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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3191/2020

ATAS/582/2022 du 24.06.2022 ( LAA ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3191/2020 ATAS/582/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 24 juin 2022

9ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Sarah BRAUNSCHMIDT SCHEIDEGGER

 

 

recourante

 

contre

GROUPE MUTUEL ASSURANCES GMA SA, sis rue des Cèdres 5, MARTIGNY

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née en 1977, originaire du Guatemala, travaille comme employée de maison chez un particulier. À ce titre, elle est assurée obligatoirement contre les accidents professionnels et non professionnels, auprès du GROUPE MUTUEL ASSURANCES (ci-après : l’assurance).

b. Le 22 novembre 2018, l’assurée a été renversée par un automobiliste ayant perdu la maîtrise de son véhicule, alors qu'elle attendait sur le trottoir pour traverser la chaussée. Elle a été conduite en ambulance au service des urgences de la Clinique des Grangettes (cf. rapport de police établi le 15 décembre 2018), où un CT-scanner abdominal a exclu toute lésion post-traumatique et une radiographie du coude gauche a écarté une lésion traumatique osseuse décelable (cf. rapports du 23 novembre 2018 de la doctoresse B______, radiologue). Compte tenu du bilan rassurant, la patiente a pu rentrer à domicile avec un traitement antalgique symptomatique (cf. rapport du 23 novembre 2018 de la doctoresse C______, médecin auprès de la Clinique D______).

c. L’assurée a été en incapacité de travail à 100% du 23 au 26 novembre 2018, à 50% du 27 au 30 novembre 2018, à 20% du 3 au 7 décembre 2018 (certificat médical du docteur E______, spécialiste FMH en médecine générale).

d. En raison de la persistance des douleurs et d’une diminution de la force suite à l’accident de novembre 2018, des examens de l’épaule gauche ont été réalisés dès janvier 2019, soit une échographie et une arthro-IRM (cf. rapports des
24 janvier et 7 février 2019 de la doctoresse F______, radiologue et cheffe de clinque à l’Hôpital de Nyon). Au mois de mars 2019, l’assurée a consulté un spécialiste, qui a préconisé une intervention chirurgicale et un arrêt de travail de 6 mois au vu de l’activité lourde de la patiente (cf. rapport du 26 mars 2019 du docteur G______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur). L'arthroscopie de l'épaule gauche a été réalisée le 10 avril 2019 (cf. rapport opératoire du Dr G______).

Au mois de juillet 2019, l’assurée s’est soumise à des radiographies et IRM des deux épaules compte tenu de douleurs bilatérales (cf. rapports des 22 juillet 2019 du docteur H______, spécialiste FMH en radiologie).

Le 5 août 2019, une IRM de la cheville gauche a été pratiquée (cf. rapport du
6 août 2019 de la doctoresse I______, radiologue FMH).

e. Le 15 juillet 2019, l’assurée a été examinée par le médecin-conseil de l’assurance, lequel a considéré qu’elle avait vraisemblablement subi une contusion de l'épaule gauche le 22 novembre 2018, contusion qui cessait généralement de déployer ses effets après 4 à 6 semaines, une extension dans le temps de 4 à 6 semaines supplémentaires étant théoriquement admise en cas de troubles dégénératifs sous-jacents. Au-delà d'un délai maximal de 3 mois, le cursus de l'épaule gauche était régi par l’état pathologique préexistant qui avait conduit à l'intervention chirurgicale du 10 avril 2019. Partant, la relation de causalité naturelle entre l'événement accidentel et la pathologie objectivée à l'épaule gauche paraissait hautement improbable. Le même événement accidentel semblait avoir aussi causé un traumatisme de la cheville gauche. La lésion ligamentaire, partielle, pouvait être de toute origine, ne déployait pas d'effet délétère et ne justifiait pas une incapacité de travail durable depuis longtemps. En réalité, une possible lésion ligamentaire émanant de l'événement assuré, ne nécessitant pas de mesure thérapeutique particulière, et ne provoquant pas d'instabilité, avait très probablement cessé de déployer ses effets depuis longtemps. Le délai maximal était estimé à 3 mois après le traumatisme (cf. rapport du 15 septembre 2019 du docteur J______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur).

B. a. Par décision du 30 septembre 2019, l’assurance, se fondant sur l'avis de son médecin-conseil, a mis un terme au versement des prestations au 22 février 2019, au motif que les troubles à l'épaule qui subsistaient chez l'assurée n’étaient plus en relation de causalité avec l'accident survenu le 22 novembre 2018. Concernant les troubles présentés au niveau de la cheville gauche, ils ne pouvaient pas être attribués à l’accident assuré, au degré de la vraisemblance prépondérante requis, aucune lésion n’ayant été mise en évidence avant le 5 août 2019.

b. Le 31 octobre 2019, l'assurée a formé opposition, soutenant notamment que l’absence de consultation immédiate ne permettait pas d'affirmer que la lésion de la cheville gauche n'était pas en lien de causalité avec l'accident.

