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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3243/2011

ATAS/637/2012 du 14.05.2012 ( AI )

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3243/2011 ATAS/637/2012

ORDONNANCE D’EXPERTISE

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

du 14 mai 2012

2ème Chambre

 

En la cause

Monsieur B___________, domicilié à ONEX, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Sarah BRAUNSCHMIDT

 

 

recourant

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITE DU CANTON DE GENEVE, sis rue de Lyon 97, GENEVE

intimé

 


EN FAIT

Monsieur B___________ (ci-après l'assuré ou le recourant), suisse, né en 1965, a effectué sa scolarité obligatoire à Genève, puis effectué un apprentissage de cuisinier de 1980 à 1981 et travaillé en qualité de livreur pour Y__________ de 1982 à 1985. Il a été engagé par X___________ SA en 1986 et y a occupé successivement les postes d'employé de bureau, d’employé de direction puis de spécialiste administratif.

En date du 6 juin 2005, l’assuré a subi un accident de la circulation réglé à l'amiable, puis est rentré chez lui. Il a ressenti dès le lendemain des douleurs dans le dos, irradiant dans la cuisse gauche.

Les suites de cet accident ont été prises en charge par l’assureur-accidents.

En date du 9 novembre 2005, l’assuré a subi, au vu de l’échec du traitement conservateur, une arthroplastie L4-L5 par voie rétro-péritonéal gauche avec la mise en place d’une prothèse discale A-MAV.

L’assureur-accidents a mis en œuvre une expertise, laquelle a été confiée au Dr  L___________, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie. Suite à l’examen de l’assuré en date du 5 septembre 2006, l’expert a établi son rapport le 20 septembre 2006 et a posé les diagnostics de probable contusion lombaire en date du 6 juin 2005, de discopathie L4-L5 et L5-S1 et de status après la mise en place d’une prothèse discale L4-L5 en date du 9 novembre 2005. Il n’existait pas de lien de causalité naturelle probable (-50%) entre les atteintes actuelles et l’accident du 6 juin 2005. En effet, les lésions des disques L3-L4 et L4-L5 n’étaient pas d’origine traumatique, mais dégénérative, et jouaient un rôle prépondérant dans l’évolution du cas. D’après le médecin, l’incapacité de travail due à l’événement de juin 2005 ne devrait pas excéder quatre semaines, en revanche, la capacité de travail actuelle de l’assuré, laquelle était très diminuée voir nulle dans l’activité semi-sédentaire sans port de charges précédemment exercée, était en relation avec les maladies préexistantes à l’accident. Une autre activité ne pouvait pas non plus être exigée.

Le 3 octobre 2006, l'assuré a déposé une demande de prestations auprès de l’OFFICE DE L’ASSURANCE-INVALIDITE DU CANTON DE GENEVE (ci-après l’OAI).

Dans un questionnaire daté du 10 octobre 2006, l’employeur de l’assuré a indiqué que son salaire annuel était de 79'000 fr. depuis le 1er juillet 2004, l'horaire de travail étant de 40 heures par semaine. Il a précisé que l'assuré a été totalement incapable de travailler du 7 juin 2005 au 2 mai 2006, à 50% du 3 au 8 mai 2006 puis à nouveau à 100% depuis lors.

Par rapport du 29 octobre 2006, le Dr M ___________, spécialiste FMH en neurochirurgie, a constaté l’existence de lombalgies mécaniques et d’une incapacité de travail totale dans l’activité habituelle du 6 juin 2005 au 2 mai 2006, de 50% jusqu’au 8 mai 2006, puis de 100% à nouveau. L’état de santé s’aggravait. Il a toutefois précisé que l’assuré pouvait travailler de 6 à 8 heures par jour dans une activité permettant des changements fréquents de position, laquelle pouvait être une activité de surveillance, de réception ou d’huissier par exemple, avec une diminution de rendement, afin de pouvoir faire des pauses.

Dans un rapport du 15 janvier 2007, la Dresse N ___________, généraliste, a posé les diagnostics de lombalgies mécaniques invalidantes depuis le 7 juin 2005 et de status post-arthroplastie L4-L5. Elle a déterminé que l’état de santé de l’assuré s’aggravait et qu’il était en totale incapacité de travail dans toutes les activités lucratives depuis le 7 juin 2005.

Dans un avis du 11 mai 2007, le Dr O ___________, spécialiste FMH en rhumatologie et en médecine physique et réadaptation, médecin auprès du Service médical régional AI (ci-après SMR), a retenu qu’au vu de la prothèse discale en L4-L5 et de la discopathie modérée en L5-S1, les limitations fonctionnelles de l’assuré étaient les suivantes : le port de charges de plus de 9 kilogrammes, les mouvements répétés de flexion-extension, la position statique ou debout prolongée et la position en porte-à-faux. Il a estimé que « l’exigibilité » (recte l’incapacité de travail) dans une activité physiquement légère et respectant les limitations fonctionnelles précitées était de 30% six mois après l’opération, soit dès la mi-mai 2006.

Sur requête de l’OAI, l’employeur de l’assuré a déclaré, en date du 22 mai 2007, que l’assuré était responsable du parc copieur, de la présentation power point impression couleur, de la manutention de mobilier, de l’archivage, de l’économat et de petits travaux divers (livraisons, changements de luminaires, etc.). La répartition des différentes tâches sur la semaine était assez homogène et son poste requérait des efforts importants.

Dans un avis du 26 juillet 2007, le Dr O ___________ a estimé qu’au vu du rapport du Dr M ___________, l’exigibilité était de 70% dès la mi-mai 2006, soit une capacité de travail de 100%, avec une diminution de rendement de 30%.

En date du 31 octobre 2007, l’assuré a été reçu par un psychologue du service de réadaptation professionnelle de l’OAI, lequel a établi son rapport en date du 22 février 2008. Il en ressort en substance que l’assuré restait centré sur ses douleurs et qu’il estimait ne pas pouvoir reprendre actuellement d’activité lucrative, étant précisé que son employeur était disposé à l’engager, lorsqu’il se sentirait mieux. Une comparaison des revenus a également été effectuée, laquelle mettait en exergue un degré d’invalidité de 32%.

Le 27 février 2008, l’OAI a communiqué à l’assuré un projet de décision dont il résultait qu’il se proposait de lui refuser tout droit à des prestations, soit le droit à une rente et à des mesures d’ordre professionnel.

Par pli du 11 mars 2008, l’assuré a fait parvenir à l’OAI ses observations en relation avec le projet de décision. Il a contesté le calcul du degré d’invalidité et a soutenu que celui-ci était de 40% en tous les cas. Par ailleurs, il a fait valoir que l’avis du SMR sur lequel se fondait l’OAI s’écartait, de façon injustifiée, de l’expertise du Dr L___________ qui présentait valeur probante et des autres rapports de ses médecins. En outre, l’OAI n’avait pas tenu compte de l’aggravation de son état de santé. Il y avait dès lors lieu de conclure, d’après lui, à une totale incapacité de travail dans toutes les activités lucratives.

Par décision du 28 mai 2008, l’OAI a confirmé son refus de toute prestation. Cette décision n’ayant pas été contestée, elle est entrée en force.

L’assuré a été licencié avec effet au 31 juillet 2008. Il s’est dès lors inscrit auprès de l’Office cantonal de l’emploi (ci-après l’OCE).

En date du 29 août 2008, l’assuré a requis de l’OAI de l’aide pour une réadaptation professionnelle, afin de trouver un emploi adapté à sa situation médicale. Par ailleurs, il a déclaré que de nouvelles investigations médicales étaient en cours.

Par communication du 2 septembre 2008, l’OAI a informé l’assuré que son dossier avait été transmis au service de placement. Dans ce cadre, l’assuré a bénéficié d’aide pour mettre à jour son dossier de candidature comprenant l’élaboration d’un Curriculum Vitae et de lettres de motivation. Il a également été initié aux techniques de recherche d’emploi et à la création de listes d’entreprises personnalisées pour les offres spontanées.

Dans une attestation du 28 octobre 2008, la Dresse N ___________ a indiqué que suite à l’intervention neurochirurgicale subie par l’assuré au niveau de la colonne vertébrale, il subsistait les limitations fonctionnelles suivantes : le port de poids de plus de 5 kilogrammes, la position prolongée assise ou debout, le fait de marcher ou les efforts physiques soutenus. En outre, l’assuré ne pouvait pas assumer de travail sur une machine, attendu qu’il prenait des médicaments antalgiques puissants pouvant occasionner des effets collatéraux, tels que des vertiges ou de la fatigue. Le médecin a précisé que l’assuré pouvait éventuellement effectuer certains travaux lui permettant de changer fréquemment de position à un taux de 20% au maximum.

En date du 2 février 2010, l’assuré a déposé une nouvelle demande de prestations auprès de l’OAI, sollicitant l’octroi d’une rente d’invalidité et faisant valoir une aggravation de son état de santé depuis le 28 mai 2008. A l’appui de sa demande, il a produit les documents suivants :

- un rapport d’observation du 28 mai 2009 des maîtres socioprofessionnels de l’atelier de réadaptation préprofessionnelle des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après HUG), duquel il résulte que l’assuré y a suivi un stage du 14 avril au 13 mai 2009, à raison de 3 heures par jour. Les maîtres socioprofessionnels ont constaté qu’il n’y avait pas eu de problème au niveau de la motivation, de la qualité du travail et de l’intégration dans l’équipe et que les travaux demandant de la finesse étaient parfaitement exécutés. En revanche, l’assuré ne pouvait pas respecter un horaire régulier, attendu qu’il n’avait pas pu venir le matin durant 30 à 40% des jours, en raison de ses douleurs et de son manque de force. Ils ont également noté que la capacité de travail se dégradait plus rapidement en position debout, et particulièrement en fin de journée. Ils ont dit être en désaccord avec les conclusions de l’OAI, qui retenait un rendement de 70% dans un poste adapté. En effet, le rendement de l’assuré ne dépassait pas 20%. Partant, au vu de leurs constatations, ils ont estimé que cet assuré n’était pas en mesure de travailler sur le marché primaire du travail, mais qu’une activité dans un atelier protégé, où l’environnement serait plus adapté à ses besoins de contrôle et de stimulation, serait parfaitement adéquate, et ce pour autant que sa difficulté au niveau de la gestion de l’horaire soit prise en considération ;

- une décision établie par l’OCE en date du 13 novembre 2009, prononçant son inaptitude au placement.

En date du 4 mars 2010, l’assuré a transmis à l’OAI les rapports suivants :

- un certificat du 11 février 2010 établi par la Dresse P ___________, spécialiste FMH en anesthésiologie et thérapie neurale, laquelle a indiqué qu’elle suivait l’assuré depuis le 21 octobre 2009 et que les symptômes douloureux commençaient à réagir au traitement, mais qu’il était actuellement impossible de connaître la durée du traitement et l’issue de celui-ci ;

- un certificat du 25 février 2010 de la Dresse Q ___________, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, laquelle a attesté suivre l’assuré depuis le 15 janvier 2009 pour un état dépressif survenu au décours de ses troubles physiques et des complications sociales et administratives en découlant. Suite à l’instauration d’un traitement antidépresseur, il n’y avait pas eu d’amélioration notable des douleurs, en revanche, son humeur et son anxiété s’étaient améliorés. Elle a relevé l’existence de troubles mnésiques probablement imputables à la prise du Tramal. En raison des limitations fonctionnelles fluctuantes de l’assuré au cours de la journée et intensifiées par l’effort, il était incapable de tenir un horaire fixe dans un emploi, lequel ne pourrait pas dépasser 20%. En effet, selon les jours, l’assuré devait annuler ses rendez-vous à cause de ses douleurs et de son incapacité à se déplacer ;

- une attestation établie par la Dresse N ___________ en date du 5 mars 2010, dont il ressortait que l’assuré avait développé une dysfonction érectile et une gêne par une fréquence mictionnelle accrue avec des urgences et régulièrement des fuites urinaires paroxystiques et irrépressibles. Par ailleurs, suite au « bloc antalgique » effectué en juillet 2008, qui montrait un problème au niveau antérieur des blocs L4-L5, il était possible que la question d’une nouvelle intervention du dos se pose.

En date du 25 mars 2010, la Dresse R___________, médecin auprès du SMR, a estimé que les documents médicaux parlaient en faveur d’une aggravation et d’une nouvelle atteinte au niveau psychique, de sorte qu’il y avait lieu d’instruire plus avant le dossier.

Par rapport du 14 mai 2010, la Dresse Q ___________ a posé les diagnostics d’écrasement des disques de la colonne vertébrale L4-L5 et d’état dépressif moyen et a fait état d’une profonde tristesse et d’un découragement. L’incapacité de travail de l’assuré était totale dès le 6 juin 2005 dans l’activité précédemment exercée, étant précisé que durant la période courant d’août 2008 à décembre 2009, elle était de 80%. Une amélioration de la capacité de travail n’était pas attendue. Les limitations psychiques étaient liées aux troubles de l’attention, probablement dus à l’anxiété de performance sous-jacente, et aux troubles mnésiques probablement imputables au Tramal. La capacité de concentration et la résistance étaient limitées, en raison de la fatigabilité, de l’irritabilité et des douleurs de l’assuré.

Dans un rapport du 31 mai 2010, la Dresse N ___________ a essentiellement retenu un status post-arthroplastie L4-L5, des lombalgies mécaniques, des troubles de la miction et un état anxio-dépressif. L’incapacité de travail dans l’activité précédente était de 100% dès le 29 octobre 2009 et les limitations fonctionnelles concernaient les efforts physiques et les changements de position. Elle a notamment joint à son rapport :

- celui du 25 septembre 2008 du Dr S___________, spécialiste FMH en urologie, qui a déclaré que l’assuré était venu le voir à la fin du mois de juin 2008, pour des troubles mictionnels caractérisés par des urgences ainsi que des fuites qu’il était incapable de retenir. La situation s’est vraisemblablement aggravée ces derniers temps. L’examen urodynamique confirmait une hyperréfléxie détrusorienne avec toutefois des pressions intravésicales bien en dessous du seuil potentiel lésionnel ;

- celui établi en date du 25 juin 2009 par le Dr T___________, spécialiste FMH en rhumatologie, lequel a signalé que l’assuré présentait des lombosciatalgies bilatérales, sans qu’il fût possible de mettre en évidence un syndrome vertébral, malgré les douleurs, ou un syndrome radiculaire. Il s’agissait manifestement d’un échec d’une chirurgie de prothèse discale L4-L5 pour des lombalgies mécaniques avec des discopathies. Le médecin avait l’impression que l’assuré avait essayé toutes les techniques de physiothérapie habituelle et qu’il avait pris de nombreux médicaments, de sorte qu’il a proposé une prise en charge en thérapie neurale pour les lombosciatalgies ;

- celui du 12 août 2009 du Dr S___________, qui a déclaré que l’assuré était connu pour une hyperréfléxie détrusorienne accompagnée de fuites d’urine et d’une hypoéjaculation, qui se sont manifestées au décours de l’arthroplastie vertébrale lombaire en 2005. Le traitement avait stabilisé la situation, mais n’avait pas apporté d’amélioration, de sorte que l’assuré restait toujours gêné par une fréquence mictionnelle accrue, avec des urgences et occasionnellement des fuites paroxystiques et irrépressibles ;

- celui du 4 mai 2010 du Dr U___________, médecin adjoint au service de neurochirurgie des HUG, qui a déclaré que l’IRM et les radiographies de la colonne lombaire montraient une prothèse discale en place, un signe de sub-luxation de la prothèse dans les tests fonctionnels et une absence de pathologie compressive aux autres niveaux, compatible avec les artéfacts créés par la prothèse elle-même. Il n’y avait pas d’indication à un traitement chirurgical.

L’OAI a mis en œuvre une expertise qu’il a confié à la Clinique romande de réadaptation de Sion (ci-après CRR), auprès de laquelle a séjourné l’assuré du 21 au 23 février 2011. L’anamnèse et l’examen clinique ont été effectués par le Dr V___________, spécialiste FMH en médecine physique et réhabilitation et en rhumatologie, et les examens suivants ont également été conduits par des médecins et des spécialistes dans leur domaine : un examen psychiatrique, un examen neurologique, une évaluation des capacités fonctionnelles et une évaluation en atelier professionnel. Suite aux divers examens et évaluations, le Dr V___________ a établi un rapport final en date du 20 avril 2011, duquel il résultait que les diagnostics étaient les suivants : un état dépressif de degré moyen en rémission partielle, une lombalgie chronique irradiant dans le membre inférieur gauche, des troubles vésico-sphinctériens postopératoires (hyperréflexie détrusorienne et hypo-éjaculation) et une arthroplastie L4-L5, diagnostics ayant tous une répercussion sur la capacité de travail. Il a également retenu une discopathie dégénérative L5-S1, des « Cluster Headache » et un tabagisme.

D’un point de vue somatique, le Dr V___________ a déterminé que l’examen physique ostéo-articulaire et neurologique actuel ne montrait aucune anomalie objective nouvelle depuis la fixation de l’exigibilité par le SMR en 2007, hormis le trouble vésico-sphinctérien. Les discrètes nouvelles anomalies visibles sur les documents d’imagerie postérieurs à 2007 étaient l’accentuation de la discopathie dégénérative L5-S1 et la possible augmentation de l’hypotrophie de la musculature lombaire basse profonde. Ces anomalies n’étaient pas d’une importance telle qu’elles constituaient une aggravation significative de l’atteinte à la santé ou justifiaient la reconnaissance d’une incapacité de travail. Quant aux troubles sphinctériens, les urgences mictionnelles étaient manifestes et leur conséquences très gênantes pour l’assuré. Celui-ci devait dès lors exercer une activité professionnelle dans un lieu disposant de toilettes.

D’un point de vue psychique, le psychiatre ayant examiné l’assuré a expliqué que la thymie s’était progressivement détériorée depuis 2005, mais que la situation s’est effectivement aggravée dès 2008 et que le suivi psychiatrique a débuté en 2009. Grâce au soutien pharmacothérapeutique et psychothérapeutique, l’évolution était partiellement favorable. L’assuré présentait actuellement une thymie variable, une fluctuation de l’humeur, une tristesse, des idées négatives sur lui-même (inutilité), des difficultés de concentration, un ralentissement, des troubles du sommeil et une augmentation de l’appétit, éléments qui parlaient en faveur d’un épisode dépressif de degré moyen en rémission partielle.

Pour ce qui était des capacités fonctionnelles de l’assuré, il résultait du rapport que l’assuré sous-estimait quelque peu ses aptitudes liées au travail. De plus, la diminution de rendement constatée en ateliers professionnels pouvait s’expliquer tant par la co-morbidité psychique que par l’état douloureux, étant précisé que les performances réalisées durant les évaluations devaient être interprétées de façon critique, la volonté de donner le maximum ayant parfois été incertaine.

L’expert a conclu que l’atteinte à la santé psychique était le seul élément nouveau qui ait valeur d’aggravation depuis la fixation de l’exigibilité par le SMR en 2007. Les limitations fonctionnelles concernaient, sur le plan psychique, les troubles de l’humeur, un ralentissement et une difficulté de concentration, et sur le plan physique, les activités accroupies et à genoux, le maintien prolongé du tronc en porte-à-faux, les mouvements de flexion et de torsion répétés du tronc, une exposition du corps entier aux vibrations et au froid, la marche en terrain difficile à la montée ou à la descente, le port de charges de plus de 10 kilogrammes, le maintien de la position assise plus d’une heure, le maintien de la position debout statique plus de 15 minutes, le travail en hauteur sur une échelle, les activités éloignées des toilettes s’il n’avait pas la possibilité de se soulager loin du regard de tous. Eu égard à ces limitations fonctionnelles, la capacité de travail était de 25% dans l’activité précédente de spécialiste administratif, en revanche, dans une activité adaptée auxdites limitations fonctionnelles, la capacité de travail était de 50% du 1er juin 2008 au 31 janvier 2010, en raison de l’aggravation de l’atteinte à la santé en relation avec le trouble psychique, puis dès le 1er février 2010, la capacité de travail était à nouveau de 70% dans une activité adaptée, attendu qu’il n’y avait pas lieu d’additionner le taux d’incapacité lié à l’atteinte à la santé lombaire (30%) et celui en rapport avec l’atteinte à la santé psychique (30%). En outre, l’expert a retenu une diminution de rendement de 30% environ, en raison des troubles de l’humeur, du ralentissement, des difficultés de concentration et de la nécessité de se rendre régulièrement aux toilettes, de sorte que la présence sur la place de travail devait encore être ajustée en conséquence. En ce qui concernait les mesures de réentraînement physique et psychique, le Dr V___________ a estimé que bien que les évaluateurs des ateliers professionnels avaient indiqué que de telles mesures pourraient améliorer les conditions de maintien en emploi dans un poste adapté, elles n’auraient guère d’impact.

Dans un avis du 19 mai 2011, le Dr S___________, généraliste et médecin auprès du SMR, a conclu, au vu du rapport de la CRR, que la capacité de travail dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles était de 70% dès le mois de mai 2006, de 50% du 1er juin 2008 au 31 janvier 2010 et de 70% depuis lors.

Le 30 mai 2011, l’OAI a communiqué à l’assuré un projet de décision dont il ressortait qu’il se proposait de lui refuser toute prestation. En effet, conformément à l’expertise rhumato-psychiatrique, hormis une période d’incapacité de travail de 50% dans toutes les activités lucratives du 1er juin 2008 au 31 janvier 2010, la capacité de travail de l’assuré était de 70% dans toutes les activités lucratives dès le 1er février 2010, de sorte que la décision du 28 mai 2008 restait valable.

Par pli du 7 juillet 2011, l’assuré a contesté ce projet de décision, soutenant que son incapacité de travail était durablement de 100%, lui ouvrant le droit à une rente entière d’invalidité. Cette conclusion était conforme à l’avis de ses médecins traitants, à l’évaluation en atelier professionnel faite auprès de la CRR ainsi qu’aux stages professionnels effectués sur demande de l’OCE.

Par décision du 15 septembre 2011, l’OAI a confirmé son projet de décision du 30 mai 2011.

Par acte du 13 octobre 2011, l’assuré, représenté par un conseil, a interjeté recours contre cette décision, requérant préalablement, un délai pour compléter son recours, la mise en œuvre d’une expertise rhumato-psychiatrique et la comparution personnelle des parties et principalement, l’annulation de la décision et l’octroi d’une demi-rente d’invalidité du 1er juin 2008 au 31 janvier 2010 et d’une rente entière depuis lors, sous suite de dépens.

Dans une écriture complémentaire du 17 novembre 2011, l’assuré conclut préalablement, à la comparution personnelle des parties, à l’ouverture d’enquêtes, et singulièrement à la mise en œuvre d’une expertise et à l’audition de ses médecins traitants, et principalement, à l’annulation de la décision de l’OAI du 15 septembre 2011 et à l’octroi d’une rente entière d’invalidité dès le 1er février 2010, sous suite de dépens.

Il invoque que l’expertise de la CRR ne présente pas de valeur probante. En effet, l’expert psychiatre indique s’être notamment fondé sur le rapport préliminaire du Dr V___________ et sur « l’entretien de synthèse », alors même que le contenu de ce rapport et de cet entretien n’est pas connu. En outre, l’expert ne motive pas le fait que l’incapacité de travail ait diminué de 50% à 30% dès le mois de février 2010, ni d’ailleurs le fait que l’épisode de degré moyen soit en rémission partielle. Qui plus est, l’expert ne discute pas l’avis du psychiatre traitant, et notamment pas la divergence de diagnostic psychiatrique retenu. Le recourant ajoute que l’examen en atelier de réadaptation professionnelle des HUG confirme l’existence d’un état dépressif invalidant, de sorte qu’il y a lieu de mettre en œuvre une expertise psychiatrique. En ce qui concerne le volet somatique, il fait notamment valoir que l’expert ne se détermine pas sur la capacité de travail actuelle, ne discute pas les avis médicaux présents au dossier, ne compare pas les plaintes avec le résultat de l’examen et ne tient pas compte de l’évaluation en atelier professionnel, alors que celle-ci contient de nombreux éléments sur ses limitations fonctionnelles. Au vu de tous ces éléments, il se justifie de mettre en œuvre une expertise pluridisciplinaire, ou à tout le moins une expertise rhumato-psychiatrique. A titre subsidiaire, le recourant conteste le calcul du degré d’invalidité. En effet, attendu que l’atteinte psychique est nouvelle et entraine d’autres limitations fonctionnelles que l’atteinte somatique, son rendement réel a considérablement baissé par rapport à l’année 2007. Cela justifie, d’après le recourant, à titre subsidiaire, l’octroi d’une demi-rente d’invalidité et de mesures de réadaptation, étant rappelé qu’il est admis qu’il ne peut plus exercer sa profession initiale.

A l’appui de son écriture, le recourant produit :

- un certificat du 20 septembre 2011 du Dr P ___________, qui retient que les douleurs, consécutives à l’accident et à l’opération, sont invalidantes et déterminent son quotidien. Le recourant répond favorable au traitement, mais l’évolution est très lente, étant précisé que les réactions au traitement et l’évolution confirment l’origine dorsale de la douleur ;

- un rapport du 29 septembre 2011 de Monsieur C___________, ostéopathe, lequel atteste que lors des consultations, il a constaté une réelle raideur et un manque de mobilité en flexion inclinaison au niveau du bas du dos et du bassin, un épaississement flagrant des tissus conjonctifs lombaires suite à une réaction d’inflammation majeure postopératoire, une réaction neuro-musculaire compensatoire qui se termine au niveau de la tête avec une grosse réaction le soir et un véritable blocage en profondeur au niveau des charnières C7/D1, D12/L1 et L5-S1 ;

- un rapport du 17 octobre 2011 du Dr W___________, spécialiste FMH en rhumatologie, qui a reçu le recourant en date des 26 septembre et 3 octobre 2011, en raison de sa symptomatologie douloureuse du rachis. Son examen clinique a essentiellement mis en évidence de très importantes tensions musculaires pouvant, par elles-mêmes, expliquer la symptomatologie rapportée à l’anamnèse, de sorte qu’il a proposé une prise en charge dans un schémas de physiothérapie de réadaptation. Il précise, sur un plan général, que la notion de la douleur ne correspond pas forcément à des modifications radiologiques. Il réserve son avis dans l’attente des résultats de la thérapie en cours.

- un rapport établi en date du 4 novembre 2011 par la Dresse Q ___________, duquel il résulte que l’état dépressif avait débuté peu après l’accident et ses opérations, mais qu’il n’en a parlé que bien plus tard à son médecin traitant qui lui a alors adressé le recourant en janvier 2009. Elle dit ne pas comprendre sur quelles bases l’expert de la CRR a retenu une diminution de la capacité de travail de 50% pour des raisons psychiques à partir de la date arbitraire de juin 2008, alors même que ses troubles justifient une incapacité de travail de 100%, et comment il a pu fixer au 30 janvier 2010 la date de l’amélioration de l’incapacité de travail à 30%. Le médecin a expliqué que depuis le mois de janvier 2011, l’antidépresseur que prenait le recourant avait permis une très légère amélioration de l’humeur, laquelle lui permet actuellement de travailler à 20%, voire à 30%.

Par réponse du 24 janvier 2012, l’OAI conclut au rejet du recours, retenant que le rapport d’expertise pluridisciplinaire du 20 avril 2011 présente pleine valeur probante, de sorte que l’instruction du dossier permet de statuer en pleine connaissance de cause sur l’état de santé et la capacité de travail du recourant. Des investigations complémentaires, telles qu’une expertise psychiatrique judiciaire, ne sont dès lors pas nécessaires.

A l’appui de sa réponse, l’OAI produit un avis médical établi en date du 15 janvier 2012 par un médecin du SMR (références __________). Celui-ci a rappelé que le SMR s’était fondé en 2007, pour déterminer la capacité de travail, sur les rapports du Dr L___________ ainsi que sur ceux des médecins du recourant, et en particulier, sur les conclusions du Dr M ___________. Pour le surplus, il interprète le contenu du rapport d’expertise de la CRR et estime que les rapports produits par le recourant n’apportent pas d’éléments pertinents dont il y aurait lieu de tenir compte.

Par acte du 24 février 2012, le recourant sollicite que le nom du médecin du SMR ayant établi l’avis du 15 janvier 2012 lui soit communiqué. En outre, il soutient qu’il résulte du rapport du Dr L___________ que sa capacité de travail était très diminuée voire nulle et que le Dr O ___________ avait à l’époque mal interprété son rapport. De plus, il se demande si le rapport du Dr L___________ a été pris en considération en totalité par les experts de la CRR. Pour le surplus, il maintient ses arguments précédemment développés et en particulier le fait que l’expertise de la CRR ne présente pas de valeur probante. Il persiste dès lors à requérir une expertise psychiatrique et rhumatologique.

Par pli du 13 mars 2012, l’OAI a précisé que les initiales ___________ étaient celles du Dr A___________, spécialiste FMH en médecine interne.

Sur ce, la Cour a informé les parties de sa décision d'ordonner une expertise et les parties ont indiqué, le 10 mai 2012 n'avoir ni cause de récusation, ni questions complémentaires à suggérer.

EN DROIT

Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ; RS E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA; RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI; RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

La LPGA est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine des assurances sociales. Sur le plan matériel, le point de savoir quel droit s’applique doit être tranché à la lumière du principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 130 V 229 consid. 1.1 et les références). Les règles de procédure s’appliquent quant à elles sans réserve dès le jour de son entrée en vigueur (ATF 117 V 71 consid. 6b).

En l'espèce, la décision litigieuse du 15 septembre 2011, est postérieure à l'entrée en vigueur de la LPGA ainsi qu’à l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2004, des modifications de la LAI du 21 mars 2003 (4ème révision) et, le 1er janvier 2008, des modifications de la LAI du 6 octobre 2006 (5ème révision). Par conséquent, du point de vue matériel, le droit éventuel à des prestations d'invalidité doit être examiné au regard des nouvelles normes de la LPGA et des modifications de la LAI consécutives aux 4ème et 5ème révisions de cette loi, dans la mesure de leur pertinence (ATF 130 V 445 et les références; voir également ATF 130 V 329).

Le recours, interjeté dans les formes et délai prescrits par la loi, est recevable (art. 56 à 61 LPGA).

La question litigieuse porte sur le droit du recourant à une rente d’invalidité, et singulièrement sur l’aggravation de son état de santé depuis la décision de l’OAI du 28 mai 2008, sur sa capacité de travail et son degré d’invalidité.

a) D’après l’art. 17 al. 1er LPGA, si le taux d’invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée. Il convient ici de relever que l’entrée en vigueur de l’art. 17 LPGA, le 1er janvier 2003, n’a pas apporté de modification aux principes jurisprudentiels développés sous le régime de l’ancien art. 41 LAI, de sorte que ceux-ci demeurent applicables par analogie (ATF 130 V 343 consid. 3.5).

Tout changement important des circonstances propre à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l’art. 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l’état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 130 V 343 consid. 3.5). Il n'y a pas matière à révision lorsque les circonstances sont demeurées inchangées et que le motif de la suppression ou de la diminution de la rente réside uniquement dans une nouvelle appréciation du cas (ATF 112 V 371 consid. 2b et 387 consid. 1b). Un motif de révision au sens de l'art. 17 LPGA doit clairement ressortir du dossier (ATFA non publié I 559/02 du 31 janvier 2003 consid. 3.2 et les arrêts cités). La réglementation sur la révision ne saurait en effet constituer un fondement juridique à un réexamen sans condition du droit à la rente (ATFA non publié I 406/05 du 13 juillet 2006 consid. 4.1). Un changement de jurisprudence n'est pas un motif de révision (ATF 129 V 200 consid. 1.2).

Le point de savoir si un changement notable des circonstances s’est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu’ils se présentaient au moment de la dernière révision de la rente entrée en force et les circonstances qui régnaient à l’époque de la décision litigieuse. C’est en effet la dernière décision qui repose sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit qui constitue le point de départ temporel pour l’examen d’une modification du degré d’invalidité lors d’une nouvelle révision de la rente (ATF 133 V 108 consid. 5.4, ATF 130 V 343 consid. 3.5.2).

b) Lorsque l'administration entre en matière sur la nouvelle demande, elle doit examiner l'affaire au fond et vérifier que la modification de l'invalidité ou de l'impotence rendue plausible par l'assuré est réellement intervenue; elle doit donc procéder de la même manière qu'en cas de révision au sens de l'art. 17 LPGA, c'est-à-dire en comparant les faits tels qu'ils se présentaient au moment de la décision initiale de rente et les circonstances régnant à l'époque de la décision litigieuse (ATF 130 V 351 consid. 3.5.2 ; 125 V 369 consid. 2 et la référence; 112 V 372 consid. 2b et 390 consid. 1b) afin d'établir si un changement est intervenu.

Si l'administration arrive à la conclusion que l'invalidité ou l'impotence ne s'est pas modifiée depuis sa précédente décision, entrée en force, elle rejette la demande. Dans le cas contraire, elle doit encore examiner si la modification constatée suffit à fonder une invalidité ou une impotence donnant droit à prestations, et statuer en conséquence. En cas de recours, le même devoir de contrôle quant au fond incombe au juge (ATF 117 V 198 consid. 3a, 109 V 114 consid. 2a et b).

a) Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 102 V 165; ATFA non publié I 786/04 du 19 janvier 2006, consid. 3.1).

b) En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (ATFA non publié I 654/00 du 9 avril 2001, consid. 1).

Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. A cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux. Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

S’agissant de la valeur probante des rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l’expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l’unit à ce dernier. Ainsi, la jurisprudence accorde plus de poids aux constatations faites par un spécialiste qu’à l’appréciation de l’incapacité de travail par le médecin de famille (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc et les références ; RJJ 1995, p. 44 ; RCC 1988 p. 504 consid. 2).

Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3, ATF 126 V 353 consid. 5b, ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

a) La décision de refus de prestations du 15 septembre 2011 est fondée sur l’expertise de la CRR du 20 avril 2011. Il en résulte les diagnostics suivants : un état dépressif de degré moyen en rémission partielle, une lombalgie chronique irradiant dans le membre inférieur gauche, des troubles vésico-sphinctériens postopératoires (hyperréflexie détrusorienne et hypo-éjaculation) et une arthroplastie L4-L5, diagnostics ayant tous une répercussion sur la capacité de travail. Il a également été retenu une discopathie dégénérative L5-S1, des « Cluster Headache » et un tabagisme.

Ce rapport a été établi suite à des examens rhumatologique, psychiatrique et neurologique, une évaluation des capacités fonctionnelles, une évaluation en atelier professionnel ainsi que sur la base d’une anamnèse médicale, socioprofessionnelle et familiale, sur le dossier médical et radiologique du recourant et sur ses plaintes. Certes les diagnostics ont été posés et les raisons pour lesquelles les différentes limitations fonctionnelles ont été retenues sont compréhensibles, toutefois, le rapport demeure peu motivé et imprécis. En effet, en ce qui concerne le volet psychiatrique, outre le fait que l’appréciation des constatations est quasi-inexistante, l’expert psychiatre relève que l’évolution depuis 2009 a été partiellement favorable et en déduit que l’épisode dépressif de degré moyen était en rémission partielle. Une telle déduction n’est toutefois pas convaincante, l’expert devant bien plutôt expliquer quels sont les éléments objectifs lui permettant de retenir une telle rémission. Il sera précisé à cet égard qu’à aucun moment, le psychiatre traitant du recourant n’a constaté la rémission de l’état dépressif moyen. D’un point de vue rhumatologique, la discussion est également pauvre, les motifs permettant de retenir une incapacité de travail de 30% dans une activité adaptée n’étant notamment pas explicités. En outre, il existe une contradiction dans le fait que l’expert rhumatologue retient tout d’abord que les troubles vésico-sphinctériens sont effectivement nouveaux depuis la fixation de l’exigibilité par le SMR en 2007, mais conclut finalement que seule l’atteinte à la santé psychique est nouvelle depuis 2007. Par ailleurs, comme le soutient à juste titre le recourant, tant l’expert psychiatre que l’expert rhumatologue ont retenu une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée dès le mois de juin 2008, puis une amélioration de l’état de santé dès le 1er février 2010, sans aucune motivation. Les explications que le médecin du SMR tente de trouver, dans son rapport du 15 janvier 2012, ne font que confirmer que les experts n’en ont pas donné. On peut également se poser la question, comme le recourant, de savoir à quel rapport préliminaire et entretien de synthèse l’expert psychiatre fait référence. Si on peut imaginer que le rapport préliminaire a été établi par le Dr V___________, suite à l’examen du 21 février 2011, ce médecin ne fait pas référence, dans son rapport final du 20 avril 2011, à l’entretien de synthèse. Enfin, au vu des constatations qui précèdent, on peut également regretter que les médecins de la CRR n’aient pas contacté les médecins ayant suivi le recourant avant de rendre leur rapport, ce qui aurait peut-être permis d’apporter un éclairage concernant notamment le moment de l’aggravation et/ou de l’amélioration de l’état de santé du recourant.

