Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3171/2019

ATAS/602/2022 du 30.06.2022 ( AI ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3171/2019 ATAS/602/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 30 juin 2022

5ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Eric MAUGUÉ

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A.       a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née en 1970, divorcée, mère de trois enfants nés en 1999, 2003 et 2006, travaillait en qualité de comptable à plein temps. Le 29 octobre 2003, elle a été victime d’un accident non professionnel à Rheinfelden/AG. Alors qu’elle était au volant, sa voiture a dérapé à la sortie d’un virage, quitté la route et effectué un tonneau avant de revenir, sens dessus dessous, sur la chaussée et de s’y immobiliser. Les suites de cet accident ont été prises en charge par la SUVA, assureur-accidents de l’employeur.

b. Dans un rapport du 14 décembre 2003, le docteur B______, spécialiste FMH en médecine interne et rhumatologie, a indiqué que la mobilité de la colonne cervicale et thoracique était douloureuse et presque nulle dans tous les sens. S’y ajoutaient d’importantes douleurs à la pression (surtout des parties molles) dans la nuque et la ceinture scapulaire des deux côtés. Les constatations neurologiques ne révélaient rien de particulier, y compris pour les nerfs cervicaux. Aussi, ce médecin a posé le diagnostic de syndrome cervico-thoracique tendomyotique consécutif à un traumatisme cranio-cérébral. La thérapie consistait dans le port d’une minerve, la prise de médicaments et des séances de physiothérapie. L’incapacité de travail était totale depuis le 29 octobre 2003, pour une durée indéterminée.

c. Le 26 janvier 2004, le docteur C______, médecin d’arrondissement de la SUVA/Bâle, a indiqué que l’accident du 29 octobre 2003 avait entrainé un traumatisme cranio-cervical, ainsi qu’une contusion de la colonne lombaire et thoracique. S’en était suivi un traitement conservateur (physio-thérapeutique et antalgique) qui n’avait pas permis à l’assurée de recouvrer sa capacité de travail qui était nulle depuis le jour de l’accident. Dans l’appréciation du cas, le Dr C______ a indiqué qu’au vu du processus de guérison et de l’examen qu’il avait pratiqué le 26 janvier 2004, une tentative de reprise d’un travail de bureau lui paraissait exigible à 50 % dès le 19 février 2004, tout en précisant que si celle-ci se révélait infructueuse, une admission de l’assurée dans une clinique de réhabilitation serait inéluctable.

d. Le 28 janvier 2004, l’employeur a résilié le contrat de travail de l’assurée pour le 31 mars 2004.

e. Le 16 février 2004, une tentative de reprise de l’activité professionnelle à 50 % s’est soldée par un échec en raison de fortes douleurs apparues à cette occasion.

f. Le 9 juillet 2004, les médecins de la clinique de réhabilitation de Rheinfelden ont indiqué que l’assurée avait séjourné dans leur établissement du 4 mai au 1er juin 2004. Elle présentait, outre des symptômes douloureux, une mobilité restreinte de la colonne cervicale dans toutes les amplitudes, des troubles de la concentration et des symptômes secondaires (sudation, nausées, résistance très limitée). Au terme du séjour de l’assurée, les mesures thérapeutiques qui lui avaient été proposées n’avaient permis d’atténuer ses douleurs que dans une mesure limitée. Sa résistance n’avait que peu progressé. Dans l’optique d’un retour à la vie professionnelle, une psychothérapie ambulatoire était vivement recommandée. En l’état, sa capacité de travail demeurait nulle.

g. Dans un rapport du 15 mars 2005, le docteur D______, spécialiste FMH en neurologie, a mentionné que le dossier ne permettait pas de retenir une lésion cérébrale traumatique (également appelée commotion cérébrale) même légère, un tel diagnostic supposant, selon les classifications internationales, une perte de connaissance de courte durée (moins de 15 minutes) ou à tout le moins des altérations qualitatives ou quantitatives de la conscience, ainsi qu’un trou de mémoire (amnésie rétro- ou antérograde et brève perte de connaissance) de moins de 24 heures. Ces critères n’étaient pas réalisés dans le cas d’espèce et les examens neurologiques étaient sans particularité. Selon le Dr D______, les constatations neuropsychologiques faites par les médecins de la clinique de réhabilitation de Rheinfelden s’expliquaient plutôt par la symptomatologie douloureuse, ainsi que les troubles de l’adaptation, réaction mixte, anxieuse et dépressive (CIM-10 : F43.22) qui avaient été diagnostiqués dans cet établissement.

h. Par décision du 31 mars 2005, confirmée sur opposition le 10 novembre 2006, la SUVA/Bâle a fait savoir à l’assurée qu’au vu de l’appréciation du 15 mars 2005 du Dr D______, l’accident du 29 octobre 2003 avait cessé de déployer ses effets. En effet, les plaintes actuelles étaient dépourvues de substrat organique au regard de cet événement et s’expliquaient pour des motifs psychiques dont l’assurance-accidents n’avait pas à répondre, compte tenu de la gravité tout au plus moyenne de l’accident. Conséquemment, la SUVA a mis un terme à ses prestations, avec effet au 17 avril 2005.

i. Le 5 août 2004, l’assurée a déposé une demande de prestations d’assurance-invalidité auprès de l’office AI du canton de Bâle-Campagne, indiquant qu’elle souffrait de maux de tête depuis l’accident du 29 octobre 2003.

j. Par arrêt du 8 août 2007, le Tribunal cantonal de Bâle-Campagne, statuant sur le recours interjeté par l’assurée contre la décision sur opposition du 10 novembre 2006, a annulé cette dernière et condamné la SUVA à poursuivre le versement de ses prestations au-delà du 17 avril 2005.

k. Par arrêt 8C_803/2007 du 3 septembre 2008, le Tribunal fédéral a admis le recours interjeté par la SUVA contre l’arrêt du 8 août 2007 du Tribunal cantonal de Bâle- Campagne, faute de lien de causalité adéquat entre les plaintes subsistant après le 17 avril 2005 et l’accident du 29 octobre 2003.

l. Les 27 et 29 avril 2009, l’assurée s’est soumise à une expertise pluridisciplinaire
à la demande de l’office AI du canton de Bâle-Campagne. Dans leur rapport
du 15 mai 2009, les docteurs E______, spécialiste en médecine interne, F______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie et G______, spécialiste FMH en neurologie, travaillant au sein d’un centre d’expertises médicales (Ärztliches Begutachtungsinstitut GmbH – ABI, sis à Bâle) ont retracé l’anamnèse de l’assurée, recueilli ses plaintes et posé les diagnostics suivants au terme de leurs examens : en dehors de quelques affections sans effet sur la capacité de travail (phobies isolées [F40.2], troubles de l’adaptation, réaction dépressive légère en cas de conflits familiaux [F43.20], abus d’antalgiques [F19.1], exagération des plaintes et autolimitation), il n’y avait pas de diagnostic psychiatrique incapacitant. Sur le plan de la médecine interne générale, la maladie cœliaque [K90.0] et la rhinite allergique [J30.4] n’étaient pas incapacitantes non plus. D’un de vue neurologique, l’entorse du rachis cervical [S13.4], la contusion de la colonne thoracique et lombaire [S23.3, S33.5] et les céphalées post-traumatiques [G44.4] avaient une répercussion sur la capacité de travail. Depuis le 29 octobre 2003, jour de l’accident, celle-ci était réduite à 80 % dans l’activité habituelle en raison du syndrome cervical et de la chronicité des céphalées post-traumatiques. En l’absence d’atteintes incapacitantes, relevant du domaine de la médecine générale et de la psychiatrie, il y avait lieu de considérer, d’un point de vue neurologique, que lesdites céphalées étaient à l’origine de la réduction de la capacité de travail à 80 %. Ainsi, dans l’activité habituelle d’aide comptable et dans toute activité adaptée (activité légère, comportant, par intermittence des tâches moyennement légères), le taux de capacité de travail/rendement était de 80 %. Toutefois, moyennant suivi d’une thérapie adéquate (physiothérapie avec exercices à domicile pour le syndrome cervical, complétés par un suivi neurologique pour les céphalées), ce taux pouvait être augmenté à 100 % au cours des mois à venir, dans l’activité habituelle comme dans une activité adaptée.

m. Par projet de décision du 14 avril 2010 (remplaçant un premier projet du 30 décembre 2009), confirmé par décision du 28 mai 2010, l’office AI du canton de Bâle-Campagne a fait savoir à l’assurée que les conditions d’octroi d’une rente d’invalidité n’étaient pas réalisées. Se fondant sur le rapport d’expertise pluridisciplinaire de l’ABI du 15 mai 2009, cet office a considéré qu’il était exigible que l’assurée exerce une activité à 80 %, qu’il s’agisse de l’activité habituelle ou d’une activité adaptée. En se référant à l’enquête suisse sur la structure des salaires (ESS), soit au tableau TA1, secteur privé, ligne « total »,
une femme pouvait réaliser, en 2004, un revenu mensuel de CHF 4'870.- (soit CHF 58'440.- par année) dans une activité de niveau 3. Compte tenu de la durée de travail s’élevant à 41.7 heures par semaine en 2004, il en résultait un revenu annuel avec invalidité de CHF 60'924.-, respectivement CHF 48'739.- à un taux de 80 %. En comparant ce dernier montant au salaire de CHF 61'100.- que l’assurée aurait obtenu auprès de son employeur en 2004, la perte de gain se montait à
CHF 12'361.- et le degré d’invalidité à 20 %.

n. Statuant sur le recours interjeté le 2 juillet 2010 contre la décision de l’office AI de Bâle-Campagne, le Tribunal cantonal de ce même canton a rejeté celui-ci par arrêt du 24 février 2011. Non contesté, cet arrêt est devenu définitif.

o. Le 1er juillet 2011, l’assurée a transféré son domicile dans le canton de Genève. En raison de ce changement, l’office AI du canton de Bâle-Campagne a transmis, le 5 juin 2013, le dossier AI de l’assurée à l’office AI du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé).

p. Le 11 juillet 2013, l’assurée a formé une demande auprès de l’OAI, ayant pour objet la prise en charge d’une perruque à titre de moyen auxiliaire. Dans un rapport du 3 septembre 2013, le docteur H______, spécialiste FMH en dermatologie, a indiqué que l’assurée souffrait d’une alopécie diffuse, de type androgénétique, nécessitant le port d’une perruque. Par communication du 18 septembre 2013, l’OAI a informé l’assurée qu’il prenait en charge les perruques ou cheveux postiches pour un montant de CHF 1'500.- au maximum par année civile, réparations et soins compris. Par conséquent, il prenait en charge une participation aux coûts de CHF 1'500.- (TVA incluse) lors de l’achat de la perruque mentionnée dans la facture n° 0613AV établie par un fabricant spécialisé. Des communications similaires ont été adressées à l’assurée au cours des années suivantes à un an d’intervalle environ, en vue d’une prise en charge renouvelée du même type de moyen auxiliaire.

B. a. Le 20 avril 2015, l’assuré a formé une demande de prestations auprès de l’OAI, précisant qu’elle souffrait de rachialgies en raison de l’accident de la circulation survenu le 29 octobre 2003. Depuis lors, son incapacité de travail avait oscillé entre 50 et 100 %.

b. Le 22 avril 2015, l’OAI a fait savoir à l’assurée qu’il considérait son envoi du
20 avril 2015 comme une nouvelle demande, dans la mesure où le droit aux prestations sollicitées avait déjà fait l’objet d’une décision en décembre 2009 (recte : 28 mai 2010). Aussi, il incombait à cette dernière de faire parvenir tous les documents médicaux permettant de rendre plausible l’aggravation de son état de santé depuis la date de la dernière décision.

c. Le 12 mai 2015, l’OAI a reçu notamment :

-          un certificat du 6 septembre 2011 du Dr B______, attestant que l’assurée présentait une incapacité de travail d’au moins 50 % qui remontait au moins au début de l’année 2007 ;

-          un rapport du 1er juillet 2014 du docteur I______, radiologue à la Clinique générale Beaulieu, relative à un bilan radiologique de la colonne cervicale, effectué le 30 juin 2014, objectivant sur le plan statique, une aggravation de la courbure cervicale (cyphose cervicale centrée sur l’espace intersomatique C5-C6) et concluant à une anomalie statique et unco-discarthrose C5-C6, susceptibles de se répercuter sur les espaces foraminaux adjacents. S’y ajoutait une possible séquelle d’entorse cervicale C4-C5 avec un aspect compatible avec un arrachement osseux antérieur, un antélisthésis de C4 sur C5 et une angulation sagittale de moins de 10°, centrée au même niveau C4-C5 ;

-          un courrier du 10 décembre 2014 du docteur J______, spécialiste FMH en médecine interne et maladies rhumatismales, transmettant à Maître Stefan HOFER, avocat bâlois de l’assurée, le rapport du 1er juillet 2014 du Dr I______ avec les commentaires suivants : la question des symptômes actuels en lien ou non avec l’ancien traumatisme restait délicate. En effet, la présence de lésions de type arthrose C5-C6 pouvait expliquer les douleurs actuelles, mais il convenait de noter que l’arthrose C5-C6 était déjà présente sur les radiographies réalisées à l’époque de l’accident, alors que l’assurée ne souffrait ni de cervicalgies, ni de céphalées, ni de tensions musculaires. Il était vraisemblable que l’entorse cervicale ait décompensé les problèmes d’arthrose comme cela se voyait souvent. Compte tenu de l’ensemble des éléments qui avaient été portés à sa connaissance et selon l’examen qu’il avait effectué, le Dr J______ considérait que le lien de causalité entre les symptômes actuels et l’accident du 29 octobre 2003 était très probable ;

-          un courrier du 10 mars 2015 de la doctoresse K______, spécialiste FMH en médecine interne et maladies rhumatismales, informant le Dr J______ qu’elle avait vu et examiné l’assurée qui était lourdement handicapée par son ancien traumatisme cervical avec, depuis environ un an, des douleurs invalidantes à la charnière cervico-occipitale et une importante limitation fonctionnelle cervicale ;