c. En date du 15 juillet 2020, l'assurée a transmis un rapport du 12 novembre 2019 du Dr G______.

d. Dans un avis du 5 août 2020, le Dr J______ s’est déterminé sur le rapport précité.

e. Par décision sur opposition du 8 septembre 2020, l’assurance a confirmé sa décision du 30 septembre 2019 et maintenu que la relation de causalité entre l'accident du 22 novembre 2018 et les troubles à l'épaule et à la cheville gauches ne pouvait être admise que jusqu'au 22 février 2019. En effet, le
Dr J______ avait estimé, à l'aune des pièces médicales consultées, que le statu quo sine avait été atteint à trois mois post-traumatique. Aucun élément du dossier ne permettait de douter de ces conclusions.

C. a. Par acte du 9 octobre 2020, l’assurée, par l’intermédiaire de son avocate, a interjeté recours contre cette décision sur opposition. Elle a conclu, sous suite de frais et dépens, préalablement, à son audition et à celle du Dr G______. Principalement, elle a conclu à l’annulation de la décision entreprise, à ce que l’intimée soit condamnée à lui verser les prestations légales dues à l’accident assuré, notamment les indemnités journalières et les frais de soins. En substance, la recourante a allégué avoir chuté sur l’épaule lors de l’accident et présenté un très fort « enflement » de la cheville gauche. Elle avait repris le travail pour éviter un licenciement, et, par conséquent, la perte de sa carte de légitimation et de l’unique source de revenus pour elle-même et pour toute sa famille au Guatemala. Elle avait ainsi sur-sollicité son bras valide, étant rappelé que son bras gauche était en écharpe, raison pour laquelle les radiographies de l’épaule droite réalisées trois mois après l’accident avaient montré une inflammation.

Elle a produit, entre autres, une photographie de sa cheville gauche, prise selon ses allégations dans les suites immédiates de l’accident.

b. Dans sa réponse du 14 janvier 2021, l’intimée a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision litigieuse. Elle a souligné que son médecin-conseil s’était principalement basé sur les constatations ressortant de l’arthro-IRM de l’épaule gauche, et non pas sur le seul motif que la recourante présentait également un état inflammatoire à l’épaule droite. Concernant la cheville, elle a observé que la première mention des troubles datait du mois d’août 2019. Le rapport de son médecin-conseil devait se voir reconnaître une pleine valeur probante. Ni le Dr G______, ni un autre médecin consulté par la recourante, n’avait analysé la question de la relation de causalité entre l’accident et les troubles de l’épaule et de la cheville gauches.

c. Par réplique du 18 février 2021, la recourante a invoqué que les lésions des ligaments et les déchirures des tendons étaient présumées accidentelles et qu’il incombait à l’assurance d’apporter la preuve certaine que ces atteintes étaient dues de manière manifeste à l’usure ou à une maladie. S’agissant de la cheville gauche, elle souffrait d’une déchirure du ligament calcanéo-fibulaire, et le rapport d’accident mentionnait des douleurs du membre inférieur gauche et sa cheville était considérablement enflée le jour du sinistre. Concernant l’épaule gauche, l’arthro-IRM du 7 février 2019 avait établi une déchirure partielle du tendon sus-épineux, étant souligné qu’une telle déchirure n’avait pas été constatée à droite. Or, l’intimée n’avait pas démontré de manière certaine que ces troubles étaient d’origine dégénérative ou maladive. Son obligation de prester était donc évidente. Subsidiairement, elle a maintenu sa demande d’audition du Dr G______ afin qu’il puisse expliquer de manière plus détaillée les raisons pour lesquelles il ne partageait pas l’avis du médecin-conseil.

d. Le 6 avril 2021, l’intimée a relevé qu’aucun examen n’avait été fait au niveau de la cheville gauche, qu’aucun traitement n’avait été prescrit et qu’aucune pièce médicale ne faisait état de plaintes à ce niveau dans les mois suivants le sinistre, étant observé que l’absence de toute investigation était un signe de l’absence de plaintes. Une déchirure complète du ligament calcanéo-fibulaire n’était pas établie. Ce diagnostic avait été posé à grande distance de l’accident et rien ne permettait de prouver qu’il existait dans les suites immédiates du sinistre et qu’il aurait été causé par ce dernier. Il n’était pas établi, au degré de la vraisemblance prépondérante requis, que les troubles de l’épaule et de la cheville gauches soient, au-delà du 22 février 2019, en rapport de causalité avec l’accident assuré.

e. Par écriture du 29 avril 2021, la recourante a observé que si l’on suivait la position de l’intimée, qui prétendait que la lésion à la cheville n’était pas de nature accidentelle, il faudrait alors considérer que l’on était en présence d’une lésion assimilée qui devait être prise en charge comme telle, sauf si l’assureur démontrait qu’elle était due de manière prépondérante à une maladie. Or, l’intimée n’avait pas apporté cette preuve, étant notamment rappelé que le rapport d’imagerie attestait d’une entorse de la cheville et de la déchirure de deux ligaments de la cheville, atteintes qui semblaient difficilement explicables par des causes purement maladives.

