Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1523/2003

ATAS/426/2004 (1) du 01.06.2004 ( PC ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : ; PC ; PRESTATION COMPLÉMENTAIRE ; REVENU HYPOTHÉTIQUE ; RENONCIATION À UN REVENU ; REVENU DÉTERMINANT ; CONJOINT
Normes : LPC.3c.1.let.g
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1523/2003 ATAS/426/2004

ARRÊT

DU TRIBUNAL CANTONAL DES
ASSURANCES SOCIALES

du 1er juin 2004

6ème Chambre

 

En la cause

 

Monsieur S__________,

recourant

 

contre

 

OFFICE CANTONAL DES PERSONNES ÂGEES, Route de Chêne 54, Genève

intimé

 

 


EN FAIT

Monsieur S__________, ressortissant portugais né en 1940, est arrivé en Suisse en avril 1977.

Dès le 1er juin 1992, il a été mis au bénéfice de prestations complémentaires fédérales et cantonales de l’assurance-invalidité, qui étaient versées par l’Office cantonal des personnes âgées (ci-après : OCPA).

Par courrier du 8 octobre 2001, l’OCPA a fait savoir à l’intéressé que son épouse devait pouvoir améliorer sa capacité de gain et qu’il serait tenu compte dès le 1er avril 2002 d’un gain minimum de 33'760.- fr. que celle-ci devrait être en mesure de réaliser.

Le 15 octobre 2001, le bénéficiaire des prestations a répondu à l’OCPA qu’il ne pouvait accepter cette décision, vu l’état actuel de la santé et des finances de sa famille.

Par décision datée du 22 avril 2002, l’OCPA a réduit les prestations versées à l’intéressé de 2'254.- à 409.- fr. dès le 1er mai 2002, en tenant compte d’un gain d’activité potentiel de l’épouse de 33'760.- fr.

Le 14 mai 2002, le bénéficiaire a déposé une réclamation contre cette décision, indiquant que son épouse ne pouvait trouver un travail à plein-temps au vu de son âge et de son manque de formation.

Dans un courrier du 10 septembre 2002, l’intéressé a informé l’OCPA qu’il était impensable que son épouse s’absente du domicile en raison de son propre état de santé qui nécessitait une aide et une présence constante à domicile Il joignait à ce courrier un certificat médical du Dr A, spécialiste en maladies du cœur, qui indiquait qu’il souffrait de cardiopathie et pneumopathie sévères nécessitant un traitement suivi et une aide à domicile.

Le 2 janvier 2003, l’OCPA a rendu une décision concernant les prestations dues pour l’année 2003 en tenant compte d’un gain d’activité potentiel de l’épouse de 34'600.- fr.

Par décision du 25 juin 2003, l’OCPA a octroyé à l’intéressé une prestation d’assistance de 544.- fr. par mois dès le 1er juillet 2003.

Le même jour, l’OCPA a rendu une décision sur réclamation, confirmant sa décision du 22 avril 2002.

Par courrier du 7 juillet 2003, le bénéficiaire des prestations a interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal cantonal des assurances sociales (ci-après : TCAS), au motif qu’il n’était pas possible d’exiger de son épouse qu’elle travaille, au vu de son âge, du marché du travail et du fait qu’elle assumait toutes les tâches domestiques.

Par préavis du 14 août 2003, l’OCPA a conclu à la confirmation de la décision attaquée.

Par courrier du 21 novembre 2003, le TCAS a interrogé l’épouse du recourant sur les détails de sa situation professionnelle (employeurs, temps de travail, salaire, capacité de travail, formation professionnelle).

Dans sa réponse du 8 décembre 2003, cette dernière a indiqué qu’elle avait travaillé pour les sociétés X et Y à raison de 4 heures par jour et pour un salaire de 1500 fr. par mois jusqu’au mois de mai 2003, date à partir de laquelle elle ne travaillait plus que pour la seconde nommée à raison de deux heures par jour. Elle ne cherchait ni un autre emploi ni à augmenter son temps de travail, principalement en raison de l’état de santé de son mari qui nécessitait une présence quasi continue à ses côtés. Elle n’avait jamais exercé d’autre emploi que celui de nettoyeuse. A sa réponse était joint un certificat médical de Dr B, médecin traitant, qui attestait que sa patiente présentait un état de santé l’empêchant de travailler plus de 20 heures par semaine.