-          un rapport du 11 mai 2015 du Dr J______ à l’OAI, indiquant qu’il suivait l’assurée depuis 2011 pour des cervicalgies invalidantes en lien avec un accident de la circulation survenu le 29 octobre 2003. Comme il ressortait du courrier qu’il avait adressé à Me HOFER le 10 décembre 2014, le bilan radiologique faisait état de séquelles d’une entorse cervicale entrainant des cervico-rachialgies et céphalées de tension sévères, malgré l’ensemble des moyens thérapeutiques mis en œuvre. Même si l’assurée mettait tout en œuvre pour retrouver une activité professionnelle, elle n’était actuellement pas capable d’exercer une activité à 100 % en raison de ses symptômes cervico-brachiaux. Aussi, il apparaissait justifié que l’OAI entre en matière sur la demande de prestations du 20 avril 2015, la situation médicale étant « consolidée » après plus de dix ans.

d. Par avis du 11 janvier 2016, le service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : SMR) a estimé qu’une modification de l’état de santé n’avait pas été rendue objectivement plausible. En effet, les céphalées de tension décrites par le Dr J______ faisaient partie des diagnostics mentionnés dans l’expertise pluridisciplinaire du 15 mai 2009. À cet égard, les informations fournies récemment ne suffisaient pas à rendre plausible une modification de l’état antérieur. Quant aux douleurs nucales, elles n’étaient pas nouvelles. Il était en effet clairement écrit dans le volet neurologique de ladite expertise que l’assurée souffrait de douleurs nucales irradiant dans le dos, les oreilles, la tête et le cou.

e. Par projet de décision du 25 janvier 2016, l’OAI a refusé d’entrer en matière sur la demande de prestations du 20 avril 2015, motif pris que l’assurée n’avait pas rendu vraisemblable que les conditions de fait s’étaient modifiées de manière essentielle depuis la dernière décision.

f.       Le 26 février 2016, l’OAI a reçu de nouveaux documents :

-          un compte rendu d’hospitalisation du 13 novembre 2015 (« lettre de sortie »), relatif au séjour que l’assurée avait effectué du 9 au 13 novembre 2015 au sein du service de médecine interne et de réhabilitation des HUG, faisant état d’une augmentation des douleurs cervico-dorso-lombaires depuis un mois, sans facteur déclenchant clair ;

-          un rapport du 25 janvier 2016 dans lequel le Dr J______ indiquait que les troubles mécaniques de la colonne cervicale, faisant suite à l’entorse cervicale du 29 octobre 2003, s’étaient aggravés au cours des dernières années en prenant la forme de blocages itératifs et de douleurs sévères invalidantes. Depuis l’accident du 29 octobre 2003, il n’y avait pas d’autres maladies ou états maladifs qui influençaient l’état de santé de l’assurée, hormis une discarthrose C5-C6, due à cet accident, qui s’était développée au fil des années ;

-          un rapport du 5 février 2016 dans lequel le docteur L______, radiologue FMH auprès de la Clinique générale Beaulieu, mentionnait que l’IRM de la colonne cervicale pratiquée le 4 février 2016 permettait de conclure à des troubles de la statique cervicale avec discopathies C5-C6 et C6-C7, associées à des protrusions discales postérieures compatibles avec des séquelles d’entorse cervicale post-traumatique.

g. Par avis du 18 mars 2016, le SMR a estimé que l’admission aux HUG du 9 au 13 novembre 2015, dans le cadre de l’aggravation des cervicalgies chroniques post AVP [accident de la voie publique], le bilan IRM mettant en évidence des discopathies C4-C5 et C5-C6, qui n’étaient pas décrites en 2009, ainsi qu’une suspicion d’arrachement osseux C5, rendaient plausible l’aggravation de l’état de santé de l’assurée.

h. Dans un rapport du 13 juin 2016 à l’OAI, le Dr J______ a indiqué que l’incapacité de travail de l’assurée, qui était totale depuis le début du suivi en 2011, était due à des cervicalgies sur troubles statiques et dégénératifs aggravés par les séquelles de l’accident du 29 octobre 2003. Les restrictions actuelles (pas d’activité uniquement en position assise/debout, en terrain irrégulier, en porte-à-faux, les bras au-dessus de la tête, en position accroupie, à genoux, sur une échelle/échafaudage, ou impliquant le soulèvement/port de charges de plus de
5 kg ou encore des montées d’escaliers) pouvaient être réduites par des mesures médicales et l’on pouvait s’attendre à une reprise de l’activité professionnelle, respectivement à une amélioration de la capacité de travail si l’assurée se soumettait à une opération. Le Dr J______ a annexé notamment les documents suivants à son rapport :

-          un « avis de sortie » du 13 novembre 2015 des HUG, rappelant le motif d’hospitalisation du 9 au 13 novembre 2015 (cervico-dorso lombalgies chroniques en « acutisation » [NDR : aggravation]), posant le diagnostic principal de cervicalgies chroniques avec antélisthésis C4/C5, possible arrachement osseux C5 et discarthrose C5-C6 et les diagnostics secondaires de lombalgies chroniques avec inclinaison de 5 mm du bassin à gauche et d’anémie hypochrome microcytaire ;

-          un rapport du 24 mai 2016 de l’IMGE (Imagerie Moléculaire Genève), indiquant qu’une scintigraphie osseuse avec SPECT/CT, pratiquée le 23 mai 2016, permettait de conclure à une inversion de la lordose cervicale physiologique, ainsi qu’à une hyperfixation légère C5-C6 correspondant à des troubles dégénératifs sur discopathie ;

-          un courrier du 2 juin 2016 du docteur M______, neurochirurgien, adressé au Dr J______, indiquant que l’assurée souffrait de discopathies dégénératives précoces possiblement post-traumatiques sur les étages C5-C6 et C6-C7, couplées à un pseudo-spondylolisthésis C4-C5. L’inversion de la lordose cervicale, également constatée, impliquait des raideurs ainsi que des douleurs rachidiennes. Objectivement, l’examen neurologique était très rassurant, malgré un inconfort paravertébral cervical surtout à droite avec des possibles signes d’arnoldite. Pour le reste, il n’y avait pas de vrai déficit sensitivomoteur ni de syndrome déficitaire, à l’exception d’une discrète abolition du réflexe achilléen. Enfin, le Dr M______ partageait tout à fait l’avis du Dr J______ pour dire qu’à terme, au vu de l’échec des options conservatrices, un traitement chirurgical pouvait être une option défendable. Cependant, il n’y avait pas lieu de précipiter une telle intervention, l’examen neurologique étant rassurant, l’inconfort fluctuant et l’assurée pas tout à fait décidée à franchir le pas.

i. Dans un rapport du 22 décembre 2016, le docteur N______, neurologue, a adressé au Dr J______ un compte rendu de la consultation qu’il avait donnée à l’assurée le 20 décembre 2016. L’examen clinique neurologique était à considérer comme normal, même si l’on notait une tendance aux pieds creux, des douleurs à la palpation de l’angulaire de l’omoplate des deux côtés et à l’émergence des deux nerfs d’Arnold. On se trouvait aujourd’hui à treize ans de l’événement traumatique en cause. Celui-ci pouvait être considéré tout de même de gravité moyenne à importante au vu de sa description. Avec une évolution clinique ordinaire, on aurait dû s’attendre à une diminution, voire à une disparition, de la plupart des symptômes dans l’année consécutive à l’accident, même si on savait que des symptômes résiduels mineurs pouvaient subsister parfois pendant plusieurs années. Il n’était cependant pas exclu que d’autres facteurs personnels liés à l’histoire de l’assurée, à l’émigration ou à des éléments que le Dr N______ ne connaissait pas, jouaient un rôle délétère dans l’évolution actuelle. Un état de stress post-traumatique treize ans après l’événement en cause n’était pas habituel vu l’absence de lésions établies. Aussi, le Dr N______ avait plutôt l’impression qu’il s’agissait d’un syndrome douloureux chronique lié en partie aux suites de cet accident et probablement à d’autres facteurs de vie, ainsi qu’à des facteurs dégénératifs décrits sur les éléments radiologiques.

j. Par courrier du 9 mai 2017 à l’OAI, le Dr J______ a complété son rapport du 13 juin 2016 dans le contexte des cervicalgies post-traumatiques qu’il y évoquait. Depuis lors, des céphalées s’étaient développées, accompagnées de vertiges qui avaient été évalués par le Dr N______ le 22 décembre 2016. De plus, une prise en charge psychiatrique avait été mise en place auprès de la doctoresse O______, psychiatre, en raison d’un état dépressif sévère réactionnel. Ces symptômes de plus en plus sévères avaient empêché l’assurée de mener à bien sa réadaptation en raison de troubles mnésiques et de la concentration. Dans ces circonstances, le Dr J______ ne voyait pas l’assurée reprendre une activité à 50 %.

k. Dans un rapport du 18 mai 2017 à l’OAI, le Dr N______, qui s’était chargé du suivi de l’assurée du 20 décembre 2016 au 8 mai 2017, a indiqué que le syndrome douloureux chronique constituait la cause de l’incapacité de travail de 50 % au cours de cette période. De son point de vue, les discopathies cervicales avec spondylolisthésis C4-C5 étaient sans effet sur la capacité de travail.

l. Dans un rapport du 12 septembre 2017, la Dresse O______ a indiqué que tous les renseignements détaillés avaient déjà été largement donnés dans des rapports précédents établis par les différents médecins qui avaient examiné et/ou traité l’assurée.

m. Par avis du 20 décembre 2017, le SMR a proposé la mise en œuvre d’une expertise bidisciplinaire rhumato-psychiatrique avec consilium entre les deux spécialités.

n. Le 21 mars 2018, l’assurée, agissant par la voix de son conseil, a fait savoir à l’OAI qu’elle entendait être associée à la désignation des experts. S’en sont suivis plusieurs échanges entre l’OAI et l’assurée, au cours desquels l’assurée a fait part de son désaccord au sujet de divers experts proposés par l’OAI, sans que ses contrepropositions ne recueillent l’assentiment de l’OAI ou des experts proposés.

Le 18 octobre 2018, l’assurée a fait savoir qu’elle acceptait que l’expertise soit réalisée par les doctoresses P______ et Q______, respectivement rhumatologue et psychiatre auprès du R______), dont les noms avaient été proposés par l’OAI.

o. Le 10 décembre 2018, les expertes ont rendu leur rapport sur la base d’examens somatique et psychiatrique pratiqués le 6 novembre 2018, d’une synthèse du dossier et d’une évaluation consensuelle tenant compte de l’anamnèse et des plaintes de l’assurée. Au plan somatique, celle-ci présentait principalement une cervicarthrose sans radiculopathie ni myélopathie. Il s’agissait là d’une atteinte dégénérative fréquente dans la population, que l’assurée présentait déjà sous une forme modérée en 2003. Depuis les clichés de 2005, ceux de 2014, complétés par des IRM, ne permettaient pas d’admettre l’évolution d’une discarthrose érosive, congestive ou compressive. Les lésions observées ne menaçaient pas les structures adjacentes. La musculature adjacente n’était pas atrophique, ce qui attestait d’une mobilisation active régulière, en dépit des altérations discales. L’assurée présentait également une spondylarthrose étagée dorso-lombaire, connue également à un stade modéré en 2003 ; celle-ci était sans répercussions neurologiques compressives et ne donnait lieu ni à un syndrome lombaire ni à des dysfonctions segmentaires dorsales. En définitive, l’évolution des deux diagnostics précités – qui déterminaient les limitations fonctionnelles depuis 2003 – avait été stable au cours des quinze années écoulées. En conséquence, la Dresse P______ n’avait pas d’argument probant pour attester d’une aggravation significative de l’état de santé de l’assurée depuis l’expertise de l’ABI du 15 mai 2009 sur laquelle se fondait la décision du 28 mai 2010 de l’office AI du canton de Bâle-Campagne. Quant aux limitations fonctionnelles évoquées en 2003, elles restaient d’actualité ; l’assurée ne devait porter ni charges supérieures à 5 kg de manière répétitive, ni charges supérieures à 8 kg de manière occasionnelle. Dans une activité légère, principalement sédentaire, mais permettant des changements de position – critères auxquels répondait son ancienne activité d’aide-comptable –la capacité de travail était totale, mais avec une diminution de rendement de 20 % « inhérente aux épisodes plus aigus ». Pour le reste, ni l’alopécie androgénique – qui était stable – ni la cœliakie n’avaient de répercussion sur la capacité de travail. Les antécédents (status post accident de la voie publique le 29 octobre 2003 avec distorsion cervicale de degré I, contusions dorso-lombaires et dermabrasions cutanées, périarthrite scapulo-humérale droite [PSH ; en 2012] actuellement calme, appendicectomie à l’âge de 24 ans, trois césariennes), n’impliquaient pas de limitations fonctionnelles supplémentaires.

Au plan psychique, il n’y avait pas de diagnostic ayant une incidence sur les capacités fonctionnelles. Des traits histrioniques et narcissiques étaient présents, mais leur intensité était insuffisante pour retenir un trouble de la personnalité.

Évaluant les ressources et « facteurs de surcharge », les expertes ont noté, au plan somatique, que l’assurée gardait un excellent état général, restait vive et démontrait une gestuelle harmonieuse de son appareil locomoteur. En dépit de l’état douloureux annoncé, elle avait gardé un relief musculaire bien dessiné qui attestait d’une condition physique bien maintenue et lui permettait de se promener sans limitation. L’assurée faisait également des exercices de tonification et de stretching qui avaient contribué à diminuer puis à stopper la consommation d’antalgiques, ce qui reflétait la présence de ressources disponibles. Au plan psychique, l’intensité des plaintes (aux dires de l’assurée, la douleur rendait impossible toute activité professionnelle à plus de 40 %), mise en regard avec ce qui était objectivé (absence de signe d’inconfort pendant deux heures, pas de limitation dans les mouvements et les déplacements, bon fonctionnement dans le quotidien, loisirs bien maintenus et vacances annuelles au Kosovo) témoignait de ressources résiduelles qui permettaient d’envisager une activité professionnelle à plein temps, sans diminution de rendement.

Se livrant au « contrôle de la cohérence », les expertes ont estimé, au plan somatique, que le haut niveau d’impotence fonctionnel « qui ne [cessait] de s’aggraver », décrit par l’assurée, n’entrainait pas de limitation uniforme dans tous les domaines de la vie. Malgré une capacité de travail que l’assurée évaluait à
30-40 % au maximum, celle-ci n’en décrivait pas moins des journées de « mère de famille [ ] active ». Même si elle affirmait recevoir un peu d’aide de la part de sa sœur pour passer l’aspirateur ou repasser le linge au besoin, elle gérait très bien le reste du ménage, la préparation des repas et les lessives. Elle pouvait amener ses enfants à leurs activités parascolaires, ce qui lui permettait d’en « profite[r] pour marcher ». Quinze ans après l’accident du 29 octobre 2003, il n’y avait pas d’argument clinique ou radiologique pour soutenir que la situation s’était notablement aggravée. Il existait un hiatus, déjà relevé par les médecins de l’ABI et le neurologue traitant actuel, entre les plaintes et les constatations, de sorte qu’un diagnostic de syndrome somatoforme douloureux avait été avancé pour ces raisons. Au plan psychique, les pertes de fonctionnalité dont se plaignait l’assurée n’étaient ni cohérentes ni plausibles. Elle gérait seule un ménage avec trois adolescents, s’occupait des courses, des repas, d’une partie du ménage et amenait ses enfants à leurs activités extra-scolaires. Elle marchait quotidiennement, lisait volontiers et traduisait des textes de français en albanais, allemand et anglais, ceci dans le but d’améliorer la maîtrise de ces langues. Une fois par année, elle se rendait au Kosovo avec ses enfants, ses sœurs et leurs familles respectives pour y passer des vacances et rendre visite à la parenté restée au pays. La fatigue, les algies et les troubles de la concentration, évoqués par l’assurée, n’avaient pas pu être objectivés le jour de l’expertise.

En synthèse, les expertes ont estimé, de manière consensuelle, que sur le plan psychique, l’assurée disposait d’une capacité de travail entière dans toute activité correspondant à ses compétences, sans diminution de rendement. Depuis la dernière décision de l’OAI du 28 mai 2010, la situation, sur le plan somatique et psychique, ne s’était guère modifiée et ne pouvait justifier une incapacité de travail de longue durée. Dans la dernière activité exercée (aide-comptable), qui était adaptée, la capacité de travail exigible était de 100 %. En revanche, si l’assurée était amenée à travailler en permanence devant un écran d’ordinateur, il en résulterait une diminution de rendement de 20 % – par rapport à une personne ne souffrant pas d’atteintes dégénératives rachidiennes –, qui serait motivée par des changements de position plus fréquents et des périodes de repos plus longues.

p. Par avis médical du 19 décembre 2018, le SMR a estimé au vu du rapport d’expertise du 10 décembre 2018 que depuis la dernière décision du 14 avril 2010 (recte : 28 mai 2010), il n’y avait aucun élément médical objectif en faveur d’une aggravation de l’état de santé de l’assurée, que ce soit sur le plan somatique ou psychiatrique. Les atteintes à la santé incapacitantes consistaient en une cervicarthrose modérée et une spondylarthrose étagée dorso-lombaire modérée. Au vu de ces éléments, la capacité de travail de l’assurée restait entière dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles de son rachis (pas de port de charges supérieures à 5 kg de manière répétitive, ni de charges supérieures à 8 kg de manière occasionnelle, pas de porte-à-faux du tronc et alternance des positions). Étant donné que son ancienne activité d’aide-comptable tenait compte de ces limitations, la capacité de travail y était totale, sans baisse de rendement. En revanche, dans le cas d’une activité administrative impliquant en permanence du travail à l’ordinateur et sans autre activité, il était possible de reconnaître une baisse de rendement de 20 % pour permettre des périodes de repos plus fréquentes et des changements de position.

q. Dans un rapport médical du 12 février 2019, consécutif à une consultation donnée le même jour à l’assurée, le Dr N______ a indiqué que le tableau clinique s’était nettement aggravé depuis 2010 ; cette aggravation étant surtout marquée par l’apparition d’un syndrome douloureux chronique quotidien « qui [avait] même fait le désespoir de certains médecins qui avaient introduit de la morphine pendant plusieurs semaines, [laquelle ne soulageait que quelques heures durant et avait] entraîné un syndrome morphinique dépendant » avec des difficultés de sevrage à la clé. La symptomatologie clinique neurologique était caractérisée par une asthénie extrême et des douleurs quotidiennes. L’assurée était actuellement sous traitement de Trittico, médicament qui serait prochainement porté à 150 mg, mais qui n’avait pas révélé d’efficacité particulière jusqu’à présent. En conclusion, il y avait une aggravation clinique liée à un changement de diagnostic dans le cadre d’un syndrome douloureux chronique.

r. Le 26 février 2019, la Dresse O______ a apporté un complément d’information au rapport du 12 février 2019 du Dr N______. Elle voyait très régulièrement l’assurée depuis 2015 et confirmait que le tableau clinique de l’assurée s’était aggravé au cours de ces dernières années. Le syndrome douloureux chronique était très difficile à traiter, comme le soulignait le Dr N______. En outre, ce syndrome avait d’importantes répercussions sur l’état psychique, avec un sentiment de détresse, d’impuissance et de découragement, une peur de l’avenir et une grande souffrance morale. Il était « évident » que sa capacité de travail n’était pas entière.

s. Le 11 mars 2019, le Dr J______ a indiqué avoir pris connaissance du rapport d’expertise du 10 décembre 2018, de l’avis SMR du 19 décembre 2018 et des rapports des 12 et 26 février 2019 des Drs N______ et O______. Après avoir noté que les experts ne retenaient pas d’aggravation objective de l’état de santé depuis 2010, tant sur le plan somatique que psychiatrique, le Dr J______ a indiqué qu’il avait constaté, pour sa part, qu’un syndrome douloureux en partie invalidant s’était installé progressivement au fil des ans. Selon lui, il ne faisait pas de doute que l’assurée avait tout mis en œuvre pour tenter de retrouver une activité qui fût adaptée à ses compétences. Cependant, les cervicalgies fluctuantes et les symptômes liés au syndrome somatoforme douloureux l’empêchaient véritablement de fonctionner normalement, contrairement à l’avis des experts qui banalisaient ses limitations fonctionnelles. La Dresse O______ avait bien décrit sa détresse morale qui était préoccupante pour sa santé psychique. Aussi, le Dr J______ considérait que la décision de l’OAI était « abrupte, sans nuance et véritablement sujette à caution ». Comme il l’avait déjà indiqué par le passé, il était évident que la capacité de travail de l’assurée n’était pas entière.

t. Par pli du 14 mars 2019 à l’OAI, l’assurée a soutenu que le rapport d’expertise du 10 décembre 2018 comportait un nombre conséquent d’erreurs d’ordre factuel dans la manière dont ses propos avaient été retranscrits. De manière générale, elle ne se reconnaissait aucunement dans une description selon laquelle elle présenterait un excellent état général apparent, serait vive, sans démontrer de signes extérieurs de souffrance. Aussi, les nombreuses inexactitudes de ce rapport empêchaient d’en reconnaître la valeur probante et impliquaient la mise en œuvre d’une nouvelle expertise.

u. Par avis du 28 mars 2019, le SMR a indiqué que le complément d’information du 26 février 2019 de la Dresse O______ n’avançait aucun élément clinique objectif à même de justifier une incapacité de travail totale. Quant au rapport du
12 février 2019 du Dr N______, il y avait lieu de remarquer que l’experte rhumatologue P______ avait tenu compte de la période d’administration de morphine entre 2015 et la mi-août 2018. En définitive, les douleurs quotidiennes, ainsi que l’asthénie (symptômes signalés déjà en 2003), avaient été prises en compte « lors de la dernière expertise ». Au vu de ces éléments, les rapports des
Drs O______ et N______ n’étaient pas susceptibles de modifier l’avis médical du SMR du 19 décembre 2018.

v. Par projet de décision du 4 avril 2019, l’OAI a rejeté la demande de prestations du 20 avril 2015, faute d’aggravation de l’état de santé depuis 2010.

w. Dans une note du 4 janvier 2019, l’OAI a retenu que le statut d’active reconnu dans la décision du 14 avril 2010 (recte : 28 mai 2010) n’avait pas changé.

x. Le 16 mai 2019, l’assurée a contesté le projet de décision du 4 avril 2019 et soutenu que sa capacité de travail n’était en aucun cas entière, pour les motifs exposés dans son courrier du 14 mars 2019 et les rapports des 12 février 2019, 26 février 2019 et 11 mars 2019 de ses médecins traitants.

y. Par avis du 11 juin 2019, le SMR a estimé que dans son rapport du 11 mars 2019, le Dr J______ n’avançait aucun élément médical clinique objectif pour justifier sa prise de position. En tout état de cause, les douleurs ressenties par l’assurée avaient été prises en compte par les expertes et les indicateurs topiques analysés. Ainsi, le rapport de ce médecin n’était pas de nature à modifier l’appréciation que le SMR avait faite le 19 décembre 2018.

z. Par décision du 27 juin 2019, l’OAI a refusé toute prestation à l’assurée, motif pris que les pièces médicales produites à la suite du rapport d’expertise du 10 décembre 2018 ne faisaient état d’aucun élément objectif dont il n’aurait pas été tenu compte dans l’évaluation du cas. Pour le surplus, les critiques formulées à l’encontre de ladite expertise n’étaient pas de nature à remettre en cause sa valeur probante.

C.       a. Le 2 septembre 2019, l’assurée a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) d’un recours contre la décision du 27 juin 2019, concluant, principalement, à son annulation, à l’octroi d’une rente entière d’invalidité à compter du 1er novembre 2015 avec intérêts moratoires sur les arriérés et, préalablement, à une audience de comparution personnelle des parties, à l’audition de la doctoresse S______, psychiatre auprès du T______, et enfin, à ce qu’une expertise bi-disciplinaire rhumatologique et psychiatrique fût ordonnée, le tout sous suite de frais et dépens.

À l’appui de ses conclusions, la recourante a fait valoir en substance que contrairement aux expertes P______ et Q______, ses trois médecins traitants – soit les Drs J______, N______ et O______ – ainsi que les médecins du T______ retenaient tous la présence d’un trouble somatoforme douloureux. D’un point de vue rhumatismal, ce n’était pas parce que ses plaintes n’étaient pas objectivables qu’elles pouvaient être purement et simplement ignorées. En ce qui concernait le volet psychiatrique, sa souffrance avait été très largement et arbitrairement ignorée par la Dresse Q______. Les critères de la CIM-10 pour retenir un épisode dépressif sévère étaient manifestement remplis, ce que la Dresse U______, cheffe de clinique auprès du T______ avait très clairement mis en évidence. L’exigence d’une douleur persistante, intense et s’accompagnant d’un sentiment de détresse, était manifestement remplie, permettant ainsi de retenir un trouble somatoforme douloureux. Des limitations fonctionnelles dans tous les domaines de la vie (tant professionnelle que privée) apparaissaient de manière évidente.

Au regard de ces éléments, le rapport d’expertise du 10 décembre 2018 ne parvenait pas à des conclusions convaincantes et les rapports médicaux établis par les Drs J______, N______, O______ et U______ étaient autant d’éléments qui permettaient de mettre sérieusement en doute le travail réalisé par les deux expertes, ainsi que leurs appréciations.

Parmi les pièces transmises à l’appui de ses écritures, la recourante a notamment versé au dossier les documents suivants :

-          un rapport du 10 juillet 2019, de la Dresse U______ précisant que l’assurée bénéficiait, depuis le 15 mai 2019, de soins ambulatoires intensifs en raison d’une péjoration anxio-dépressive atteignant une intensité clinique d’épisode dépressif sévère, ainsi que des douleurs chroniques à caractère post-traumatique invalidant ;

Son incapacité de travail était complète depuis lors. Elle avait été adressée au T______ par la Dresse O______ en raison d’une péjoration clinique tant sur le plan psychique que physique qui avait nécessité une prise en charge au service des urgences de la clinique des Grangettes, ainsi que la mise en place d’un traitement morphinique pour atténuer ses douleurs aiguës. S’agissant de l’état psychique, le T______ avait reçu l’assurée dans son « programme de crise », en raison de l’apparition d’idées noires et suicidaires en parallèle d’une péjoration thymique prononcée et d’un état clinique marqué par une thymie très triste, des affects très labiles, des pleurs importants, une aboulie et une anhédonie partielles, un élan vital diminué avec fatigue diurne importante, un ralentissement psychomoteur modéré avec baisse de la vigilance, ainsi qu’une diminution très importante de la capacité de concentration. On notait un isolement social important, un sommeil perturbé avec des réveils nocturnes, un appétit fluctuant, une baisse de l’estime de soi et un sentiment de dévalorisation très important. Depuis le début de sa prise en charge au T______, l’assurée bénéficiait d’un suivi médical hebdomadaire, complété par un suivi infirmier une à deux fois par semaine et par une prise en charge groupale de parole et à médiation corporelle avec au total 5 à 6 espaces thérapeutiques par semaine. Le T______ avait introduit un changement sur le plan du traitement antidépresseur (traitement par Saroten) et observé un début de réponse clinique favorable. Cette médication était en voie d’ajustement. Actuellement, la posologie prescrite était de 75 mg par jour au coucher pour le Saroten et de 50 mg par jour au coucher pour le Trittico – qui était en voie de diminution en vue de son arrêt définitif.

Concernant le diagnostic, la Dresse U______ retenait un épisode dépressif sévère sans symptômes psychotiques (F32.2), ainsi qu’un syndrome somatoforme douloureux, en partie invalidant, qui « se serait » progressivement installé au fil des années et qui était actuellement aggravé en raison de la péjoration de l’état de santé psychique. On pouvait constater que l’assurée avait traversé des difficultés d’intégration depuis son déménagement à Genève en 2011, en raison d’un faible réseau social et surtout de l’absence de démarche de réinsertion dans un cadre adapté, entreprise jusqu’à présent. Compte tenu de l’évolution chronique de sa maladie, la Dresse U______ constatait qu’il existait une incapacité de travail qui avait été tantôt partielle, tantôt totale au cours des années qui avaient suivi l’accident du 29 octobre 2003. L’assurée se disait même en quête d’une démarche de réinsertion professionnelle et d’un rythme d’activité régulier. Cela étant, lors des activités thérapeutiques, la Dresse U______ avait observé des difficultés de concentration et un élan vital diminué avec une fatigabilité importante même après une activité thérapeutique d’une heure. Dans ce contexte et en tenant compte de l’évolution clinique actuelle qui était très lentement favorable, un transfert de l’assurée dans un autre programme du T______ était envisagé, ce dernier visant à rétablir l’assurée et à la mettre au bénéfice d’une prise en charge adaptée au plus long cours.