f. Le 14 juillet 2021, l’intimée a maintenu que la relation de causalité entre le trouble et l’accident n’était pas établie, vu le laps de temps écoulé entre le sinistre et la découverte des lésions de la cheville gauche, et vu les explications détaillées du médecin-conseil, qui étaient convaincantes et n’étaient mises en doute par aucune autre appréciation. Elle avait apporté la preuve que les lésions ligamentaires étaient dues de manière prépondérante à l’usure ou à la maladie, et qu’elles n’étaient donc pas à sa charge. Si la chambre de céans devait entendre le Dr G______, l’audition du Dr J______ serait également sollicitée.

Elle a joint un avis du 24 juin 2021 du Dr J______.

g. Sur demande de la chambre de céans, l’intimée lui a transmis certains documents le 27 avril 2022.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du
20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-accidents, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Toutefois, dans la mesure où le recours était, au 1er janvier 2021, pendant devant la chambre de céans, il reste soumis à l'ancien droit (cf. art. 82a LPGA ; RO 2020 5137 ; FF 2018 1597 ; erratum de la CdR de l’Ass. féd. du 19 mai 2021, publié le 18 juin 2021 in RO 2021 358).

4.             La modification du 25 septembre 2015 de la LAA est entrée en vigueur le 1er janvier 2017.

Dans la mesure où l'accident est survenu après cette date, le droit de la recourante aux prestations d'assurance est soumis au nouveau droit (cf. dispositions transitoires relatives à la modification du 25 septembre 2015 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_662/2016 du 23 mai 2017 consid. 2.2). Les dispositions légales seront citées ci-après dans leur teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2017.

5.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

6.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision sur opposition 8 septembre 2020, par laquelle l’intimée a mis un terme à ses prestations au 22 février 2019, faute de rapport de causalité entre l'événement survenu le 22 novembre 2018 et les troubles présentés par la recourante aux niveaux de l'épaule et de la cheville gauches au-delà du 22 février 2019.

7.             Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA).

Aux termes de l’art. 6 al. 2 LAA dans sa teneur en vigueur depuis le
1er janvier 2017, l’assurance alloue aussi ses prestations pour les lésions corporelles suivantes, pour autant qu'elles ne soient pas dues de manière prépondérante à l'usure ou à une maladie : les fractures (let. a) ; les déboîtements d'articulations (let. b) ; les déchirures du ménisque (let. c) ; les déchirures de muscles (let. d) ; les élongations de muscles (let. e) ; les déchirures de tendons (let. f) ; les lésions de ligaments (let. g) ; les lésions du tympan (let. h).

7.1 On précisera que l’art. 6 al. 2 LAA, dans sa version en vigueur jusqu’au
31 décembre 2016, conférait au Conseil fédéral la compétence d’étendre la prise en charge par l’assurance-accidents à des lésions assimilables à un accident. L’ancien art. 9 al. 2 de l'ordonnance sur l'assurance-accidents (OLAA -
RS 832.202), adopté sur la base de cette disposition, contenait la liste exhaustive des lésions corporelles assimilées à un accident pour autant qu’elles ne fussent pas manifestement imputables à une maladie ou à des phénomènes dégénératifs. La liste des lésions énumérées par l’art. 6 al. 2 LAA dans sa nouvelle teneur est identique à celle auparavant contenue dans l’art. 9 al. 2 aOLAA.

7.2 Dans un arrêt de principe du 24 septembre 2019 (ATF 146 V 51), le Tribunal fédéral a précisé que selon l’interprétation de l’art. 6 al. 2 LAA, l’application de cette disposition ne présuppose aucun facteur extérieur et donc aucun événement accidentel ou générant un risque de lésion accru au sens de la jurisprudence relative à l'art. 9 al. 2 aOLAA. Cependant, la possibilité pour l’assureur-accidents de rapporter la preuve prévue par l’art. 6 al. 2 LAA impose de distinguer la lésion corporelle assimilée, d’une lésion corporelle figurant dans la liste due à l'usure et à la maladie à charge de l’assurance-maladie. Dans ce contexte, la question d'un événement initial reconnaissable et identifiable est également pertinente après la révision de la LAA – notamment en raison de l'importance d'un lien temporel (couverture d'assurance ; compétence de l'assureur-accidents ; calcul du gain assuré ; questions juridiques intertemporelles). Par conséquent, dans le cadre de son devoir d’instruction (cf. art. 43 al. 1 LPGA), l'assureur-accidents doit clarifier les circonstances exactes du sinistre à l’annonce d’une lésion selon la liste. Si celle-ci est imputable à un événement accidentel au sens de l'art. 4 LPGA, l'assureur-accidents est tenu de verser des prestations jusqu'à ce que l'accident ne représente plus la cause naturelle et suffisante, c'est-à-dire que l’atteinte à la santé est fondée uniquement et exclusivement sur des causes autres qu’accidentelles (voir consid. 5.1 et 8.5). Si, en revanche, tous les critères de la définition de l'accident au sens de l'art. 4 LPGA ne sont pas remplis, l'assureur-accidents est généralement responsable pour une lésion selon la liste selon l'art. 6 al. 2 LAA dans la version en vigueur depuis le 1er janvier 2017, à moins qu’il puisse prouver que la lésion est principalement due à une usure ou maladie (consid. 9.1).

