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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1647/2017

ATAS/561/2019 du 20.06.2019 ( PC ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1647/2017 ATAS/561/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 20 juin 2019

3ème Chambre

 

En la cause

Succession de feu M. A______, p.a. Office des faillites, Madame B______, à GENÈVE

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


 

 

EN FAIT

 

1.        Par décision du 30 août 2016, le Service des prestations complémentaires (ci-après : SPC) a nié à Monsieur A______ (ci-après : l'intéressé) le droit aux prestations complémentaires à compter du 1er août 2016.

2.        Par décision du 7 novembre 2016, le SPC a fait de même s'agissant du droit aux prestations à compter du 1er novembre 2016.

Dans ses calculs, le SPC a tenu compte, notamment, de CHF 226'616.40 de biens dessaisis.

3.        Le 16 novembre 2016, le bénéficiaire s'est opposé à cette décision en alléguant avoir totalement dépensé son capital de prévoyance professionnelle et ne plus avoir les moyens de subsister.

4.        Par décision du 22 mars 2017, le SPC a partiellement admis l'opposition.

Au terme de ses nouveaux calculs, il a reconnu à son bénéficiaire le droit à un arriéré de prestations de CHF 237.- du 1er janvier au 31 mars 2017 et le droit à des prestations complémentaires courantes d'un montant de CHF 79.-, invitant pour le surplus l'intéressé à s'adresser au Service de l'assurance maladie pour le calcul des subsides.

Le SPC a repris ses calculs, en tenant compte à titre de biens dessaisis d'un montant de CHF 78'286.60 en 2016 et CHF 68'286.60 en 2017.

Pour le surplus, il a expliqué avoir tenu compte, s'agissant des prestations complémentaires cantonales uniquement, d'un montant de CHF 37'633.80 (correspondant à 7,2 % de CHF 522'692.- à titre de rente de prévoyance hypothétique).

Le SPC a constaté que si l'intéressé avait affecté son capital de prévoyance professionnelle de CHF 522'692.- à la couverture de ses besoins vitaux uniquement, il aurait dû lui rester un montant de CHF 277'550.10, voire CHF 247'550.10 en tenant compte de CHF 30'000.- d'impôts payés sur l'encaissement du capital, au jour du dépôt de sa demande de prestations, début 2016. Pour parvenir à ces chiffres, le SPC a déduit, depuis le moment du retrait du capital en 2004, les frais de loyer, d'assurance-maladie, les frais médicaux et le montant correspondant aux besoins vitaux chaque année jusqu'à fin 2015.

5.        Par écriture du 4 mai 2017, l'intéressé a interjeté recours contre cette décision, en demandant principalement que le SPC soit condamné à « recalculer le droit à ses prestations complémentaires depuis le 1er novembre 2016 ».

En substance, le recourant confirme avoir retiré en 2004 l'intégralité de son deuxième pilier en capital, soit un montant de CHF 522'692.-, au moment de sa retraite et l'avoir placé sur un compte auprès de la banque Julius Baer, puis sur un compte auprès de la banque internationale, au Luxembourg, puis sur un compte à l'UBS. Il indique avoir vécu depuis lors de manière plutôt confortable et avoir profité de sa retraite pour se livrer à diverses activités avec ses amis, fréquenter de bons restaurants et effectuer quelques petits voyages. Il allègue ne jamais avoir remis de l'argent à quiconque sans contre-prestation. En 2016, ayant utilisé toutes ses économies, il s'est vu dans l'obligation de déposer une demande de prestations complémentaires.

Le recourant explique qu'en 2008 et 2010, il a régulièrement transféré des montants de CHF 10'000.- de son compte à la banque Julius Baer sur son compte courant ; cet argent était utilisé pour diverses dépenses quotidiennes car sa rente de vieillesse, de CHF 2'350.-, ne lui suffisait pas pour faire face à ses dépenses courantes.