-          un rapport du 8 août 2019, résumant le suivi ambulatoire dispensé du 15 mai 2019 au 17 juillet 2019 ;

La Dresse U______ posait les diagnostics d’épisode dépressif sévère sans symptômes psychotiques et de syndrome douloureux chronique en partie invalidant qui se serait progressivement installé au fil des années, actuellement aggravé compte tenu de la péjoration de l’état psychique. Sous « autres diagnostics », elle mentionnait des cervicalgies chroniques post AVP avec antélisthésis C4-C5, discarthrose C5-C6 et possible arrachement osseux C5, ainsi que des dorso-lombalgies chroniques post AVP non déficitaires. Rappelant l’évolution du cas depuis 2003, la Dresse U______ indiquait que c’était dans le contexte d’une « décision de refus [ ] reçue en décembre 2018 » que l’assurée aurait développé un état de détresse très important et qu’elle aurait eu des idées suicidaires actives, ce qui n’était plus le cas. Évoquant le status psychiatrique à l’admission, la Dresse U______ ajoutait que l’assurée présentait un ralentissement psychomoteur modéré, était orientée, mais présentait une légère baisse de vigilance avec une fatigue importante au cours de l’entretien. Elle était globalement calme et « collaborante », son discours était globalement clair, cohérent et informatif malgré une maîtrise de la langue française partielle. On notait une thymie modérément à sévèrement triste et des affects labiles. Elle pleurait facilement au cours de l’entretien lorsque des sujets douloureux étaient évoqués. S’y ajoutaient une aboulie et une anhédonie partielles, un élan vital diminué, une fatigue diurne importante, des idées noires et suicidaires fluctuantes, mais pas scénarisées. Elle évoquait son espoir de voir sa situation s’améliorer et voyait ses enfants comme facteurs protecteurs. Elle se projetait favorablement dans l’avenir et cherchait à se soigner pour aller mieux et pouvoir retravailler. Son estime de soi était abaissée avec un sentiment de dévalorisation très important. Elle se sentait diminuée dans son rôle de mère et isolée socialement. Le sommeil était perturbé avec des réveils nocturnes. L’appétit était fluctuant, mais le poids relativement stable.

À la fin du suivi ambulatoire (« status en fin de prise de soins »), l’assurée était légèrement angoissée mais « collaborante ». Tout en présentant un ralentissement psychomoteur léger, elle était orientée et vigilante. Sa capacité de concentration et son attention étaient légèrement à modérément diminuées. La mémoire était sans particularité. On notait une anxiété en toile de fond avec une tendance à la somatisation avec difficultés d’expression affective et tendance à l’évitement de la confrontation. La thymie était légèrement à modérément triste, l’élan vital modérément amélioré. L’anhédonie et l’aboulie étaient partielles. Elle se projetait de manière plus positive dans l’avenir, mais la confiance en soi restait très faible. Il n’y avait pas d’idées noires ou suicidaires. L’assurée décrivait un peu plus de contacts sociaux à travers le T______. Le sommeil et l’appétit étaient bons et il n’y avait pas de symptômes de la lignée psychotique.

b. Par réponse du 23 septembre 2019, l’intimé a conclu au rejet du recours et soutenu que le rapport d’expertise du 10 décembre 2018 remplissait tous les réquisits pour se voir reconnaître une pleine valeur probante. Quant aux rapports des médecins traitants de la recourante, leur valeur probante était moindre, compte tenu du parti pris de ces praticiens en faveur de leur patiente. Il convenait également de rappeler que la jurisprudence dite des « premières déclarations ou des déclarations de la première heure » s’appliquait de manière générale en matière d’assurances sociales, ce principe voulant qu’en présence de deux versions différentes et contradictoires d’un fait, la préférence soit accordée à celle que l’assuré(e) avait donnée alors qu’il/elle en ignorait peut-être les conséquences juridiques, les explications ultérieures pouvant être consciemment ou non le fruit de réflexions ultérieures. Ainsi, les « erreurs d’ordre factuel dans la manière dont ses propos avaient été retranscrits », alléguées par la recourante, étaient insuffisantes pour remettre en cause la valeur probante du rapport d’expertise du 10 décembre 2018.

L’intimé a également versé au dossier un avis du 23 septembre 2019, dans lequel la doctoresse V________, médecin SMR, prenait position au
sujet des rapports des 10 juillet et 8 août 2019 de la Dresse U______ et relevait que, dans ce dernier document, le status décrit à la fin du suivi ambulatoire était plus rassurant que dans le premier rapport de ce médecin. Selon la Dresse V________, ce status amélioré était compatible plutôt avec un épisode dépressif moyen, dans la mesure où l’anhédonie et l’aboulie étaient partielles, les idées suicidaires fluctuantes et non scénarisées. En outre, il n’y avait pas de perte d’espoir dans l’avenir. Enfin, il y avait lieu de relever que dans le rapport du 8 août 2019, il était indiqué qu’un état de détresse très important et des idées suicidaires actives étaient survenus suite à la décision de refus de l’AI reçue en décembre 2018. Aussi, la Dresse V________ a retenu à l’examen des nouvelles pièces versées au dossier qu’on était en présence d’une aggravation temporaire de l’état psychique dans un contexte « assécurologique ». Comme cette aggravation n’était ni notable ni durable, les conclusions précédentes du SMR restaient valables.

c. Le 29 novembre 2019, la recourante a répliqué et produit un rapport du 13 novembre 2019 de la doctoresse S______, psychiatre auprès du T______, aux termes duquel la recourante avait poursuivi le suivi médical, infirmier et groupal au programme communautaire du T______ dès le 23 juillet 2019. Selon la Dresse S______, la recourante présentait toujours des signes cliniques psychiatriques et cognitifs compatibles avec le diagnostic d’état dépressif sévère sans symptôme psychotique. En parallèle, elle observait toujours un syndrome douloureux chronique en partie invalidant, qui se serait progressivement installé au fil des années et qui était aggravé compte tenu de l’état psychique actuel. L’évolution de la maladie psychiatrique de la recourante semblait actuellement se chroniciser et durer dans le temps. Sa capacité de travail était nulle depuis le début de la prise en charge au T______.

À la lumière de ce nouveau rapport, la recourante a souligné que les rapports successifs du T______, établis les 10 juillet, 8 août et 13 novembre 2019, étaient en totale dissonance avec l’appréciation de l’experte psychiatre Q______, laquelle avait très largement et arbitrairement ignoré la souffrance de la recourante. Quant au rapport du 13 novembre 2019 de la Dresse S______, il infirmait de manière explicite l’avis du 23 septembre 2019 de la Dresse V________, qui n’était pas spécialiste en psychiatrie, mais en médecine interne.

d. Le 17 décembre 2019, l’intimé a dupliqué en précisant qu’il avait soumis le rapport du 13 novembre 2019 au SMR pour appréciation et que, dans la mesure où il ressortait de l’avis du 16 décembre 2019 de la Dresse W________, médecin SMR, que l’aggravation de l’état de santé de la recourante était postérieure à la décision litigieuse, elle ne pouvait entrer en considération pour se prononcer sur la légalité de cette dernière.

e. Par envoi spontané du 18 février 2020, la recourante a versé au dossier un rapport établi le 7 février 2020 par la Dresse S______, aux termes duquel elle avait commencé sa prise en charge psychiatrique au T______ le 15 mai 2019 en raison d’une dépression sévère avec des idées de mort fluctuantes. Depuis cette date et jusqu’à ce jour, l’état dépressif de la recourante restait stationnaire et continu et nécessitait toujours une prise en charge médicale, infirmière et pluridisciplinaire. Selon la recourante, il s’ensuivait que contrairement à ce que soutenait l’intimé, cet état de dépression sévère avec des idées de mort fluctuantes était apparu avant le prononcé de la décision litigieuse.

f. La chambre de céans a informé les parties qu’elle allait désigner des experts pour une expertise bi-disciplinaire psychiatrique et rhumatologique. Les parties n’ont fait valoir ni motif de récusation, ni demande de questions complémentaires sur le projet de mandat qui leur avait été soumis.

g. Par ordonnance d’expertise du 23 juillet 2020, la chambre de céans a ordonné une expertise psychiatrique et rhumatologique et a désigné le professeur X________, psychiatre et psychothérapeute, et le docteur Y________, spécialiste en rhumatologie. Ce dernier a été toutefois remplacé par la suite en raison d’une surcharge de travail et de problèmes de santé, ce qui a conduit à la désignation du docteur Z________, rhumatologue, par ordonnance d’expertise complémentaire du 30 juin 2021, étant précisé que sa désignation a été soumise aux parties, qui n’ont pas fait valoir de motif de récusation.

h. Le Prof. X________ a rendu son rapport d’expertise en date du 15 avril 2021.

Il avait eu 5 entretiens avec l’expertisée en date des 27 septembre, 26 octobre, 17 novembre, 25 novembre et 10 décembre 2020 pour une durée totale de 510 minutes. Il s’était également entretenu téléphoniquement avec la sœur de l’assurée, avec sa fille aînée et avec sa psychiatre, la Dresse S______.

Le dossier faisait l’objet d’une synthèse, depuis 1998. L’anamnèse familiale personnelle et professionnelle était décrite en détail, sur plusieurs pages, de même que les plaintes et données subjectives de l’expertisée, qui évoquait des vertiges, des maux de tête, des vomissements occasionnels avec une sensibilité au bruit et à la lumière. Ses douleurs, qui au début étaient localisées au dos, à la nuque et aux épaules, s’étaient progressivement généralisées sur tout le corps, avec un sentiment de lourdeur et une sensibilité exacerbée de sa peau, avec une sensation de brûlure à vif et, par moments, des sensations d’endormissement et de fourmillements. Elle décrivait la baisse de son moral à partir du début de l’année 2019, face à la péjoration de son état de santé et la perte d’espoir concernant sa situation. Notamment, à la suite de la dernière expertise où elle n’avait pas été reconnue dans sa problématique, elle décrivait avoir tout essayé pour pouvoir retrouver la vie qu’elle avait auparavant. Après avoir décrit une enfance heureuse et une arrivée en Suisse qui lui avait fait penser qu’elle avait réalisé son rêve professionnel, l’accident avait radicalement changé son existence. Confrontée au risque de mourir et saisie d’effroi, elle rapportait l’installation progressive des douleurs qui allaient devenir, au fil du temps, de plus en plus invalidantes. Elle décrivait sa vie, ces dernières années, comme un désarroi profond après la lecture de la dernière expertise de 2018 et le développement d’idées suicidaires, avec l’impression d’avoir été méjugée mais aussi méprisée. Elle décrivait le sentiment de dévalorisation, le décalage entre ses aspirations avant l’accident et la réalité de ses 50 ans, de femme malade dont « personne ne veut » ; elle était confrontée au décalage entre son passé de jeune femme prometteuse et son présent de femme malade, sans espoir.

Décrivant une journée-type, l’expertisée se levait aux alentours de 7 à 8 heures pour prendre son traitement médicamenteux puis retournait se coucher jusqu’aux alentours de 10 à 11 heures. Après son petit-déjeuner, elle programmait le repas de midi et le préparait si c’était quelque chose de simple. Le week-end, les enfants s’en occupaient puisqu’ils étaient à la maison, et le mercredi, sa sœur venait l’aider pour le repas de midi. L’après-midi commençait par une sieste puis ses activités étaient limitées, elle regardait la télévision, écoutait de la musique et lorsqu’elle se sentait plus « courageuse et motivée », elle arrivait à faire un peu de rangement, notamment le tri des habits, mais lorsqu’elle ne se sentait pas suffisamment bien, c’était sa fille qui s’en occupait. Pour le souper, c’étaient les enfants qui préparaient le repas, après quoi elle s’occupait des tâches administratives nécessaires (payer les factures) puis de la lessive, mais ne repassait pas. Pour les autres tâches ménagères (aspirateurs, toilettes et nettoyage plus conséquent), c’étaient les enfants qui s’en occupaient le week-end. Elle faisait ses courses, toujours accompagnée, soit par sa sœur, soit par ses enfants. Après avoir regardé la télévision, elle se couchait aux alentours de 23 heures tout en soulignant que son manque d’activité s’expliquait plutôt par une fatigue très importante et un manque de motivation qui faisaient que la moindre activité nécessitait un temps conséquent pour être accomplie.

L’expert psychiatre, en accord avec les expertises précédentes, confirmait la présence d’une majoration des symptômes physiques, pour des raisons psychologiques, tout en amenant certaines nuances. Son bilan neuropsychologique, avec tests de validation, soutenait une exagération des déficits cognitifs à l’heure actuelle. Le décalage entre la préservation de certains aspects de la vie sociale de cette femme (capacité de prendre des vacances en tirant un profit, préservation de certaines activités instrumentales) et sa souffrance affichée était frappant. L’expert précisait toutefois que cela devait être distingué de la simulation car l’expertisée décrivait aisément ce décalage, expliquant qu’elle avait la capacité de mobiliser ses ressources pour de courtes durées lorsqu’elle était en « représentation sociale » auprès de sa famille élargie. Ne pas perdre la face, garder une composition acceptable étaient des éléments précieux, compte tenu de ses traits de personnalité narcissique ; ainsi, l’expertisée ne tentait pas d’inventer une réalité pour obtenir des bénéfices secondaires. Elle était très sensible à l’intérêt qu’on lui portait et ressentait un sentiment d’injustice en lien avec le conflit assécurologique. On observait une majoration de ses symptômes avec une composante inconsciente, démontrée par le test de validation.

Les diagnostics retenus ayant une répercussion sur la capacité de travail étaient les épisodes dépressifs moyens dès 2019 (F 32.1), le syndrome douloureux somatoforme persistant dès 2004 (F 45.4) et les traits de personnalité histrionique et narcissique, dès le début de l’âge adulte (Z 73.1). L’expert considérait que c’était suite au refus de l’OAI, basé sur une expertise très mal vécue par l’assurée, que cette dernière avait développé une dépression sévère, qui avait nécessité des soins intensifs ambulatoires. À l’heure actuelle, la symptomatologie dépressive était de sévérité moyenne, comme évoqué par les thérapeutes du T______. Depuis la décision de refus de prestations prononcée par l’OAI de Bâle-Campagne, en date du 28 mai 2010, l’état clinique de l’assurée s’était considérablement aggravé sur deux plans : celui du syndrome douloureux somatoforme avec diffusion des douleurs sur l’ensemble du corps et présence des paresthésies, et celui d’un épisode dépressif, actuellement moyen, depuis 2019.

