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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2786/2015

ATAS/495/2016 (3) du 23.06.2016 ( AVS ) , ADMIS

*** ARRET DE PRINCIPE ***
Descripteurs : ASSURANCE-VIEILLESSE, SURVIVANTS ET INVALIDITÉ ; REVENU D'UNE ACTIVITÉ LUCRATIVE INDÉPENDANTE ; ÉTAT ÉTRANGER ; DOMICILE EN SUISSE ; ACCORD SUR LA LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES ; CONVENTION EN MATIÈRE D'ASSURANCES SOCIALES ; PRINCIPE DE LA CONVENTION UNIQUE ; RÈGLE DE CONFLIT ; DROIT IMPÉRATIF ; INTERPRÉTATION CONFORME AU DROIT COMMUNAUTAIRE
Normes : 1408/71.13; 1408/71.14; 883/2004.11; CV.53
Résumé : Le recourant, de nationalité française et domicilié en Suisse, exerce la profession d'avocat à Paris avec un statut d'associé. Jusqu'en 2012, une partie de ses revenus distribués à titre de partage des bénéfices globaux a été soumise au fisc américain car réputés avoir été réalisés dans les pays dans lesquels le partnership avait des bureaux, à savoir principalement aux Etats-Unis et en France. La CCGC l'a affilié d'office à l'AVS et a rendu des décisions de cotisations personnelles pour les années 2009 à 2012 et 2014. En application de l'ALCP et de ses règlements, le recourant est assujetti à la législation française en vertu des règles de coordination contenues successivement dans le règlement n° 1408/71 jusqu'au 31 mars 2012, et dès le 1er avril 2012 dans le règlement n° 883/2004 puisqu'il exerce son activité lucrative en France sans pratiquer une activité substantielle dans l'Etat de résidence (art. 13 par. 2 règlement n° 1408/71 et art. 13 par. 2 let. a règlement n°883/2004). En tant qu'il obtient des bénéfices réalisés aux Etats-Unis par le truchement du partnership, il est considéré comme y exerçant une activité selon le droit suisse. Par conséquent, en vertu de l'art. 6 al. 3 de l'ancienne convention de sécurité sociale entre la Suisse et les Etats-Unis et de l'art. 7 al. 4 de la nouvelle convention entrée en vigueur le 1er août 2014, le recourant est en principe assujetti à la législation suisse puisqu'il réside dans ce pays. Même si l'on considère que les art. 2 des ancienne et nouvelle conventions instituent une règle de conflit qui exclut expressément les accords internationaux et leurs règlements d'application des dispositions applicables, conformément à l'effet relatif des traités de l'art. 34 de la Convention de Vienne - selon lequel un traité ne crée ni obligations ni droits pour un Etat tiers sans son consentement -, les Etats-Unis et la Suisse ne sauraient déroger au droit communautaire par une convention à laquelle l'UE n'est pas partie. Pour éviter que deux législations sociales incompatibles en vertu de traités internationaux ne s'appliquent concurremment, il convient de procéder à une interprétation harmonisante de l'art. 2 al. 2 des ancienne et nouvelle conventions. Par conséquent, cet article doit être compris en ce sens que la convention n'entend pas interférer dans le domaine d'application des autres conventions internationales conclues par la Suisse ou les Etats-Unis avec des Etats tiers. Une telle exégèse a pour effet que même si la convention prévoit l'assujettissement au droit suisse ou américain, elle ne fait pas obstacle à l'affiliation dans un Etat tiers dictée par une autre convention internationale, en l'occurrence l'ALCP. En définitive, le recourant est exclusivement assujetti à la législation française en matière de sécurité sociale.
En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2786/2015 ATAS/495/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 23 juin 2016

 

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à VANDOEUVRES, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Xavier OBERSON

 

 

recourant

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION, sise rue des Gares 12; GENEVE

 

 

intimée

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après: l’intéressé ou le recourant), ressortissant français, né le ______ 1968, exerce la profession d’avocat à Paris. Il est marié et domicilié à Vandœuvres, dans le canton de Genève.

2.        Dans un courrier du 23 juillet 2014, intitulé « Affiliation d’office auprès de notre Caisse de compensation », la Caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après: la Caisse ou l’intimée) a indiqué à l’intéressé que l’administration fiscale cantonale (AFC) lui avait communiqué les informations nécessaires au calcul de ses cotisations. La Caisse avait constaté que les revenus de l’intéressé n’étaient pas déclarés auprès d’une caisse de compensation, en violation de son obligation en tant que personne exerçant une activité indépendante.. La déclaration fiscale de l’intéressé mentionnait des revenus aux Etats-Unis et en Suisse. Conformément à la convention conclue par ces pays, c’était en Suisse que l’intéressé devait s’acquitter des charges sociales. Si l’intéressé exerçait également une activité dans un pays de l’Union européenne (UE), la Caisse attirait son attention sur le fait qu’il était soumis à la législation suisse selon le droit communautaire, qui prévoyait l’affiliation dans le pays de résidence lorsque l’activité y était exercée en partie.

3.        Par cinq décisions rendues à la même date (23 juillet 2014), la Caisse a fixé les cotisations personnelles et les intérêts moratoires dus par l’intéressé comme suit :

a. CHF 258'269.-  à titre de cotisations personnelles pour l’année 2009: cette décision indiquait remplacer toutes les décisions antérieures pour cette période et précisait sous « Base juridique » qu’il s’agissait de la fixation définitive des cotisations, le revenu d’activité lucrative ayant été déterminé par l’autorité de taxation;

b. CHF 58'935.55 à titre d’intérêts moratoires dus du 1er janvier 2010 au 23 juillet 2014 sur les cotisations de 2009;

c. CHF 260'135.85 à titre de cotisations personnelles pour l’année 2010: cette décision indiquait remplacer toutes les décisions antérieures pour cette période et précisait sous « Base juridique » qu’il s’agissait de la fixation des cotisations sur la base d’un revenu provisoire. Une adaptation selon les indications de l’autorité de taxation suivrait; 

d. CHF 46'354.75 à titre d’intérêts moratoires dus du 1er janvier 2011 au 23 juillet 2014 sur les cotisations de 2010;

e. CHF 240'787.45 à titre de cotisations personnelles pour l’année 2014: cette décision indiquait remplacer toutes les décisions antérieures pour cette période et précisait sous « Base juridique » qu’il s’agissait de la fixation des cotisations sur la base d’un revenu provisoire; une adaptation selon les indications de l’autorité de taxation suivrait.

4.        Le 21 août 2014, l’intéressé s’est opposé à la décision d’affiliation d’office du 23 juillet 2014 ainsi qu’aux décisions fixant les cotisations et intérêts moratoirespour 2009, 2010 et 2014 rendues à la même date.

Il a fait valoir que ces décisions semblaient se fonder sur les prémisses erronées qu’il serait citoyen suisse ou américain et qu’il aurait travaillé sur sol suisse ou américain entre 2009 et 2014. Or, il était français – une procédure de naturalisation suisse étant en cours en 2014. Il a produit la copie d'une communication de l'Office fédéral des migrations (ODM) du 9 juillet 2014 lui octroyant la naturalisation facilitée. Il était avocat de droit français et admis au barreau français. Il n’avait été actif qu’en France durant les cinq années précédentes, dans les deux cabinets d’avocats dont il avait successivement été associé. Les accords d’harmonisation de sécurité sociale applicables dans les relations avec l’UE renvoyaient à l’application du régime de sécurité sociale française, auquel il avait cotisé durant les années en cause. De 2009 à 2014, il était domicilié en Suisse, où il passait la plupart des week-ends avec son épouse et leurs quatre enfants. Son épouse était avocate et partenaire dans une étude d’avocats genevoise. Elle s’acquittait de cotisations sociales auprès de la caisse de compensation FER-CIAM. De 2006 au 21 décembre 2012, l’intéressé avait été associé du cabinet d’avocats B______ LPP, constitué en Delaware general partnership, lequel n’avait pas de bureaux en Suisse. Une partie des revenus réalisés durant cette association avait été soumise au fisc américain, dès lors que certains des profits qui étaient distribués à l’intéressé au titre de son association étaient réalisés aux Etats-Unis, où le cabinet avait un nombre important d’associés.

Depuis le 1er janvier 2013, il était associé du cabinet C______ LLP, partnership anglais inscrit au barreau de Paris. Il était le managing partner du bureau parisien de cette Etude et en était le seul associé en 2013. Il exerçait exclusivement à Paris et n’était pas rattaché à des bureaux américains, ni à d’autres bureaux. Il n’exerçait pas en Suisse. Ainsi, depuis 2013, il n'avait déployé d’activité ni aux Etats-Unis, ni en Suisse. Il n’était d’ailleurs inscrit qu’au barreau de Paris. Il a allégué avoir été exclusivement assujetti au système de sécurité sociale français de 2009 à 2014. Il avait ainsi cotisé à la Caisse de régime social des indépendants des professions libérales de France (Caisse RSI) pour son assurance-maladie, à la caisse nationale des barreaux français (CNBF) pour l’assurance-vieillesse et invalidité-décès, et à l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) pour les cotisations personnelles d’allocations familiales, la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS).

Les montants retenus dans les décisions de la Caisse étaient en outre erronés, dès lors qu’ils comprenaient l’ensemble des revenus du couple, soit également celui que son épouse avait réalisé et sur lequel des cotisations avaient déjà été prélevées par la Caisse interprofessionnelle AVS de la Fédération des Entreprises Romandes FER-CIAM 106.1. N’étant pas assujetti au régime suisse d’assurances sociales, il renonçait à développer ce grief mais se tenait à disposition pour toute explication complémentaire à ce sujet.

