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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3599/2016

ATAS/605/2017 (3) du 30.06.2017 ( CHOMAG ) , ADMIS

*** ARRET DE PRINCIPE ***
Descripteurs : AC; PRESTATION D'ASSURANCE(AC); INCAPACITÉ DE TRAVAIL; PROVISOIRE ; CHANGEMENT DE DOMICILE; MESURE CANTONALE(AC); CAS DE RIGUEUR
Normes : LACI.28; LMC.9; LMC.13
Résumé : Une assurée qui perçoit des prestations de chômage dans le canton de Vaud, puis déménage dans le canton de Genève et subit ensuite une période d'incapacité de travail n'a pas droit aux prestations cantonales genevoises en cas de maladie prévues par l'art. 9 al. 1 LMC dès lors que la cause de son incapacité de travail a débuté avant son affiliation à l'assurance dans le canton de Genève (art. 13 LMC). En revanche, un cas de rigueur prévu par l'art. 13 al. 1 LMC peut être admis dès lors que la cause de l'incapacité de travail de l'assurée a débuté postérieurement à son inscription au chômage et à l'ouverture de son délai-cadre d'indemnisation, dans le canton de Vaud.
En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3599/2016 ATAS/605/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 30 juin 2017

 

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à CAROUGE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Samir DJAZIRI

 

 

recourante

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI, Service juridique, sis rue des Gares 16, GENÈVE

 

 

intimé

 


EN FAIT

1.        Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née le ______ 1972, domiciliée dans le canton de Vaud, s’est inscrite à l’office régional de placement du canton de Vaud le 29 septembre 2015 et un délai-cadre d’indemnisation a été ouvert en sa faveur du 1er octobre 2015 au 30 septembre 2017 ; elle a travaillé auparavant dans la restauration comme serveuse et cheffe de rang.

2.        Selon un procès-verbal d’entretien du 5 octobre 2015 du service de l’emploi du canton de Vaud (ci-après : service de l’emploi VD), l’assurée a déclaré qu’elle avait reçu son congé car son patron l’estimait inapte à assumer ses fonctions et qu’elle faisait des crises d’angoisse.

3.        Le 17 octobre 2015, le docteur B______, spécialiste FMH en médecine générale, a attesté qu’il suivait l’assurée depuis janvier 2015 pour des problèmes de santé. Il a attesté dans un certificat médical du 23 novembre 2015 d’une incapacité de travail totale de l’assurée du 23 au 30 novembre 2015.

4.        Aux termes d’un procès-verbal d’entretien du 18 décembre 2015 du service de l’emploi VD, l’assurée était en incapacité de travail du 23 au 30 novembre 2015 selon un certificat médical qu’elle remettait le jour-même et informait son conseiller qu’elle allait déménager dans le canton de Genève le 1er janvier 2016 ; la marche à suivre lui était expliquée et un document « annonce déménagement » remis.

5.        L’assurée s’est domiciliée dans le canton de Genève le 1er janvier 2016 et s’est annoncée à l’office régional du placement du canton de Genève (ci-après : ORP) le 5 janvier 2016.

6.        Selon un procès-verbal de l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE) du 14 janvier 2016, l’assurée disait souffrir de fibromyalgie et souhaitait se reconvertir professionnellement.

7.        Le 10 février 2016, le Dr B______ a attesté d’une incapacité de travail totale de l’assurée du 10 au 19 février 2016, prolongée le 19 février 2016 jusqu’au 29 février 2016, le 3 mars 2016 jusqu’au 14 mars 2016, le 14 mars 2016 jusqu’au 31 mars 2016 et le 4 avril 2016 jusqu’au 15 avril 2016.

8.        Le 21 avril 2016, à la demande de l’OCE, le docteur C______, spécialiste FMH en médecine générale, a indiqué que la pathologie occasionnant l’incapacité de travail dès le 10 février 2016 était en lien avec l’attestation du Dr B______ du 17 octobre 2015 mentionnant un suivi médical depuis janvier 2015.

9.        Une note du gestionnaire des prestations cantonales en cas d’incapacité passagère, totale ou partielle de travail (ci-après : PCM) du 18 mai 2016 fait état d’un téléphone avec le Dr C______, lequel lui avait indiqué que la problématique était connue de l’assurée avant le 29 septembre 2015.

10.    Par décision du 18 mai 2016, l’OCE a nié le droit de l’assurée à des PCM dès le 11 mars 2016, au motif que les causes de l’incapacité de travail étaient intervenues avant l’affiliation de cette dernière à l’assurance.

