 19 octobre 2017, l’Office cantonal de l’assurance-invalidité a reconnu à Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né en 1981, peintre en bâtiment de profession, le droit à une rente entière limitée dans le temps à la période du 1er août 2015 au 31 août 2016, l’intéressé ayant, selon l’OAI, recouvré une pleine capacité de travail dans un poste adapté à son état de santé à compter de juin 2016 ;

Que la Cour de céans, saisie d’un recours de l’assuré, l’a admis partiellement en date du 29 août 2019 (ATAS/798/2019) et a renvoyé la cause à l’OAI pour instruction complémentaire concernant la période postérieure à juin 2016 et nouvelle décision ;

Qu’en effet, il n’existait aucun rapport se prononçant clairement et de manière convaincante sur l’évolution de l’état de santé de l’assuré depuis 2016 et les conséquences en termes de capacité de travail dans une activité adaptée ;

Que l’OAI a mis sur pied une expertise bidisciplinaire, rhumatologique et psychiatrique, qu’il a confiée au Bureau d’expertises médicales (BEM), plus particulièrement aux docteurs B______, spécialiste FMH en médecine interne et rhumatologie, et C______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, qui, dans leur rapport du 6 avril 2020, ont retenu comme diagnostics incapacitants une tendinopathie calcifiante de la coiffe des rotateurs des épaules peu active, une majoration des symptômes physiques pour raisons psychologiques et un épisode dépressif léger en rémission ; que les experts ont confirmé la totale incapacité de l’assuré à exercer son activité habituelle depuis le 25 juin 2014, mais estimé qu’il était exigible de lui qu’il exerçât à plein temps une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles (éviter le port fréquent de charges supérieures à 5 kg et le travail au-dessus de l’horizontale) ;

Qu’informé des conclusions de l’expertise, l’assuré les a contestées en s’appuyant principalement sur une attestation rédigée par son psychiatre traitant ;

Que cette attestation a été soumise au Dr C______, qui s’est déterminé ;

Que par décision du 22 septembre 2020, l’OAI a nié à l’assuré le droit à toute prestation, au motif que l’expertise mise sur pied confirmait que l’assuré avait recouvré une capacité de travail médico-théorique raisonnablement exigible de 100% sans baisse de rendement ;

Que par écriture du 16 octobre 2020, l’assuré a interjeté recours contre cette décision en demandant préalablement l’audition de son psychiatre traitant, le docteur D______, ainsi que celle de l’expert psychiatre et, principalement, l’octroi d’une rente d’invalidité ;

Qu’invité à se déterminer, l’intimé a conclu au rejet du recours en soutenant en substance que l’expertise devait se voir reconnaître pleine valeur probante ;

Que le recourant a persisté dans ses conclusions en alléguant que l’expert n’avait pas répondu ou seulement très partiellement aux remarques soulevées ; qu’il a maintenu être dans l’incapacité d’exercer la moindre activité ;

Qu’une audience d’enquêtes s’est tenue en date du 17 février 2022, à laquelle ont été convoqués tant le psychiatre traitant et que l’expert psychiatre ;

Que ce dernier s’est montré d’emblée agacé et énervé et a fini par quitter la salle d’audience après quelques minutes seulement, arguant qu’il perdait son temps, qu’il n’avait pas à répondre aux questions des parties et de la Cour et qu’il préférait payer une amende plutôt que de continuer (sic) ;

Que la Chambre des assurances sociales a informé les parties par courrier du 22 mars 2022, de son intention de mettre en œuvre une expertise judiciaire psychiatrique et leur a communiqué les questions qu’elle avait l’intention de poser à l’expert, tout en leur impartissant un délai pour compléter celles-ci et faire valoir une éventuelle cause de récusation envers l’expert pressenti, soit le Dr E______ ;

Que les parties se sont déterminées et ont indiqué n’avoir aucune question supplémentaire à poser, ni aucun motif de récusation de l’expert à faire valoir ;

Que l’intimé a ajouté que, selon lui, une telle expertise ne se justifiait « nullement » ;

Qu’il convient encore de préciser que, par ordonnance du 21 février 2022, l’expert C______ a été dûment amendé pour avoir quitté l’audience avant son terme et sans motif valable ;

Que par ordonnance du 11 mai 2022 (ATAS/417/2022), la Cour de céans a ordonné une expertise judiciaire dont elle a confié le mandat au docteur E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie.