Le recourant soutient ne pas avoir dilapidé sa fortune, mais avoir simplement vécu plus largement qu'au seuil du minimum vital.

Par ailleurs, il reproche à l'intimé d'avoir tenu compte d'une rente hypothétique de prévoyance dans le calcul de son droit aux prestations.

Le recourant a demandé à ce que le calcul de ses dépenses annuelles soit revu en tenant compte de ses dépenses avérées (primes d'assurance-maladie, impôts et frais médicaux) dont il se proposait de produire les justificatifs.

6.        Invité à se déterminer, l'intimé, dans sa réponse du 13 juin 2017, a conclu au rejet du recours.

7.        Par écriture du 24 juillet 2017, le recourant a sollicité un délai pour fournir les documents à l'appui de sa position, ce qu'il a fait par la suite.

8.        Les documents produits ont été transmis à l'intimé, qui s'est déterminé le 8 septembre 2017 comme suit :

Le SPC a constaté qu'au cours de l'année 2008, le recourant avait effectué des versements à hauteur de CHF 36'600.- sur son compte UBS et de CHF 3'380.- sur un deuxième compte UBS, dont il supputait qu'ils provenaient de son compte auprès de Julius Baer.

Le SPC a proposé de tenir compte, en 2008, de CHF 20'377.05 de dépenses justifiées par les débits bancaires.

Le SPC s'est déclaré prêt à reconnaître CHF 2'909.- supplémentaires à titre de dépenses pour primes d'assurance-maladie (il s'était fondé, dans la décision litigieuse, sur un montant de CHF 5'028.- tel que ressortant de la taxation fiscale d'office de cette année-là, alors que les relevés bancaires démontraient que les primes s'étaient en réalité élevées à CHF 7'937.- en 2008).

En revanche, l'intimé a indiqué ne pas retenir à titre de dépenses :

-          les retraits bancaires dont on ignorait à quelle fin ils avaient été utilisés ;

-          les montants déjà inclus dans les besoins vitaux et pris en charge dans la décision litigieuse (frais d'électricité, frais de télécommunications et impôts) ;

-          les montants déjà pris en compte dans la décision litigieuse, tels que le loyer et les charges ;

-          les dons effectués par le bénéficiaire à la Compagnie des sapeurs-pompiers, à la Fédération suisse des aveugles et à diverses associations ;

-          les frais médicaux, dans la mesure où on ignorait s'ils avaient été remboursés au bénéficiaire par son assureur maladie ;

-          les versements du recourant à lui-même et ceux dont on ignorait la cause (notamment ceux à un certain Monsieur C______).

Au vu de ces éléments, le SPC a proposé de ramener le montant du dessaisissement pour l'année 2008 de CHF 100'280.- à CHF 76'993.95.

9.        Un délai au 3 octobre 2017 a été accordé au recourant pour se déterminer sur la proposition du SPC, qui est venu à échéance sans que le recourant ne se manifeste.

10.    Le 16 mai 2018, l'intimé s'est livré au même exercice que précédemment s'agissant de l'année 2010 :

Le SPC a constaté qu'au cours de l'année 2010, le recourant avait effectué des versements à hauteur de CHF 49'650.- sur son compte UBS.

Le SPC a proposé de tenir compte, en 2010, de CHF 15'390.95 de dépenses justifiées par les débits bancaires.

Il a relevé avoir tenu compte de CHF 5'232.- à titre de dépenses pour primes d'assurance-maladie (se fondant ainsi sur le montant ressortant de la taxation fiscale d'office de cette année-là, alors que les relevés bancaires démontraient que les primes ne s'étaient en réalité élevées qu'à CHF4'775.20 en 2010).

En revanche, l'intimé a indiqué ne pas retenir à titre de dépenses :

-          les retraits bancaires dont on ignorait à quelle fin ils avaient été utilisés ;

-          les montants déjà inclus dans les besoins vitaux et pris en charge dans la décision litigieuse (frais d'électricité, frais de télécommunications et impôts) ;

-          les montants déjà pris en compte dans la décision litigieuse, tels que le loyer et les charges ;

-          les dons effectués par le bénéficiaire à diverses associations ;

-          les frais médicaux, dans la mesure où on ignorait s'ils avaient été remboursés au bénéficiaire par son assureur maladie ;

-          les versements du recourant à lui-même et ceux dont on ignorait la cause (notamment ceux à un certain Monsieur C______).

Au vu de ces éléments, le SPC a proposé de ramener le montant du dessaisissement pour l'année 2010 de CHF 48'06.60 à CHF 32'098.65.

11.    Par ordonnance du 15 juin 2018, la Cour céans a suspendu l'instruction de la cause suite au décès du recourant, survenu le 8 mai 2018.

12.    Par courrier du 21 juin 2018, l'Office des faillites du canton de Genève a avisé la Cour de céans que le Tribunal de première instance, par jugement du 11 juin 2018, avait ordonné la liquidation de la succession répudiée selon les règles de la faillite.

13.    Interpellé par la Cour de céans en date du 22 octobre 2018, l'Office des faillites a indiqué que la masse en faillite de feu le recourant entendait reprendre le procès en cours et s'en remettait à l'appréciation de la Cour.

14.    En conséquence de quoi, l'instruction a été reprise et un délai a été octroyé à la masse en faillite pour consulter les pièces du dossier et faire part de ses éventuelles observations.

15.    Ensuite de quoi la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d'espèce est ainsi établie.

2.        Les dispositions de la LPGA s'appliquent aux prestations complémentaires fédérales à moins que la LPC n'y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC). En matière de prestations complémentaires cantonales, la LPC et ses dispositions d'exécution fédérales et cantonales, ainsi que la LPGA et ses dispositions d'exécution, sont applicables par analogie en cas de silence de la législation cantonale (art. 1A LPCC).

3.        Interjeté dans les forme et délai légaux, le recours est recevable (art. 56 al. 1 et 60 al. 1 LPGA; art. 9 de la loi cantonale du 14 octobre 1965 sur les prestations fédérales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité [LPFC - J 4 20]; art. 43 LPCC).

4.        Le litige porte sur le montant et le calcul des prestations complémentaires, en particulier sur l'intégration dans le calcul de montants correspondant à des biens dessaisis et à une rente du 2ème pilier hypothétique.

5.        Les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse et qui remplissent les conditions personnelles prévues aux art. 4, 6 et 8 LPC ont droit à des prestations complémentaires. Ont ainsi droit aux prestations complémentaires notamment les personnes qui perçoivent une rente de vieillesse de l'assurance-vieillesse et survivants, conformément à l'art. 4 al. 1 let. a LPC.

Les prestations complémentaires fédérales se composent de la prestation complémentaire annuelle et du remboursement des frais de maladie et d'invalidité (art. 3 al. 1 LPC). L'art. 9 al. 1er LPC dispose que le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants. Les revenus déterminants comprennent notamment les ressources et parts de fortune dont un ayant droit s'est dessaisi (art. 11 al. 1 let. g LPC).

Ont droit aux prestations complémentaires cantonales les personnes dont le revenu annuel déterminant n'atteint pas le revenu minimum cantonal d'aide sociale applicable (art. 4 LPCC).

6.        Par dessaisissement, il faut entendre, en particulier, la renonciation à des éléments de revenu ou de fortune sans obligation juridique ni contre-prestation équivalente (ATF 123 V 35 consid. 1; ATF 121 V 204 consid. 4a). Pour vérifier s'il y a contre-prestation équivalente et pour fixer la valeur d'un éventuel dessaisissement, il faut comparer la prestation et la contre-prestation à leurs valeurs respectives au moment de ce dessaisissement (ATF 120 V 182 consid. 4b; arrêt du Tribunal fédéral 9C_67/2011 du 29 août 2011 consid. 5.1). Il y a également dessaisissement lorsque le bénéficiaire a droit à certains éléments de revenu ou de fortune mais n'en fait pas usage ou s'abstient de faire valoir ses prétentions, ou encore lorsqu'il renonce à exercer une activité lucrative possible pour des raisons dont il est seul responsable (ATF 123 V 35 consid. 1).

Les conditions pour la prise en compte d'un dessaisissement de fortune sont alternatives. Pour qu'un dessaisissement de fortune puisse être pris en compte dans le calcul des prestations complémentaires, la jurisprudence soumet cet acte à la condition qu'il ait été fait "sans obligation juridique", respectivement "sans avoir reçu en échange une contre-prestation équivalente". Les deux conditions précitées ne sont pas cumulatives, mais alternatives. La question de savoir si la renonciation à un élément de fortune en accomplissement d'un devoir moral constitue un dessaisissement de fortune au sens de l'art. 3c al. 1 let. g aLPC, a été laissée ouverte (ATF 131 V 329 consid. 4.2 à 4.4).

Il y a lieu de prendre en compte dans le revenu déterminant tout dessaisissement sans limite de temps (Pierre FERRARI, Dessaisissement volontaire et prestations complémentaires à l'AVS/AI in RSAS 2002, p. 420).

Le Tribunal fédéral a considéré qu'il n'y avait pas dessaisissement dans le cas d'une assurée ayant épuisé sa fortune après avoir vécu dans un certain luxe (ATF 115 V 352 consid. 5b). L'existence d'un dessaisissement de fortune ne peut être admise que si l'assuré renonce à des biens sans obligation légale, ni contre-prestation adéquate. Lorsque cette condition n'est pas réalisée, la jurisprudence considère qu'il n'y a pas lieu de tenir compte d'une fortune (hypothétique) dans le calcul de la prestation complémentaire, même si l'assuré a pu vivre au-dessus de ses moyens avant de requérir une telle prestation. En effet, il n'appartient pas aux organes compétents en matière de prestations complémentaires de procéder à un contrôle du mode de vie des assurés ni d'examiner si l'intéressé s'est écarté d'une ligne que l'on pourrait qualifier de « normale » et qu'il faudrait au demeurant préciser. Il convient bien plutôt de se fonder sur les circonstances concrètes, à savoir le fait que l'assuré ne dispose pas des moyens nécessaires pour subvenir à ses besoins vitaux, et - sous réserve des restrictions découlant de l'art. 3c al. 1 let. g LPC - de ne pas se préoccuper des raisons de cette situation (VSI 1994 p. 225 s. consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 65/04 du 29 août 2005 consid. 5.3.1).

7.        A teneur de l'art. 17a de l'ordonnance sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 (OPC-AVS/AI - RS 831.301), la part de fortune dessaisie à prendre en compte (art. 11 al. 1 let. g LPC) est réduite chaque année de CHF 10'000 francs (al. 1). La valeur de la fortune au moment du dessaisissement doit être reportée telle quelle au 1er janvier de l'année suivant celle du dessaisissement, pour être ensuite réduite chaque année (al. 2). Est déterminant pour le calcul de la prestation complémentaire annuelle le montant réduit de la fortune au 1er janvier de l'année pour laquelle la prestation est servie (al. 3).

Le Tribunal fédéral a admis la conformité de cette disposition à la loi et à la Constitution (ATF 118 V 150 consid. 3c/cc).

En cas de dessaisissement d'une part de fortune, le calcul de la prestation complémentaire doit se faire comme si l'ayant droit avait obtenu une contre-prestation équivalente pour le bien cédé. Le revenu déterminant est donc augmenté, d'abord, d'une fraction de la valeur de ce bien conformément à l'art. 11 al. 1 let. c LPC. Il est augmenté, ensuite, du revenu que la contre-prestation aurait procuré à l'ayant droit (arrêt du Tribunal fédéral 8C_68/2008 du 27 janvier 2009 consid. 4.2.2). En règle générale, la jurisprudence se réfère, pour fixer ce revenu, au taux d'intérêt moyen sur les dépôts d'épargne servi par l'ensemble des banques au cours de l'année précédant celle de l'octroi de la prestation complémentaire (ATF 123 V 35 consid. 2a). On présume ainsi que l'ayant droit, à supposer qu'il ne se soit pas dessaisi de sa fortune, en aurait mis une partie à contribution pour subvenir à ses besoins; l'amortissement prévu par l'art. 17a OPC-AVS/AI n'est cependant admis que sous la forme d'un forfait indépendant du montant exact de la fortune dessaisie ou de celle dont dispose encore l'ayant droit (cf. ATF 118 V 150 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 8C_68/2008 du 27 janvier 2009 consid. 4.2.2.).

Les parts de fortune dont un ayant droit s'est dessaisi doivent être prises en compte avec un produit de cette fortune même lorsque celui-ci n'est, effectivement, pas réalisé, mais qu'il pourrait raisonnablement l'être (ATF 110 V 17 consid. 4). Il importe dès lors de prendre en compte le produit de la fortune que le recourant aurait pu réaliser - s'il n'avait pas renoncé à des intérêts sur le prêt accordé - par un placement avec intérêt de la fortune cédée.

Selon la jurisprudence et sous réserve de circonstances particulières du cas d'espèce, le taux d'intérêt est fixé en fonction des conditions générales du marché. A cet égard, on se réfère habituellement à l'intérêt moyen pratiqué pour les dépôts d'épargne par les cinq plus grandes banques cantonales selon l'Annuaire statistique de la Suisse (ATF 110 V 17 consid. 5b). Comme cet Annuaire statistique détermine l'intérêt moyen pour les dépôts d'épargne en prenant pour base le taux appliqué dans chaque banque, c'est ce dernier taux qu'il faut considérer. Pour des raisons d'ordre pratique et d'égalité de traitement, il convient de se fonder en règle générale sur l'intérêt moyen en vigueur de l'année précédant celle pour laquelle la prestation est servie (ATF 120 V 182 consid. 4e; VSI 1994 p. 161 consid. 4b).

Dans les cas où le taux de référence n'est pas encore connu au moment du prononcé de la décision ; il y a lieu de prendre en considération la moyenne des taux mensuels des comptes d'épargne auprès des banques cantonales, publiés dans les bulletins de la Banque nationale suisse, sur une période de douze mois à compter du mois de novembre de la seconde année précédant celle où le droit a pris naissance (ATF 123 V 247 consid. 2b).

La prise en compte dans le calcul des prestations complémentaires d'un revenu hypothétique de la fortune n'intervient pas seulement en cas de dessaisissement simultané de la part de fortune en question. Si l'assuré conserve à domicile un capital d'une certaine importance, il est réputé avoir renoncé à des éléments du revenu déterminant (VSI 1997 p. 264, consid. 3b).

8.        Selon l'art. 2 al. 4 LPCC, les personnes qui ont choisi au moment de la retraite un capital de prévoyance professionnelle en lieu et place d'une rente et qui l'ont consacré à un autre but que celui de la prévoyance ne peuvent bénéficier des prestations complémentaires.

La Cour de céans a jugé que l'on pouvait résumer ainsi les principes régissant l'octroi de prestations complémentaires cantonales en cas de retrait du 2ème pilier en capital : si le capital de prévoyance n'est pas épuisé selon le calcul de la couverture des besoins, il convient de calculer les revenus déterminants en y intégrant la rente du 2ème pilier à laquelle l'assuré aurait pu prétendre en lieu du capital. Si ces revenus excèdent les dépenses reconnues, l'assuré n'a pas droit aux prestations complémentaires cantonales. Si, au contraire, ces revenus sont inférieurs aux dépenses reconnues, l'assuré peut prétendre les prestations complémentaires cantonales qui lui auraient été servies en cas de versement d'une rente de la prévoyance professionnelle. En revanche, dès qu'il est établi que le capital de prévoyance a été entièrement utilisé selon le calcul de la couverture des besoins, l'assuré a dans tous les cas droit à des prestations complémentaires cantonales. Dans cette dernière hypothèse, leur calcul s'opère sans tenir compte d'une rente hypothétique de la prévoyance professionnelle à titre de revenu (ATAS/96/2017 du 8 février 2017).