Si aucun événement initial ne peut être établi, ou si seul un événement bénin ou anodin peut être établi, cela simplifie de toute évidence la preuve de la libération pour l'assureur-accidents. En effet, l'ensemble des causes des atteintes corporelles en question doit être pris en compte dans la question de la délimitation, qui doit être évaluée avant tout par des médecins spécialistes. Outre la condition précédente, les circonstances de la première apparition des troubles doivent également être examinées plus en détails (par exemple, un bilan traumatologique du genou est une aide utile pour l'évaluation médicale des blessures au genou, publié in BMS 2016 p. 1742 ss). Les différents indices qui parlent pour ou contre l'usure ou la maladie doivent être pondérés d'un point de vue médical. L'assureur-accidents doit prouver, sur la base d'évaluations médicales concluantes – au degré de la vraisemblance prépondérante – que la lésion en question est due de manière prépondérante à l'usure ou à la maladie, c'est-à-dire plus de 50% de tous les facteurs en cause. Si la « palette des causes » se compose uniquement d'éléments indiquant une usure ou une maladie, il s'ensuit inévitablement que l'assureur-accidents a apporté la preuve de la « libération » et qu’il n’est pas nécessaire d’apporter des clarifications supplémentaires (consid. 8.6).

7.3 La responsabilité de l’assureur-accidents s’étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 119 V 335 consid. 1 ; ATF 118 V 286 consid. 1b et les références) et adéquate avec l’événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).

7.3.1 Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette condition est réalisée lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière. Il n'est pas nécessaire que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé : il suffit qu'associé éventuellement à d'autres facteurs, il ait provoqué l'atteinte à la santé, c'est-à-dire qu'il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1).

Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque l'existence d'un rapport de cause à effet entre l'accident et le dommage paraît possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l'accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1 ; ATF 119 V 335 consid. 1 et ATF 118 V 286 consid. 1b et les références).

Le fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu'après la survenance d'un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident (raisonnement « post hoc, ergo propter hoc » ; ATF 119 V 335 consid. 2b/bb ; RAMA 1999 n° U 341 p. 408, consid. 3b). Il convient en principe d'en rechercher l'étiologie et de vérifier, sur cette base, l'existence du rapport de causalité avec l'événement assuré.

En vertu de l'art. 36 al. 1 LAA, les prestations pour soins, les remboursements de frais, ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l'atteinte à la santé n'est que partiellement imputable à l'accident. Si un accident n'a fait que déclencher un processus qui serait de toute façon survenu sans cet événement, le lien de causalité naturelle entre les symptômes présentés par l'assuré et l'accident doit être nié lorsque l'état maladif antérieur est revenu au stade où il se trouvait avant l'accident (statu quo ante) ou s'il est parvenu au stade d'évolution qu'il aurait atteint sans l'accident (statu quo sine) (RAMA 1992 n° U 142 p. 75 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_441/2017 du 6 juin 2018 consid. 3.2). A contrario, aussi longtemps que le statu quo sine vel ante n'est pas rétabli, l'assureur-accidents doit prendre à sa charge le traitement de l'état maladif préexistant, dans la mesure où il a été causé ou aggravé par l'accident (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1003/2010 du
22 novembre 2011 consid. 1.2 et 8C_552/2007 du 19 février 2008 consid. 2).

7.3.2 Le droit à des prestations de l'assurance-accidents suppose en outre l'existence d'un lien de causalité adéquate entre l'accident et l'atteinte à la santé. La causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 129 V 177 consid. 3.2 et ATF 125 V 456 consid. 5a et les références). En présence d'une atteinte à la santé physique, le problème de la causalité adéquate ne se pose toutefois guère, car l'assureur-accidents répond aussi des complications les plus singulières et les plus graves qui ne se produisent habituellement pas selon l'expérience médicale (ATF 118 V 286 consid. 3a et ATF 117 V 359 consid. 5d/bb ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 351/04 du 14 février 2006 consid. 3.2).

Le caractère adéquat du lien de causalité ne doit être admis que si l'accident revêt une importance déterminante par rapport à l'ensemble des facteurs qui ont contribué à produire le résultat considéré, notamment la prédisposition constitutionnelle. Cela étant, dans ce contexte, il sied encore de préciser que la causalité adéquate ne peut pas déjà être niée en raison d’une prédisposition constitutionnelle dès lors que la question de l’adéquation en général se détermine non seulement en tenant de personnes saines tant sur le plan psychique que physique mais également en tenant compte de personnes avec une prédisposition constitutionnelle (ATF 115 V 403 consid. 4b)

8.             La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) suppose l'instruction de faits d'ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l'assuré à des prestations, l'administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales
(cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5. 1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).

Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

Dans une procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurances sociales, lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes suffisants quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 135 V 465 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_301/2013 du
4 septembre 2013 consid. 3).

En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (ATF 125 V 351 consid. 3a ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C/973/2011 du
4 mai 2012 consid. 3.2.1).

On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; SVR 2008 IV n. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_751/2010 du 20 juin 2011 consid. 2.2).

9.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

10.         La procédure dans le domaine des assurances sociales est régie par le principe inquisitoire d'après lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par l'assureur (art. 43 al. 1 LPGA) ou, éventuellement, par le juge
(art. 61 let. c LPGA). Ce principe n'est cependant pas absolu. Sa portée peut être restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire. Celui-ci comprend en particulier l'obligation de ces dernières d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2 ; VSI 1994,
p. 220 consid. 4). Si le principe inquisitoire dispense les parties de l'obligation de prouver, il ne les libère pas du fardeau de la preuve, dans la mesure où, en cas d'absence de preuve, c'est à la partie qui voulait en déduire un droit d'en supporter les conséquences, sauf si l'impossibilité de prouver un fait peut être imputée à la partie adverse. Cette règle ne s'applique toutefois que s'il se révèle impossible, dans le cadre de la maxime inquisitoire et en application du principe de la libre appréciation des preuves, d'établir un état de fait qui correspond, au degré de la vraisemblance prépondérante, à la réalité (ATF 139 V 176 consid. 5.2 et les références).

Dans le contexte de la suppression du droit à des prestations, la règle selon laquelle le fardeau de la preuve appartient à la partie qui invoque la suppression du droit (RAMA 2000 n° U 363 p. 46), entre seulement en considération s'il n'est pas possible, dans le cadre du principe inquisitoire, d'établir sur la base d'une appréciation des preuves un état de fait qui au degré de vraisemblance prépondérante corresponde à la réalité (ATF 117 V 261 consid. 3b et les références). La preuve de la disparition du lien de causalité naturelle ne doit pas être apportée par la preuve de facteurs étrangers à l'accident. Il est encore moins question d'exiger de l'assureur-accidents la preuve négative, qu'aucune atteinte à la santé ne subsiste plus ou que la personne assurée est dorénavant en parfaite santé. Est seul décisif le point de savoir si les causes accidentelles d'une atteinte à la santé ne jouent plus de rôle et doivent ainsi être considérées comme ayant disparu (arrêt du Tribunal fédéral 8C_441/2017 du 6 juin 2018 consid. 3.3).

11.         Le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

12.         En l'espèce, dans sa décision sur opposition du 8 septembre 2020, l’intimée a retenu que le rapport de causalité entre l'accident du 22 novembre 2018 et les troubles à l'épaule et à la cheville gauches ne pouvait être admis que jusqu'au
22 février 2019, et qu’au-delà de cette date, l'incapacité de travail et le traitement thérapeutique relevaient d'un cas de maladie.

Cette détermination repose sur le rapport du 15 septembre 2019 du
Dr J______, lequel a conclu que l’événement accidentel avait causé une contusion de l'épaule gauche, qui avait vraisemblablement cessé de produire des effets au plus tard après un délai de 3 mois, et semblait avoir aussi causé un traumatisme de la cheville gauche, qui avait très probablement cessé de déployer ses effets depuis longtemps, soit dans un délai maximal estimé à 3 mois post-traumatique.

12.1 À titre préalable, la chambre de céans observe que si l’intimée a semblé contester, dans sa décision initiale du 30 septembre 2019, que l’accident de la voie publique du 22 novembre 2018 avait entrainé des troubles au niveau de la cheville gauche, elle a clairement reconnu, dans la décision litigieuse, que le sinistre avait passagèrement aggravé des états pathologiques préexistants, tant au niveau de l’épaule qu’au niveau de la cheville gauches, et fixé le retour au statu quo sine à trois mois post-traumatique, soit le 23 février 2019.

Il est admis que l’événement du 22 novembre 2018 répond à la définition légale de la notion d’accident dans le domaine des assurances sociales, de sorte qu’il incombe à l’intimée, conformément à la jurisprudence fédérale, de prendre en charge les suites des atteintes à la santé en cause sur la base de l'art. 6 al. 1 LAA, même si la recourante souffre de lésions corporelles au sens de l'art. 6 al. 2 LAA.

L’intimée est ainsi tenue de verser des prestations à l’intéressée jusqu’à ce que l’accident ne constitue plus la cause naturelle et que les atteintes à la santé qui subsistent sont uniquement et exclusivement dues à des causes étrangères au sinistre.

12.2 S’agissant de l’épaule gauche, le Dr J______ a exposé que l’arthro-IRM avait confirmé la tendinopathie non rompue de la coiffe supérieure, associant une amyotrophie avec une involution graisseuse de stade I du sus-épineux et sous-épineux, évoluant depuis plusieurs mois, voire années. Une tendinopathie de la coiffe des rotateurs n’avait rien d’exceptionnel à cet âge puisqu’elle débutait généralement avec le vieillissement (4ème décennie) et devenait très fréquente dans la population générale (large majorité après 50 ans). La forme en U de la lésion transfixiante du sus-épineux correspondait à une forme souvent observée dans les lésions chroniques, reflet d’une lésion initiale centrale s’élargissant ensuite latéralement en amont, par opposition aux lésions aigües ou subaigües plutôt caractérisées par un effilochage anarchique, voire une brèche aux bords relativement abruptes. L’opération s’était compliquée d’une capsulite, voire d’une arthro-fibrose, qui déployait encore des effets, ce qui n’était de loin pas rare après une opération de l’épaule. En outre, une tendinopathie était également présente du côté droit, non traumatisé, et revêtait un schéma similaire intéressant la partie distale du sus-épineux, dans une moindre mesure le sous-épineux. Cet élément signait une tendance de l’intéressée à user sa coiffe des rotateurs, usure qui était due soit à une prédisposition naturelle, soit à un surmenage. L'action vulnérante subie par l'épaule gauche le 22 novembre 2018 semblait avoir été d'envergure modérée, n'empêchant pas une reprise rapide d'un travail astreignant, à un taux élevé. Le bilan radiologique effectué 2 mois plus tard n'avait pas révélé de processus actif (réparateur ou inflammatoire) à l'épaule gauche. Dans ces conditions, la relation de causalité naturelle entre l'événement accidentel et la pathologie objectivée à l'épaule gauche paraissait hautement improbable. En conclusion, l'épaule gauche avait vraisemblablement subi une contusion le
22 novembre 2018, contusion qui cessait généralement de déployer ses effets après quelques jours, voire 4 à 6 semaines. Une extension de 4 à 6 semaines supplémentaires était théoriquement admise en cas de troubles dégénératifs sous-jacents, partant de l'hypothèse que la fragilité tissulaire y relative pouvait ralentir la récupération fonctionnelle. Au-delà d'un délai maximal de 3 mois, le cursus de l'épaule gauche était régi par l’état pathologique préexistant, état qui avait conduit à l'intervention chirurgicale du 10 avril 2019 (cf. rapport du 15 septembre 2019).

Par la suite, le Dr J______ a pour l’essentiel répondu aux critiques formelles du Dr G______ quant à ses qualifications professionnelles et à sa position de médecin-conseil, sans apporter d’éléments médicaux supplémentaires (cf. rapport du 5 août 2020), et sa dernière détermination concerne exclusivement la cheville gauche (cf. rapport du 24 juin 2021).

12.2.1 La chambre de céans considère que l’appréciation du médecin-conseil n’est pas convaincante pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, le Dr J______ s’est référé de façon générale à une tendinopathie non rompue de la coiffe supérieure et à une lésion transfixiante du sus-épineux, sans se prononcer précisément sur tous les troubles mis en exergue par les examens radiologiques. Or, l’échographie du 24 janvier 2019 a révélé des fissurations interstitielles et profondes du tendon supra-épineux, sans rupture complète ou impaction tendineuse visible, qui ont été confirmées à l’arthro-IRM du 7 février 2019. Cet examen a en outre permis de constater une enthésopathie insertionnelle avec des petites fissures interstitielles du tendon sub-scapulaire, sans rupture complète ou rétraction tendineuse visible, une arthropathie acromio-claviculaire inflammatoire, et une lame d'épanchement de la bourse sous-acromio-deltoïdienne (cf. rapports d’examen de la Dresse F______). Il appartenait au médecin-conseil d’expliquer, pour chacune de ces lésions, les raisons pour lesquelles il considérait qu’elle n’avait pas été provoquée ou aggravée, même partiellement, par l’accident en cause. Une analyse minutieuse du lien de causalité entre le sinistre et les atteintes constatées les 24 janvier et 7 février 2019 s’imposait d’autant plus que le statu quo sine a été fixé à une date postérieure, soit le 22 février 2019, et que ces troubles ont justifié l’intervention chirurgicale du 10 avril 2019.

De plus, la présence d’une amyotrophie avec une involution graisseuse, de même que l’âge de la recourante ou encore l’existence d’atteintes au niveau de l’épaule droite, ne permettent pas d’exclure que certaines des lésions constatées du côté gauche puissent trouver leur origine dans l’événement traumatique subi. À cet égard, il sera notamment relevé qu’aucune fissuration ou fissure n’a été rapportée à droite.