ATTENDU EN DROIT

 

Que la question préalable à l’examen d’éventuelles prestations à résoudre est de savoir comment ont évolué l’état de santé et la capacité à exercer une activité adaptée de l’assuré depuis juin 2016 ;

Que, selon le principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge doit établir (d'office) les faits déterminants pour la solution du litige, avec la collaboration des parties, administrer les preuves nécessaires et les apprécier librement (art. 61 let. c LPGA; cf. ATF 125 V 193 consid. 2) ;

Qu’il doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier ;

Qu’en particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3) ;

Que lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4) ;

Qu’en l’espèce, la Cour de céans, dans son ordonnance du 11 mai 2022, a constaté que non seulement l’expert n’avait pas été capable de répondre de manière convaincante - et calme - aux arguments avancés par le psychiatre traitant, mais au surplus que ses mouvements d’humeur totalement inadéquats en audience et la manière dont il avait quitté celle-ci sans répondre aux questions de la Cour, ni des parties jetaient le discrédit sur ses conclusions ;

Qu'en conséquence, il convenait de procéder à une nouvelle expertise psychiatrique, étant précisé que le Dr E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, devrait prendre langue avec l’expert rhumatologue B______ pour parvenir à une conclusion consensuelle;

Que le Dr B______ ayant demandé, pour participer à une discussion consensuelle, à être formellement mandaté par la Cour de céans, il convient de répondre à sa demande par l'ordonnance de céans, étant précisé que l'expert rhumatologue pourra avoir accès aux documents médicaux postérieurs à son examen du 17 février 2020, voire procéder, si nécessaire, à un nouvel examen de l'assuré.

***


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

 

Statuant préparatoirement

Ordonne un complément d'expertise rhumatologique à l'expertise psychiatrique du 11 mai 2022, auprès du docteur B______.

Dit que la mission d’expertise sera la suivante :

A.  Prendre connaissance des documents médicaux versés au dossier après le 17 février 2020.

B.  Si nécessaire, prendre tous renseignements auprès des médecins ayant traité la personne expertisée.

C.  Si nécessaire, réentendre la personne expertisée.

D.  Etablir un rapport détaillé concernant la période postérieure au premier examen réalisé (le 17 février 2020) mentionnant si les conclusions prises alors demeurent valables sur ces points :

1.             Anamnèse détaillée (avec la description d’une journée-type)

2.             Plaintes de la personne expertisée

3.             Status et constatations objectives

4.             Diagnostics (selon un système de classification reconnu)

4.1 Précisez quels critères de classification sont remplis et de quelle manière
(notamment l’étiologie et la pathogenèse)

4.2 Dates d'apparition.

4.3 L’état de santé de la personne expertisée s’est-il amélioré/détérioré depuis janvier 2016, respectivement février 2020 ?

4.5         Dans quelle mesure les atteintes diagnostiquées limitent-elles les fonctions nécessaires à la gestion du quotidien ? (N’inclure que les déficits fonctionnels émanant des observations qui ont été déterminantes pour le diagnostic de l’atteinte à la santé, en confirmant ou en rejetant des limitations fonctionnelles alléguées par la personne expertisée).

4.6         Y a-t-il exagération des symptômes ou constellation semblable (discordance substantielle entre les douleurs décrites et le comportement observé ou l’anamnèse, allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, absence de demande de soins médicaux, plaintes très démonstratives laissant insensible l'expert, allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact) ?