Les traits de personnalité histrionique et narcissique étaient restés stables, ainsi que la majoration des symptômes physiques pour des raisons psychologiques, déjà observés en 2009. S’agissant des limitations fonctionnelles en lien avec le syndrome douloureux somatoforme, cela incluait le désinvestissement de la vie sociale avec désintérêt pour les réalisations professionnelles et repli sur soi avec fixation sur la plainte douloureuse, limitation de la mobilité, fatigue et diminution de la concentration. Ces limitations existaient dès 2004 mais avaient pris une ampleur considérable depuis 2012, lorsque les douleurs étaient devenues diffuses, avec adjonction d’une plainte sensorielle. Les limitations fonctionnelles en lien avec l’épisode dépressif étaient l’aboulie et l’anhédonie partielle, les fluctuations de l’humeur, la tendance à l’isolement avec diminution des liens sociaux mais aussi et surtout, le sentiment de dévalorisation et la baisse de son élan vital. Ces limitations fonctionnelles étaient présentes depuis le début de l’année 2019 mais étaient en voie d’amendement, en lien avec le traitement adéquat de son épisode dépressif, qui commençait à porter ses fruits. À l’heure actuelle, on retrouvait une dépression moyenne et non plus sévère, ce qui permettait d’envisager à court terme (12 mois) une disparition de la plupart des limitations fonctionnelles liées à l’épisode dépressif, à l’exception du sentiment de dévalorisation et de la tendance à l’isolement. La persistance de ces deux dernières limitations était favorisée par les traits de personnalité histrionique et narcissique qui n’étaient pas, en soi, invalidants, mais qui potentialisaient l’invalidité liée aux deux diagnostics précités de syndrome douloureux somatoforme et d’épisode dépressif de sévérité moyenne. L’expert ajoutait que la haute estime de soi et la tendance à être facilement blessée, de même que le besoin d’admiration et de reconnaissance et l’affectivité superficielle qui caractérisaient l’expertisée, l’exposaient à un deuil très difficile entre les aspirations passées (femme ayant réussi professionnellement et à l’aise socialement) et sa réalité actuelle (femme isolée, ayant son âge, sans vie affective et professionnelle). Le sentiment de honte se retrouvait ainsi potentialisé, la tendance au repli favorisée et fixée durablement. Il s’agissait de la partie la plus difficile à soigner dans une perspective future.

La plainte douloureuse et la symptomatologie dépressive avaient été identifiées lors de l’examen psychiatrique ; s’agissant du fonctionnement cognitif, on retrouvait une série d’atteintes sur le plan attentionnel, exécutif et de la mémoire, compatibles avec un épisode dépressif ; toutefois, cela devait être relativisé compte tenu de la présence d’une majoration des symptômes détectés par le test de validation.

Sur le plan de la cohérence, le tableau clinique était cohérent avec une évolution classique et au long cours d’un syndrome douloureux somatoforme qui se compliquait avec un épisode dépressif actuellement moyen. On ne retrouvait pas d’atypique sur un plan qualitatif dans l’expression clinique observée ici, qui concordait avec la littérature en la matière.

En ce qui concernait la capacité de travail, l’expert psychiatre considérait que l’assurée n’était pas capable d’exercer son ancienne activité d’aide-comptable en raison des limitations fonctionnelles dues aux deux diagnostics principaux : le syndrome douloureux somatoforme et l’épisode dépressif moyen. Même si les limitations fonctionnelles en lien avec l’épisode dépressif moyen pouvaient s’améliorer en partie, il était illusoire d’espérer une reprise d’activité d’aide-comptable. Il fallait noter que la dépression associée au syndrome douloureux somatoforme était une cause fréquente d’arrêt de travail au long cours qui évoluait peu, malgré les soins donnés. L’expert considérait que la capacité de travail en milieu usuel était nulle depuis le début de l’année 2019, date de l’apparition de l’épisode dépressif

Depuis le 28 mai 2010, date de la dernière décision de l’OAI du canton de Bâle-campagne, qui était entrée en force, l’expert considérait qu’il fallait retenir une incapacité de travail de 70 %, en lien avec le syndrome douloureux somatoforme et ceci dès le début de l’année 2012, une date clé qui correspondait à la séparation définitive [des époux] avec installation de l’assurée à Genève et à la généralisation de ses douleurs, avec aggravation dudit syndrome. Un pourcentage de 30 % de capacité résiduelle devait être, a priori, accepté au regard des ressources restantes, mobilisables en situation d’exposition sociale et de sa capacité à s’occuper de ses enfants et de prendre des vacances. La majoration des symptômes physiques pour des raisons psychologiques conduisait l’expert à considérer que 30 % de son incapacité correspondait à une surcharge, en lien avec le sentiment d’injustice qu’elle éprouvait. In fine, l’expert considérait qu’une capacité de travail de 40 % dans son activité usuelle, pour la période allant de début 2012 au début 2019, pouvait être retenue, mais uniquement à partir du début de l’année 2019, début de l’incapacité de travail totale. Appelé à s’exprimer sur une distinction de capacité de travail entre le milieu usuel et adapté, le psychiatre considérait que cela faisait peu de sens car le travail d’aide-comptable était investi et restait adapté à l’assurée. Il n’y avait donc aucune place pour imaginer qu’une réadaptation professionnelle améliorerait la capacité de travail sur un plan psychiatrique. L’expert précisait encore que pour la période allant de 2007 à 2012, il lui était impossible de se prononcer, a posteriori, au degré de la vraisemblance prépondérante, étant donné que le diagnostic de syndrome douloureux somatoforme était déjà présent (mais non retenu à l’époque) mais sans aggravation, avec diffusion des douleurs. Son interaction avec les diagnostics retenus par les experts en 2009 était impossible à reconstruire après un laps de temps de 11 ans.

L’expert estimait encore qu’une activité usuelle ou adaptée à 40 % pouvait être reprise, une fois l’épisode dépressif en rémission complète. Les mesures médicales nécessaires incluaient une potentialisation du traitement antidépresseur qui était recommandé, mais non exigible sur le plan médico-assuranciel. Le suivi intégré proposé au T______ était considéré comme optimal au vu de la situation.

i. Le Dr Z________, rhumatologue et spécialiste en médecine interne, a rendu son rapport d’expertise en date du 7 décembre 2021.

L’expert a présenté et résumé l’ensemble des documents médicaux depuis le bilan neurologique du 15 mars 2005. Après une rapide anamnèse familiale, l’expert a relaté les plaintes somatiques de l’assurée, indiquant notamment au niveau du rachis cervical que les mouvements de la nuque étaient impossibles à mesurer car l’assurée retenait volontairement tous les mouvements, mais qu’il n’y avait pas de contracture. Les examens du rachis dorsal et lombaire étaient impossibles à mesurer. S’agissant de la distance doigts-sol, l’assurée ne pouvait pas se pencher en avant de plus de 5 cm. La recherche de points douloureux pour une fibromyalgie était positive, avec 14 points sur 18. Il y avait une présence de signes de non organicité selon WADDELL, l’assurée ne pouvant pas se pencher en avant, mais se relevant de la table d’examen en faisant une flexion du rachis, et ne pouvant pas mobiliser sa hanche gauche mais faisant des flexions de hanche normales lorsqu’elle se déshabillait et lorsqu’elle s’habillait. L’assurée était décrite comme bougeant la nuque normalement lors de l’anamnèse et lorsqu’elle se déplaçait dans la rue. Les diagnostics ayant une répercussion sur la capacité de travail étaient la fibromyalgie (M79.7) et les cervicalgies chroniques sur des discopathies C5-C6 et C6-C7 associées à des protrusions discales postérieures, compatibles avec des séquelles d’entorse cervicale post-traumatique (M 50).

À l'issue de l’examen clinique, l’expert rhumatologue a considéré que ce dernier avait mis clairement en évidence les signes cliniques pour pouvoir poser le diagnostic de fibromyalgie, tout en notant des signes de somatisation, qui étaient clairement à mettre sur le compte de la fibromyalgie, étant rappelé que cette dernière était une maladie liée à un choc psychologique majeur ou un syndrome post-traumatique. Ces événements provoquaient des troubles du sommeil majeurs, qui avaient comme résultat la mauvaise gestion des douleurs par les centres de la douleur au niveau du cerveau. Dans la norme, le centre de la douleur éliminait la plupart des douleurs qui étaient produites par le corps et ne gardait que les douleurs liées à des problèmes physiques potentiellement graves. Dans le cadre de la fibromyalgie, ce filtre n’existait plus ; les patients ressentaient avec force et acuité toutes les douleurs mêmes les plus banales. À ce problème, il était également associé des épisodes d’hypotension, des épisodes de constipation et de diarrhées et des allergies peu claires. Les fibromyalgiques avaient l’impression que personne ne les croyait. C’est pour cette raison qu’ils avaient tendance à surjouer les plaintes et que souvent, on les traitait d’histrioniques. Dans le cas présent, l’expert retenait que l’accident de 2003 avait provoqué un syndrome post-traumatique à mettre sur le compte d’une probable situation psychologique déjà difficile.

Sur le plan purement rhumatologique, l’expert retenait comme diagnostic des cervicalgies chroniques sur des discopathies C5-C6 et C6-C7 associées à des protrusions discales postérieures compatibles avec les séquelles d’entorse cervicale post-traumatique, étant rappelé que ce diagnostic avait toujours été évoqué par les médecins qui avaient vu ou suivi l’assurée. L’accident de 2003 pouvait être considéré comme grave dans son déroulement et avait provoqué un traumatisme d’accélération cranio-cervicale avec distorsion de la colonne cervicale et des lésions traumatiques.

En ce qui concernait la capacité de travail de l’assurée dans son activité habituelle d'aide comptable, l’expert notait que cela nécessitait de faire un travail devant un ordinateur pendant quasiment la totalité du temps de travail journalier et cela nécessitait une concentration maximale pour éviter d’introduire des erreurs au niveau des chiffres ou autres données, ce qui pouvait provoquer des contractures de la musculature para cervicale au niveau des trapèzes. Ces plaintes étaient régulièrement vues et discutées sans qu'un diagnostic radiologique soit posé ; la prescription de séances de physiothérapie et l’adaptation du poste de travail suffisaient à garder une capacité de travail à 100 %. Dans le cas de l’assurée, l’expert estimait que l’accident de 2003 avait provoqué des lésions des disques vertébraux et des articulations, ayant pour conséquence l’installation définitive de discopathies et de signes d’arthrose accompagnés de troubles de la posture, ce qui était démontré d’une façon certaine par l’IRM de 2016.

L’expert considérait donc que dans l’activité d’aide comptable (qui est déjà une activité adaptée au diagnostic), la capacité de travail en relation avec les lésions cervicales constatées était de 50 %, soit quatre heures de travail par jour. Cette évaluation de la capacité de travail tenait compte du poste de travail et de la fonction, en relation avec les atteintes rhumatologiques décrites et rejoignait l’appréciation du Dr N______, neurologue, en 2017. Elle était définitive, aussi bien dans une activité d'aide comptable que dans un travail adapté. La possibilité d’une intervention chirurgicale évoquée en 2016 par un neurochirurgien devrait être évaluée dans un moyen terme tout en gardant à l’esprit qu’une fibromyalgie pouvait être une contre-indication à un geste chirurgical. Le point de départ de la capacité de travail réduite à 50 % était fixé à l’accident intervenu en 2003. S’agissant de la capacité de travail dans une activité adaptée, le Dr Z________ considérait que l’activité usuelle d'aide comptable était déjà une activité adaptée au handicap de l’assurée. En ce qui concerne le rapport d’expertise médicale bi-disciplinaire du 10 décembre 2018, l’expert se déclarait d’accord avec les diagnostics posés mais s’écartait de l’interprétation sur leur implication sur la capacité de travail car pour lui, les atteintes rhumatologiques de la colonne cervicale étaient réelles et prouvées, et avaient une répercussion sur la capacité de travail dans l’activité habituelle et dans une activité adaptée, avec une répercussion de 50 % sur la capacité de travail, et cela de façon définitive. S’agissant des avis des médecins traitants, les Drs U______, S______, O______, J______ et N______, l’expert déclarait être entièrement d’accord avec ces avis. Le pronostic était réservé vu l’évolution naturelle des lésions vertébrales. Une intervention chirurgicale devrait être discutée dans deux à trois ans, avec une révision de la rente dans cinq ans. Parallèlement, il faudrait que l’assurée puisse bénéficier d’une remise à niveau de ses compétences d’aide comptable.

j. En l’absence de consilium entre les deux experts, la chambre de céans a interrogé les parties, qui se sont déclarées favorables à ce qu’un consilium ait lieu. L’OAI ajoutait, par courrier du 15 février 2022, que les expertises judiciaires rhumatologique et psychiatrique ne présentaient pas de valeur probante et ne devaient pas être suivies, ce qui impliquait que l’appréciation de l’OAI restait identique. Un avis médical du SMR daté du 4 janvier 2022 conduisait ce dernier à considérer que l’assurée présentait encore des ressources, ce qui ne permettait pas d’évaluer sa capacité de travail à zéro comme l’avait fait l’expert psychiatre. En ce qui concernait l’expertise rhumatologique, en l’absence de syndrome vertébral et de critères pour une atteinte radiculaire, le SMR ne pouvait pas suivre les conclusions de l’expert rhumatologue. La chambre de céans a relancé les experts, par courrier du 25 février 2022, afin qu’ils communiquent une appréciation consensuelle du cas.

k. Par lettre du 30 mars 2022, l’expert Z________ a informé la chambre de céans qu’il s’était entretenu en date du 29 mars 2022 avec son confrère psychiatre, le Prof. X________, et que les experts avaient conclu qu’en l’absence d’un diagnostic rhumatologique invalidant et en l’absence d’incapacité de travail du point de vue rhumatologique, la discussion des répercussions du syndrome somatoforme douloureux/fibromyalgie (et des autres atteintes psychiatriques) sur la capacité de travail serait faite par l’expert psychiatre, ce qui correspondait, en tous points, à sa première réponse.

l. Par courriers du 26 avril 2022, les parties ont relevé que le contenu du courrier du 30 mars 2022 était ambigu et paraissait contradictoire avec la conclusion posée par l’expert dans son rapport d’expertise rhumatologique du 7 décembre 2021, en page 18.

m. Afin de dissiper les doutes, la chambre de céans a décidé d’appointer une audience de comparution personnelle et de procéder également à l’audition du Dr Z________.

n. Entendu en qualité de témoin lors de l’audience du 1er juin 2022, l’expert Z________ s’est expliqué sur ce qui pouvait apparaître comme une contradiction entre la conclusion figurant en page 18 de son rapport d’expertise du 7 décembre 2021 et son courrier de consilium du 30 mars 2022. Dans ce dernier, il indiquait qu’il concluait à l’absence de diagnostic rhumatologique invalidant et à l’absence d’incapacité de travail du point de vue rhumatologique mais - ajoutait-il - uniquement au regard du syndrome somatoforme douloureux ou fibromyalgie lequel n’était, selon lui, pas du ressort de la rhumatologie mais plutôt de la psychiatrie, ce qui signifiait qu’il laissait son confrère, le Prof. X________, traiter ce point, ce qui n’avait, naturellement, aucune répercussion sur sa conclusion au bas de la page 18 de son rapport d’expertise.

Ainsi, il confirmait que la capacité de travail de la recourante dans une activité aussi bien habituelle qu’adaptée était de 50 % depuis 2003, étant précisé qu’il considérait que son ancienne activité d’aide comptable était une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles.

Interrogé par la représentante de l’OAI, le Dr Z________ a précisé que depuis 2003 et l’accident sur la voie publique, qui avait été grave et impressionnant, il jugeait probable l’occurrence d’un syndrome post-traumatique et le développement d’une fibromyalgie consécutive à ce stress majeur. À son sens, tous les symptômes de la fibromyalgie étaient réunis. Alors qu’on lui faisait remarquer qu’il s’agissait, en principe, d’un diagnostic qui devait être posé par un psychiatre, le Dr Z________ a acquiescé, tout en ajoutant qu’en ce qui le concernait, sur le plan rhumatologique, il considérait que la capacité de travail à 50 % était consécutive à l’accident de 2003, suite aux problèmes de colonne cervicale, qui étaient amplement décrits dans le dossier.

La représentante de l’OAI lui a fait remarquer que les IRM effectuées en 2015 ne semblaient pas conforter ce diagnostic. Le Dr Z________ a répondu que les douleurs qui étaient décrites par les personnes n’étaient pas toujours en lien avec ce que l’on constatait, de manière statique, sur les radiographies et les IRM ; cela restait une difficulté sur le plan rhumatologique et cela expliquait la différence d’interprétation par rapport aux IRM effectuées en 2015. L’expert constatait que l’assurée n’avait jamais varié dans ses explications sur les douleurs consécutives à l’accident ; il y avait eu au moment de l’accident un mouvement très violent flexion – extension de la colonne cervicale, étant rappelé que le véhicule avait fait plusieurs tonneaux, le tout pouvant déclencher des douleurs qui demeureraient toute la vie sans pouvoir être objectivées sur le plan radiologique. Il précisait encore que, par rapport au courrier du 30 mars 2022, il laissait son confrère psychiatre faire son diagnostic et ne le commentait pas, tout en expliquant, qu’à son sens, le trouble somatoforme douloureux était du ressort de la psychiatrie mais équivalait, selon lui, à la fibromyalgie, qui était du ressort de la rhumatologie. Il n’en restait pas moins que le diagnostic somatique de trouble à la colonne cervicale depuis 2003 restait valable.

À l’issue de l’audience, la représentante de l’OAI a confirmé qu’elle contestait les conclusions de l’expertise rhumatologique ainsi que celles de l’expertise psychiatrique dans la mesure où, pour cette dernière, il y avait une exagération des symptômes et qu’il n’y avait pas eu de validation des tests psychologiques qui avait été effectués.

De son côté, la recourante s’est ralliée aux conclusions des deux expertises, en souhaitant une rapide décision. Elle a ajouté qu’elle avait créé un bon lien avec la psychiatre S______, qu’elle continuait à consulter, et qu’elle continuait également à prendre des antidépresseurs, ainsi que des antidouleurs. Depuis 2003, elle endurait de grandes souffrances, avec le sentiment qu’elle ne pouvait rien faire contre ces dernières et qu’elle ne retournerait plus jamais dans l’état physique qui était le sien avant l’accident ; ses douleurs étaient devenues un obstacle et elle avait de plus en plus de peine avec la mémoire et la concentration.

o. Sur ce, les parties n’ont pas demandé d’autres actes d’instruction et ont été informées, à la fin de l’audience de comparution personnelle, que l’affaire était gardée à juger.

p. Les autres faits seront mentionnés, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

EN DROIT

1.        Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        À teneur de l’art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-invalidité, à moins que la loi n’y déroge expressément.

3.        Le 1er janvier 2021, est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Toutefois, dans la mesure où le recours était, au 1er janvier 2021, pendant devant la chambre de céans, il reste soumis à l'ancien droit (cf. art. 82a LPGA).

4.        Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).

En l’occurrence, la décision querellée a été rendue antérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

5.        Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pour la période du 15 juillet au 15 août inclusivement (art. 38 al. 4 let. b LPGA et art. 89C let. b LPA), le recours est recevable.

6.        Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de refus d’octroyer des prestations invalidité rendue par l’OAI, en date du 27 juin 2019.

7.        Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70 % au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60 % au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50 % au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40 % au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI).

8.         

8.1 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; ATF 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanent d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; ATF 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; ATF 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

8.2 Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).

Le Tribunal fédéral a en revanche maintenu, voire renforcé la portée des motifs d'exclusion définis dans l'ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d'un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d'une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2 ; ATF 132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).

8.3 L'organe chargé de l'application du droit doit, avant de procéder à l'examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d'une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l'assurance-invalidité, c'est-à-dire qui résiste aux motifs dits d'exclusion tels qu'une exagération ou d'autres manifestations d'un profit secondaire tiré de la maladie (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 5.2.2 et la référence).

8.4 Pour des motifs de proportionnalité, on peut renoncer à une appréciation selon la grille d’évaluation normative et structurée si elle n’est pas nécessaire ou si elle est inappropriée. Il en va ainsi notamment lorsqu’il n’existe aucun indice en faveur d’une incapacité de travail durable ou lorsque l’incapacité de travail est niée sous l’angle psychique sur la base d’un rapport probant établi par un médecin spécialisé et que d’éventuelles appréciations contraires n’ont pas de valeur probante du fait qu’elles proviennent de médecins n’ayant pas une qualification spécialisée ou pour d’autres raisons (arrêt du Tribunal fédéral 9C_101/2019 du 12 juillet 2019 consid. 4.3 et la référence ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_724/2018 du 11 juillet 2019 consid. 7). En l’absence d’un diagnostic psychiatrique, une telle appréciation n’a pas non plus à être effectuée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_176/2018 du 16 août 2018 consid. 3.2.2).

9.        Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence). 

Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4)

Ces indicateurs sont classés comme suit :

I. Catégorie « degré de gravité fonctionnelle »

Les indicateurs relevant de cette catégorie représentent l’instrument de base de l’analyse. Les déductions qui en sont tirées devront, dans un second temps, résister à un examen de la cohérence (ATF 141 V 281 consid. 4.3).

A. Axe « atteinte à la santé »

1. Caractère prononcé des éléments et des symptômes pertinents pour le diagnostic

Les constatations relatives aux manifestations concrètes de l’atteinte à la santé diagnostiquée permettent de distinguer les limitations fonctionnelles causées par cette atteinte de celles dues à des facteurs non assurés. Le point de départ est le degré de gravité minimal inhérent au diagnostic. Il doit être rendu vraisemblable compte tenu de l’étiologie et de la pathogenèse de la pathologie déterminante pour le diagnostic (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.1).

L'influence d'une atteinte à la santé sur la capacité de travail est davantage déterminante que sa qualification en matière d'assurance-invalidité (ATF 142 V 106 consid. 4.4). Diagnostiquer une atteinte à la santé, soit identifier une maladie d'après ses symptômes, équivaut à l'appréciation d'une situation médicale déterminée qui, selon les médecins consultés, peut aboutir à des résultats différents en raison précisément de la marge d'appréciation inhérente à la science médicale (ATF 145 V 361 consid. 4.1.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_212/2020 du 4 septembre 2020 consid. 4.2 et 9C_762/2019 du 16 juin 2020 consid. 5.2).

2. Succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à ces derniers

Le déroulement et l'issue d'un traitement médical sont en règle générale aussi d'importants indicateurs concernant le degré de gravité du trouble psychique évalué. Il en va de même du déroulement et de l'issue d'une mesure de réadaptation professionnelle. Ainsi, l'échec définitif d'une thérapie médicalement indiquée et réalisée selon les règles de l'art de même que l'échec d'une mesure de réadaptation - malgré une coopération optimale de l'assuré - sont en principe considérés comme des indices sérieux d'une atteinte invalidante à la santé. À l'inverse, le défaut de coopération optimale conduit plutôt à nier le caractère invalidant du trouble en question. Le résultat de l'appréciation dépend toutefois de l'ensemble des circonstances individuelles du cas d'espèce (arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2.1.3 et la référence).

3. Comorbidités

La présence de comorbidités ou troubles concomitants est un indicateur à prendre en considération en relation avec le degré de gravité fonctionnel (arrêt du Tribunal fédéral 9C_650/2019 du 11 mai 2020 consid. 3.3 et la référence). On ne saurait toutefois inférer la réalisation concrète de l'indicateur « comorbidité » et, partant, un indice suggérant la gravité et le caractère invalidant de l'atteinte à la santé, de la seule existence de maladies psychiatriques et somatiques concomitantes. Encore faut-il examiner si l'interaction de ces troubles ayant valeur de maladie prive l'assuré de certaines ressources (arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 consid. 5.2.3 et le référence). Il est nécessaire de procéder à une approche globale de l’influence du trouble avec l’ensemble des pathologies concomitantes. Une atteinte qui, selon la jurisprudence, ne peut pas être invalidante en tant que telle (cf. ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_98/2010 du 28 avril 2010 consid. 2.2.2, in : RSAS 2011 IV n° 17, p. 44) n’est pas une comorbidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1040/2010 du 6 juin 2011 consid. 3.4.2.1, in : RSAS 2012 IV n° 1, p. 1) mais doit à la rigueur être prise en considération dans le cadre du diagnostic de la personnalité (ATF 141 V 281 consid. 4.3.2). Ainsi, un trouble dépressif réactionnel au trouble somatoforme ne perd pas toute signification en tant que facteur d’affaiblissement potentiel des ressources, mais doit être pris en considération dans l’approche globale (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.3).

Même si un trouble psychique, pris séparément, n'est pas invalidant en application de la nouvelle jurisprudence, il doit être pris en considération dans l'appréciation globale de la capacité de travail, qui tient compte des effets réciproques des différentes atteintes. Ainsi, une dysthymie, prise séparément, n'est pas invalidante, mais peut l'être lorsqu'elle est accompagnée d’un trouble de la personnalité notable. Par conséquent, indépendamment de leurs diagnostics, les troubles psychiques entrent déjà en considération en tant que comorbidité importante du point de vue juridique si, dans le cas concret, on doit leur attribuer un effet limitatif sur les ressources (ATF 143 V 418 consid. 8.1).

B. Axe « personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles)

Le « complexe personnalité » englobe, à côté des formes classiques du diagnostic de la personnalité qui vise à saisir la structure et les troubles de la personnalité, le concept de ce qu’on appelle les « fonctions complexes du moi » qui désignent des capacités inhérentes à la personnalité, permettant des déductions sur la gravité de l’atteinte à la santé et de la capacité de travail (par exemple : auto-perception et perception d’autrui, contrôle de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité et motivation; cf. ATF 141 V 281 consid. 4.3.2). Étant donné que l’évaluation de la personnalité est davantage dépendante de la perception du médecin examinateur que l’analyse d’autres indicateurs, les exigences de motivation sont plus élevées (ATF 141 V 281 consid. 4.3.2).

Le Tribunal fédéral a estimé qu’un assuré présentait des ressources personnelles et adaptatives suffisantes, au vu notamment de la description positive qu’il avait donnée de sa personnalité, sans diminution de l'estime ou de la confiance en soi et sans peur de l'avenir (arrêt du Tribunal fédéral 8C_584/2016 du 30 juin 2017 consid. 5.2).

C. Axe « contexte social »

Si des difficultés sociales ont directement des conséquences fonctionnelles négatives, elles continuent à ne pas être prises en considération. En revanche, le contexte de vie de l’assuré peut lui procurer des ressources mobilisables, par exemple par le biais de son réseau social. Il faut toujours s’assurer qu’une incapacité de travail pour des raisons de santé ne se confond pas avec le chômage non assuré ou avec d’autres difficultés de vie (ATF 141 V 281 consid. 4.3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 consid. 5.2.3).

Lors de l'examen des ressources que peut procurer le contexte social et familial pour surmonter l'atteinte à la santé ou ses effets, il y a lieu de tenir compte notamment de l'existence d'une structure quotidienne et d'un cercle de proches [ ]. Le contexte familial est susceptible de fournir des ressources à la personne assurée pour surmonter son atteinte à la santé ou les effets de cette dernière sur sa capacité de travail, nonobstant le fait que son attitude peut rendre plus difficile les relations interfamiliales (arrêt du Tribunal fédéral 9C_717/2019 du 30 septembre 2020 consid. 6.2.5.3). Toutefois, des ressources préservées ne sauraient être inférées de relations maintenues avec certains membres de la famille dont la personne assurée est dépendante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2020 du 22 octobre 2020 consid. 5.2).

 

II. Catégorie « cohérence »

Il convient ensuite d’examiner si les conséquences qui sont tirées de l’analyse des indicateurs de la catégorie « degré de gravité fonctionnel » résistent à l’examen sous l’angle de la catégorie « cohérence ». Cette seconde catégorie comprend les indicateurs liés au comportement de l’assuré (ATF 141 V 281 consid. 4.4). À ce titre, il convient notamment d’examiner si les limitations fonctionnelles se manifestent de la même manière dans la vie professionnelle et dans la vie privée, de comparer les niveaux d’activité sociale avant et après l’atteinte à la santé ou d’analyser la mesure dans laquelle les traitements et les mesures de réadaptation sont mis à profit ou négligés. Dans ce contexte, un comportement incohérent est un indice que les limitations évoquées seraient dues à d’autres raisons qu’une atteinte à la santé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.3).

A. Limitation uniforme du niveau des activités dans tous les domaines comparables de la vie

Il s’agit ici de se demander si l’atteinte à la santé limite l’assuré de manière semblable dans son activité professionnelle ou dans l’exécution de ses travaux habituels et dans les autres activités (par exemple, les loisirs). Le critère du retrait social utilisé jusqu’ici doit désormais être interprété de telle sorte qu’il se réfère non seulement aux limitations mais également aux ressources de l’assuré et à sa capacité à les mobiliser. Dans la mesure du possible, il convient de comparer le niveau d’activité sociale de l’assuré avant et après la survenance de l’atteinte à la santé (ATF 141 V 281 consid. 4.4.1).