Eu égard à ces éléments, on peut valablement douter de la valeur probante du rapport d’expertise de la CRR, de sorte qu’on ne peut pas déterminer, en l’état, l’aggravation de l’état de santé du recourant depuis le 28 mai 2008, en se fondant sur ce rapport.

b) Pour le surplus, les divers rapports des médecins du recourant ne sont pas suffisamment motivés pour permettre à la Cour de céans de statuer définitivement sur son état de santé somatique et psychique et sur son incidence sur sa capacité de travail depuis le mois de mai 2008.

Partant, dans la mesure où la cause n’est pas en l’état d’être jugée, la Cour de céans estime qu’il y a lieu de mettre en œuvre une expertise rhumato-psychiatrique, étant précisé que selon la jurisprudence qui prévalait jusqu'à récemment, le juge cantonal qui estimait que les faits n'étaient pas suffisamment élucidés avait en principe le choix entre deux solutions: soit renvoyer la cause à l'administration pour complément d'instruction, soit procéder lui-même à une telle instruction complémentaire (ATF U 58/01 du 21 novembre 2001, consid. 5a). Dans un récent arrêt de principe, le Tribunal fédéral a cependant modifié sa jurisprudence en ce sens que les instances cantonales de recours sont en principe tenues de diligenter une expertise judiciaire si les expertises médicales ordonnées par l'OAI ne se révèlent pas probantes (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3).

c) Ainsi, le soin de procéder à une expertise rhumatologique et psychiatrique est confié aux Drs LA___________, spécialiste en rhumatologie et LB___________ spécialiste FMH en psychiatrie, lesquels devront prendre tous les renseignements nécessaires auprès des médecins ayant examiné recourant par le passé et effectuer tout examen utile à l’appréciation de son état de santé.

Eu égard notamment aux troubles urologiques et neurologiques du recourant, il sera précisé, à l’attention des experts, qu’il est laissé à leur appréciation si un examen urologique ou neurologique doit être conduit durant l’expertise ou si un entretien téléphonique avec les médecins du recourant et/ ou la lecture de leurs rapports sont suffisants pour établir l’éventuelle incidence de ces troubles sur la capacité de travail.

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

statuant préparatoirement

Ordonne une expertise rhumato-psychiatrique, les experts ayant pour mission d’examiner et d’entendre l’assuré, après s’être entourés de tous les éléments utiles et après avoir pris connaissance du dossier de l’OAI, ainsi que du dossier de la présente procédure et pris tous les renseignements auprès des médecins ayant traité l’assuré.

Les invite à déterminer si un examen urologique ou neurologique doit être effectué et dans l'affirmative, à s'adjoindre le concours d'un spécialiste.

Charge les experts d’établir un rapport détaillé et de répondre aux questions suivantes :

Quelle est l’anamnèse détaillée du cas ?

Quelles sont les plaintes de l’assuré ?

Quelles sont vos constatations objectives ?

Quels diagnostics somatique(s) et psychiatrique(s) retenez-vous ? Depuis quand ?

En cas de troubles psychiatriques, quel est le degré de gravité de chacun de ceux-ci (faible, moyen, grave) ?

Quelle est l’évolution de l'état de santé de l'assuré, en particulier entre le mois de mai 2008 et le mois de septembre 2010 ? Y a-t-il eu une aggravation de mai 2008 à septembre 2010 ?

Quelles sont les conséquences de chaque diagnostic posé sur la capacité de travail de l’assuré, en pour-cent, dans sa profession habituelle de spécialiste administratif ?

Quelles sont les limitations fonctionnelles engendrées par les différents troubles constatés ?

Les réponses aux questions suivantes devront être données après un consilium entre les experts :

Quelle est votre position s'agissant des constatations et des conclusions des médecins de la CRR ?

Dans quelle mesure et à quel taux l’assuré peut-il exercer son activité habituelle ? Le taux a-t-il évolué ? Si oui, comment et quand ? Y a-t-il une diminution de rendement ? Si oui, de quelle ampleur ?

Dans quelle mesure une activité lucrative adaptée est-elle raisonnablement exigible de l’assuré et à quel taux ? Dans ce cas, dans quel domaine et depuis quelle date ? Quelle a été l’évolution de la capacité de travail ? Y a-t-il une diminution de rendement ? Si oui, de quelle ampleur ?

La capacité de travail peut-elle être améliorée par des mesures médicales ou par une adaptation du poste de travail ? Quelle en serait l’influence sur le taux de la capacité de travail ?

Des mesures de réadaptation sont-elles envisageables et utiles ? Avec quelles chances de succès selon vous ?

Quel est votre pronostic ?

Faire toute remarque ou suggestion utile.

Commet à ces fins les Drs LA___________ et LB___________;

Invite les experts à déposer à leur meilleure convenance un rapport en trois exemplaires à la Cour de céans ;

Réserve le fond.

 

La greffière

 

 

 

 

Irène PONCET

 

La présidente

 

 

 

 

Sabina MASCOTTO

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le