Au plan juridique, l’intéressé a souligné que l’assujettissement aux assurances se déterminait en premier lieu selon le droit international régissant la libre circulation des personnes. Ni le droit international ni le droit interne ne faisaient du lieu de taxation fiscale un critère pertinent pour déterminer l’assujettissement au système de sécurité sociale. Les critères retenus étaient généralement de manière prioritaire le lieu de travail, et à titre secondaire le lieu de résidence, voire la nationalité. Selon les dispositions réglementaires en vigueur de 2009 au 31 mars 2012, qui consacraient le principe de droit communautaire de l’unicité de la législation de sécurité sociale applicable, l’affiliation était en fonction du lieu de travail pour les indépendants. L’intéressé était ainsi uniquement soumis à la législation française. La disposition invoquée par la Caisse était erronée, puisque son application présupposait que l’intéressé exerçât une activité en Suisse, ce qui n’était pas le cas. La réglementation ayant trait à la libre circulation des personnes entre l’UE et la Suisse, modifiée le 1er avril 2012, avait repris le principe de l’unicité de la législation applicable et le critère de l’affiliation au lieu de travail comme règles générales. La convention de sécurité sociale liant la Suisse et les Etats-Unis, dans sa version en vigueur jusqu’à son abrogation le 1er août 2014, était applicable aux ressortissants des Etats contractants, aux réfugiés ou apatrides résidant sur le territoire de l’un des Etats contractants, ainsi qu’à d’autres personnes telles que les membres de la famille et les survivants. Or, jusqu’en 2014, l’intéressé n’était ni suisse, ni américain, ni apatride, ni réfugié, de sorte que la convention ne lui était pas applicable. La règle conventionnelle invoquée par la Caisse, selon laquelle la législation de l’Etat contractant de résidence était applicable à une personne exerçant une activité lucrative indépendante sur le territoire de l’un ou des deux Etats contractants, reprise dans la nouvelle convention bilatérale entre les Etats-Unis et la Suisse, en vigueur depuis le 1er août 2014, ne visait qu’à trancher les conflits entre les régimes de sécurité sociale américain et suisse. Il ne s’agissait en l’espèce pas d’un tel cas, l’intéressé n’ayant aucun point de rattachement avec la sécurité sociale américaine. Le fait qu’une partie des revenus de l’intéressé ait été imposée aux Etats-Unis ne saurait être considéré comme un critère d’application de la convention. Même si cet accord avait été applicable, il y aurait ensuite lieu d’appliquer la règlementation européenne pour régler le conflit entre les législations sociales suisse et française.

L’intéressé a notamment produit les pièces suivantes à l’appui de son opposition :

a.       courrier du 9 juillet 2014 de l’Office fédéral des migrations, indiquant que la demande de naturalisation de l’intéressé avait donné lieu à une décision positive mais qu’un recours pouvait encore être interjeté ; dans le cas contraire, une communication lui serait adressée deux mois plus tard pour l’informer du caractère définitif de la décision de naturalisation;

b.      attestation de B______ LLP du 18 juillet 2014 selon laquelle l’intéressé a été partenaire de ce cabinet pendant l’année 2010 et jusqu’au 21 décembre 2012, partageant ainsi les profits et étant soumis à une taxation aux Etats-Unis et dans d’autres pays;

c.       attestation de l’Ordre des avocats de Paris du 19 août 2014, selon laquelle l’intéressé est régulièrement inscrit au barreau de Paris depuis 1994;

d.      attestation de l’Ordre des avocats de Paris, non datée, selon laquelle l’intéressé est associé à Paris du cabinet C______ LLP, partnership anglais régulièrement inscrit au barreau de Paris depuis janvier 2013; au cours de l'année 2013 l’intéressé était le seul associé de ce Cabinet à Paris.

e.       attestation de B______ LLP du 21 août 2014, selon laquelle l’intéressé a été associé de ce cabinet du 1er janvier 2001 au 22 décembre 2012, rattaché au bureau de Paris ; pendant cette période il a exercé ses activités exclusivement à partir du bureau de Paris;

f.       extrait du site internet de B______ LLP avec la liste de ses bureaux, dont il ressort que ce partnership n’a aucune adresse en Suisse;

g.      extrait du site internet de C______ LLP avec la liste de ses bureaux, dont il ressort que ce partnership n’a aucune adresse en Suisse;

h.      facture de cotisations de la Caisse RSI pour le second trimestre 2010, d’un montant de EUR 2'605.-;

i.        notification du 21 octobre 2010 de la régularisation des cotisations URSSAF de l’intéressé;

j.        déclarations d’impôt américaines (income tax returns) pour les années 2009 à 2012 en tant que non resident ou part year resident;

k.      avis d’impôt sur le revenu français pour les années 2009 à 2012;

l.        bordereaux d’impôt suisses pour les années 2009 à 2012;

m.    attestations d’appel de cotisations de l’URSSAF pour les années 2009 à 2014;

n.      attestations d’appel de cotisations de la Caisse RSI pour les années 2009 à 2014;

o.      attestations de la CNBF pour les années 2009 à 2014, selon lesquelles l’intéressé était à jour dans le versement de ses cotisations de vieillesse et invalidité-décès.

5.        Selon la communication fiscale de l’AFC du 19 janvier 2015, le revenu que l’intéressé a tiré de son activité indépendante en 2010 s'est élevé à CHF 1'826'858.-, le capital propre investi dans l’entreprise étant de CHF 1'619'457.-.

6.        Selon la communication fiscale de l’AFC du 26 janvier 2015, le revenu que l’intéressé a tiré de son activité indépendante en 2011 s'est élevé à CHF 1'331'486.-, le capital propre investi dans l’entreprise étant de CHF 1'470'811.-.

7.        Selon la communication fiscale de l’AFC du 26 janvier 2015, le revenu que l’intéressé a tiré de son activité indépendante en 2012 s'est élevé à CHF 1'349'178.-, le capital propre investi dans l’entreprise étant de CHF 801'706.-.

8.        Selon la communication fiscale de l’AFC du 18 février 2015, le revenu que l’intéressé a tiré de son activité indépendante en 2009 s'est élevé à CHF 1'747'107.-, le capital propre investi dans l’entreprise étant de CHF 1'470'135.-.

9.        Le 2 mars 2015, la Caisse a rendu cinq décisions fixant les cotisations personnelles dues pour l’activité indépendante de l’intéressé et les intérêts moratoires:

a.       CHF 198'268.30 à titre de cotisations personnelles pour 2010 ; cette décision indiquait remplacer toutes les décisions antérieures pour cette période et précisait sous « Base juridique » qu’il s’agissait de la fixation définitive des cotisations, le revenu d’activité lucrative ayant été déterminé par l’autorité de taxation;

selon la facture jointe établie à la même date, le montant total dû par l’intéressé pour 2010 s’élevait à CHF 244'623.05, compte tenu d’intérêts moratoires de CHF 46'354.75;

b.      CHF 148'141.65 à titre de cotisations personnelles pour 2011 ; cette décision indiquait remplacer toutes les décisions antérieures pour cette période et précisait sous « Base juridique » qu’il s’agissait de la fixation définitive des cotisations, le revenu d’activité lucrative ayant été déterminé par l’autorité de taxation;

c.       CHF 23'496.90 à titre d’intérêts moratoires du 1er janvier 2012 au 2 mars 2015 sur les cotisations de 2011;

d.      CHF 152'977.25 à titre de cotisations personnelles pour 2012 ; cette décision indiquait remplacer toutes les décisions antérieures pour cette période et précisait sous « Base juridique » qu’il s’agissait de la fixation définitive des cotisations, le revenu d’activité lucrative ayant été déterminé par l’autorité de taxation;

e.       CHF 16'616.05 à titre d’intérêts moratoires du 1er janvier 2013 au 2 mars 2015 pour les cotisations de 2012.

10.    Par courrier recommandé du 30 mars 2015, l’intéressé a déclaré s’opposer à la décision d’affiliation d’office du 23 juillet 2014 ainsi qu’aux décisions du 2 mars 2015, lesquelles n’étaient pas motivées. Il a rappelé qu’il s’était opposé à la décision du 23 juillet 2014 et aux décisions de cotisations rendues à la même date relatives aux années 2009, 2010 et 2014 par écriture du 21 août 2014 et qu’il avait précisé par courrier du 22 septembre 2014 que l’opposition du 21 août 2014 concernerait toutes les décisions de cotisations qui pourraient lui être notifiées, puisqu’elles découlaient directement de la décision d’affiliation contestée. Elles reposaient sur l’hypothèse erronée que l’intéressé était soumis à la législation suisse, alors qu’il avait démontré dans son opposition du 21 août 2014 qu’il était assujetti à la sécurité sociale française. Les autorités fiscales avaient du reste reconnu cette situation, puisqu’elles avaient exclu les revenus de l’intéressé du calcul de l’assiette de l’impôt fédéral, exclusivement basée sur la rémunération de son épouse.

11.    Par courriel du 13 avril 2015 adressé à un collaborateur de la Caisse, le recourant a rappelé le contenu de certaines attestations produites à l’appui de son opposition et a soutenu qu’il n’avait pas travaillé aux Etats-Unis.

12.    Par décision du 17 juillet 2015, la Caisse a écarté les oppositions de l’intéressé. Elle a indiqué dans son dispositif recevoir "l’opposition" (sic!) quant à la forme; la rejeter quant au fond; maintenir ses décisions du 2 mars 2014 (recte : 2015).

Elle a relevé en préambule que l’intéressé s’était opposé à ses décisions du 23 juillet 2014 et du 2 mars 2015 relatives aux cotisations pour les années 2009, 2010, 2011 et 2012 par courriel du 13 avril 2015.