B. Poids de la souffrance révélé par l’anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation

L'interruption de toute thérapie médicalement indiquée sur le plan psychique et le refus de participer à des mesures de réadaptation d'ordre professionnel sont des indices importants que l’assuré ne présente pas une évolution consolidée de la douleur et que les limitations invoquées sont dues à d'autres motifs qu'à son atteinte à la santé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_569/2017 du 18 juillet 2018 consid. 5.5.2).

La prise en compte d’options thérapeutiques, autrement dit la mesure dans laquelle les traitements sont mis à profit ou alors négligés, permet d’évaluer le poids effectif des souffrances. Tel n’est toutefois pas le cas lorsque le comportement est influencé par la procédure assécurologique en cours. Il ne faut pas conclure à l’absence de lourdes souffrances lorsque le refus ou la mauvaise acceptation du traitement recommandé est la conséquence d’une incapacité (inévitable) de l’assuré à reconnaître sa maladie (anosognosie). Les mêmes principes s’appliquent pour les mesures de réadaptation. Un comportement incohérent de l'assuré est là aussi un indice que la limitation fonctionnelle est due à d’autres raisons qu’à l'atteinte à la santé assurée (ATF 141 V 281 consid. 4.4.2).

10.    Selon la jurisprudence rendue jusque-là à propos des dépressions légères à moyennes, les maladies en question n'étaient considérées comme invalidantes que lorsqu'on pouvait apporter la preuve qu'elles étaient « résistantes à la thérapie » (ATF 140 V 193 consid 3.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_841/2016 du 8 février 2017 consid. 3.1 et 9C_13/2016 du 14 avril 2016 consid. 4.2).

Dans l'ATF 143 V 409 consid. 4.2, le Tribunal fédéral a rappelé que le fait qu'une atteinte à la santé psychique puisse être influencée par un traitement ne suffit pas, à lui seul, pour nier le caractère invalidant de celle-ci ; la question déterminante est en effet celle de savoir si la limitation établie médicalement empêche, d'un point de vue objectif, la personne assurée d'effectuer une prestation de travail. À cet égard, toutes les affections psychiques doivent en principe faire l'objet d'une procédure probatoire structurée au sens de l'ATF 141 V 281 (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Ainsi, le caractère invalidant des atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_142/2018 du 24 avril 2018 consid. 5.2).

Dans les cas où, au vu du dossier, il est vraisemblable qu'il n'y a qu'un léger trouble dépressif, qui ne peut déjà être considéré comme chronifié et qui n'est pas non plus associé à des comorbidités, aucune procédure de preuve structurée n'est généralement requise (arrêt du Tribunal fédéral 9C_14/2018 du 12 mars 2018 consid 2.1).

Le Tribunal fédéral a récemment rappelé qu’en principe, seul un trouble psychique grave peut avoir un caractère invalidant. Un trouble dépressif de degré léger à moyen, sans interférence notable avec des comorbidités psychiatriques, ne peut généralement pas être défini comme une maladie mentale grave. S'il existe en outre un potentiel thérapeutique significatif, le caractère durable de l'atteinte à la santé est notamment remis en question. Dans ce cas, il doit exister des motifs importants pour que l'on puisse néanmoins conclure à une maladie invalidante. Si, dans une telle constellation, les spécialistes en psychiatrie attestent sans explication concluante (éventuellement ensuite d'une demande) une diminution considérable de la capacité de travail malgré l'absence de trouble psychique grave, l'assurance ou le tribunal sont fondés à nier la portée juridique de l'évaluation médico-psychiatrique de l'impact (ATF 148 V 49 consid. 6.2.2 et les références).

11.    Selon la jurisprudence, une dysthymie (F34.1) est susceptible d'entraîner une diminution de la capacité de travail lorsqu'elle se présente avec d'autres affections, à l'instar d'un grave trouble de la personnalité. Pour en évaluer les éventuels effets limitatifs, ces atteintes doivent en principe faire l'objet d'une procédure probatoire structurée selon l'ATF 141 V 281 (arrêt du Tribunal fédéral 9C_599/2019 du 24 août 2020 consid. 5.1 et la référence).

12.    Des traits de personnalité signifient que les symptômes constatés ne sont pas suffisants pour retenir l’existence d’un trouble spécifique de la personnalité. Ils n'ont, en principe, pas valeur de maladie psychiatrique et ne peuvent, en principe, fonder une incapacité de travail en droit des assurances au sens des art. 4 al. 1 LAI et 8 LPGA (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 5.3 et les références).

13.    Les principes jurisprudentiels développés en matière de troubles somatoformes douloureux sont également applicables à la fibromyalgie (ATF 132 V 65 consid. 4.1), au syndrome de fatigue chronique ou de neurasthénie (ATF 139 V 346 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_662/2009 du 17 août 2010 consid. 2.3 in SVR 2011 IV n° 26 p. 73), à l'anesthésie dissociative et aux atteintes sensorielles (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 9/07 du 9 février 2007 consid. 4 in SVR 2007 IV n° 45 p. 149), à l’hypersomnie (ATF 137 V 64 consid. 4) ainsi qu'en matière de troubles moteurs dissociatifs (arrêt du Tribunal fédéral 9C_903/2007 du 30 avril 2008 consid. 3.4), de traumatisme du type « coup du lapin » (ATF 141 V 574 consid. 5.2 et ATF 136 V 279 consid. 3.2.3) et d’état de stress post-traumatique (ATF 142 V 342 consid. 5.2). En revanche, ils ne sont pas applicables par analogie à la fatigue liée au cancer (cancer-related Fatigue) (ATF 139 V 346 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_73/2013 du 2 septembre 2013 consid. 5).

14.     

14.1 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. Dans le cas des maladies psychiques, les indicateurs sont importants pour évaluer la capacité de travail, qui - en tenant compte des facteurs incapacitants externes d’une part et du potentiel de compensation (ressources) d’autre part -, permettent d’estimer la capacité de travail réellement réalisable (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_286/2020 du 6 août 2020 consid. 4 et la référence).

14.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d’investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

14.3 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

Le fait qu'une expertise psychiatrique n'a pas été établie selon les nouveaux standards - ou n'en suit pas exactement la structure - ne suffit cependant pas pour lui dénier d'emblée toute valeur probante. En pareille hypothèse, il convient bien plutôt de se demander si, dans le cadre d'un examen global, et en tenant compte des spécificités du cas d'espèce et des griefs soulevés, le fait de se fonder définitivement sur les éléments de preuve existants est conforme au droit fédéral. Il y a lieu d'examiner dans chaque cas si les expertises administratives et/ou les expertises judiciaires recueillies - le cas échéant en les mettant en relation avec d'autres rapports médicaux - permettent ou non une appréciation concluante du cas à l'aune des indicateurs déterminants. Selon l'étendue de l'instruction déjà mise en oeuvre, il peut s'avérer suffisant de requérir un complément d'instruction sur certains points précis (ATF 141 V 281 consid. 8 ; ATF 137 V 210 consid. 6 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_808/2019 du 18 août 2020 consid. 5.2. et 9C_109/2018 du 15 juin 2018 consid. 5.1).

14.4 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2 et les références ; ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

14.5 Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

Dans une procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurances sociales, lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes même faibles quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 139 V 225 consid. 5.2. et les références ; ATF 135 V 465 consid. 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_301/2013 du 4 septembre 2013 consid. 3).

14.6 Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 [RAI - RS 831.201] ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1). 

14.7 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

14.8 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

14.9 Les constatations médicales peuvent être complétées par des renseignements d’ordre professionnel, par exemple au terme d'un stage dans un centre d'observation professionnel de l'assurance-invalidité, en vue d'établir concrètement dans quelle mesure l'assuré est à même de mettre en valeur une capacité de travail et de gain sur le marché du travail. Il appartient alors au médecin de décrire les activités que l'on peut encore raisonnablement attendre de l'assuré compte tenu de ses atteintes à la santé (influence de ces atteintes sur sa capacité à travailler en position debout et à se déplacer ; nécessité d'aménager des pauses ou de réduire le temps de travail en raison d'une moindre résistance à la fatigue, par exemple), en exposant les motifs qui le conduisent à retenir telle ou telle limitation de la capacité de travail. En revanche, il revient au conseiller en réadaptation, non au médecin, d'indiquer quelles sont les activités professionnelles concrètes entrant en considération sur la base des renseignements médicaux et compte tenu des aptitudes résiduelles de l'assuré. Dans ce contexte, l'expert médical et le conseiller en matière professionnelle sont tenus d'exercer leurs tâches de manière complémentaire, en collaboration étroite et réciproque (ATF 107 V 17 consid. 2b ; SVR 2006 IV n° 10 p. 39).

En cas d'appréciation divergente entre les organes d'observation professionnelle et les données médicales, l'avis dûment motivé d'un médecin prime pour déterminer la capacité de travail raisonnablement exigible de l'assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 531/04 du 11 juillet 2005, consid. 4.2). En effet, les données médicales permettent généralement une appréciation plus objective du cas et l'emportent, en principe, sur les constatations qui peuvent être faites à l'occasion d'un stage d'observation professionnelle, qui sont susceptibles d’être influencées par des éléments subjectifs liés au comportement de l'assuré pendant le stage (arrêt du Tribunal fédéral 9C_462/2009 du 2 décembre 2009 consid. 2.4). Au regard de la collaboration, étroite, réciproque et complémentaire selon la jurisprudence, entre les médecins et les organes d'observation professionnelle (cf. ATF 107 V 17 consid. 2b), on ne saurait toutefois dénier toute valeur aux renseignements d'ordre professionnel recueillis à l'occasion d'un stage pratique pour apprécier la capacité résiduelle de travail de l'assuré en cause. Au contraire, dans les cas où l'appréciation d'observation professionnelle diverge sensiblement de l'appréciation médicale, il incombe à l'administration, respectivement au juge - conformément au principe de la libre appréciation des preuves - de confronter les deux évaluations et, au besoin de requérir un complément d'instruction (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1035/2009 du 22 juin 2010 consid. 4.1, in SVR 2011 IV n° 6 p. 17 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_833/2007 du 4 juillet 2008, in Plädoyer 2009/1 p. 70 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 35/03 du 24 octobre 2003 consid. 4.3 et les références, in Plädoyer 2004/3 p. 64 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_512/2013 du 16 janvier 2014 consid. 5.2.1).

15.    En ce qui concerne les facteurs psychosociaux ou socioculturels et leur rôle en matière d'invalidité, ils ne figurent pas au nombre des atteintes à la santé susceptibles d'entraîner une incapacité de gain au sens de l'art. 4 al. 1 LAI. Pour qu'une invalidité soit reconnue, il est nécessaire, dans chaque cas, qu'un substrat médical pertinent, entravant la capacité de travail (et de gain) de manière importante, soit mis en évidence par le médecin spécialisé. Plus les facteurs psychosociaux et socioculturels apparaissent au premier plan et imprègnent l'anamnèse, plus il est essentiel que le diagnostic médical précise s'il y a atteinte à la santé psychique qui équivaut à une maladie. Ainsi, il ne suffit pas que le tableau clinique soit constitué d'atteintes qui relèvent de facteurs socioculturels ; il faut au contraire que le tableau clinique comporte d'autres éléments pertinents au plan psychiatrique tels, par exemple, une dépression durable au sens médical ou un état psychique assimilable, et non une simple humeur dépressive. Une telle atteinte psychique, qui doit être distinguée des facteurs socioculturels, et qui doit de manière autonome influencer la capacité de travail, est nécessaire en définitive pour que l'on puisse parler d'invalidité. En revanche, là où l'expert ne relève pour l'essentiel que des éléments qui trouvent leur explication et leur source dans le champ socioculturel ou psychosocial, il n'y a pas d'atteinte à la santé à caractère invalidant (ATF 127 V 294 consid. 5a in fine).

16.     

16.1 Le point de départ de l'évaluation prévue pour les troubles somatoformes douloureux (ATF 141 V 281), les troubles dépressifs (ATF 143 V 409), les autres troubles psychiques (ATF 143 V 418) et les troubles mentaux du comportement liés à l’utilisation de substances psychoactives (ATF 145 V 215) est l'ensemble des éléments médicaux et constatations y relatives. Les experts doivent motiver le diagnostic psychique de telle manière que l'organe d'application du droit puisse comprendre non seulement si les critères de classification sont remplis (ATF 141 V 281 consid. 2.1.1), mais également si la pathologie diagnostiquée présente un degré de gravité susceptible d'occasionner des limitations dans les fonctions de la vie courante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_551/2019 du 24 avril 2020 consid. 4.1 et la référence).

16.2 Dans un arrêt de principe du 2 décembre 2019 (ATF 145 V 361), le Tribunal fédéral, à la lumière de l'ATF 141 V 281, a notamment posé une délimitation, entre l'examen (libre), par les autorités chargées de l'application du droit, de l'admission d'une incapacité de travail par l'expert psychiatre, d'une part, et une appréciation juridique parallèle inadmissible, d'autre part.

Selon le Tribunal fédéral, dans tous les cas, l’administration et, en cas de recours, le juge, doivent examiner si et dans quelle mesure les experts ont suffisamment et de manière compréhensible étayé leur évaluation de l'incapacité de travail, en tenant compte des indicateurs pertinents (questions de preuve). À cette fin, les experts doivent établir un lien avec la partie précédente de l'expertise médico-psychiatrique (avec extraits du dossier, anamnèse, constatations, diagnostics, etc.), c'est-à-dire qu'ils doivent se référer en détails aux résultats médico-psychiatriques des examens et explorations cliniques menés dans les règles de l’art qui relèvent de leur compétence. Le médecin doit donc exposer de manière détaillée les raisons médico-psychiatriques pour lesquelles les éléments constatés sont susceptibles de restreindre la capacité fonctionnelle et les ressources psychiques en termes qualitatifs, quantitatifs et temporels (ATF 143 V 418 consid. 6). À titre d’exemple, dans le cadre de troubles dépressifs récurrents de degrés légers à modérés qui sont souvent au premier plan dans l’examen de l’invalidité au sens de l’AI, cela signifie qu’il ne suffit pas que l'expert psychiatre déduise directement de l'épisode dépressif diagnostiqué une incapacité de travail, quel qu'en soit le degré ; il doit bien plutôt démontrer si et dans quelle mesure les constatations qu'il a faites (tristesse, désespoir, manque de dynamisme, fatigue, troubles de la concentration et de l'attention, diminution de la capacité d'adaptation, etc.), limitent la capacité de travail, en tenant compte - à des fins de comparaison, de contrôle et de plausibilité - des autres activités personnelles, familiales et sociales de la personne requérant une rente. Si les experts s'acquittent de cette tâche de manière convaincante, en tenant compte des éléments de preuve établis par l'ATF 141 V 281, l'évaluation des répercussions de l’atteinte psychique sera également valable du point de vue des organes chargés de l’application du droit, que ce soit l’administration ou le juge. À défaut, il se justifie, juridiquement, de s'en écarter (ATF 145 V 361 consid. 4.3 et la référence).