Quant à l’argumentation fondée sur la forme de la lésion, elle ne saurait suffire au vu de l’avis divergent du Dr G______. Il est rappelé que ce dernier a préconisé une réinsertion de la lésion « traumatique » de la coiffe des rotateurs suite à l’échec du traitement conservateur (cf. rapport de consultation du
26 mars 2019), et qu’il a vivement contesté les conclusions du Dr J______, auquel il a reproché de confondre des changements radiologiques, liés à des phénomènes strictement normaux, avec des pathologies. Certes, le chirurgien s’est contenté de critiquer le rapport du médecin-conseil sans évaluer non plus les critères démographiques, cliniques, factoriels, radiologiques et peropératoires qu’il a cités comme étant déterminants, mais il s’est proposé d’étayer ses propos devant « un tribunal » (cf. rapport du 12 novembre 2019). Compte tenu de son devoir d’instruction, l’intimée aurait dû lui demander un rapport circonstancié et motivé avant de statuer sur les droits de la recourante.

Il sera encore observé que l’évaluation du mécanisme accidentel par le médecin-conseil, qui a noté que l’action vulnérante subie le 22 novembre 2018 « semblait avoir été d’envergure modérée », ne repose sur aucun élément concret. Quant à la reprise de l’activité professionnelle, les certificats médicaux attestent d’une capacité de travail à hauteur de 50% dès le 27 novembre 2018 et de 80% dès le
3 décembre 2018. Cependant, le Dr J______ n’a tenu compte ni du fait que l’intéressée avait été en vacances pour une longue période peu après cette reprise (du 15 décembre 2018 au 15 janvier 2019, selon son rapport), ni du fait qu’elle avait relaté la persistance des douleurs de l’épaule gauche avec une diminution de la force suite à l’accident (cf. rapport du 24 janvier 2019 de la Dresse F______), et ce malgré un traitement anti-inflammatoire et antalgique
(cf. prescriptions des 28 novembre 2018, 23 et 28 janvier 2019 du
Dr E______). 

C’est encore le lieu de relever que le dossier de la cause ne comporte aucun rapport du Dr E______, pourtant consulté plusieurs fois par la recourante puisqu’il a établi les certificats d’arrêt de travail et les prescriptions médicales.

12.3 Concernant la cheville gauche, le médecin-conseil a expliqué que le traumatisme ne semblait pas laisser un handicap, même modéré. Le bilan actuel révélait la présence de troubles dégénératifs, soit une chondropathie talo-crurale, ainsi que des séquelles d’une déchirure partielle de l’appareil ligamentaire externe, laquelle ne provoquait pas de laxité pathologique significative. Dans ces conditions, et au vu du tableau subjectif, l'évolution « post-traumatique » semblait favorable. La lésion ligamentaire, partielle et pouvant être de toute origine (traumatisme du 22 novembre 2018 ou traumatisme(s) plus ancien(s), arthrose), ne déployait pas d'effet délétère. Si elle avait bel et bien fait suite à l’événement assuré, sa responsabilité ne semblait pas d'actualité. En effet, toute douleur résiduelle pouvait parfaitement rentrer dans le cadre de l'arthrose. La seule lésion ligamentaire, encore une fois partielle, sans évidence d'instabilité/laxité pathologique, ne justifiait pas une incapacité de travail durable, ceci depuis longtemps. L’intéressée avait repris son emploi à plein temps quelques jours après le traumatisme et la réduction de la capacité de travail était due à la problématique de l’épaule, mais pas à une quelconque gêne de la cheville. En réalité, une possible lésion ligamentaire émanant de l'événement assuré, ne nécessitant pas de mesure thérapeutique particulière, et ne provoquant pas d'instabilité, avait très probablement cessé de déployer ses effets depuis longtemps, dans un délai maximal estimé à 3 mois post-traumatique (cf. rapport du 15 septembre 2019).

Par la suite, le Dr J______ a rappelé que la seule articulation radiographiée aux urgences était le coude gauche, que l’intéressée s’était ensuite plainte de son épaule gauche. Lors de son examen du mois de juillet 2019, elle avait en outre indiqué qu’elle avait été blessée aux deux genoux, à la cuisse gauche et à la cheville gauche. Elle avait alors produit des photographies de son genou gauche et de son coude gauche, mais pas de la cheville gauche. Son bilan clinique n’avait pas montré de boiterie, les amplitudes articulaires étaient symétriques, il n’y avait ni instabilité, ni laxité pathologique de la cheville et la musculature du mollet ne montrait pas d’amyotrophie, élément caractérisant un usage normal ou presque du membre en question. L’IRM du 5 août 2019 avait révélé des troubles dégénératifs, soit une large chondropathie de grade I du pilon tibial et une chondropathie de grade III de l’articulation sous-astragalienne, sans souffrance sous-chondrale, ainsi que des lésions ligamentaires partielles. Ces lésions ligamentaires pouvaient être de toute origine, notamment du traumatisme survenu le 22 novembre 2018, mais également d’un ou plusieurs traumatismes plus anciens compte tenu des arthropathies dégénératives associées. Ce scénario se renforçait face à l’absence, dans les suites immédiates du traumatisme, de signes cliniques compatibles avec une lésion ligamentaire récente ou significative, nécessitant comme dans l’écrasante majorité des cas une aide médicale ou fonctionnelle. En d’autres termes, en pondérant l’ensemble des élément recueillis, le lien de causalité naturelle entre l’événement du 22 novembre 2018 et les lésions ligamentaires paraissait possible, mais pas probable (cf. rapport du 24 juin 2021).