La Caisse a retenu qu’il ressortait des documents produits par l’intéressé à l’appui de son opposition qu’il était taxé en tant que non résident par l’administration fiscale américaine pour les revenus réalisés aux Etats-Unis, et par l’administration fiscale française pour les revenus réalisés en France. L’intéressé était taxé par les autorités fiscales suisses qui attestaient, dans les communications officielles transmises à la Caisse, que celui-ci réalisait des revenus en Suisse et aux Etats-Unis. L’intéressé était incontestablement domicilié dans le canton de Genève de 2009 à 2012. Au vu des chiffres communiqués, seule une petite partie des revenus réalisés par l’intéressé pendant la période 2009 à 2012 avait fait l’objet d’un assujettissement aux cotisations de la sécurité sociale française. Les revenus communiqués par l’AFC n’avaient fait l’objet d’aucun assujettissement aux assurances sociales en Suisse, ni à un autre système de sécurité sociale étranger. La Caisse a répété que la convention entre la Suisse et les Etats-Unis impliquait sans équivoque l’assujettissement de l’intéressé au droit suisse, au vu de son domicile à Genève. Quant au revenu déterminant pour la taxation, il était déterminé par les autorités fiscales et communiqué aux caisses de compensation, qui étaient liées par ces indications.

13.    Par écriture du 18 août 2015, l’intéressé a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice d'un recours contre la décision de la Caisse. Il a conclu à l’annulation des décisions du 23 juillet 2014 et du 2 mars 2015 concernant les cotisations personnelles de 2009 à 2012 (recte 2009 à 2012 et 2014), à ce que la décision soit réformée en ce sens que ses revenus ne devaient pas être soumis à la sécurité sociale suisse mais étaient à juste titre soumis exclusivement à la sécurité sociale française depuis 2009 et qu’ils devaient le rester tant que sa situation professionnelle actuelle perdurerait, subsidiairement au renvoi du dossier à l’intimée pour nouvelle décision dans le sens des griefs invoqués.

Le recourant allègue que le domicile fiscal de son couple, considéré comme un contribuable unique, était à Genève. Les revenus professionnels du recourant étant de source étrangère, ils n’étaient pas taxés en Suisse. En application des conventions fiscales internationales, ces revenus étaient déclarés et taxés dans tous les pays dans lesquels le partnership du recourant réalisait des bénéfices, c’est-à-dire principalement en France et aux Etats-Unis, mais aussi en Allemagne et en Angleterre par exemple. Seuls les revenus de l’épouse du recourant étaient taxés en Suisse et déterminaient l’assiette fiscale. Les revenus du recourant étaient toutefois déclarés aux autorités fiscales suisses pour la fixation du taux d’imposition selon le principe dit de réserve de progressivité. Le recourant répète qu'il était assujetti à la législation sociale française, lieu où il exerçait ses activités professionnelles, conformément à la réglementation internationale topique. L’accord entre la Suisse et l’UE prévoyait le principe d’unicité de la législation, selon lequel une personne qui exerce une activité professionnelle ne doit sauf exception être soumise à la législation sociale que d’un seul pays, ainsi que le principe selon lequel une personne qui exerce une activité indépendante dans un pays donné est soumise à la seule législation sociale de ce pays.

Le recourant fait grief à l’intimée d’avoir établi les faits de manière arbitraire, en retenant qu’il recevait des revenus des Etats-Unis ou de Suisse, malgré les preuves à sa disposition. En outre, la décision sur opposition était muette sur le lieu d’exercice de l’activité professionnelle, et n’amenait pas la preuve que le recourant aurait travaillé aux Etats-Unis ou en Suisse. L’intimée invoquait uniquement les bordereaux de taxation suisses, - inférant de ces documents qu'il était taxé par les autorités fiscales suisses -, qui attesteraient, dans les communications fiscales officielles, que celui-ci réaliserait des revenus en Suisse et aux Etats-Unis. Cette interprétation des bordereaux était erronée. Le recourant répète qu’il n’a jamais eu aucune activité aux Etats-Unis, mais qu’au plan fiscal, il est réputé avoir réalisé des revenus dans les pays dans lesquels le partnership disposait de bureaux, dans la mesure où il bénéficiait du partage des bénéfices globaux. Il n’a si jamais eu d’activité en Suisse non plus.

Le recourant a produit des articles de presse publiés en France lorsque l’Association Suisse de l’Arbitrage lui avait accordé un prix en janvier 2012, lesquels faisaient référence à ses activités à Paris.

En tant que ressortissant français domicilié en Suisse et exerçant une activité indépendante exclusivement en France, le recourant devait se voir appliquer les dispositions prévoyant l’affiliation au lieu de travail malgré la résidence sur le territoire d’un autre Etat. Il était ainsi exclusivement assujetti à la sécurité sociale française, et il versait les cotisations dues à ce titre. L’intimée avait appliqué de manière erronée la convention entre la Suisse et les Etats-Unis. En effet, selon cette convention, la règle d’assujettissement se fondait exclusivement sur le lieu d’exercice de l’activité indépendante, et non sur le lieu de perception des revenus provenant de l’un des Etats partie à la convention. Or, l’intimée n’alléguait pas que le recourant exercerait ses activités en Suisse ou aux Etats-Unis, et n’amenait aucune preuve dans ce sens. Partant, cette convention n’était pas applicable. De plus, si elle entendait appliquer cette convention, conformément au principe d’unicité de la législation applicable, l’intimée aurait dû assujettir la totalité des revenus du recourant en Suisse et conclure que les cotisations sociales versées en France l’avaient été à tort, ce qu’elle ne faisait pas. Les revenus communiqués par l’AFC représentaient l’entier des revenus du recourant. Le point de savoir si seule une partie des revenus réalisés par le recourant avait fait l’objet d’un assujettissement aux cotisations sociales françaises, comme l’affirmait l’intimée, était sans pertinence s’agissant de déterminer la législation sociale applicable. Cette affirmation était de plus erronée. Les déclarations du recourant avaient en effet été établies en respectant la pratique suivie par les associés de tous les cabinets américains de Paris, fondée sur le code de la sécurité sociale, qui disposait que l’assiette des cotisations d’assurance-maladie et maternité, d’allocations familiales et d’assurance-vieillesse correspondait au revenu retenu pour le calcul de l’impôt sur le revenu, soit la part d’origine française des revenus. A la suite d’un revirement de jurisprudence des autorités judiciaires françaises, initié par la Cour de cassation dans un arrêt du 6 octobre 2015 que le recourant a produit à l’appui de ses dires, il avait déclaré ses revenus mondiaux à la sécurité sociale française dès 2014.

14.    Dans sa réponse du 16 septembre 2015, l’intimée a maintenu ses conclusions. Elle a précisé qu’elle avait interpellé l’AFC s’agissant de la répartition des revenus pour 2009, et que cette dernière avait communiqué des revenus réalisés en Suisse et aux Etats-Unis. L’intimée était liée par les chiffres avancés par l’AFC. Les revenus pour les années 2009 à 2012 n’avaient pas encore été transmis à l’intimée, mais les sociétés ayant employé le recourant étaient américaines et ses revenus provenaient directement des Etats-Unis. La convention entre la Suisse et ce pays s’appliquait par conséquent, et le droit suisse était applicable au vu du domicile du recourant. De plus, le recourant était actif dans le domaine de l’arbitrage international, domaine dans lequel les fors helvétiques étaient importants. Ainsi, une activité sur le territoire suisse, même ponctuelle, paraissait inéluctable. L’intimée s’en remettait à justice s’agissant de l’opportunité d’entendre les parties et d’interpeller l’AFC pour connaître les modalités de taxation et la composition des revenus du recourant.

L’intimée a notamment produit un courriel d’un de ses collaborateurs, indiquant à côté du nom du recourant les mentions suivantes : « Avocat : Etats-Unis : B : 1'747'107 C : 1'470'135 : Genève : B : 665'984 C : 1'008’065 ».

15.    Dans sa réplique du 8 octobre 2015, le recourant a persisté dans ses conclusions. Il a produit une attestation de l’AFC datée du 6 octobre 2015, qui précise notamment : «Nous vous confirmons que pour les années fiscales 2009 à 2012 le contribuable cité en référence n'a perçu aucun revenu de source Suisse dans le cadre de l'exercice de son activité lucrative indépendante. A la demande de l'intéressé, nous précisons qu'il a déclaré des revenus provenant, entre autres, de Belgique, Brésil, Canada, Chine, France, Allemagne, Italie, Japon, Kazakhstan, Singapour, Emirats arabes unis et Royaume-Uni ». Le recourant a répété que le droit français lui était applicable et que la convention entre la Suisse et les Etats-Unis ne s’appliquait pas.

16.    Dans sa duplique du 2 novembre 2015, l’intimée a persisté dans ses conclusions. Elle a souligné que les montants perçus par le recourant provenant des Etats-Unis ne paraissaient pas avoir fait l’objet d’un assujettissement à l’un des systèmes de sécurité sociale des Etats potentiellement compétents pour ce faire. En effet, lesdits montants ne correspondaient pas à la rémunération des prestations directement réalisées par le recourant mais correspondaient à des participations au bénéfice global du monde entier. Le recourant profitait ainsi du montant réalisé en Suisse par ses confrères qui faisaient partie du même groupe. Sa résidence en Suisse était l’élément déterminant permettant d’assujettir les montants versés par la société américaine. Le lieu de l’activité principale était ainsi sans conséquence pour les montants d’origine américaine.

17.    Par courrier du 3 novembre 2015, la chambre de céans a transmis copie de cette écriture au recourant.

18.    Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        La LPGA, entrée en vigueur le 1er janvier 2003, est applicable à la présente procédure.

3.        Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56ss LPGA).

4.        Le litige porte sur le bien-fondé ou non de l’affiliation d'office du recourant à l’intimée, fondement des cotisations sociales fixées à ce titre de 2009 à 2012 et en 2014, par décisions du 23 juillet 2014 et 2 mars 2015 confirmées par la décision sur oppositions du 17 juillet 2015.

Ni la décision sur opposition – qui détermine l'objet de la contestation qui peut être déféré en justice par voie de recours (arrêt du Tribunal fédéral 8C_87/2007 du 1er février 2008 consid. 1.1) – ni le recours ne mentionnent expressément la décision de taxation provisoire relative à l’année 2014, qui faisait pourtant l’objet de l’opposition du 21 août 2014 sur laquelle l’intimée déclare se prononcer dans la décision entreprise. La taxation relative à cette période fait ainsi implicitement partie de l’objet du litige, dans la mesure où le recourant conteste le principe même de son affiliation et toutes les taxations qui en découlent. La chambre de céans examinera ainsi également la légalité de l’assujettissement du recourant à la LAVS en 2014. Il est relevé à toutes fins utiles que le dossier ne contient aucune décision de taxation provisoire ou définitive pour des cotisations en 2013.

5.        En premier lieu, il convient de rappeler que les conditions de recevabilité visent notamment les exigences formelles telles que le délai dans lequel l'acte litigieux doit être contesté. Ces règles sont impératives et l'autorité examine d'office si les conditions de recevabilité sont remplies; elle doit également examiner d'office si l'instance précédente a respecté les conditions de recevabilité qui devaient être remplies devant elle (Pierre MOOR, Droit administratif, vol. II, Berne 3ème éd. 2011, pp. 656-626). Lorsque l'instance inférieure a omis de vérifier si les conditions formelles de validité de la procédure - dont fait partie l'observation des délais légaux - sont réunies, la question de savoir si c'est à juste titre que l'instance inférieure est entrée en matière doit être examinée d'office dans la procédure contentieuse. Si tel n'est pas le cas, l'autorité de recours doit annuler la décision (Fritz GYGI, Bundesverwaltungsrechtspflege, 2ème éd., Berne 1983, p. 73).

En l’espèce, l’intimée a indiqué dans sa décision du 17 juillet 2015 que le recourant avait formé opposition aux décisions de taxation du 23 juillet 2014 et du 2 mars 2015 par courriel du 13 avril 2015. Or, contrairement aux indications figurant dans le préambule de la décision sur opposition, le recourant s’est opposé aux décisions de taxation précitées dans les forme et délai prévus par la loi, soit par courrier du 21 août contre les décisions du 23 juillet 2014, et du 30 mars 2015 contre les décisions du 2 mars 2015, de sorte que c’est à juste titre que l’intimée est entrée en matière.

6.        Selon la législation suisse, toute personne physique domiciliée en Suisse est en principe assujettie à l’AVS, conformément à l’art. 1a al. 1 LAVS.

Selon l’art. 8 al. 1 1ère phrase LAVS, une cotisation de 7.8 % est perçue sur le revenu provenant d'une activité indépendante.

Aux termes de l’art. 9 LAVS, le revenu provenant d'une activité indépendante comprend tout revenu du travail autre que la rémunération pour un travail accompli dans une situation dépendante (al. 1). Pour déterminer le revenu provenant d'une activité indépendante sont déduits du revenu brut: les frais généraux nécessaires à l'acquisition du revenu brut (let. a); les amortissements et les réserves d'amortissement autorisés par l'usage commercial et correspondant à la perte de valeur subie (let. b); les pertes commerciales effectives qui ont été comptabilisées (let. c); les sommes que l'exploitant verse, durant la période de calcul, à des institutions de prévoyance en faveur du personnel de l'entreprise, pour autant que toute autre utilisation soit exclue, ou pour des buts de pure utilité publique (let. d); les versements personnels à des institutions de prévoyance professionnelle dans la mesure où ils correspondent à la part habituellement prise en charge par l'employeur (let. e); l'intérêt du capital propre engagé dans l'entreprise; le taux d'intérêt correspond au rendement annuel moyen des emprunts en francs suisses des débiteurs suisses autres que les collectivités publiques (let. f). Le Conseil fédéral est autorisé à admettre, au besoin, d'autres déductions du revenu brut, provenant de l'exercice d'une activité lucrative indépendante (al. 2). Le revenu provenant d'une activité indépendante et le capital propre engagé dans l'entreprise sont déterminés par les autorités fiscales cantonales et communiqués aux caisses de compensation (al. 3). Les caisses de compensation ajoutent au revenu communiqué par les autorités fiscales les déductions admissibles selon le droit fiscal des cotisations dues en vertu de l'art. 8 LAVS, de l'art. 3 al. 1 de la loi fédérale du 19 juin 1959 sur l'assurance-invalidité (LAI) et de l'art. 27 al. 2 de la loi du 25 septembre 1952 sur les allocations pour perte de gain. Elles reconstituent à 100 % le revenu communiqué en fonction des taux de cotisation applicables (al. 4).

7.        L’art. 17 du règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants (RAVS – RS 831.101) précise qu’est réputé revenu provenant d'une activité lucrative indépendante au sens de l'art. 9 al. 1 LAVS, tout revenu acquis dans une situation indépendante provenant de l'exploitation d'une entreprise commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou sylvicole, de l'exercice d'une profession libérale ou de toute autre activité, y compris les bénéfices en capital et les bénéfices réalisés lors du transfert d'éléments de fortune au sens de l'art. 18 al. 2, LIFD (loi fédérale sur l’impôt fédéral direct - RS 642.11), et les bénéfices provenant de l'aliénation d'immeubles agricoles ou sylvicoles conformément à l'art. 18 al. 4 LIFD, à l'exception des revenus provenant de participations déclarées comme fortune commerciale selon l'art. 18 al. 2 LIFD.

Aux termes de l’art. 20 al. 1 RAVS, les cotisations perçues sur le revenu provenant d'une activité indépendante obtenu dans une entreprise doivent être payées par le propriétaire. Dans le doute, elles doivent être payées par la personne qui est imposable pour le revenu considéré, ou en l'absence d'obligation fiscale, par celle qui assume la responsabilité de l'exploitation.

8.        En l'espèce, la situation du recourant présente plusieurs éléments d’extranéité. En effet, ressortissant exclusivement français jusqu'à l'été 2014 et suisse également depuis lors, il soutient qu'il exerce son activité indépendante en France et perçoit des revenus provenant des Etats-Unis. La question litigieuse doit ainsi être tranchée non seulement au regard des normes du droit suisse, mais également à la lumière des dispositions de droit international.

9.        Au vu du caractère transfrontalier du litige, il y a notamment lieu de l’examiner à la lumière des dispositions de l'Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681), entré en vigueur le 1er juin 2002, et des règlements auxquels il renvoie.

a/aa) Jusqu’au 31 mars 2012, les parties contractantes appliquaient entre elles le Règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté (RO 2004 121) (ci-après le règlement n° 1408/71).

L’art. 2 § 1 du règlement n° 1408/71 prévoit son application aux travailleurs salariés ou non salariés et aux étudiants qui sont ou ont été soumis à la législation d’un ou de plusieurs Etats membres et qui sont des ressortissants de l’un des Etats membres ou bien des apatrides ou des réfugiés résidant sur le territoire d’un des Etats membres ainsi qu’aux membres de leur famille et à leurs survivants.

Le règlement n° 1408/71 est également applicable aux indépendants, la notion de travailleur s’entendant de toute personne qui exerce une activité professionnelle en dehors d’un contrat de travail, quand bien même elle n’en retire aucune rémunération (Edgar IMHOF, Über den sozialversicherungsrechtlichen Arbeitnehmerbegriff im Sinne des persönlichen Anwendungsbereichs der Verordnung Nr. 1408/71, RSAS 2008 p. 43).

Selon l’art. 13 § 1 du règlement n° 1408/71, sous réserve des art. 14quater et 14septies, les personnes auxquelles le règlement est applicable ne sont soumises qu’à la législation d’un seul Etat membre. Cette législation est déterminée conformément aux dispositions du titre II. L’art. 13 § 2 du règlement n° 1408/71 dispose notamment que sous réserve des art. 14 à 17, la personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d’un Etat membre est soumise à la législation de cet Etat, même si elle réside sur le territoire d’un autre Etat membre ou si l’entreprise ou l’employeur qui l’occupe a son siège ou son domicile sur le territoire d’un autre Etat membre (let. a); la personne qui exerce une activité non salariée sur le territoire d’un Etat membre est soumise à la législation de cet Etat même si elle réside sur le territoire d’un autre Etat membre (let. b).

Aux termes de l’art. 14bis § 2, la règle énoncée à l’art. 13 § 2 point b) est appliquée compte tenu notamment de l’exception suivante: la personne qui exerce normalement une activité non salariée sur le territoire de deux ou plusieurs Etats membres est soumise à la législation de l’Etat membre sur le territoire duquel elle réside, si elle exerce une partie de son activité sur le territoire de cet Etat membre. Si elle n’exerce pas d’activité sur le territoire de l’Etat membre où elle réside, elle est soumise à la législation de l’Etat membre sur le territoire duquel elle exerce son activité principale. Les critères servant à déterminer l’activité principale sont fixés par le règlement visé à l’art. 98.

Les art. 14quater et 14septies du règlement n° 1408/71 définissent la législation applicable aux personnes exerçant simultanément une activité salariée et une activité non salariée sur le territoire de différents Etats membres, contiennent certaines dispositions spéciales non pertinentes en l’espèce et définissent les règles applicables à certains fonctionnaires.

a/bb) Les art. 13 à 17a du règlement n° 1408/71 contiennent les règles de coordination générales pour déterminer le droit applicable. L'art. 13 § 1 du règlement n° 1408/71 énonce le principe de l'unicité de la législation applicable en fonction des règles contenues à ses art. 13 § 2 à 17bis, dans le sens de l'applicabilité de la législation d'un seul Etat membre. Sauf exceptions, le travailleur salarié est soumis à la législation de son Etat d'occupation salariée, même s'il réside sur le territoire d'un autre Etat membre ou si l'entreprise ou l'employeur qui l'occupe a son siège ou son domicile sur le territoire d'un autre Etat membre (principe de la lex loci laboris) (ATF 138 V 533 consid. 3.1, ATF 136 V 244 consid. 3.2.1, ATF 132 V 53 consid. 4.1). En dérogation à cette règle, l'art. 14bis § 2 1ère phrase du règlement prévoit que la personne qui exerce normalement une activité non salariée sur le territoire de deux ou plusieurs Etats membres est soumise à la législation de l'Etat membre sur le territoire duquel elle réside, si elle exerce une partie de son activité sur le territoire de cet Etat membre (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 177/06 du 28 septembre 2007 consid. 4.2.1).

a/cc) Les dispositions du règlement n° 1408/71 relatives à la désignation du droit applicable visent à éviter des conflits positifs ou négatifs de lois qui surviennent par exemple lorsqu’une personne est domiciliée dans un Etat qui assujettit toute la population résidente à son système de sécurité sociale et qu’elle travaille en même temps dans un autre Etat qui rattache l’assujettissement à l’exercice d’une activité lucrative – dans ce cas avec un risque de double assujettissement – ou vice-versa, la personne courant alors le risque de n’être assurée nulle part. Cet objectif rejoint le but général du règlement, qui consiste à favoriser l’exercice du droit à la libre circulation. L’interdiction du double assujettissement en particulier peut être qualifiée de principe fondamental de la coordination communautaire (Bettina KAHIL-WOLFF / Pierre-Yves GREBER, Sécurité sociale: aspects de droit national, international et européen, Bâle 2006, n. 689 p. 316). La jurisprudence rendue par la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) – dont on rappellera qu’elle peut être prise en compte aux termes de l'art. 16 al. 2 ALCP dans la mesure où elle permet d'interpréter cet accord (ATF 132 V 53 consid. 2, ATF 132 V 423 consid. 9.2) – a ainsi à plusieurs reprises souligné que le fait pour le travailleur d’être grevé pour une même rémunération des charges sociales découlant de l’application de plusieurs législations nationales, alors qu'il ne peut revêtir la qualité d’assuré qu’au regard d’une seule de ces législations, expose ce travailleur à une double cotisation, contraire aux dispositions réglementaires (arrêt de la CJCE du 5 mai 1977, Perenboom, C-102/76, Rec. 1977 p. 815, pt 13; arrêt de la CJCE du 19 juin 1994, Aldewereld, C-60/93, Rec. 1994 I-2991, pt 26; arrêt de la CJCE du 15 février 2000, Commission des Communautés européennes contre République française, C-169/98, Rec. 2000 I-01049 pt 29).

b/aa) Une décision n° 1/2012 du Comité mixte du 31 mars 2012 (RO 2012 2345) a actualisé le contenu de l'annexe II à l’ALCP avec effet au 1er avril 2012 en prévoyant, en particulier, que les parties appliqueraient désormais entre elles le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, modifié par le règlement (CE) n° 988/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 (RS 0.831.109.268.1) (ci-après: le règlement n° 883/2004).

Aux termes de l’art. 2 § 1 du règlement n° 883/2004, le présent règlement s'applique aux ressortissants de l'un des Etats membres, aux apatrides et aux réfugiés résidant dans un Etat membre qui sont ou ont été soumis à la législation d'un ou de plusieurs Etats membres, ainsi qu'aux membres de leur famille et à leurs survivants.

Selon l’art. 11 du règlement n° 883/2004, les personnes auxquelles le règlement est applicable ne sont soumises qu'à la législation d'un seul Etat membre. Cette législation est déterminée conformément au titre II (§ 1). Pour l'application de ce titre, les personnes auxquelles est servie une prestation en espèces du fait ou à la suite de l'exercice de son activité salariée ou non salariée sont considérées comme exerçant cette activité. Cela ne s'applique pas aux pensions d'invalidité, de vieillesse ou de survivant, ni aux rentes pour accident de travail ou maladie professionnelle, ni aux prestations de maladie en espèces couvrant des soins à durée illimitée (§ 2). Sous réserve des art. 12 à 16 la personne qui exerce une activité salariée ou non salariée dans un Etat membre est soumise à la législation de cet Etat membre (let. a); les fonctionnaires sont soumis à la législation de l'Etat membre dont relève l'administration qui les emploie (let. b); la personne qui bénéficie de prestations de chômage conformément aux dispositions de l'art. 65, en vertu de la législation de l'Etat membre de résidence, est soumise à la législation de cet Etat membre (let. c); la personne appelée ou rappelée sous les drapeaux ou pour effectuer le service civil dans un Etat membre est soumise à la législation de cet Etat membre (let. d); les personnes autres que celles visées aux let. a) à d) sont soumises à la législation de l'Etat membre de résidence, sans préjudice d'autres dispositions du présent règlement qui leur garantissent des prestations en vertu de la législation d'un ou de plusieurs autres Etats membres (let. e) (par. 3). En vertu de l’art. 13 § 2 du règlement, la personne qui exerce normalement une activité non salariée dans deux ou plusieurs Etats membres est soumise à la législation de l'Etat membre de résidence, si elle exerce une partie substantielle de son activité dans cet Etat membre (let. a) ou à la législation de l'Etat membre dans lequel se situe le centre d'intérêt de ses activités, si la personne ne réside pas dans l'un des Etats membres où elle exerce une partie substantielle de son activité (let. b).

Les activités non salariées visées par le règlement n° 883/2004 couvrent également les activités déployées par des indépendants (cf. Directives sur l’assujettissement aux assurances AVS et AI publiées par l’OFAS [DAA] dans leur version au 1er janvier 2014, p. 8).

b/bb) Les règles de conflit contenues dans le règlement n° 883/2004 diffèrent peu de celles du règlement n° 1408/71 (ATF 140 V 98 consid. 6.3). Le règlement n° 883/2004 maintient le principe de l’unicité du droit et consacre également le principe de la lex loci laboris à son art. 11 § 3 let. a (arrêt du Tribunal fédéral 9C_105/2016 du 5 avril 2016 consid. 3.1). S’agissant d’une activité indépendante, le critère de rattachement est le lieu de son exercice (Heinz-Dietrich STEINMEYER in Kommentar zum Europäischen Sozialrecht, Maximilian Fuchs [éd.], 6ème éd. Baden-Baden 2013, n. 5 p. 175).

10.    Une partie du revenu du recourant étant constituée des bénéfices générés par son partnership aux Etats-Unis, il y a lieu de rappeler que la Suisse est liée aux Etats-Unis par la Convention de sécurité sociale du 3 décembre 2012 entre la Confédération suisse et les Etats-Unis d'Amérique (RS 0.831.109.336.1), entrée en vigueur le 1er août 2014 (ci-après la nouvelle convention). Auparavant, les relations entre ces pays étaient régies par la Convention de sécurité sociale du 18 juillet 1979 entre la Confédération suisse et les Etats-Unis d’Amérique (avec protocole final), entrée en vigueur le 1er novembre 1980 (RO 1980 1671) (ci-après l’ancienne convention). Ces deux accords s’appliquent uniquement à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité (cf. art. 2 al. 1 let. a des ancienne et nouvelle conventions).

a) L’ancienne convention était applicable, conformément à son art. 3, aux ressortissants des Etats contractants (let. a), aux réfugiés qui résident sur le territoire de l'un des Etats contractants (let. b), aux apatrides qui résident sur le territoire de l'un des Etats contractants (let. c), à d'autres personnes, telles que les membres de la famille et les survivants, en tant qu'elles fondent leurs droits sur les personnes énumérées aux let. a, b et c (let. d).

Selon l’art. 2 al. 1 let. a de l’ancienne convention, les dispositions légales auxquelles s’applique cette convention sont, en ce qui concerne la Suisse, la législation fédérale concernant l’assurance-vieillesse et survivants et l’assurance-invalidité. Aux termes de son art. 2 al. 2, les dispositions légales visées au paragraphe premier ne comprennent ni les traités ou tout autre accord international passés entre l’un des Etats contractants et un Etat tiers, ni les lois ou les dispositions d’exécution édictées pour leur application.

L’ancienne convention disposait à son art. 6 al. 3 qu’une personne qui exerce une activité lucrative indépendante sur le territoire de l’un ou des deux Etats contractants et qui réside sur le territoire de l’un des Etats contractants est soumise, quelle que soit sa nationalité, uniquement aux dispositions légales concernant l’assurance obligatoire de l’Etat sur le territoire duquel elle réside.

b) Selon l’art. 3 de la nouvelle convention, son champ d’application personnel couvre les ressortissants des Etats contractants (let. a), les réfugiés qui résident sur le territoire de l'un des Etats contractants (let. b), les apatrides qui résident sur le territoire de l'un des Etats contractants (let. c), d'autres personnes, telles que les membres de la famille et les survivants, en tant qu'elles fondent leurs droits sur les personnes énumérées aux let. a, b et c (let. d), et pour l'application des art. 7, 8, par. 3, 9 à 12, 20 à 26, et 29, à toute personne indépendamment de sa nationalité (let. e).

L’art. 2 de la nouvelle convention régit son champ d’application matériel. Il y est précisé que les législations auxquelles s’applique la convention sont, en ce qui concerne la Suisse, la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants et la loi fédérale sur l’assurance-invalidité (al. 1 let. a). L’art. 2 al. 2 dispose que les dispositions légales visées au paragraphe premier ne comprennent ni les traités ou tout autre accord international passés entre l’un des Etats contractants et un Etat tiers, ni les lois ou les dispositions d’exécution édictées pour leur application.

Selon l’art. 7 al. 1 de la nouvelle convention, sous réserve des dispositions contraires de son titre III, une personne, quelle que soit sa nationalité, qui exerce une activité lucrative salariée sur le territoire de l'un ou des deux Etats contractants, est soumise, en ce qui concerne ladite activité, à la législation concernant l'assurance obligatoire de l'Etat où elle exerce son activité; pour le calcul des cotisations dues selon la législation de cet Etat, il n'est pas tenu compte des revenus que la personne tire d'une activité lucrative salariée exercée sur le territoire de l'autre Etat contractant. L’art. 7 al. 4 dispose qu’une personne qui exerce une activité lucrative indépendante sur le territoire de l'un ou des deux Etats contractants et qui réside sur le territoire de l'un des Etats contractants est soumise, quelle que soit sa nationalité, uniquement à la législation concernant l'assurance obligatoire de l'Etat sur le territoire duquel elle réside.

Les parties ont conclu l’arrangement administratif du 3 décembre 2012 concernant les modalités d’application de la Convention de sécurité sociale entre la Confédération suisse et les Etats-Unis d’Amérique (RS 0.831.109.336.11), lequel comporte pour l’essentiel des dispositions sur les modalités de la collaboration entre les organismes de liaison, non pertinentes en l’espèce.

c) L'interprétation d'une convention internationale de sécurité sociale doit se fonder en premier lieu sur le texte même de cette convention. Si ce texte semble clair et que sa signification, telle qu'elle résulte du langage courant ainsi que de l'objet et du but de la convention, n’apparaît pas comme manifestement absurde, une interprétation extensive ou restrictive s'écartant du texte même n'entre en ligne de compte que si l'on peut déduire avec certitude du contexte ou de la genèse de cette disposition que l'expression de la volonté des parties à la convention est inexacte. Dans ce cadre, le Tribunal fédéral considérait que les notions auxquelles faisait appel une convention de sécurité sociale, qui déterminaient le droit à des prestations d'une institution d'assurance suisse, devaient être interprétées selon les conceptions suisses, c'est-à-dire d'après le droit national (ATF 112 V 145 consid. 2a). Notre Haute Cour a cependant relativisé cette jurisprudence eu égard à l’entrée en vigueur en juin 1990 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités (CV – RS 0.111). Conformément aux principes généraux d’interprétation des traités ancrés aux art. 31 à 33 de cette convention, il convient en premier lieu de rechercher la définition autonome d’une disposition conventionnelle. Ce n’est que si l’interprétation d’un traité dans les règles de l’art ne permet pas de dégager une réglementation expresse ou tacite d’une question donnée qu’il est admissible de se référer à titre subsidiaire aux notions et conceptions du droit national pour l’interprétation de la norme. Dans un cas concernant précisément la Convention de sécurité sociale entre la Confédération suisse et les Etats-Unis d'Amérique, le Tribunal fédéral a ainsi retenu que l’expression « exerce une activité lucrative salariée sur le territoire » contenue dans ladite convention revient à consacrer le principe de l’affiliation au lieu de travail pour la qualité d’assuré. La définition de la notion de lieu de travail ne découle ni directement, ni indirectement de la convention, de sorte que son interprétation à l’aune des principes de la convention de Vienne n’est pas concluante. Il y a donc une lacune dans le droit international, qui peut être comblée en recourant au droit interne suisse (ATF 117 V 268 consid. 3b). C’est partant en fonction de la notion de lieu d’activité tel qu’il est défini par le droit suisse qu’il convient d’interpréter cette convention. Or, en droit suisse, selon une jurisprudence constante, il n’est pas nécessaire, pour être soumis à l’assurance obligatoire, que la personne physique qui bénéficie du produit économique d’une activité exercée en Suisse séjourne dans ce pays. Il suffit que ladite activité se déroule en Suisse; autrement dit, ce qui est déterminant, c’est de savoir où se déploie l’essentiel des activités économiques qui lui confère un caractère lucratif. Le fait de diriger une entreprise sise en Suisse est considéré comme une activité lucrative exercée dans ce pays. Peu importe, en principe, sous quelle forme juridique cette activité dirigeante est déployée (RCC 1991 p. 517 consid. 2b; ATF 119 V 65 consid. 3b; Ueli KIESER, Rechtsprechung zur AHV, 3ème éd. 2012, ch. 11 ad art. 1a p. 15). Selon le chiffre 3085 des Directives sur l’assujettissement aux assurances AVS et AI (DAA) publiées par l’OFAS, dans leur version du 1er janvier 2014, il y a activité lucrative en Suisse lorsque les honoraires ne sont pas versés directement au dirigeant d’une entreprise dont le siège est en Suisse mais transférés à une société établie à l’étranger. Même si aucune rétribution n’est versée à l’entreprise étrangère ou à son dirigeant, celui-ci est néanmoins considéré exercer une activité en Suisse.

11.    Aux termes de l’art. 5 al. 4 de la Constitution fédérale (Cst – RS 101), la Confédération et les cantons respectent le droit international. Selon l’art. 190 Cst., le Tribunal fédéral et les autres autorités sont tenus d'appliquer les lois fédérales et le droit international. Par droit international au sens de l’art 190 Cst., la jurisprudence entend l'ensemble du droit international contraignant pour la Suisse, qui comprend les accords internationaux, le droit international coutumier, les règles générales du droit des gens ainsi que les décisions des organisations internationales qui s'imposent à la Suisse. L'art. 190 Cst. ne prévoit en revanche aucune règle de conflit entre diverses normes du droit international également contraignantes pour la Suisse. Toutefois, d'après l'art. 103 de la Charte des Nations Unies (RS 0.120), en cas de conflit entre les obligations des Membres des Nations Unies en vertu de la Charte et leurs obligations en vertu de tout autre accord international, les premières prévaudront. Cette primauté est également rappelée par l'art. 30 § 1 CV. D'après la doctrine et la jurisprudence, il s'agit d'une primauté absolue et générale qui opère indépendamment de la nature du traité qui est en conflit avec la Charte, de son caractère bilatéral ou multilatéral, ou du fait que le traité est entré en vigueur avant ou après l'entrée en vigueur de la Charte (arrêt du Tribunal fédéral 2A.784/2006 du 23 janvier 2008 consid. 7.1 et 7.2).

L’art. 53 CV, régissant les conflits entre traités et jus cogens, prévoit en outre qu’est nul tout traité qui, au moment de sa conclusion, est en conflit avec une norme impérative du droit international général. Cette disposition définit le jus cogens comme une norme acceptée et reconnue par la communauté internationale des Etats dans son ensemble en tant que norme à laquelle aucune dérogation n'est permise et qui ne peut être modifiée que par une nouvelle norme du droit international général ayant le même caractère. Parmi ces normes figurent notamment la souveraineté et l’égalité des Etats, la souveraineté sur les ressources naturelles, la liberté des mers, les privilèges et immunités diplomatiques, les droits de l’homme, le droit humanitaire, l’interdiction du recours à la force, de la piraterie, de la traite des esclaves, du génocide, et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes (Georges J. PERRIN, Droit international public, Zurich 1999, pp. 519-520).

Du point de vue du droit international, la situation est relativement claire: si l’on considère la portée matérielle des normes, un embryon de hiérarchie se dessine, avec, à son sommet, le jus cogens. Il n’existe en revanche pas, au sein de l’ordre juridique international, une hiérarchie formelle des normes fondées sur leur source, comparable à celle que l’on établit en droit interne entre les règles constitutionnelles, les règles contenues dans les lois fédérales, et celles figurant dans les ordonnances. Les normes de droit international figurent dans différents types d’actes, aussi appelés sources formelles du droit international. Les sources formelles du droit international généralement reconnues sont les conventions internationales, la coutume internationale, les principes généraux du droit international et les actes juridiques unilatéraux. Aucune de ces sources n’est considérée comme intrinsèquement supérieure aux autres. En principe, elles occupent toutes le même rang. Ainsi, les dispositions des traités internationaux ne priment pas systématiquement les règles de droit coutumier, ou inversement. De même, un traité multilatéral ne primera pas systématiquement un traité bilatéral. Cette caractéristique s’explique, au moins en partie, par la procédure d’élaboration des règles internationales. En général, celles-ci sont élaborées et adoptées dans le cadre d’un processus de négociation interétatique. Leurs auteurs sont donc en principe toujours les Etats ou les organisations internationales. On ne peut donc pas, comme en droit interne, faire une différence entre les normes en fonction de leur procédure d’adoption ou de leur auteur (Anne BENOIT, Vers une hiérarchie des normes internationales en droit interne suisse? RS 2009 I pp. 454-455). Dès lors que les différents traités internationaux sont normalement de même rang, indépendamment de leur forme, de leur désignation et de la manière dont ils ont été conclus, lorsque différentes obligations conventionnelles sont en contradiction, on applique les règles générales suivantes : on tente d'abord d'éviter ou de résoudre le conflit entre les traités en procédant à leur interprétation dite harmonisante. On part du principe qu'il n'était pas dans l'intention des parties de violer d'autres traités. Par exemple, un traité est considéré comme éteint lorsque toutes les parties à celui-ci en concluent ultérieurement un nouveau sur la même matière, duquel il ressort que l'extinction du traité antérieur est l'intention des parties (cf. art. 59 CV). Si le conflit entre normes de droit international n’est toujours pas résolu, on fait intervenir les règles du droit coutumier, en appliquant d’abord le principe selon lequel le traité ultérieur l'emporte sur le traité antérieur (lex posterior derogat legi priori), puis celui selon lequel le traité de portée spéciale déroge au traité de portée générale (lex specialis derogat legi generali). Le principe selon lequel le traité ultérieur déroge au traité antérieur ne vaut cependant que dans les cas où les parties aux deux traités sont les mêmes. De même, l'art. 59 CV ne s'applique qu'aux textes auxquels les parties sont identiques. Lorsque les parties sont les mêmes mais que les deux traités ne portent pas sur les mêmes objets, la primauté du traité le plus récent n'est pas non plus automatique. Quant au principe selon lequel la loi spéciale prime sur la loi générale, on le retrouve dans les ordres juridiques nationaux. Il ressort également de l'art. 30 CV, qui se réfère aux «traités portant sur la même matière». Selon cet article, une norme ultérieure à caractère général ne devrait pas déroger à une norme antérieure de nature plus spéciale (Rapport du Conseil fédéral en exécution du postulat 13.3805 du 12 juin 2015, Clarifier la relation entre le droit international et le droit interne, pp. 13-14). La doctrine confirme le recours par le juge à une interprétation harmonisante, et si la solution n’est pas satisfaisante, aux principes de priorité de la lex posterior ou de la lex specialis (Jochen A. FROWEIN / Karin OELLERS-FRAHM, L’application des traités dans l’ordre juridique interne in L’intégration du droit international et communautaire dans l'ordre juridique national: étude de la pratique en Europe = The integration of international and European Community law into the national legal order : a study of the practice in Europe, édité par Pierre Michel Eisemann, 1996, p. 23). L’interprétation harmonisante (Herstellung praktischer Konkordanz) est une méthode également utilisée dans le contexte de la conciliation entre droit international et droit interne (ATF 139 I 16 consid. 4.2.2) et de la conciliation de deux normes constitutionnelles (Pierre TSCHANNEN, Staatsrecht der Schweizerischen Eidgenossenschaft, 3ème éd. 2011, § 4 nn. 40-41). Il y est également fait référence dans l'ouvrage de Goerg DAHM Jost DELBRUCK Rüdiger WOLFRUM Völkerrecht, Band I/3 2.Auflage De Gruyter Recht Berlin 2002 Chapitre 4 §156 (p. 680ss en particulier p.701 : "Wie zuvor erwähnt, ist die Staatenpraxis in den hier angeführten Bereichen weniger von der Problematik des Art. 30 Abs. 4 litt. b WVK als von den Bemühen geprägt, durch Vertragsklauseln, aber auch durch harmonisierende Auslegung konkurrierender Verträge mögliche Vertragskollisionen zu vermeiden bzw. aufzulösen.", consultable à l'adresse internet: https://books.google.ch/books? id=d2KQA4OGRfYC&pg=PA701&lpg=PA701&dq=Georg+Dahm+harmonisierende+Auslegung&source=bl&ots=xwq7KCyHN8&sig=uFVdn2ShwojPLQFMuwfPqONJOM4&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwi4pc6ilZjNAhVMCZoKHcJZBKkQ6AEIFjAA#v=onepage&q=Georg%20Dahm%20harmonisierende%20Auslegung&f=false.