16.3 En ce qui concerne l'évaluation du caractère invalidant des affections psychosomatiques et psychiques, l'appréciation de la capacité de travail par un médecin psychiatre est soumise à un contrôle (libre) des organes chargés de l'application du droit à la lumière de l'ATF 141 V 281 (ATF 145 V 361 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_585/2019 du 3 juin 2020 consid. 2 et les références). Il peut ainsi arriver que les organes d'application du droit se distancient de l'évaluation médicale de la capacité de travail établie par l’expertise sans que celle-ci ne perde sa valeur probante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_128/2018 du 17 juillet 2018 consid. 2.2 et les références). Du point de vue juridique, il est même nécessaire de s’écarter de l’appréciation médicale de la capacité de travail si l’évaluation n’est pas suffisamment motivée et compréhensible au vu des indicateurs pertinents, ou n’est pas convaincante du point de vue des éléments de preuve instaurés par l’ATF 141 V 281. S’écarter de l’évaluation médicale est alors admissible, du point de vue juridique, sans que d’autres investigations médicales ne soient nécessaires (arrêt du Tribunal fédéral 9C_832/2019 du 6 mai 2020 consid. 2.2). Toutefois, lorsque l’administration ou le juge, au terme de son appréciation des preuves, parvient à la conclusion que le rapport d'expertise évalue la capacité de travail en fonction des critères de médecine des assurances établis dans l'ATF 141 V 281 et qu’il satisfait en outre aux exigences générales en matière de preuves (ATF 134 V 231 consid. 5.1), il a force probante et ses conclusions sur la capacité de travail doivent être suivies par les organes d'application de la loi. Une appréciation juridique parallèle libre en fonction de la grille d'évaluation normative et structurée ne doit pas être entreprise (cf. ATF 145 V 361 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_213/2020 du 19 mai 2020 consid. 4.3 et les références).

En fin de compte, la question décisive est toujours celle des répercussions fonctionnelles d'un trouble. La preuve d'une incapacité de travail de longue durée et significative liée à l’état de santé ne peut être considérée comme rapportée que si, dans le cadre d’un examen global, les éléments de preuve pertinents donnent une image cohérente de l’existence de limitations dans tous les domaines de la vie. Si ce n'est pas le cas, la preuve d'une limitation invalidante de la capacité de travail n'est pas rapportée et l'absence de preuve doit être supportée par la personne concernée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_423/2019 du 7 février 2020 consid. 3.2.2 et les références).

17.    Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

18.    En l’espèce, suite aux ordonnances d’expertise bi-disciplinaire, l’expert psychiatre a conclu à une capacité de travail de 40 %, depuis 2012 jusqu’au début de l’année 2019, dans l’activité habituelle et dans une activité adaptée, et de 0 % depuis le début de l’année 2019. L’expert rhumatologue a, quant à lui, conclu à une capacité de travail de 50 % dans l’activité habituelle et dans une activité adaptée depuis l’année 2003.

La recourante s’est ralliée aux conclusions des experts alors que l’intimé, selon ses dernières déclarations lors de l’audience de comparution personnelle du 1er juin 2022, les a réfutées au motif qu’il y avait eu une exagération des symptômes de la part de l’assurée et qu’il n’y avait pas eu de validation des tests psychologiques qui avaient été effectués.

La chambre de céans observe que les experts ont chacun pris connaissance du dossier complet de la recourante, étudié et discuté les rapports pertinents y figurant, présenté des anamnèses détaillées et retranscrit précisément les informations livrées par la recourante s’agissant, particulièrement, des traitements suivis, de ses plaintes et de ses habitudes. Ils ont argumenté les diagnostics retenus quant aux limitations fonctionnelles et à la capacité de travail.

L’expert rhumatologue a eu l’occasion de préciser certains points de son expertise ainsi que le sens du contenu du consilium avec son confrère psychiatre, lors de son audition du 1er juin 2022.

Les rapports d’expertise psychiatrique et rhumatologique remplissent donc, a priori, les exigences jurisprudentielles pour se voir reconnaître une pleine valeur probante.

18.1 En ce qui concerne les critiques du service SMR de l’OAI figurant dans l’avis médical du 8 avril 2022 et notamment de l’apparente contradiction entre les conclusions du Dr Z________ figurant dans son rapport d’expertise et le contenu de son courrier du 30 mars 2022, le Dr Z________ s’est expliqué en détail lors de l’audience du 1er juin 2022. Il a exposé que la question du syndrome somatoforme douloureux ou fibromyalgie n’était pas du ressort de la rhumatologie mais plutôt de la psychiatrie, ce qui signifiait qu’il se ralliait aux conclusions de son confrère psychiatre sur ce point. Il a encore précisé que cela n’avait aucune répercussion sur sa conclusion, figurant au bas de la page 18 de son rapport du 7 décembre 2021, selon laquelle l’assurée avait une capacité de travail de 50 %, soit quatre heures par jour, dans son activité habituelle d’aide comptable, qui était également une activité adaptée à ses troubles de la santé.

S’agissant du point soulevé par l’intimé, à savoir l’exagération des symptômes de la part de l’assurée, on ne voit pas en quoi cet élément serait de nature à remettre en question la valeur probante des expertises dès lors que les experts eux-mêmes ont constaté l’exagération des symptômes et en ont tenu compte dans le cadre de leurs conclusions.

L’expert psychiatre a ainsi relevé que l’expertisée était démonstrative sans être théâtrale, en page 18 de son rapport d’expertise et a noté, en page 21, que l’évaluation de la validité des symptômes mettait en évidence un biais de réponse, amenant ainsi à se questionner quant à une exagération des symptômes. En page 25 in fine du rapport, l’expert a noté spécifiquement qu’en accord avec les expertises précédentes, il confirmait la présence d’une majoration des symptômes physiques pour des raisons psychologiques tout en amenant certaines nuances. Le bilan neuropsychologique avec tests de validation soutenait par ailleurs une exagération des déficits cognitifs à l’heure actuelle. En page 26, l’expert a expliqué que l’assurée majorait ses symptômes avec une composante inconsciente démontrée par le test de validation. La majoration des plaintes a été encore une fois abordée en page 28, où l’expert a déclaré que les atteintes au fonctionnement cognitif devaient être relativisées compte tenu de la présence d’une majoration des symptômes détectée par le test de validation. La minimisation des progrès avec une exagération des plaintes rapportées à encore été mentionnée au milieu de la page 30 et il a été rappelé dans les conclusions, en page 35, que sur le plan de sa personnalité, les traits histrioniques et narcissiques étaient un facteur influençant l’expression de la souffrance de l’assurée (dramatisation, tendance à la majoration) mais aussi aggravant quant aux perspectives de récupération.

En ce qui concerne l’expert rhumatologue, ce dernier a relevé, en page 13 de son rapport d’expertise, la présence de signes de non organicité selon WADDELL, notamment le fait que l’assurée ne pouvait pas se pencher en avant mais qu’elle se relevait de la table d’examen en faisant une flexion du rachis ; qu’elle ne pouvait pas mobiliser sa hanche gauche et qu’elle faisait des flexions de hanche normales lorsqu’elle se déshabillait et lorsqu’elle s’est habillée, et enfin qu’elle bougeait la nuque normalement lors de l’anamnèse et lorsqu’elle se déplaçait dans la rue. Tous ces points ont été répétés lors de l’appréciation clinique, en page 17 du rapport d’expertise, et expliqués en page 18 : « les Fibromyalgiques ont l’impression que personne ne les croit. C’est pour cela qu’ils ont tendance à surjouer les plaintes et que souvent on les traite d’histrioniques ». L’expert a encore renvoyé à cette explication lorsqu’il s’est prononcé sur la cohérence en page 20, in fine, de son rapport d’expertise.

Dès lors que ces éléments de majoration ont été identifiés par les experts et mentionnés à plusieurs reprises dans le rapport d’expertise, on peut considérer que lesdites majorations ont été dûment prises en compte avant que les experts ne rendent leurs conclusions sur la capacité de travail de l’expertisée.

L’OAI n’explique pas en quoi les majorations auraient éventuellement été insuffisamment estimées par les experts, ni en quoi cela affecterait leurs conclusions quant à la capacité de travail de l’assurée. Par conséquent, le grief de l’intimé doit être écarté.

18.2 S’agissant de l’absence de validation des tests psychologique effectués, ce grief se confond partiellement avec celui des majorations des symptômes et de certaines discordances. Dès lors que l’expert psychiatre a identifié les majorations des plaintes ainsi que les discordances au niveau de l’appréciation des atteintes au fonctionnement cognitif comme cela été vu supra, l’absence de validation des tests ne remet pas en question la valeur probante des rapports d’expertise.

Par ailleurs, les critiques émises par le SMR de l’OAI le 4 janvier 2022 se rapportent le plus souvent à des comparaisons avec les conclusions de l’expertise administrative de 2018 dont la chambre de céans s’est écartée, raison pour laquelle elle a décidé d’ordonner une expertise judiciaire bi-disciplinaire.

Notamment, le fait que l’assurée ait déclaré en 2018 qu’elle emmenait ses enfants en voiture et partait en vacances au Kosovo tous les ans n’entre pas en contradiction avec le fait qu’elle n’indique plus utiliser sa voiture en 2021 et qu’elle ne mentionne pas être partie en vacances récemment, ce qui peut d’ailleurs être expliqué par la situation financière précaire de l’assurée, qui vit grâce aux prestations de l’Hospice général, comme elle l’a déclaré lors de la comparution personnelle du 1er juin 2022. L’examen des ressources personnelles de l’assurée, tel qu’il a été effectué par l’expert psychiatre, ne prête pas pour autant le flanc à la critique. Il sied encore d’ajouter que l’aggravation de l’état de santé de l’assurée a été fixée par l’expert psychiatre au début de l’année 2019, ce qui permet d’expliquer les différences notables entre les constatations des experts de 2018 et celles des experts de 2021.

En ce qui concerne les critiques émises par le SMR à l’encontre de l’expertise du Dr Z________ (notamment avis médical du SMR du 4 janvier 2022, page 4), on observe une différence d’appréciation des médecins du SMR et du Dr Z________ quant à la sévérité de l’atteinte au rachis qui ne remet pas pour autant en question le rapport d’expertise dès lors qu’il ne s’agit que d’une différence d’appréciation et non pas d’une contradiction. De même, le SMR se rapporte, une nouvelle fois, à l’expertise rhumatologique administrative réalisée en 2018 en s’étonnant du fait que l’expert Z________ « s’en éloigne » alors même que ce dernier a clairement expliqué, page 21, ch. 9 de son rapport d’expertise, les raisons pour lesquelles il se distanciait des conclusions de l’expertise administrative de 2018, approuvant les diagnostics posés mais s’écartant de l’implication sur la capacité de travail. On relèvera, enfin, que la capacité de travail retenue par l’expert Z________ correspond, par ailleurs, à la capacité de travail de 50 % retenue par le neurologue N______, dans son avis médical du 10 juillet 2017.

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, la chambre de céans considère que les rapports d’expertise rendus par le Prof. X________ et le Dr Z________ présentent une valeur probante et peuvent être suivis dans leurs conclusions, notamment quant à la capacité de travail.

18.3 L’expert psychiatre estime que la capacité de travail dans une activité habituelle ou adaptée de la recourante est de 40 % pour la période allant du début 2012 au début 2019, et nulle depuis lors.

L’expert rhumatologue estime, quant à lui, que la capacité de travail dans l’activité habituelle ou adaptée est de 50 % depuis la date de l’accident, soit depuis 2003.

Étant rappelé que, selon les experts, l’activité habituelle d’aide comptable est considérée comme étant une activité adaptée pour l’assurée.

Compte tenu du fait que le juge ne s'écarte pas, sans motifs impératifs, des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, et qu’il n’existe pas de motifs de s'écarter des deux rapports d’expertise dès lors qu’ils ne contiennent pas de contradictions, la chambre de céans suivra les conclusions des experts sur les dates de disparition partielle ou complète de la capacité de travail de la recourante.

En ce qui concerne le calcul du taux d’invalidité, la décision querellée ne contient pas d’élément chiffré permettant d’effectuer une comparaison des revenus dès lors que l’intimé a refusé toute prestation de l’assurance invalidité au motif que l’état de santé de l’assurée ne s’était pas aggravé depuis la décision du 14 avril 2010.

Il appartient donc à l’OAI de réactualiser les revenus de l’assurée, de procéder à une comparaison des revenus et d’effectuer le calcul du taux d’invalidité, pour une personne travaillant à 100 % conformément à la note de statut du 4 janvier 2019 et en tenant compte de la date du 20 avril 2015 comme date de dépôt de la demande de prestation invalidité.

En se fondant sur l’avis de l’expert psychiatre, la capacité de travail dans l’activité habituelle ou adaptée était de 40 % à ce moment (et depuis 2012) et est descendue à 0 % au début de l’année 2019.

L’OAI prendra comme point de départ de la capacité nulle dans une activité habituelle ou adaptée le mois de février 2019, qui correspond au mois pendant lequel les Drs N______ et O______ ont rendu leurs rapports.

19.    Compte tenu de ce qui précède, le recours sera admis et la décision du 27 juin 2019 sera annulée.

20.    La recourante obtenant gain de cause et étant assistée d’un avocat, une indemnité de CHF 4’000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

21.    Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).

 


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet et annule la décision du 27 juin 2019.

3.        Renvoie la cause à l'intimé pour nouvelle décision au sens des considérants.

4.        Octroie à la recourante une indemnité de CHF 4’000.-, à titre de dépens, à la charge de l’intimé.

5.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le