4.7         Dans l’affirmative, considérez-vous que cela suffise à exclure une atteinte à la santé significative ?

5. Limitations fonctionnelles

5.1. Indiquer les limitations fonctionnelles en relation avec chaque diagnostic et leur date d’apparition

5.2 Les plaintes sont-elles objectivées ?

6. Cohérence

6.1 Est-ce que le tableau clinique est cohérent, compte tenu du ou des diagnostic(s) retenu(s) ou y a-t-il des atypies ?

6.2 Est-ce que ce qui est connu de l'évolution correspond à ce qui est attendu pour le ou les diagnostic(s) retenu(s) ?

6.3 Est-ce qu'il y a des discordances entre les plaintes et le comportement de la personne expertisée, entre les limitations alléguées et ce qui est connu des activités et de la vie quotidienne de la personne expertisée ? En d’autre termes, les limitations du niveau d’activité sont-elles uniformes dans tous les domaines (professionnel, personnel) ?

6.4 Quels sont les niveaux d’activité sociale et d’activités de la vie quotidienne (dont les tâches ménagères) et comment ont-ils évolué depuis la survenance de l’atteinte à la santé ?

6.5 Dans l’ensemble, le comportement de la personne expertisée vous semble-t-il cohérent et pourquoi ?

7. Ressources

7.1 Quelles sont les ressources résiduelles de la personne expertisée sur le plan somatique ?

8. Capacité de travail

8.1 Dater la survenance de l’incapacité de travail durable dans l’activité habituelle pour chaque diagnostic, indiquer son taux pour chaque diagnostic et détailler l’évolution de ce taux pour chaque diagnostic.

8.2 La personne expertisée est-elle capable d’exercer son activité lucrative habituelle ?

8.2.1 Si non, ou seulement partiellement, pourquoi ? Quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ?

8.2.2 Depuis quelle date sa capacité de travail est-elle réduite/ nulle ?

8.3 La personne expertisée est-elle capable d’exercer une activité lucrative adaptée à ses limitations fonctionnelles ? 

8.3.1 Si non, ou dans une mesure restreinte, pour quels motifs ? Quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ?

8.3.2 Si oui, quel est le domaine d’activité lucrative adaptée ? A quel taux ? Depuis quelle date ?

8.3.3 Dire s’il y a une diminution de rendement et la chiffrer.

8.4 Comment la capacité de travail de la personne expertisée a-t-elle évolué depuis début 2016 / février 2020 ?

8.5 Des mesures médicales sont-elles nécessaires préalablement à la reprise d’une activité lucrative ? Si oui, lesquelles ?

8.6 Quel est votre pronostic quant à l’exigibilité de la reprise d’une activité lucrative ?

9. Traitement

9.1 Examen du traitement suivi par la personne expertisée et analyse de son adéquation.

9.2 Est-ce que la personne expertisée s'est engagée ou s'engage dans les traitements qui sont raisonnablement exigibles et possiblement efficaces dans son cas ou n'a-t-elle que peu ou pas de demande de soins ?

9.3 En cas de refus ou mauvaise acceptation d’une thérapie, cette attitude doit-elle être attribuée à une incapacité de la personne expertisée à reconnaître sa maladie ?

9.4 Propositions thérapeutiques et analyse de leurs effets sur la capacité de travail de la personne expertisée.

10. Quel est le pronostic ?

11. Des mesures de réadaptation professionnelle sont-elles envisageables ?

12. Faire toutes autres observations ou suggestions utiles.

E.   Invite l’expert à faire une appréciation consensuelle du cas avec le Dr E______ s’agissant de toutes les problématiques ayant des interférences entre elles, notamment l’appréciation de la capacité de travail résiduelle.

F.   Invite l’expert à déposer, dans les meilleurs délais, un rapport en trois exemplaires auprès de la Cour de céans.

II. Réserve le fond ainsi que le sort des frais jusqu’à droit jugé au fond.

 

La Greffière La Présidente

 

Marie-Catherine SÉCHAUD Karine STECK

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties le