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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/781/2015

ATAS/56/2016 du 27.01.2016 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/781/2015 ATAS/56/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 27 janvier 2016

4ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Daniel MEYER

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né le ______ 1960 et titulaire du CFC de transport national et international de marchandises et voyageurs par route depuis 2003, est associé gérant avec signature individuelle de B______ Sàrl (ci-après : l’entreprise) dont le but social est notamment l’organisation de voyages et l’exploitation de liaisons de transport de personnes et de marchandises.

2.        Le 4 novembre 2012, alors qu’il était passager avant d’un minibus qui circulait sur une autoroute en Hongrie, ce dernier est entré en collision avec un autobus qui sortait d’une aire de repos. Souffrant de multiples traumatismes, le 8 novembre 2012, l’assuré a été transféré intubé en avion médicalisé de Hongrie aux hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG). Il a séjourné du 8 au 18 novembre 2012 au service des soins intensifs en raison d’épanchements pleuraux avec atélectasie, puis du 18 novembre 2012 au 11 janvier 2013 au département de chirurgie.

3.        Dans le rapport de sortie du 18 janvier 2013, le docteur C______, médecin interne à l’unité de médecine physique et réadaptation orthopédique des HUG, a diagnostiqué une fracture de la symphyse pubienne et des branches ilio-pubiennes des deux côtés osthéosynthèsée par plaque symphysaire, une fracture du pilier antérieur du cotyle droit traitée conservativement, des fractures de l’aileron sacré droit et une ouverture de la sacro-iliaque gauche traitée conservativement, une fracture de l’arc postérieur des côtes 4 à 12 gauches traitées conservativement, des contusions pulmonaires et une atélectasie lobaire gauche avec épanchement pleural bilatéral ainsi que bronchopneumonie post-opératoire, une rupture splénique avec splénectomie, des contusions de la tête du pancréas et rénales des deux côtés.

4.        Le 6 mai 2013, l’assuré a déposé une demande de prestations de l’assurance-invalidité au vu de son incapacité de travail entière depuis le 4 novembre 2012.

5.        Dans un rapport du 23 mai 2013 adressé à l’office cantonal de l’assurance-invalidité (ci-après : OAI), le Dr C______ a rappelé les diagnostics posés. Il a constaté une marche avec boiterie gauche en raison d’une douleur postérieure de fesse, une mobilisation sacro-iliaque bonne à gauche et peu mobile à droite. L’évolution était lentement favorable avec probablement persistance de séquelles à long terme sous forme de douleur persistante sacro-iliaque avec risque arthrosique important et limitation en position prolongée assise ou debout ainsi que lors de l’accroupissement. Une reprise professionnelle adaptée devrait être possible à moyen terme.

6.        Selon la description du poste de travail faite par l’employeur le 17 juin 2013, l’assuré était chauffeur de bus d’un maximum de quinze personnes, organisateur de voyages en bus et seul employé. Au sein de l’entreprise, il n’y avait pas d’autre activité possible que celle de chauffeur. Les activités alternatives consistaient à fusionner avec une autre entreprise et effectuer des trajets plus courts.

7.        Dans un rapport non daté et reçu le 23 août 2013 par l’OAI, le docteur D______, spécialiste FMH en orthopédie et traumatologie, a diagnostiqué une fracture du bassin. L’assuré souffrait de douleurs chroniques lors de la marche et des changements de positions. Son incapacité de travail était entière depuis le 4 novembre 2012. Il lui était difficile de dire en ce moment si l’activité exercée était encore exigible. On pouvait s’attendre à une reprise de l’activité professionnelle à 50% approximativement dès le 1er novembre 2013.

8.        Dans un avis du 2 septembre 2013, la doctoresse E______, médecin au service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : SMR), a indiqué que, selon le téléphone qu’elle avait eu avec le Dr D______, l’état pourrait être considéré comme stabilisé d’ici environ trois mois. Étant donné que l’assuré conduisait des bus entre Genève et la Serbie soit un trajet de quatorze heures à trois chauffeurs, la capacité de travail dans l’activité habituelle ne dépasserait pas 50%. L’assuré pouvait participer à des cours ou à des mesures professionnelles.

9.        Dans un rapport du 11 septembre 2013, le Dr C______ a relevé que les radiographies du 4 septembre 2013 montraient une arthrose sacro-iliaque gauche plus que droite, des signes de surcharges enthésitique et ischiatique gauches ainsi qu’une arthrose de hanche bilatérale débutante. Aucune reprise du travail n’était prévue. Le traitement allait encore durer probablement de trois à six mois au minimum. Il y avait lieu de craindre un dommage permanent sous forme de probables douleurs persistantes au vu de la statique perturbée du bassin et de l’atteinte sacro-iliaque. Il était fort probable que l’assuré subît des limitations, en particulier en position statique, debout ou assise et que le port de charges fût difficile sur de longues durées, respectivement le port de charges importantes le fût sur du moyen à long terme.

10.    Par communication du 24 octobre 2013, l’OAI a informé l’assuré que, dans le cadre de ses mesures d’intervention précoce, il lui accordait un soutien pour la reprise de son activité professionnelle. Il allait contacter l’assureur-accidents afin de procéder à un bilan de sa situation et collaborer au processus de reprise d’une activité professionnelle.