9.        Dans le domaine des assurances sociales notamment, la procédure est régie par le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge. Mais ce principe n'est pas absolu. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire. Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). En particulier, dans le régime des prestations complémentaires, l'assuré qui n'est pas en mesure de prouver que ses dépenses ont été effectuées moyennant contre-prestation adéquate ne peut pas se prévaloir d'une diminution correspondante de sa fortune, mais doit accepter que l'on s'enquière des motifs de cette diminution et, en l'absence de la preuve requise, que l'on tienne compte d'une fortune hypothétique (arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 65/04 du 29 août 2005 consid. 5.3.2; VSI 1994 p. 227 consid. 4b). Mais avant de statuer en l'état du dossier, l'administration devra avertir la partie défaillante des conséquences de son attitude et lui impartir un délai raisonnable pour la modifier; de même devra-t-elle compléter elle-même l'instruction de la cause s'il lui est possible d'élucider les faits sans complications spéciales, malgré l'absence de collaboration d'une partie (cf. ATF 117 V 261 consid. 3b; ATF 108 V 229 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 59/02 du 28 août 2003 consid. 3.3 et les références).

Pour que l'on puisse admettre qu'une renonciation à des éléments de fortune ne constitue pas un dessaisissement, il faut que soit établie une corrélation directe entre cette renonciation et la contre-prestation considérée comme équivalente. Cela implique nécessairement un rapport de connexité temporelle étroit entre l'acte de dessaisissement proprement dit et l'acquisition de la contre-valeur correspondante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_945/2011 du 11 juillet 2012 consid. 6.2).

10.    En l'occurrence, le recourant, malgré plusieurs prolongations de délai, n'a finalement pu produire des justificatifs de dépenses que pour les années 2008 et 2010.

Se basant sur les dits documents, le SPC a procédé à de nouveaux calculs, au terme desquels il a proposé d'admettre, pour 2008, CHF 20'377.05 de dépenses justifiées par les débits bancaires et CHF 2'909.- supplémentaires à titre de dépenses pour primes d'assurance-maladie, réduisant ainsi le montant du dessaisissement pour cette année-là de CHF 100'280.- à CHF 76'993.95.

De la même manière, pour l'année 2010, le SPC a proposé d'admettre CHF 15'390.95 de dépenses justifiées par les débits bancaires, étant relevé que le montant retenu à titre de primes d'assurance-maladie était légèrement supérieur à la réalité (CHF 5'232.- selon la taxation fiscale d'office de cette année-là, CHF 4'775.20 en réalité). Au vu de ces éléments, le montant du dessaisissement 2010 peut être réduit de CHF 48'06.60 à CHF 32'098.65.

Les nouveaux calculs opérés par l'intimé n'apparaissent pas critiquables. En particulier, ainsi que cela ressort de la jurisprudence rappelée supra, il est légitime de tenir compte d'une rente de prévoyance hypothétique dans la mesure où il n'a pas été établi que le capital de prévoyance avait été entièrement utilisé selon le calcul de la couverture des besoins.

Au vu de ce qui précède, le recours est partiellement admis dans le sens proposé par l'intimé et la cause lui est renvoyée pour calcul des prestations dues.

Le recours est rejeté pour le surplus.

La procédure est gratuite.


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement au sens des considérants.

3.        Renvoie la cause à l'intimé pour calcul des prestations dues.

4.        Rejette le recours pour le surplus.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie-Catherine SÉCHAUD

 

La Présidente

 

 

 

 

Karine STECK

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances sociales par le greffe le