12.    Il convient en premier lieu de déterminer si le recourant entre dans le champ d’application personnel de l’ALCP et de ses règlements, et cas échéant quelle est la législation qui lui est applicable.

Il y a lieu de répondre à la première question par l’affirmative. En effet, le recourant, ressortissant français – également titulaire de la nationalité suisse depuis juillet 2014 – travaille exclusivement en France et réside en Suisse. Ainsi, l’ALCP et ses règlements lui sont applicables.

Il en résulte que de 2009 au 31 mars 2012, en vertu de l’art. 13 par. 2 du règlement n° 1408/71, le recourant était soumis à la législation française. Bien qu’il soit domicilié à Genève, il exerce en effet son activité lucrative en France. Il n’est nullement établi que le recourant aurait travaillé en Suisse pendant les périodes en cause, contrairement à ce que semble affirmer l’intimée, qui n’amène toutefois aucun indice concret étayant cette allégation. Au contraire, il ressort des pièces produites (attestations des Etudes concernées et des extraits de leurs sites internet respectifs, attestations de l'Ordre des avocats de Paris,..) que le recourant, tant à l'époque où il était collaborateur (de 1994 à 2000) puis associé (partner) de B______ LLP de 2001 à 2012, que dès 2013, année où il était seul partner du Cabinet parisien de C______ LLP, il était intégré à des Cabinets établis à Paris et comptant un nombre non négligeable d'avocats (ayant le statut respectif de collaborateurs (associates) ou d'associés. L’absence de bureaux en Suisse du/des partnership(s) tend en particulier à démontrer que le recourant n’y exerce aucune activité. On ne peut d’ailleurs pas non plus suivre l’intimée lorsqu’elle affirme que l’exercice d’une activité en Suisse doit être reconnue du fait des bénéfices qui y seraient générés par les associés du recourant, puisqu’il n’y a précisément pas de bureaux en Suisse. L’AFC a confirmé dans son attestation du 6 octobre 2015 qu’aucun revenu du recourant n’était de source suisse, alors même que l’intimée se prévalait dans sa réponse du 16 septembre 2015 d’indications contraires de la part de cette administration – sans toutefois produire de pièces probantes appuyant ses propos –. En effet, en rapprochant le courriel produit par l’intimée, mentionnant à côté du nom du recourant: « Avocat : Etats-Unis : B : 1'747'107 C : 1'470'135 : Genève : B : 665'984 C : 1'008’065 », et l'attestation du 6 octobre 2015 de l'administration fiscale, aux termes de laquelle pour les années fiscales 2009 à 2012 le contribuable cité en référence n'a perçu aucun revenu de source suisse dans le cadre de l'exercice de son activité lucrative indépendante, on ne peut qu'en déduire que les chiffres ressortant du courriel susmentionné concernaient les revenus du couple, soit : ceux du recourant (B) (notamment aux Etats-Unis mais aussi dans différents autres pays) et le capital propre engagé dans l'entreprise (C), et ceux de son épouse ("Suisse") (B et C). Le défaut de preuve va au détriment de la partie qui entendait tirer un droit du fait non prouvé (ATF 126 V 319 consid. 5a). C'est ainsi l'intimée qui doit en supporter les conséquences.

S’agissant de la période dès le 1er avril 2012, comme on l’a vu, le règlement n° 883/2004 n’a pas fondamentalement modifié les règles de coordination et les critères de rattachement pour l’assujettissement. Partant, la législation française reste applicable au recourant en vertu des nouvelles dispositions réglementaires entrées en vigueur à cette date. Par surabondance, force est de rappeler que conformément à la teneur de l’art. 13 par. 2 let. a du règlement n° 883/2004, l’assujettissement dans l’Etat de résidence est subordonné à une activité substantielle dans ce pays. Selon la pratique administrative, on peut considérer que tel est le cas lorsqu’une partie quantitativement importante de l’ensemble des activités y est exercée. Le temps de travail ou la rémunération peut être un indice permettant de considérer qu’il s’agit d’une partie substantielle lorsque ces critères représentent 25 % de l’ensemble des activités (DAA chiffre 2020.1). Or, la possibilité – au demeurant toute théorique – que le recourant soit parfois appelé à plaider devant des juridictions arbitrales en Suisse ne suffit pas à démontrer au degré de la vraisemblance prépondérante, applicable en assurances sociales (ATF 126 V 353 consid. 5b), que ce seuil de 25 % serait atteint.

13.    Quant à l’applicabilité des ancienne et nouvelle conventions entre la Suisse et les Etats-Unis, on retiendra ce qui suit.

Comme on l’a vu, une décision rendue en juillet 2014 a octroyé la nationalité suisse au recourant. Cette décision n’était certes pas encore définitive à cette date. Toutefois, si une décision contestée est inefficace jusqu’à droit connu, elle prend à nouveau plein effet dès sa date, et non seulement depuis la décision sur recours, dans les cas où un tel retour dans le temps est matériellement et raisonnablement possible (MOOR, op. cit., pp. 813-814).

La date exacte à laquelle le recourant est devenu ressortissant suisse n’est quoi qu’il en soit pas déterminante pour l’issue du litige. En effet, malgré l’énoncé de l’art. 3 de l’ancienne convention, les dispositions des conventions prévoient l’assujettissement d’une personne exerçant une activité indépendante dans l’un ou les deux Etats contractants dans son Etat de résidence quelle que soit sa nationalité. Une telle interprétation est également confortée par les indications données par l’Office fédéral des assurances sociales dans les brochures explicatives relatives à la convention (disponible en ligne à l’adresse http://www.bsv.admin.ch/themen/internationales/02094/index.html?lang=fr pour la nouvelle convention, et pour l’ancienne convention sous http://www.zas.admin.ch/international/00768/index.html?lang=fr). Ces deux brochures disposent dans leurs rubriques respectives relatives au champ d’application personnel que les règles d'assujettissement s'appliquent aussi aux personnes d'autres nationalités, c'est-à-dire qui ne sont pas des ressortissants suisses ou américains (ressortissants d'Etats tiers) et citent pour exemple les dispositions relatives aux travailleurs temporairement détachés vers un des Etats contractants par leur employeur ayant son siège dans l'autre Etat contractant sont aussi valables pour les ressortissants d'Etats tiers. Cette extension du champ d’application personnel vaut également s’agissant des dispositions applicables aux personnes exerçant une activité indépendante (art. 6 al. 3 de l’ancienne convention et art. 7 al. 4 de la nouvelle convention).

Or, comme on l’a vu, la notion de lieu d’exercice de l’activité lucrative au sens de la convention s’analyse à l’aune du droit suisse, en vertu duquel une activité lucrative exercée dans un pays n’implique pas nécessairement que l’assuré y séjourne ou y travaille. Selon cette conception, l’obtention de bénéfices réalisés aux Etats-Unis par le truchement du partnership du recourant est suffisante pour considérer qu’il y exerce une activité. Dès lors, en vertu de l’art. 6 al. 3 de l’ancienne convention et de l’art. 7 al. 4 de la nouvelle convention, le recourant est en principe assujetti à la législation suisse puisqu’il réside dans ce pays.

Les instruments de droit international que la Suisse a ratifiés, la liant d’une part à l’UE et d’autre part aux Etats-Unis, conduisent ainsi de prime abord à un conflit de lois, puisque le recourant est assujetti à la législation française en vertu des règles de coordination contenues successivement dans le règlement n° 1408/71 jusqu'au 31 mars 2012, et dès le lendemain dans le règlement n° 883/2004, alors que l’ancienne et la nouvelle convention conduisent à l’application du droit suisse, uniquement pour les revenus du partnership.