11.    L’assuré a séjourné au service de réadaptation de l’appareil locomoteur de la clinique romande de réadaptation (ci-après : CRR) du 29 octobre au 20 novembre 2013. A la suite de l’électroneuromyographie réalisée le 14 novembre 2013, dans un rapport du 21 novembre 2013, le docteur F______, médecin associé et neurologue FMH, a relevé que l’assuré présentait depuis l’accident des dysparesthésies diffuses des membres supérieur et inférieur gauches, sans déficit sensitivo-moteur. L’examen électronique révélait une légère altération subjective de la sensibilité tacto-algique ainsi que diffuse au bras et au pied. Dans un rapport du 3 décembre 2013, le docteur G______, médecin adjoint et rhumatologue, a posé un diagnostic principal de « thérapies physiques et fonctionnelles pour douleurs persistantes dans les suites d’un polytraumatisme datant d’une année ». Il a rappelé les diagnostics posés précédemment et a également diagnostiqué des douleurs chroniques thoraciques à gauche et du bassin, une hernie inguinale droite, une presbyacousie bilatérale et une obésité avec un BMI de 35 kg/m2. Il n’y avait aucun diagnostic sur le plan psychiatrique. La hernie inguinale avait été objectivée lors de l’examen clinique. La presbyacousie était compatible avec l’âge. Les plaintes et les limitations fonctionnelles s’expliquaient principalement par les lésions objectives constatées pendant le séjour. Des facteurs contextuels influençaient négativement les aptitudes fonctionnelles rapportées par l’assuré qui était très fixé sur ses douleurs et s’autolimitait pour chaque exercice. Il n’avait pas pu porter une caisse vide de 2,5 kg ce qui était difficilement explicable par les seules lésions objectives. Au cours de la dernière semaine de séjour, il avait présenté une péjoration de toutes les amplitudes articulaires au niveau des hanches et du rachis. La force de préhension au Jamar était de 8 kg à gauche et de 20 kg à droite alors qu’il n’y avait pas de pathologie au niveau du membre supérieur gauche. La force isométrique des quadriceps très faible n’était pas en adéquation avec la masse musculaire et les données objectives. L’assuré présentait des limitations fonctionnelles quant au port de charges lourdes et les positions debout ou assise prolongées. La situation n’était pas stabilisée du point de vue médical et des aptitudes fonctionnelles compte tenu de l’apparition d’une hernie inguinale et de douleurs chroniques du bassin notamment à droite. L’ablation du matériel d’ostéosynthèse (AMO) serait nécessaire et devrait être réalisée en même temps que la cure de hernie inguinale droite. Le pronostic de réinsertion dans l’ancienne activité était pour le moment défavorable au vu des facteurs médicaux et non-médicaux. Le pronostic de réinsertion dans une activité adaptée respectant les limitations fonctionnelles était favorable.

12.    Dans un rapport du 23 décembre 2013, le Dr D______ a indiqué que l’état santé était resté stationnaire depuis le 19 août 2013. Il a répondu par la négative à la question de savoir si, en cas de troubles psychiques, leur gravité nécessiterait une prise en charge psychiatrique. L’assuré présentait des douleurs après avoir été assis ou debout plus qu’une heure. La capacité de travail était nulle pour l’instant dans l’activité exercée. On ne pouvait pas envisager un retour au travail ultérieurement dans le même métier. Un deuxième avis était bienvenu.

13.    Par rapport du 17 janvier 2014, l’OAI a clôturé le mandat d’intervention précoce. Lors de l’entretien d’évaluation du 23 octobre 2013, l’assuré avait précisé que l’entreprise avait été initialement constituée entre trois associés (l’assuré, son frère et un autre associé en Serbie). Toutefois, avant l’accident, l’assuré exploitait seul l’affaire car ses associés s’étaient retirés. Il assurait les transports de personnes entre la Suisse et la Serbie selon la demande, à raison d’environ deux voyages par semaine correspondant à environ quarante heures de travail. L’assuré n’avait aucune vision de son avenir professionnel et n’était pas preneur d’une quelconque mesure d’intervention précoce.

14.    Sur demande de l’OAI, l’assuré a communiqué à celui-ci, le 24 février 2014, le bilan et le compte de pertes et profits 2012 de l’entreprise. Il a précisé que la comptabilité 2013 serait probablement bouclée à fin juillet 2014.

15.    Dans un avis du 7 mars 2014, le docteur H______, médecin praticien FMH et médecin du SMR, a retenu les mêmes limitations fonctionnelles objectivables que celles décrites par la CRR et a précisé qu’actuellement la situation médicale n’était pas stabilisée du point de vue médical et des aptitudes fonctionnelles. Il a considéré que la capacité de travail de l’assuré dans l’activité habituelle était nulle, celle-ci n’étant plus exigible. En revanche, sa capacité de travail était entière dans une activité adaptée et ceci depuis le mois d’octobre 2013, date à laquelle selon le Dr D______, son état de santé était stabilisé. Il y aurait un intervalle d’incapacité totale de six mois après l’opération programmée.

16.    Dans un rapport du 27 mai 2014, la doctoresse I______, spécialiste FMH en neurologie, a indiqué avoir examiné l’assuré sur demande du médecin traitant. A l’examen neurologique, elle a observé des mouvements anormaux de type secousses de l’hémicorps gauche prédominant au niveau de la main gauche. Il s’agissait probablement de mouvements anormaux de nature psychogène dans le contexte d’un syndrome douloureux chronique post-traumatique. Il existait également des troubles neuropsychologiques de type troubles de la concentration et de la mémoire anamnestiques, probablement à intégrer dans le syndrome post-traumatique également. Elle avait introduit un traitement antidépresseur. Dans un rapport intermédiaire du 18 juin 2014 à l’intention de l’assureur-accidents, elle a diagnostiqué des cervicobrachialgies, des douleurs post-traumatiques du bassin et du membre inférieur gauche ainsi que des troubles de la concentration et de la mémoire suite à l’accident. A l’examen, elle a constaté des troubles de la sensibilité du membre supérieur gauche et des secousses incontrôlables du bras gauche. Le pronostic était réservé compte tenu de la persistance des troubles (syndrome douloureux, syndrome subjectif post-traumatique) quinze mois après l’accident. La situation n’était pas encore stabilisée. Une reprise du travail n’était pas envisageable à l’heure actuelle.