11.    Le 3 juin 2016, l’assurée a fait opposition à la décision précitée en invoquant le fait que depuis janvier 2015, elle avait été active à 100 % ou en recherche d’un emploi à 100 %.

12.    Le 30 mai 2016, le Dr B______ a attesté d’un suivi de l’assurée depuis octobre 2015 pour des problèmes de santé.

13.    Le 15 juillet 2016, le Dr B______ a attesté d’une incapacité totale de l’assurée jusqu’au 31 août 2016, prolongée le 1er septembre 2016 jusqu’au 30 septembre 2016 et le 17 octobre 2016 jusqu’au 16 octobre 2016.

14.    Par décision du 23 septembre 2016, l’OCE a rejeté l’opposition de l’assurée au motif que celle-ci ne contestait pas que les causes de son incapacité de travail ayant débuté le 10 février 2016 étaient en lien direct avec le suivi médical instauré depuis octobre 2015, de sorte que la survenance du risque était antérieure à l’affiliation cantonale.

15.    Le 17 octobre 2016, l’assurée s’est réinscrite à l’ORP en indiquant une capacité de travail complète.

16.    Le 24 octobre 2016, l’assurée, représentée par un avocat, a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice à l’encontre de la décision du 23 septembre 2016 de l’OCE en concluant à son annulation et à l’octroi de PCM depuis le 11 mars 2016, au motif que son incapacité de travail était intervenue alors qu’elle était indemnisée par une caisse de chômage.

17.    Le 15 novembre 2016, l’OCE a conclu au rejet du recours. L’assurée était suivie par le Dr B______ depuis janvier 2015 pour, selon le médecin-conseil de l’OCE, une pathologie identique à celle ayant occasionnée l’incapacité de travail dès le 10 février 2016.

18.    Le 16 décembre 2016, la recourante a répliqué en relevant que le Dr C______ ne l’avait pas rencontrée et que sa pathologie ayant entraîné une incapacité de travail en février 2016 n’était pas liée au suivi médical de janvier 2015, mais seulement à celui débutant en octobre 2015.

19.    Le 19 décembre 2016, la chambre de céans a entendu les parties en audience de comparution personnelle.

La recourante a déclaré :

« Je suis toujours au chômage et en capacité de travail depuis octobre 2016. J’étais employée à l’Auberge D______ et j’ai été licenciée pour fin septembre 2015. Le Dr B______ est mon médecin-traitant depuis longtemps. Je présente des douleurs à une jambe depuis 2012 et je suis régulièrement suivi par le Dr B______ pour cette problématique. Je suis également suivi par un rhumatologue, le Dr E______. Je n’ai jamais été en incapacité de travail pour cette affection, hormis un arrêt d’environ un mois prescrit par le Dr E______ à 50 % en 2012 ou 2013. En octobre 2015 j’ai été consulter le Dr B______ pour une toute autre problématique. Je ne souhaite pas en dire plus. Le Dr B______ m’a mise en arrêt de travail en novembre ou décembre 2015, je ne sais plus exactement. En février 2016, j’ai à nouveau été en arrêt de travail pour la même problématique que celle qui m’a amenée à consulter le Dr B______ en octobre 2015 ».

La représentante de l’intimé a déclaré :

« Nous admettons que l’incapacité de travail de 2016 est due à la problématique d’octobre 2015. J’indique qu’il n’y a pas d’accord prévu entre canton au sujet des prestations PCM dans les cas comme en l’espèce ou Mme A______ a d’abord été affiliée dans le canton de Vaud puis dès janvier 2016 dans le canton de Genève.

Je n’ai jamais entendu parler de cas similaire. Je vous confirme qu’aucun accord n’est prévu entre les cantons pour régler ce genre de cas.

Je conviens que l’instruction faite par le Dr C______ est lacunaire, cette manière de faire n’est pas admissible ».

La recourante a requis un délai pour se déterminer.

20.    Après avoir demandé plusieurs prolongations de délai, la recourante a observé le 10 avril 2017 que son incapacité de travail de février 2016 était liée au suivi médical du Dr B______ d’octobre 2015, lequel était postérieur au début du délai-cadre d’indemnisation. Selon l’intimé, elle n’avait pas droit aux PCM uniquement en raison de son déménagement dans le canton de Genève le 1er janvier 2016 ; sa situation devait en conséquence être traitée comme un cas de rigueur au sens de l’art. 13 LMC.

21.    Le 9 mai 2017, l’intimé a observé que ce n’était qu’à partir du 1er janvier 2016 que la recourante remplissait la condition du domicile dans le canton de Genève, imposée par l’art. 9 al. 1 LMC, que les causes de son incapacité de travail étaient en lien avec le suivi médical instauré depuis octobre 2015, soit antérieurement à l’affiliation à l’assurance cantonale, qu’elle n’avait donc pas droit aux prestations, qu’enfin un cas de rigueur ne pouvait être admis, qu’en effet ni le texte de la loi, ni son règlement d’application ne définissaient la notion de cas de rigueur, que l’analyse des travaux préparatoires de la LMC, ainsi que de l’exposé des motifs présenté par le Conseil d’État, ne fournissaient pas davantage de précisions sur cette question, qu’il apparaissait toutefois de façon manifeste que le législateur cantonal avait clairement voulu exclure de la prise en charge par le Service PCM tous les cas dans lesquels il pouvait être précisément déterminé que l’incapacité de travail était survenue à une date antérieure à l’affiliation à l’assurance cantonale, que le cas de rigueur ne pouvait donc comprendre que des situations où il n’était pas possible d’établir clairement la date du début de l’incapacité de travail ou celles pour lesquelles les avis médicaux divergeaient quant à sa survenance, et que tel n’était pas le cas en l’espèce.

22.    Le 15 mai 2017, la chambre de céans, faisant référence aux demandes de prolongation de délai des 31 janvier, 28 février, 17 et 31 mars 2017 de l’avocat de la recourante, a requis de celui-ci qu’il indique s’il avait reçu une réponse du Service de l’emploi du canton de Vaud concernant la possible indemnisation de l’assurée. L’avocat de la recourante n’a pas répondu.

23.    Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0) ainsi que des contestations prévues à l’art. 49 al. 3 de la loi en matière de chômage du 11 novembre 1983 (LMC – RS J 2 20), en matière de prestations complémentaires cantonales.

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        La LMC ne contenant aucune norme de renvoi, la LPGA n’est pas applicable s’agissant des prestations complémentaires cantonales (cf. art. 1er et 2 LPGA).

3.        Interjeté dans les délai et forme prescrits par la loi, le recours est recevable
(art. 49 al. 3 LMC et art. 89Ass de la loi de procédure administrative du
12 septembre 1985, LPA – E 5 10).

4.        Le litige porte sur le droit de la recourante au versement de PCM depuis le 11 mars 2016 et plus particulièrement sur la question de savoir si elle peut bénéficier de la clause de rigueur de l’art. 13 LMC.

5.        Au niveau fédéral, le droit à l'indemnité de chômage en cas d'incapacité de travail passagère est réglé à l'art. 28 LACI (ATF 126 V 127 consid. 3b). A teneur de l’alinéa 1er de cette disposition, les assurés qui, passagèrement, ne sont aptes ni à travailler, ni à être placés ou ne le sont que partiellement en raison d’une maladie (art. 3 LPGA), d’un accident (art. 4 LPGA) ou d’une grossesse et qui, de ce fait, ne peuvent satisfaire aux prescriptions de contrôle, ont droit à la pleine indemnité journalière fédérale s’ils remplissent les autres conditions dont dépend le droit à l’indemnité. Leur droit persiste au plus jusqu’au 30ème jour suivant le début de l’incapacité totale ou partielle de travail et se limite à 44 indemnités journalières durant le délai-cadre. L'art. 21 LACI prévoit que cinq indemnités journalières sont payées par semaine.

6.        S’ils ne sont pas assurés à titre individuel auprès d’une assurance perte de gain privée, les chômeurs ayant épuisé leurs droits selon l’art. 28 LACI peuvent se retrouver privés d’une compensation de leur perte de gain. C’est pourquoi, certains cantons ont institué une assurance sociale perte de gain en faveur des chômeurs, appelée à compléter les prestations servies par l’assurance-chômage (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n° 27 et 28 ad Art. 28, p. 287). Tel est notamment le cas des cantons de Genève et de Vaud.

7.        Dans le canton de Genève, l’art. 8 LMC prescrit que peuvent bénéficier des prestations cantonales en cas d’incapacité passagère de travail, totale ou partielle, les chômeurs qui ont épuisé leur droit aux indemnités journalières fédérales pour maladie ou accident, conformément à l’art. 28 LACI.

Selon l’art. 9 al. 1 et 4 LMC, sont assurés à titre obligatoire contre le risque de perte de gain en cas de maladie ou d'accident, les chômeurs qui sont indemnisés par une caisse de chômage en vertu de la loi fédérale et qui sont domiciliés dans le canton de Genève (al.1). Le chômeur est assuré pour toute la durée du délai-cadre d'indemnisation fédérale, sous réserve de sa sortie du régime d'assurance-chômage (al. 4).

Selon l’art. 10 al. 1 LMC, la cotisation à l'assurance perte de gain est prélevée par les caisses de chômage, par le biais d'une déduction sur le montant des indemnités de chômage, dès le 1er jour donnant droit à celles-ci.

Les prestations pour cause d’incapacité passagère de travail, totale ou partielle, ne peuvent être versées que si elles correspondent à une inaptitude au placement au sens de l’art. 28 LACI (art. 12 al. 1 LMC). Les prestations sont servies au bénéficiaire dès la fin du droit aux indemnités au sens de l’art. 28 LACI jusqu’à concurrence de 270 indemnités journalières cumulées dans le délai-cadre d’indemnisation fédéral (art. 15 al. 1 LMC). Elles ne peuvent en outre dépasser le nombre des indemnités de chômage auquel le bénéficiaire peut prétendre en vertu de l’art. 27 LACI (art. 15 al. 2 LMC). Un délai d'attente de cinq jours ouvrables est applicable lors de chaque demande de prestations.

Il s'agit de prestations cantonales complémentaires à celles prévues par l'assurance-chômage fédérale (voir art. 1 let. d LMC) qui relèvent du droit cantonal autonome et non pas du droit fédéral ou du droit cantonal d'exécution du droit fédéral (arrêt 8C_864/2012 du 26 février 2013 consid. 3).

Le versement de prestations est exclu dans le cas où il peut être déterminé par l’autorité compétente que les causes de l’incapacité de travail sont intervenues avant l’affiliation à l’assurance, pour autant qu’elles aient été connues de l’assuré. Les cas de rigueur demeurent réservés (art. 13 LMC).

Jusqu’au 31 janvier 2002, l’art. 13 LMC prévoyait que les affections chroniques et récidivantes d’origine psycho-névrotique ou dépressivo-anxieuse, dûment constatées par le médecin-conseil de l’autorité compétente, entraînaient un refus du droit aux prestations. La raison d'être de cette disposition était qu’il n’appartenait pas à l’assurance-chômage de prendre en charge des affections à caractère chronique, dont l’origine était antérieure à la période de chômage (Commentaires : article par article - annexe au projet de loi en matière de chômage, Mémorial du Grand Conseil, 1983/III p. 3545). En d’autres termes, l’assurance-chômage n’avait pas à prendre en charge les conséquences pécuniaires d’une maladie chronique, préexistant à l’inscription au chômage, devenue incapacitante seulement après l’affiliation.

Lors de l’adoption de la teneur actuelle de l’art. 13 LMC en 2002, le législateur a précisé, d’une part, que le nouvel art. 13 ne devait pas être compris comme une modification de la disposition en vigueur jusqu’au 31 janvier 2002 et, d’autre part, que les autres assurances n’acceptaient pas les personnes déjà malades et que les PCM couvraient les affections passagères et non durables (p. 12 du rapport de la Commission de l’économie chargée d’étudier le projet de loi du Conseil d’Etat modifiant la loi en matière de chômage (J 2 20), Mémorial du Grand Conseil 2001-2002 IV, Annexes p. 718 ss ; cité ci-après : rapport de la Commission de l’économie).

L’art. 14A LMC prescrit que l’assuré doit apporter la preuve de son incapacité de travail en produisant, chaque mois, un certificat médical original à l’autorité compétente au plus tard le 5 du mois suivant ou le premier jour ouvrable qui suit cette date (al. 3). Il est également tenu d’autoriser dans des cas particuliers toutes les personnes ou institutions, notamment les employeurs, les médecins, les assurances et organes officiels, à fournir des renseignements, pour autant que ceux-ci soient nécessaires pour établir le droit aux prestations. Les renseignements de nature médicale ne peuvent être transmis qu’aux médecins conseil (al. 2). Par ailleurs, selon l’art. 16 du règlement d'exécution de la loi en matière de chômage du 23 janvier 2008 (RMC - J 2 20.01), l’autorité compétente peut ordonner un examen médical du requérant par un médecin-conseil. Dans la règle, un examen est ordonné après trois mois de versement de prestations cantonales (art. 16 al. 1 RMC). En cas de divergence entre les médecins traitants et le médecin-conseil de l'office, l'avis de ce dernier prévaut (al. 4).

Lors de l'adoption de l'art. 13 LMC, le législateur n'a pas précisé les cas de rigueur (p. 12 du rapport de la Commission de l'économie, chargé d’étudier le projet de loi du Conseil d’Etat modifiant la loi en matière de chômage). Comme la chambre de céans l’a relevé dans un ATAS/1142/2014 du 5 novembre 2014, selon les travaux préparatoires et le texte même de la loi, le législateur voulait instaurer une véritable assurance de perte de gain obligatoire et non pas donner automatiquement à la personne au chômage un droit aux prestations en cas d'incapacité de travail. Ainsi, les chômeurs sont tenus de financer cette assurance par une cotisation, laquelle est déduite des indemnités de chômage dès le premier jour d'indemnisation (art. 10 LMC). Or, en assurance privée, un contrat d'assurance est nul si le risque assuré est déjà survenu avant la conclusion du contrat (art. 9 de la loi fédérale sur le contrat d'assurance du 2 avril 1908 - loi sur le contrat d’assurance, LCA ; RS 221.229.1). Il en va de même pour l'assurance-accidents obligatoire réglée par la loi fédérale sur l'assurance-accidents du 20 mars 1981 (LAA ; RS 832.20), dans le cadre de laquelle seuls les accidents survenus pendant la durée du contrat sont couverts. La LMC ayant instauré une assurance perte de gain et non pas un droit légal aux prestations, cela explique qu'elle peut uniquement s'appliquer aux cas survenus pendant la durée de l'assurance.

Selon la pratique de l'OCE, confirmée par la chambre de céans, les cas de rigueur sont reconnus aux femmes enceintes ou aux assurés se trouvant dans des situations très exceptionnelles, par exemple lorsqu'un assuré n'avait pas conscience de son incapacité de travail antérieure. Un cas de rigueur ne peut en particulier être admis pour tenir compte des difficultés financières d'un assuré en incapacité de travail (ATAS/1142/2014 du 5 novembre 2014 et ATAS/902/2014 du 19 août 2014). En effet, dans le cas contraire, un cas de rigueur devrait être admis presque systématiquement (ATAS/1142/2014 du 5 novembre 2014).

8.        Dans le canton de Vaud, la loi sur l’emploi du 5 juillet 2005 (LEmp – 822.11) a institué une assurance perte de gain maladie pour les bénéficiaires d’indemnités de chômage.

Selon l’art. 19a LEmp, l'assurance perte de gain maladie pour les bénéficiaires d’indemnités de chômage (ci-après : APGM) a pour but le versement de prestations complémentaires aux chômeurs en incapacité provisoire de travail, totale ou partielle, pour des raisons de maladie ou de grossesse, et qui ont épuisé leur droit aux indemnités de chômage, conformément à l'art. 28 LACI.

Le Service est l'autorité compétente pour gérer et octroyer les prestations prévues par cette assurance (art. 19b LEmp). Sont obligatoirement assurés les chômeurs qui répondent aux conditions de l'art. 8 LACI et qui sont indemnisés par une caisse de chômage active dans le canton (art. 19c al. 1 LEmp). L’APGM produit ses effets dès le jour où débute le délai-cadre d'indemnisation de l’assuré. L’APGM cesse de produire ses effets : a. au terme du délai-cadre d’indemnisation de l’assuré ; b. lorsque l’assuré sort du régime de l’assurance-chômage avant le terme de son délai-cadre d’indemnisation. Un épuisement du droit à des indemnités de chômage est assimilé à une telle sortie ; c. lorsque l’assuré a épuisé son droit aux prestations de l’APGM (art. 19d LEmp).

Peut demander les prestations de l’APGM l’assuré qui, cumulativement : a. se trouve en incapacité provisoire de travail, totale ou partielle, au sens de l'art. 28 LACI ; b. a satisfait aux obligations de contrôle prévues par la LACI pendant un mois au moins, avant de solliciter les prestations de l’APGM ; c. séjourne dans son lieu de domicile. Le Conseil d'Etat peut prévoir des exceptions à cette exigence, lorsque la situation particulière de l’assuré le justifie (art. 19e al. 1 LEmp).