14.    L’éventualité de l’applicabilité concurrente de deux législations sociales incompatibles en vertu de traités internationaux ne paraît manifestement pas conforme à l’ordre juridique suisse.

a. En premier lieu, on ne peut admettre qu’une telle situation corresponde à la volonté du législateur. En effet, l'une des fonctions premières des traités internationaux en matière de droit des assurances sociales consiste à déterminer la législation nationale applicable, au moyen de règles de conflit contraignantes pour les parties au traité en cas d’état de fait présentant des points de rattachement avec plus d’un pays (Edgar IMHOF, Über die Kollisionsnormen der Verordnung Nr. 1408/71 [anwendbares Sozialrecht, zugleich Versicherungsunterstellung], RSAS 2008 p. 314). Le Conseil fédéral indiquait également dans son Message concernant la Convention de sécurité sociale entre la Suisse et les Etats-Unis d'Amérique du 7 novembre 1979 que la détermination de la législation applicable aux ressortissants de l'un des Etats qui exercent une activité lucrative sur le territoire de l'autre pays était l’un des points importants fixés par les conventions, et que le double assujettissement cesserait en principe lors de l’entrée en vigueur de la convention (FF 1980 I 11). Or, en l’espèce, l’application du droit suisse fondée sur la convention bilatérale avec les Etats-Unis, conjointement à l'ALCP et ses règlements,aboutirait précisément à un double assujettissement.

b. En présence d’un tel conflit de lois, il convient dès lors de déterminer quel traité international prévaut.

On peut considérer que les art. 2 des ancienne et nouvelle conventions instituent une règle de conflit. Ainsi, selon l'art. 2 de la première, «Les dispositions légales auxquelles s’applique la présente Convention sont; (a) en ce qui concerne la Suisse, la législation fédérale concernant – l’assurance-vieillesse et survivants, – l’assurance-invalidité; (b) en ce qui concerne les Etats-Unis, la législation fédérale concernant l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité, à savoir: – le Titre II de la Loi sur la Sécurité Sociale («Social Security Act») et les dispositions d’exécution promulguées en application de la Loi sur la Sécurité Sociale, à l’exception des articles 226, 226A et 228 de ce titre et des dispositions d’exécution s’y rapportant; – les chapitres 2 et 21 du «Internal Revenue Code» de 1954, et les dispositions d’exécution s’y rapportant (al. 1).Les dispositions légales visées au paragraphe premier ne comprennent ni les traités ou tout autre accord international passés entre l’un des Etats contractants et un Etat tiers, ni les lois ou les dispositions d’exécution édictées pour leur application. (al. 2) »; L'art. 2 de la seconde est libellé ainsi: «Les législations auxquelles s’applique la présente convention sont: a. en ce qui concerne la Suisse: – la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants, – la loi fédérale sur l’assurance-invalidité6; et b. en ce qui concerne les Etats-Unis, la législation fédérale concernant l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité, à savoir: – le titre II de la Loi sur la Sécurité Sociale («Social Security Act») et les dispositions d’exécution promulguées en application de la Loi sur la Sécurité Sociale, à l’exception des art. 226, 226A et 228 de ce titre et des dispositions d’exécution s’y rapportant, – les chap. 2 et 21 du «Internal Revenue Code» de 1986, et les dispositions d’exécution s’y rapportant (al. 1). Les législations visées au par. 1 ne comprennent ni les traités ou tout autre accord international, ni une législation supranationale de sécurité sociale conclus entre l’un des Etats contractants et un Etat tiers, ni les lois ou les dispositions d’exécution édictées spécifiquement pour leur application (al. 2). Sous réserve de la phrase suivante, la présente convention s’applique aussi aux actes législatifs qui modifient ou complètent les législations mentionnées au par. 1. La présente convention ne s’applique aux lois et dispositions d’exécution qui étendent les législations existantes à d’autres catégories de bénéficiaires ou qui intègrent une nouvelle branche d’assurance sociale que si les deux Etats contractants en conviennent ainsi. (al. 3 - nouveau) ».Ces articles excluent donc expressément les accords internationaux et leurs règlements d’application des dispositions applicables.

Certes, cette exclusion pourrait être interprétée en ce sens que le seul droit interne suisse doive être pris en considération dans les cas d’application de la convention, et qu’il y a lieu de faire abstraction de dispositions découlant d’autres traités internationaux. Une telle interprétation se heurterait toutefois aux art. 5 et 190 Cst., qui imposent aux autorités d’appliquer le droit international. On ne saurait non plus admettre qu’une telle disposition suffise à éluder un traité international tel que l’ALCP et les règlements auxquels il renvoie. En effet, conformément à l’effet relatif des traités, ancré à l’art. 34 CV, qui dispose qu’un traité ne crée ni obligations ni droits pour un Etat tiers sans son consentement, les Etats-Unis et la Suisse ne sauraient déroger au droit communautaire par une convention à laquelle l’UE n’est pas partie. Une telle interprétation ne permettrait de surcroît pas de résoudre les conflits de lois qu’elle entraînerait, de sorte qu’il y a lieu de l’écarter au profit d’une interprétation harmonisante.

Pareille interprétation harmonisante de l’art. 2 al. 2 des ancienne et nouvelle conventions confère à cette disposition la signification suivante. L’art. 2 al. 2 doit être compris en ce sens que la convention n’entend pas interférer dans le domaine d’application des autres conventions internationales conclues par la Suisse ou les Etats-Unis avec des Etats tiers. Une telle exégèse permet d’éviter les conflits de lois. Concrètement, elle a pour effet que même si la convention prévoit l’assujettissement au droit suisse ou américain, elle ne fait pas obstacle à l’affiliation dans un Etat tiers dictée par une autre convention internationale.

On notera qu’une telle interprétation est également compatible avec les autres règles d’interprétation des traités exposés ci-dessus. Elle n’est en particulier pas contraire au principe de la loi postérieure, dont l’application en l’espèce appelle les commentaires suivants. La convention entre les Etats-Unis et la Suisse actuellement en vigueur est certes formellement postérieure à l’entrée en vigueur de l’ALCP et de ses règlements d’application. Il faut toutefois souligner que la nouvelle convention constitue une mise à jour générale et non une modification de fond de l’ancienne convention et que les principes et règles de base restent identiques (Message concernant l’approbation de la convention de sécurité sociale révisée entre la Confédération suisse et les Etats-Unis d’Amérique du 15 mai 2013, FF 2013 2962). La nouvelle convention ne fait que confirmer des principes antérieurs à l’entrée en vigueur de l’ALCP, de sorte qu’il y a lieu de relativiser la portée de la règle du traité postérieur en l’occurrence. De plus, si l’on s’en tenait uniquement à ce principe pour déterminer quel traité doit se voir conférer la priorité en l’espèce, il faudrait admettre que les règlements européens sont applicables jusqu’au 31 juillet 2014, et que la nouvelle convention prévaudrait dès le lendemain, date de son entrée en vigueur, ce qui ne paraît pas être une solution satisfaisante notamment du point de vue de la sécurité du droit.

En outre, les règlements de l’ALCP et les conventions portant sur la même matière, le principe selon lequel une loi spéciale prime sur une loi générale n’amène aucun éclairage utile à la résolution du litige.

Enfin, aucune des normes pouvant entrer en collision ne peut être rattachée au jus cogens et se voir reconnaître une primauté absolue de ce fait.

c. Par surabondance, un autre argument plaide en faveur de la solution qui découle d’une interprétation harmonisante.

Selon l’art. 4 al. 2 LAVS, le Conseil fédéral peut excepter du calcul des cotisations les revenus provenant d'une activité lucrative exercée à l'étranger. Le Conseil fédéral a fait usage de cette compétence législative en édictant l’art. 6ter RAVS. Selon cette disposition, sont exceptés du calcul des cotisations les revenus d'activité lucrative qu'une personne domiciliée en Suisse acquiert notamment comme exploitant ou comme associé d'une entreprise ou d'un établissement stable sis dans un Etat avec lequel la Suisse n'a pas conclu de convention de sécurité sociale (let. a). Or, d'après un arrêt 9C_504/2010 (consid. 3.1), du 1er septembre 2010, les Etats avec lesquels la Suisse n'a pas conclu de convention de sécurité sociale au sens de cette disposition sont les Etats auxquels le règlement 1408/71 ne s’applique pas (voir aussi SVR 2010 AHV Nr. 3 p. 7, 9C_33/2009, consid. 3.1 Marco REICHMUTH, Jurisprudence Premier pilier, RSAS 2011 p. 75). Ce qui est notamment le cas des Etats-Unis.

Dans ce contexte, le Tribunal fédéral a précisé que le fait que des ressortissants de l’UE ou des situations survenues dans l’UE soient traités différemment de ressortissants d’Etats tiers ou de situations se déroulant dans des Etats tiers découle de la nature même d’un traité international et ne constitue pas une inégalité de traitement contraire au droit (arrêt du Tribunal fédéral 9C_504/2010 du 1er septembre 2010 consid. 3.2).

En vertu de cette jurisprudence, les parts des bénéfices réalisés aux Etats-Unis ne devraient donc pas être soumises à cotisations (art. 6ter let. a RAVS).

d. Eu égard aux éléments qui précèdent, on doit admettre que le recourant est exclusivement assujetti à la législation française en matière de sécurité sociale.

15.    Le recours est admis et la décision de l’intimée du 17 juillet 2015 confirmant ses décisions du 23 juillet 2014 et du 2 mars 2015 est annulée.

Selon l'art. 61 let. g LPGA, le recourant qui obtient gain de cause a droit au remboursement de ses frais et dépens dans la mesure fixée par le tribunal; leur montant est déterminé sans égard à la valeur litigieuse d'après l'importance et la complexité du litige. En l'espèce, le recourant n'a pas conclu à l'allocation d’une indemnité de procédure. Des dépens peuvent cependant être alloués à une partie sans conclusion expresse dans ce sens (ATF 118 V 139 consid. 3). L’indemnité due au recourant à ce titre sera fixée à CHF 3'000.-.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).


 

Statuant

conformément à l’art. 133 al. 2 LOJ

 

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision de l’intimée du 17 juillet 2015 ainsi que les décisions de taxation du 23 juillet 2014 et du 2 mars 2015.

4.        Condamne l’intimée à verser au recourant une indemnité de CHF 3'000.-à titre de dépens.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Florence SCHMUTZ

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le