17.    L’OAI a procédé à une enquête pour activité professionnelle indépendante. Selon son rapport du 19 septembre 2014, l’assuré n’avait pas repris la conduite d’un véhicule depuis son accident car il présentait des pertes d’équilibre et de la confusion, voyait trouble et ressentait des « palpitations » dans sa tête. Il était vite irritable et angoissé. Tout l’énervait et il supportait mal le bruit. S’agissant de l’entreprise, son fils l’aidait sur le plan administratif sans être rémunéré, de même que son épouse en répondant parfois au téléphone ainsi qu’en lavant les rideaux et les appuie-têtes en tissu. L’entreprise était de moins en moins rentable en raison de la forte diminution du prix des billets d’avion et de la baisse de clientèle due à la crise économique. Au début, elle possédait deux cars de cinquante personnes, puis à partir de 2008 plus qu’un seul. En 2012, afin de réduire les coûts, l’assuré avait vendu son car pour acheter d’occasion un minibus avec onze places. Son principal client était l’agence de son associé en Serbie. Il effectuait des covoiturages avec d’autres amis chauffeurs, à raison d’un à deux voyages par semaine d’une durée variable d’un à trois jours suivant la distance parcourue. Pour chaque voyage, il comptait quatre heures d’entretien de base du véhicule ainsi qu’un temps identique de nettoyage et d’agencement du véhicule. Son revenu annuel s’élevait à CHF 48'000.-. Actuellement, son entreprise était dormante mais il n’avait pas pu se résoudre à la radier du registre du commerce, n’ayant pas encore accepté de ne pas pouvoir reprendre son activité.

18.    Par projet de décision du 6 octobre 2014, l’OAI a rejeté la demande de rente et de mesures professionnelles. Il a retenu un statut d’indépendant. En comparant en 2013 le revenu sans invalidité avec un revenu d’invalide fixé statistiquement et en tenant compte d’un abattement de 15% en raison des limitations fonctionnelles et de l’ancienneté, le taux d’invalidité était nul.

19.    Dans ses observations du 10 novembre 2014, l’assuré a contesté présenter une pleine capacité de travail dans une activité adaptée dès le 31 octobre 2013. En effet, il ressortait des différents avis médicaux que son incapacité de travail était totale dans toute activité. Compte tenu de ses multiples handicaps, l’OAI aurait dû mettre en œuvre un bilan de compétences afin d’évaluer au mieux ses capacités professionnelles résiduelles. Il n’était pas en mesure de regagner le circuit économique normal, de sorte qu’il avait droit à une rente entière d’invalidité.

20.    Dans un avis du 25 novembre 2014, la doctoresse J______, médecin au SMR, a observé que la Dresse I______ faisait l’hypothèse de douleurs de nature psychogène puisqu’il n’existait pas d’élément médical objectif susceptible d’expliquer les cervicobrachialgies gauches. De plus, elle relevait des troubles de la concentration et de la mémoire rapportés par l’assuré. Or, le rapport de la CRR du 3 décembre 2013 ne mentionnait aucune anomalie sur les plans psychiatrique, neurologique et neuropsychologique, de sorte que les troubles relatés par l’assuré étaient subjectifs. En définitive, ce dernier n’avait pas fourni d’éléments médicaux objectifs faisant état d’une aggravation de son état de santé.

21.    Le 4 décembre 2014, l’assuré a transmis à l’OAI un rapport du Dr D______ du 18 novembre 2014 mentionnant une prochaine opération d’une hernie vésicale et pour AMO. Selon ce médecin, tout pronostic quant à l’évolution de son état de santé était prématuré. Puis, le 15 décembre 2014, l’assuré a également communiqué à l’OAI un rapport du 8 décembre 2014 établi par le docteur K______, généraliste FMH. Selon ce dernier, on assistait à une péjoration de l’état général de l’assuré générée par une décompensation de son état psychique prise en charge par un psychiatre. Il a diagnostiqué un épisode dépressif récurrent important. Enfin, le 26 janvier 2015, l’assuré a adressé à l’OAI un avis de sortie des HUG du 10 novembre 2014, consécutif à son séjour au service de chirurgie viscérale du 4 au 10 novembre 2014 en raison d’une cure de hernie inguinale bilatérale et de l’AMO de la symphyse pubienne pratiquée le 4 novembre 2014.

22.    Dans un avis du 28 décembre 2014, le docteur L______, médecin au SMR, a considéré que l’assuré n’apportait pas d’éléments médicaux objectifs permettant de retenir une aggravation durable de son état de santé. Notamment, le Dr K______ ne fournissait aucune information médicale permettant de se faire une idée quant à la modification dudit état de santé.

23.    Par décision du 2 février 2015, l’OAI a confirmé le refus de rente d’invalidité et de mesures professionnelles.

24.    Par acte du 5 mars 2015, l’assuré a recouru contre ladite décision. Il conclut, sous suite de dépens, à l’octroi d’une rente entière d’invalidité et subsidiairement à la mise en œuvre d’une expertise médicale pluridisciplinaire. Il fait grief à l’intimé de ne pas avoir tenu compte ou alors de manière insuffisante des divers éléments médicaux permettant de considérer qu’il dispose d’une capacité de travail entière dans une activité adaptée à peine une année après l’accident et de s’être basé sur les seules pièces médicales consignées dans le dossier de l’assureur-accidents. Il souffrait d’atteintes orthopédiques invalidantes et l’importance de la symptomatologie algique ne permettait pas d’exiger de sa part qu’il effectuât des travaux d’atelier légers, cela même avec des pauses fréquentes. Sur le plan psychologique, il présentait une symptomatologie dépressive post-traumatique invalidante qui était la conséquence de l’accident et des problèmes somatiques qui en ont découlé. Il souffrait également de troubles neurologiques invalidants mis sur le compte du syndrome douloureux chronique post-traumatique. Dans ce contexte, au vu de la complexité et de l’intensité des atteintes, l’idée d’un reclassement professionnel dans le cadre d’une activité adaptée devait tout simplement être abandonnée. Dans la mesure où les conclusions de l’intimé ne reposaient sur aucune instruction médicale préalable, ni prise de contact avec les médecins traitants, hormis l’apport des pièces contenues dans le dossier de l’assureur-accidents, il se justifiait de mettre en œuvre une expertise multidisciplinaire.