Selon l’art. 10e du règlement d’application de la LEmp du 7 décembre 2015 (RLEmp) qui traite des exceptions au séjour dans le lieu de domicile, les assurés qui séjournent, sur prescription médicale, dans un établissement hospitalier ou de cure, situé hors de leur lieu de domicile, peuvent prétendre aux prestations de l'APGM.

9.        a. Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ;
ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

b. Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 122 II 464 consid. 4a, ATF 122 III 219 consid. 3c). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 - Cst; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b ; ATF 122 V 157 consid. 1d).

10.    En l’espèce, la recourante a requis l’octroi de prestations complémentaires cantonales depuis le 11 mars 2016.

Les parties admettent que l’incapacité de travail de la recourante survenue depuis le 10 février 2016 est en lien avec le suivi médical du Dr B______ débuté en octobre 2015 et l’incapacité de travail de la recourante du 23 au 30 novembre 2015 attestée par ce médecin, mais non pas avec le suivi du Dr B______ et la problématique médicale survenue antérieurement, soit en janvier 2015. Les causes de l’incapacité de travail débutant le 10 février 2016 sont ainsi postérieures à l’inscription au chômage de la recourante dans le canton de Vaud et à l’ouverture de son délai cadre d’indemnisation le 1er octobre 2015.

Cependant, en application de l’art. 9 al. 1 LMC, la recourante a été affiliée à l’assurance perte de gain en cas de maladie ou d’accident au 1er janvier 2016, soit au jour de son transfert de domicile du canton de Vaud dans le canton de Genève. La cause de son incapacité de travail débutée le 10 février 2016, étant antérieure à son affiliation, soit présente depuis octobre 2015, l’art. 13 LMC exclut toute indemnisation en sa faveur.

11.    Reste à déterminer si la recourante peut se prévaloir d’un cas de rigueur au sens de l’art. 13 al. 1 in fine LMC.

La recourante s’est inscrite au chômage dans le canton de Vaud le 29 septembre 2015 et un délai-cadre d’indemnisation a été ouvert en sa faveur dès le 1er octobre 2015 ; dès son inscription, la recourante a été assurée en perte de gain maladie selon l’art. 19c al. 1 LEmp. En transférant son domicile dans le canton de Genève, la recourante a perdu son droit aux prestations de l’APGM (art. 19e al. 1 let. c LEmp), étant relevé que l’exception à l’obligation de domicile ne lui est pas applicable (art. 10e RLEmp). L’incapacité de travail du 10 février au 15 avril 2016 et du 1er août au 16 octobre 2016, bien que survenue après l’inscription au chômage et l’ouverture du délai cadre d’indemnisation de la recourante n’est ainsi couverte ni par l’APGM, dès lors que la recourante n’est plus domiciliée dans le canton de Vaud depuis le 1er janvier 2016, ni par les PCM, dès lors que, comme exposé ci-avant, la cause de l’incapacité de travail a débuté antérieurement à l’affiliation à l’assurance genevoise. C’est ainsi uniquement en raison du changement de domicile le 1er janvier 2016 de la recourante que celle-ci n’a droit ni aux prestations de l’APGM vaudoise, ni à celles des PCM genevoises.

Cette situation très particulière justifie qu’un cas de rigueur soit admis, dès lors que les causes de l’incapacité de travail survenue à partir du 10 février 2016 ont débuté en octobre 2015, soit postérieurement à l’inscription au chômage de la recourante et à l’ouverture de son délai-cadre d’indemnisation.

La recourante a ainsi droit aux prestations PCM en application de la clause de rigueur.

12.    Au vu de ce qui précède, le recours sera admis, la décision litigieuse annulée et la cause sera renvoyée à l’OCE afin qu’il examine si toutes les autres conditions du droit aux PCM sont remplies et, cas échéant, alloue à la recourante des PCM depuis le 11 mars 2016.

13.    Vu l’issue du recours une indemnité de CHF 1'000.- sera allouée à la recourante, à charge de l’intimé.

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant
conformément à l'art. 133 al. 2 LOJ

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision de l’intimé du 23 septembre 2016.

4.        Renvoie la cause à l’intimé, dans le sens des considérants.

5.        Alloue une indemnité de CHF 1'000.- à la recourante, à charge de l’intimé.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Julia BARRY

 

La présidente

 

 

 

 

Doris GALEAZZI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le