12.3.1 La chambre de céans constate d’emblée que l’appréciation du médecin-conseil repose sur une succession d’hypothèses, étant notamment rappelé qu’il a indiqué que l’événement du 22 novembre 2018 « semblait avoir aussi causé » un traumatisme de la cheville gauche, traumatisme qui ne « semblait » pas laisser de handicap, que l’évolution « semblait » favorable. Il a considéré que la lésion « pouvait » être de « toute origine » et que « si elle avait bel et bien fait suite » à l’accident en question, « sa responsabilité ne semblait plus d’actualité », car la douleur « pouvait parfaitement rentrer dans le cadre de l’arthrose ». Il a conclu qu’une « possible lésion ligamentaire » provenant de l’accident assuré avait « très probablement cessé de déployer ses effets depuis longtemps ».

En outre, le « scénario » retenu par le Dr J______ s’agissant de l’origine des lésions ligamentaires ne repose pas sur une anamnèse approfondie et complète. En effet, comme déjà relevé, le dossier produit ne comporte aucun rapport du Dr E______, lequel a signé des arrêts de travail dans les suites immédiates de l’accident et prescrit des antalgiques et des anti-inflammatoires à sa patiente. Rien ne permet d’affirmer que l’intéressée n’a pas présenté de signes cliniques d’une lésion ligamentaire suite à l’événement accidentel, ni d’exclure que le traitement médicamenteux a été prescrit, entre autres, pour soulager d’éventuelles lésions au niveau de la cheville gauche. De plus, le rapport d’IRM de la cheville gauche fait état de la persistance de douleurs après une « entorse du pied survenue au mois de novembre » (cf. rapport du 6 août 2019 de la Dresse I______) et la Dresse K______ a rapporté une douleur au niveau de la cheville gauche avec une séquelle d'entorse du ligament latéral externe, et noté que la cheville était « toujours œdématiée » (cf. rapport du 27 août 2019), sans autres précisions quant à la date d’apparition des douleurs et symptômes. En l’absence de rapports précis établis par les différents médecins consultés par l’intéressée, le Dr J______ ne pouvait pas se déterminer en pleine connaissance de cause.

On relèvera encore que la Dresse K______ a suggéré de demander un écho doppler afin d'éliminer un problème veineux et une IRM afin de préciser les lésions (cf. rapport du 27 août 2019). Ce document a été communiqué au médecin-conseil avant qu’il n’établisse son rapport le 15 septembre 2019. Il est donc surprenant que le Dr J______ n’ait pas jugé utile d’attendre le résultat de ces investigations complémentaires.

Enfin, la chambre de céans remarquera que le délai de trois mois retenu pour fixer le statu quo n’a fait l’objet d’aucune discussion de la part du médecin-conseil.

12.4 Eu égard à tout ce qui précède, la chambre de céans considère que les avis du Dr J______ ne remplissent pas les exigences jurisprudentielles pour se voir reconnaître une quelconque valeur probante.

L’intimée ne pouvait donc pas, sur la base des rapports de son médecin-conseil, conclure que l'accident ne représente plus la cause naturelle et suffisante des troubles présentés au niveau de l’épaule gauche et de la cheville gauche dès le
23 février 2019, c'est-à-dire que ces atteintes reposent uniquement sur des causes étrangères à l’accident à partir de cette date, ou en d’autres termes que le statu quo ante vel sine a été atteint.

12.5 Dès lors qu’il lui incombait d’instruire d’office les éléments médicaux déterminants pour la résolution du cas, l’intimée ne pouvait se contenter de l’avis insuffisamment motivé de son médecin-conseil pour nier le droit de la recourante à des prestations au-delà du 22 février 2019.

Dans ces circonstances, il se justifie de lui renvoyer la cause afin qu’elle procède à des investigations complémentaires en vue d’établir d’office l’ensemble des faits déterminants et, le cas échéant, qu’elle administre les preuves nécessaires, au besoin par une expertise, avant de rendre une nouvelle décision.

13.         Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis, la décision du
8 septembre 2020 annulée et la cause renvoyée à l’intimée pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

Étant donné que la recourante obtient partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 2’000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens, à charge de l’intimée (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 LPA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du
30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA et 89H al. 1 LPA).

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.      Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.      L’admet partiellement.

3.      Annule la décision sur opposition du 8 septembre 2020.

4.      Renvoie la cause à l’intimée pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

5.      Condamne l’intimée à verser à la recourante une indemnité de CHF 2’000.- à titre de dépens.

6.      Dit que la procédure est gratuite.

7.      Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Sylvie CARDINAUX

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le