Il produit dans la procédure un rapport du 16 février 2015 établi par le docteur M______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, selon lequel, l’assuré présente une dépression d’intensité significative caractérisée par une humeur triste, une perte d’énergie et d’élan vital avec fatigue physique et psychique, une anxiété constante sous forme de crainte, tension, nervosité et présence permanente d’acouphènes, un pessimisme, une perte de confiance de soi et un sentiment d’insécurité, des troubles cognitifs par diminution de la mémoire de travail et de stockage ainsi qu’un trouble de la concentration surtout pour les activités soutenues, un sommeil agité et perturbé avec ruminations négatives et cauchemars. Ces manifestations traduisaient une situation dépressive d’incertitude et de précarité psychosociale due au changement brutal survenu dans sa vie depuis 2012. Le pronostic d’évolution restait incertain quant à la capacité de travail. Le traitement actuel consistait en neuroleptique et antidépresseur.

25.    Dans sa réponse du 15 avril 2015, l’intimé a conclu au rejet du recours. Il a contesté n’avoir fondé sa décision que sur les documents médicaux figurant dans le dossier de l’assureur-accidents, puisqu’il avait questionné également les médecins traitants autant que de besoin et pris en compte l’expertise de la CRR ainsi que l’instruction médicale de l’assureur-accidents. Par conséquent, ses conclusions quant à la capacité de travail du recourant reposaient non seulement sur ladite expertise, mais aussi sur l’examen attentif du dossier par le SMR qui avait pris en considération tous les avis médicaux contenus dans le dossier. Il ne lui était pas possible de tenir compte des douleurs invoquées si celles-ci n’étaient pas confirmées par des observations médicales concluantes. Au sujet des troubles psychologiques invoqués par le recourant, l’intimé a relevé que la demande de prestations du 6 mai 2013 ne mentionnait aucune atteinte psychologique, que les conclusions de la Dresse I______ faisait état d’un syndrome douloureux chronique post-traumatique et de troubles neuropsychologiques anamnestiques ce qui signifiait que ce médecin se fondait sur les plaintes subjectives du recourant. Quant au rapport du Dr K______ du 8 décembre 2014, l’épisode dépressif récurrent important diagnostiqué ne figurait pas dans la CIM-10 et il ne reposait sur aucun status détaillé. Par conséquent, les éléments psychologiques invoqués par le recourant avaient été pris en compte dans les avis du SMR des 25 novembre et 28 décembre 2014. Etant donné que le recourant n’avait rendu plausible une aggravation de son état de santé ou une nouvelle atteinte par aucun élément médical objectif, la mise en œuvre d’une expertise pluridisciplinaire n’était pas envisageable. De plus, le rapport du Dr N______ avait été soumis au SMR qui, dans son avis du 8 avril 2015, a considéré que ce médecin n’avait pas procédé à un status détaillé, avait retenu des éléments purement subjectifs basés sur les plaintes du recourant, enfin que le diagnostic d’épisode dépressif d’intensité importante ou d’intensité significative ne constituait pas un diagnostic selon la CIM-10. L’intimé a également mis l’accent sur les aspects psychosociaux mentionnés tant par les experts de la CRR que par le Dr N______ qui ne constituaient pas des atteintes à la santé à caractère invalidant. Par conséquent, le dossier permettait de statuer en pleine connaissance de cause, sans mesures d’instruction complémentaires telles que demandées par le recourant.

26.    Dans sa réplique du 26 mai 2015, le recourant a observé que ses plaintes se justifiaient par la seule lecture des diagnostics posés et que les divers examens radiologiques ainsi que les imageries corroboraient la sévérité de ses douleurs. C’était précisément en raison de la symptomatologie douloureuse et des limitations fonctionnelles qui en résultaient qu’il n’avait pas été en mesure de souscrire aux mesures d’intervention précoce proposées par l’intimé en janvier 2014. Il n’avait pas pu s’engager dans cette démarche non par convenance personnelle mais par absence de ressources. Il avait été rapidement affecté dans son état psychique en raison du polytraumatisme subi. Si en 2013, il n’avait pas constaté, pas plus que ses médecins traitants, des éléments d’ordre psychologique, cela s’expliquait par le fait que les douleurs somatiques étaient prépondérantes, puis que leur persistance avait entraîné dans un second temps une souffrance morale et psychologique survenue dans le contexte d’un syndrome post-traumatique. Il a également relevé qu’il avait déjà évoqué des troubles neurologiques et une dépression lors de l’entretien du 8 septembre 2014 avec le gestionnaire de l’intimé. Compte tenu de la discrépance dans l’appréciation de son cas, une expertise psychiatrique, associée à une expertise rhumatologique et ostéoarticulaire était incontournable. Il a persisté intégralement dans ses conclusions précédentes.

Il a produit dans la procédure deux nouveaux rapports médicaux.

-          Dans un rapport non daté, le Dr D______ a précisé que lors de l’opération de novembre 2014, il avait été décidé d’abandonner la procédure d’ablation de la plaque au vu des risques d’une nouvelle fracture du bassin. En outre, le recourant présentait des douleurs lombaires dues à un déséquilibre du bassin.

-          Dans un rapport du 10 mai 2015, le Dr N______ a constaté chez le recourant une humeur dépressive sans irritabilité qui n’était pas présente toute la journée, une diminution d’intérêt ou de plaisir pour la vie, une énergie (ou élan vital) diminuée avec fatigue physique et psychique, des troubles du sommeil avec des ruminations négatives et des cauchemars, une attitude pessimiste face à l’avenir et à l’incertitude. Le recourant était fatigué car les difficultés et les douleurs permanentes ainsi que les efforts pour la recherche de positions antalgiques l’épuisaient. Il présentait également une anxiété constante sous forme de crainte, tension due au sentiment d’insécurité et d’incertitude avec la présence permanente d’acouphènes. Les symptômes retenus dépassaient les deux semaines nécessaires pour poser le diagnostic d’épisode dépressif de sévérité moyenne (F32.1) selon la CIM-10. Les troubles somatiques ainsi que la douleur quasi permanente et aiguë (cinq critères sur neuf) expliquaient sa problématique. Ces critères permettaient de considérer sa dépression comme une maladie survenue secondairement aux problèmes d’ordre somatique. Les troubles physiques avaient entraîné un état de dépression qui durait depuis longtemps. La douleur entraînait un état d’anxiété et de vigilance qui consommait beaucoup de ressources et d’énergie. Si la douleur était aiguë ou grande, si elle durait, l’organisme se fatiguait et s’épuisait. Le cerveau diminuait ainsi ses performances en étant concentré sur la douleur et sur toutes les manœuvres antalgiques possibles. Au vu de l’effet dépressogène permanent de la douleur et de l’affectation délétère des fonctions cognitives, la capacité de travail du recourant était nulle dans tous les types d’activité.

27.    Dans sa duplique du 17 juin 2015, l’intimé a allégué que le suivi psychiatrique avait débuté suite à une décompensation psychique du recourant au mois de décembre 2014, soit trois mois après la réception du projet de décision, de sorte que les troubles étaient réactionnels à sa décision négative et non durables. Il a joint à son écriture un avis du 15 juin 2015 établi par la doctoresse O______, médecin au SMR, selon lequel, s’agissant de l’existence d’une atteinte psychiatrique incapacitante et de troubles cognitifs, il existait des discordances entre le psychiatre et les experts de la CRR puisque ceux-ci n’avaient retenu aucun diagnostic psychiatrique et qu’un examen neuropsychologique s’était avéré normal. En outre, en décembre 2013, le Dr D______ avait répondu à la question concernant l’existence d’une atteinte psychiatrique, alors que le Dr N______ parlait de limitations cognitives sans avoir procédé à des tests neuropsychologiques. Il a confirmé ses conclusions précédentes.

28.    Le 24 juin 2015, le recourant a produit dans la procédure un rapport du 2 juin 2015 établi par le docteur P______, médecin adjoint au service de chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil-locomoteur des HUG. Selon ce dernier, lors de l’opération du 4 novembre 2014, il avait été renoncé à enlever la plaque symphysienne au vu des nombreuses structures nobles qui y avaient adhéré et des difficultés opératoires. Lors de l’examen du 21 mai 2015, le recourant présentait une hernie inguinale droite, des douleurs chroniques à l’articulation sacro-iliaque gauche avec un substrat visible au scanner (troubles dégénératifs et début de fusion). Au membre inférieur gauche, il y avait subjectivement une diminution discrète de la sensibilité de tout le membre au toucher et objectivement une diminution de la force globale du membre cotée à M4+. Il n’y avait pas de geste chirurgical à proposer s’agissant de l’articulation sacro-iliaque. Au niveau de la hernie inguinale droite, il proposait à l’assuré de revoir son opérateur initial.

29.    Par ordonnance du 3 août 2015, la chambre de céans a demandé aux parties de faire part de leurs conclusions suite à l’arrêt du Tribunal fédéral 9C_492/2014 du 3 juin 2015.

30.    Dans son écriture du 10 août 2015, l’intimé a observé que dans le cas d’espèce, il ne s’agissait pas d’un trouble somatoforme douloureux ou d’une atteinte assimilée. Il a confirmé ses conclusions précédentes.

31.    Dans son écriture du 18 août 2015, le recourant a relevé que la prise en charge psychiatrique avait débuté en avril 2014, la Dresse I______ lui ayant prescrit un antidépresseur, puis avait été poursuivie par le Dr K______, médecin traitant, avant qu’il ne l’orientât auprès du Dr N______. Par conséquent, sa symptomatologie dépressive n’était pas réactionnaire au projet de décision de refus de rente et devait être considérée comme durable puisqu’elle évoluait en fonction des troubles somatiques. Etant donné que l’expertise de la CRR ne tenait pas compte des nouveaux critères établis par la jurisprudence pour apprécier le caractère invalidant des troubles somatoformes douloureux et des affections psychosomatiques assimilées, il convenait de mettre en œuvre une surexpertise.

32.    Après avoir transmis l’écriture de chacune des parties à son adverse partie, la chambre de céans a gardé la cause à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        A teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

Toutefois, les modifications légales contenues dans la LPGA constituent, en règle générale, une version formalisée dans la loi de la jurisprudence relative aux notions correspondantes avant l'entrée en vigueur de la LPGA; il n'en découle aucune modification du point de vue de leur contenu, de sorte que la jurisprudence développée à leur propos peut être reprise et appliquée (ATF 130 V 343 consid. 3).

3.        Les modifications de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité du 21 mars 2003 (4ème révision), du 6 octobre 2006 (5ème révision) et du 18 mars 2011 (révision 6a), entrées en vigueur le 1er janvier 2004, respectivement, le 1er janvier 2008 et le 1er janvier 2012, entraînent la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de l'assurance-invalidité. Sur le plan matériel, sont en principe applicables les règles de droit en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 129 V 1 consid. 1; ATF 127 V 467 consid. 1 et les références). En ce qui concerne en revanche la procédure, et à défaut de règles transitoires contraires, le nouveau droit s'applique sans réserve dès le jour de son entrée en vigueur (ATF 117 V 93 consid. 6b; ATF 112 V 360 consid. 4a; RAMA 1998 KV 37 p. 316 consid. 3b).

En l'espèce, du point de vue matériel, au vu des faits pertinents jusqu’à la décision du 2 février 2015, le droit éventuel aux prestations doit être examiné au regard des modifications de la LAI (révision 6a), dans la mesure de leur pertinence (ATF 130 V 445 et les références; voir également ATF 130 V 329). Cela étant, ces novelles n'ont pas amené de modifications substantielles en matière d'évaluation de l'invalidité (arrêt du Tribunal fédéral non publié I 249/05 du 11 juillet 2006 consid. 2.1 et Message concernant la modification de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité du 22 juin 2005, FF 2005 p. 4322).

4.        Interjeté dans le délai et la forme prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 et 60 LPGA; art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - [LPA-GE - E 5 10]).

5.        Le litige porte sur le droit du recourant à une rente d’invalidité, respectivement sur la question de savoir si, au vu de son état de santé, il dispose d’une capacité de travail résiduelle entière dans une activité adaptée dès le 31 octobre 2013.

6.        En vertu de l’art. 28 al. 1 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Aux termes de l’art. 8 al. 1er LPGA, est réputée invalidité l’incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée. Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

7.        Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 102 V 165 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

Dans un arrêt de principe (ATF 141 V 281), le Tribunal fédéral a abandonné la présomption qui prévalait jusqu’à ce jour, selon laquelle les syndromes du type troubles somatoformes douloureux et affections psychosomatiques assimilées peuvent être surmontés en règle générale par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 132 V 65; ATF 131 V 49; ATF 130 V 352). Désormais, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant de mettre en regard les facteurs extérieurs incapacitants d’une part et les ressources de compensation de la personne d’autre part (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). Il n'y a plus lieu de se fonder sur les critères de l'ATF 130 V 352, mais sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4). Ces indicateurs concernent deux catégories, à savoir celle du degré de gravité fonctionnelle et celle de la cohérence.

Une expertise psychiatrique est, en principe, nécessaire quand il s'agit de se prononcer sur l'incapacité de travail que les syndromes du type troubles somatoformes douloureux et affections psychosomatiques assimilées sont susceptibles d'entraîner (ATF 130 V 352 consid. 2.2.2 et 5.3.2). Une telle appréciation psychiatrique n'est toutefois pas indispensable lorsque le dossier médical comprend suffisamment de renseignements pour exclure l'existence d'une composante psychique aux douleurs qui revêtirait une importance déterminante au regard de la limitation de la capacité de travail.

8.        a) Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 125 V 261 consid. 4). La tâche du médecin dans le cadre d'une révision de la rente selon l'art. 17 LPGA consiste avant tout à établir l'existence ou non d'une amélioration de l'état de santé de l'assuré en comparant les faits tels qu'ils se présentaient au moment de la décision initiale avec la situation au moment de son examen (ATF 125 V 369 consid. 2).

b) Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. A cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux. Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

Un rapport au sens de l'art. 59 al. 2bis LAI (en corrélation avec l'art. 49 al. 1 RAI) a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). Ces rapports ne posent pas de nouvelles conclusions médicales mais portent une appréciation sur celles déjà existantes. Au vu de ces différences, ils ne doivent pas remplir les mêmes exigences au niveau de leur contenu que les expertises médicales. On ne saurait en revanche leur dénier toute valeur probante. Ils ont notamment pour but de résumer et de porter une appréciation sur la situation médicale d'un assuré, ce qui implique aussi, en présence de pièces médicales contradictoires, de dire s'il y a lieu de se fonder sur l'une ou l'autre ou s'il y a lieu de procéder à une instruction complémentaire (arrêt du Tribunal fédéral 9C_581/2007 du 14 juillet 2008 consid. 3.2 et les références citées).

En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 244/05 du 3 mai 2006 consid. 2.1).

9.        Dans le domaine des assurances sociales notamment, la procédure est régie par le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par l'assureur, qui prend les mesures d'instruction nécessaires et recueille les renseignements dont il a besoin (cf. art. 43 al. 1 LPGA). Sont pertinents tous les faits dont l'existence peut influencer d'une manière ou d'une autre le jugement relatif à la prétention litigieuse (VSI 1994 p. 220 consid. 4a). Le devoir d'instruction s'étend jusqu'à ce que les faits nécessaires à l'examen des prétentions en cause soient suffisamment élucidés (arrêt du Tribunal fédéral 8C_667/2012 du 12 juin 2013 consid. 4.1). Conformément au principe inquisitoire, il appartient en premier chef à l'administration de déterminer, en fonction de l'état de fait à élucider, quelles sont les mesures d'instruction qu'il convient de mettre en œuvre dans un cas d'espèce donné. Elle dispose à cet égard d'une grande liberté d'appréciation. Si elle estime que l'état de fait déterminant n'est pas suffisamment établi, ou qu'il existe des doutes sérieux quant à la valeur probante des éléments recueillis, l'administration doit mettre en œuvre les mesures nécessaires au complément de l'instruction (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 906/05 du 23 janvier 2007 consid. 6).

De son côté, conformément à son devoir de collaborer à l'instruction de l'affaire (ATF 125 V 193 consid. 2), l'assuré est tenu de se soumettre aux examens médicaux et techniques qui sont nécessaires à l'appréciation du cas et peuvent être raisonnablement exigés (art. 43 al. 2 LPGA). Toutefois, le pouvoir d'appréciation de l'administration dans la mise en œuvre d'un examen médical n'est pas illimité; elle doit se laisser guider par les principes de l'Etat de droit, tels les devoirs d'objectivité et d'impartialité et le principe d'une administration rationnelle (arrêt du Tribunal fédéral 8C_667/2012 du 12 juin 2013 consid. 4.1).

En matière d'assurance-invalidité, l'art. 69 al. 2 RAI précise que si les conditions d'assurance sont remplies, l'office AI réunit les pièces nécessaires, en particulier sur l'état de santé du requérant, son activité, sa capacité de travail et son aptitude à être réadapté, ainsi que sur l'indication de mesures déterminées de réadaptation. Des rapports ou des renseignements, des expertises ou une enquête sur place peuvent être exigés ou effectués; il peut être fait appel aux spécialistes de l'aide publique ou privée aux invalides.

10.    En l’espèce, la décision de refus de rente repose sur les avis SMR des 7 mars et 28 décembre 2014. Dans le premier avis, le SMR considère que la capacité de travail du recourant dans une activité adaptée est entière depuis octobre 2013, mois à partir duquel le Dr D______ a indiqué que son état est stabilisé. Dans le second avis, le SMR précise que le projet de refus de rente repose sur l’évaluation médicale de la CRR reconnaissant au recourant une capacité de travail entière dans une activité adaptée.

La chambre de céans observe que l’avis SMR du 7 mars 2014 contient des contradictions puisqu’à son début, il fait état d’une situation médicale qui n’est pas stabilisée du point de vue médical et des aptitudes fonctionnelles, tout en concluant dans son dernier paragraphe à un état stabilisé. De plus, dans son rapport du 23 décembre 2013 auquel fait référence le SMR, le Dr D______ ne mentionne pas un état stabilisé mais un état stationnaire depuis le 19 août 2013, tout en précisant qu’une reprise du travail n’est pas possible dans le même métier et qu’un deuxième avis est le bienvenu. Si un état stationnaire peut être considéré comme étant stabilisé, il n’en va pas de même lorsque des mesures médicales sont préconisées (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 490/05 du 22 novembre 2006 consid. 2.1). Dès lors, l’on voit mal comment le rapport laconique et très succinct du Dr D______ permettrait de retenir un état stabilisé dès le 19 août 2013, ce d’autant plus que lors d’un entretien téléphonique avec le SMR, le 2 septembre 2013, le même médecin prévoit une stabilisation d’ici approximativement trois mois, soit environ en décembre 2013 et que dans son rapport du 18 novembre 2014, il considère que tout pronostic quant à l’évolution de l’état de santé du recourant est prématuré. Un tel état stabilisé est d’autant moins plausible que le rapport de la CRR du 3 décembre 2013 conclut au contraire à une situation médicale non stabilisée - du point de vue médical ainsi que de celui des aptitudes fonctionnelles - lors du séjour du 29 octobre au 20 novembre 2013 et préconise une opération afin de remédier à la hernie inguinale, respectivement d’enlever le matériel d’ostéosynthèse au niveau de la symphyse pubienne. Pour sa part, dans son rapport du 11 septembre 2013, le Dr C______ précise que le traitement va durer probablement encore pendant trois à six mois au minimum, soit en tout cas jusqu’en décembre 2013 ou février 2014 alors que la Dresse I______, dans son rapport du 27 mai 2014, relève expressément que la situation n’est pas encore stabilisée. Par conséquent, au vu des contradictions et incohérences qu’il contient, l’intimé ne pouvait pas se baser sur l’avis SMR du 7 mars 2014 pour fonder sa décision de refus de rente.

Dans le rapport de la CRR du 3 décembre 2013, le Dr G______ pose au cours du séjour les diagnostics de douleurs chroniques thoraciques gauches et du bassin ainsi que de hernie inguinale droite et presbyacousie bilatérale. En revanche, aucun diagnostic n’est retenu sur le plan psychiatrique et sur le plan neurologique au vu des résultats de l’électroneuromyographie du 14 novembre 2013. Le Dr G______ conclut à une situation non stabilisée du point de vue médical et des aptitudes fonctionnelles. Il fait état d’un pronostic de réinsertion défavorable dans l’ancienne activité et favorable dans une activité adaptée respectant les limitations fonctionnelles provisoires concernant le port de lourdes charges ainsi que le maintien de positions prolongées debout ou assise. Bien que les plaintes et les limitations fonctionnelles s’expliquent principalement par les lésions objectives constatées pendant le séjour, il relève des incohérences concernant les amplitudes articulaires, les forces isométriques et de préhension ainsi qu’une influence négative des aptitudes fonctionnelles par des facteurs contextuels. Il atteste une incapacité de travail de 100% du 29 octobre au 22 novembre 2013. Dans l’avis de sortie du 20 novembre 2013, la CRR précise qu’un changement de profession n’est pas indiqué.

Contrairement à ce que soutient l’intimé dans ses écritures, le rapport de la CRR n’est pas un rapport d’expertise dès lors que l’hospitalisation du recourant avait pour but une rééducation et une évaluation multidisciplinaire des séquelles en lien avec le polytraumatisme survenu une année auparavant. À relever également qu’il ne contient aucune anamnèse et qu’il ne relate aucun examen psychiatrique alors qu’il met en évidence des incohérences, de sorte que le Dr G______ n’a pas procédé à un examen complet et circonstancié de tous les troubles du recourant. De plus, contrairement à l’avis SMR du 28 décembre 2014, le médecin de la CRR n’évalue à aucun moment, et à juste titre, la capacité résiduelle de travail du recourant, mais se borne à formuler des pronostics de réinsertion dans l’ancienne activité et dans une activité adaptée. En effet, en constatant l’existence d’un état de santé non stabilisé et de limitations fonctionnelles provisoires pour lesquels il préconisait des mesures médicales, il ne pouvait qu’évaluer la capacité de travail du recourant dans son activité habituelle et non pas sa capacité résiduelle de travail dans une activité adaptée dès le 31 octobre 2013 au vu de l’évolution susceptible d’intervenir jusqu’à l’opération préconisée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_881/2010 du 23 août 2011 consid. 3.2). Par conséquent, l’intimé ne pouvait pas se fonder sur le rapport de la CRR, respectivement sur l’avis SMR du 28 décembre 2014, pour considérer que l’état est stabilisé depuis octobre 2013 et que le recourant présente une capacité résiduelle de travail entière dans une activité adaptée depuis le 31 octobre 2013. Au demeurant, dans la mesure où l’avis de sortie de la CRR du 20 novembre 2013 considère qu’un changement de profession n’est pas indiqué, alors que tous les médecins s’accordent à dire que le recourant présente une incapacité de travail entière dans son activité habituelle, force est de constater que soit le rapport de la CRR n’a pas évalué la capacité résiduelle de travail du recourant dans une activité adaptée, soit il est contradictoire sur ce point. Quoi qu’il en soit, il ne peut pas fonder la décision litigieuse.

En définitive, à la date de la décision litigieuse, soit après l’opération préconisée par les médecins de la CRR, au vu du rapport du Dr P______ du 2 juin 2015 faisant état d’une récidive de hernie inguinale droite ainsi que de la présence de troubles dégénératifs et d’un début de fusion à l’articulation sacro-iliaque gauche, l’état de santé de l’assuré n’était pas stabilisé sur le plan physique. Par conséquent, l’intimé ne pouvait pas statuer sur la capacité résiduelle de travail du recourant dans une activité adaptée, ce d’autant plus qu’il ne disposait d’aucun rapport médical ayant procédé à une évaluation circonstanciée de ladite capacité de travail de façon conforme à la jurisprudence.

S’agissant des troubles psychiques, dans son rapport du 27 mai 2014, la Dresse I______ constate, lors de son examen neurologique, des mouvements anormaux de type secousses de l’hémicorps gauche prédominant au niveau de la main gauche qu’elle qualifie de probables mouvements anormaux de nature psychogène dans le contexte d’un syndrome douloureux chronique post-traumatique. Elle introduit un traitement antidépresseur. Puis, dans son rapport du 18 juin 2014, elle précise qu’une reprise du travail n’est pas envisageable pour le moment. Dans son rapport du 8 décembre 2014, le Dr K______ mentionne une décompensation psychique avec prise en charge par un psychiatre. Dans son rapport du 16 février 2015, le Dr M______ fait état d’une dépression d’intensité significative avec traitement à base de neuroleptique et d’antidépresseur, puis, dans celui du 10 mai 2015, il diagnostique un épisode dépressif moyen selon la classification de la CIM-10 et conclut à une capacité de travail nulle dans tout type d’activités.

Or, malgré les diagnostics psychiatriques posés entre le rapport de la CRR et la décision litigieuse, la prescription d’antidépresseurs par la neurologue et le médecin traitant, puis le suivi du recourant par un médecin psychiatre, l’intimé n’a pas jugé utile d’instruire la question de l’existence de troubles psychiques. Il a prétexté soit l’absence de constatations objectives, soit l’inexistence dans la CIM-10 du diagnostic posé, soit la présence de discordances entre le psychiatre et les experts de la CRR. Or, précisément, en présence de telles discordances, il appartenait à l’intimé de les lever en mettant en œuvre une expertise psychiatrique afin d’élucider la question des troubles psychiques et leur influence sur la capacité de travail du recourant (cf. ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3). Par ailleurs, si l’intimé avait examiné correctement la situation, il aurait constaté que le recourant n’a fait l’objet ni d’un examen par un psychiatre, ni d’un quelconque status psychiatrique par le médecin examinateur durant son séjour à la CRR, ce qui explique l’absence de diagnostic psychiatrique. Par conséquent, il n’y a aucune contradiction entre les conclusions de la CRR et celles du Dr M______.

11.    a) Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a; RAMA 1985 p. 240 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Dans un arrêt de principe, le Tribunal fédéral a modifié sa jurisprudence en ce sens que lorsque les instances cantonales de recours constatent qu'une instruction est nécessaire parce que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise, elles sont en principe tenues de diligenter une expertise judiciaire si les expertises médicales ordonnées par l'OAI ne se révèlent pas probantes (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3). Cela étant, un renvoi à l'administration pour mise en œuvre d'une nouvelle expertise reste possible, même sous l'empire de la nouvelle jurisprudence, notamment lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

b) En l’espèce, l’intimé a instruit très superficiellement et de façon lacunaire la situation médicale, notamment il n’a procédé à aucune instruction concernant les troubles psychiques, alors qu’ils sont évoqués à plusieurs reprises dans les rapports médicaux : une autolimitation pour chaque exercice, une péjoration des amplitudes articulaires au niveau des hanches et du rachis lors de la dernière semaine de séjour à la CRR, une diminution de force du membre supérieur gauche bien que le recourant ne souffre pas de pathologie à ce niveau et un syndrome douloureux chronique post-traumatique. Faute d’instruction relative aux troubles psychiques, il n’est pas possible de savoir si le recourant souffre d’un syndrome du type troubles somatoformes douloureux ou d’une affection psychosomatique assimilée, respectivement s’il y a lieu d’évaluer sa capacité de travail réellement exigible dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant de mettre en regard les facteurs extérieurs incapacitants d’une part et les ressources de compensation de la personne d’autre part (ATF 141 V 281).

Par conséquent, la chambre de céans ne dispose pas des éléments médicaux nécessaires pour statuer sur la situation médicale du recourant, respectivement sur sa capacité de gain résiduelle dans une activité adaptée, de sorte qu’il y a lieu de mettre en œuvre une expertise médicale pluridisciplinaire, notamment psychiatrique et rhumatologique.

Etant donné que l’intimé n’a pas instruit correctement la situation médicale du recourant, la cause doit lui être renvoyée pour mise en œuvre d’une expertise médicale pluridisciplinaire au sens des considérants.

12.    Au vu de ce qui précède, le recours sera admis et la décision du 2 février 2015 sera annulée. Le recourant obtenant gain de cause, une indemnité de CHF 2’200.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]). Etant donné que, depuis le 1er juillet 2006, la procédure n'est plus gratuite (art. 69 al. 1bis LAI), au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 1'000.-.


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.      Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.      L’admet et annule la décision du 2 février 2015.

3.      Renvoie le dossier à l’OAI pour instruction complémentaire sous forme d’expertise médicale pluridisciplinaire au sens des considérants, puis nouvelle décision.

4.      Condamne l’intimé à verser au recourant un montant de CHF 2'200.- à titre de dépens.

5.      Met un émolument de CHF 1'000.-. à la charge de l’intimé.

6.      Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Juliana BALDÉ

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le