Par courrier du 14 janvier 2004, l’épouse du recourant a délié le Dr B de son secret médical la concernant et autorisé le TCAS à requérir directement auprès de son médecin les renseignements dont il avait besoin concernant son état de santé.

Dans son rapport du 3 mars 2004, le Dr B a posé un diagnostic de polyarthralgies et dorsalgies importantes sur arthrose, status post-brûlures au 3ème degré des deux jambes ayant nécessité des greffes et trouble anxio-dépressif léger. La capacité de travail était limitée depuis environ 1992-1993, la patiente devant s’arrêter de travailler après quelques heures en raison de ses douleurs. La patiente n’avait pas déposé de demande de prestations auprès de l’assurance-invalidité car elle n’y avait jamais pensé et ne pensait pas y avoir droit. Quant au recourant, il avait fait plusieurs accidents vasculaires cérébraux et présenté de nombreux problèmes cardiaques nécessitant la présence de son épouse à domicile.

Par courrier du 26 avril 2004, l’OCPA a relevé que l’épouse du recourant avait fait valoir pour la première fois ses propres problèmes de santé. Il appartenait donc à l’office de l’assurance-invalidité de se prononcer sur la capacité résiduelle de travail de l’épouse de l’assuré, ainsi que sur l’aide que nécessitait l’état de santé de son époux. Pour ces raison, l’OCPA a proposé au TCAS de suspendre la cause afin que le recourant puisse déposer une demande d’allocation pour impotent et son épouse une demande de prestations de l’assurance-invalidité.

 

EN DROIT

1. a)La loi genevoise sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 (ci-après LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales (art. 1 let. r LOJ). 

Dans un arrêt du 30 mars 2004, cependant, le Tribunal administratif (ci-après TA) a constaté d’office la nullité de l’art. 1  let. r LOJ, considérant que le TCAS avait été créé en violation de l’art. 131 de la Constitution genevoise (ci-après : Cst GE).

b) Force est de constater que cette conclusion ne saurait lier le tribunal de céans, aux motifs suivants :

- elle ne figure pas dans le dispositif de l’arrêt. Or, seul le dispositif d’un jugement peut acquérir l’autorité de la chose jugée, et non ses motifs. L’autorité de la chose jugée ne s’étend à ceux-ci que dans la mesure où le dispositif y renvoie expressément et où ils se rapportent à la question litigieuse (ATF 96 I 295 ; Knapp, Précis de droit administratif, 4ème édition, 1991, p. 248 ss ; Habscheid, droit judiciaire privé suisse, 1981 p. 313 et ss.).

- l'autorité de la chose jugée ne vaut quoi qu’il en soit que pour les moyens que le tribunal pouvait examiner (cf. Knapp, op. cit. p. 251). Or, il apparaît en l’espèce douteux que le TA devait, et même pouvait, à l’occasion d’un recours interjeté pour violation des droits politiques contre un arrêté du Conseil d’Etat fixant la date de l’élection des juges assesseurs au TCAS, contrôler la constitutionnalité de la loi instituant cette juridiction.

- une loi inconstitutionnelle ne saurait être déclarée nulle. Seul, l’acte pris en application de celle-ci est annulable (cf. Jean-François Aubert, Bundesstaatsrecht der Schweiz, vol. I, 1991, p. 178, note 430). Il convient au surplus de relever qu’un tribunal se doit en règle générale d’agir avec retenue, plus particulièrement lorsque les conséquences de l’annulation bouleverseraient tout un régime juridique (ATF 112 Ia 313). Tel est manifestement le cas ici, dès lors que le considérant topique de l’arrêt du TA revient à nier l’existence d’une juridiction qui fonctionne depuis le 1er août 2003 déjà, et dont les juges titulaires, ainsi que les juges suppléants, ont été régulièrement élus.

c) Le TCAS examine d’office sa compétence ; vu l’arrêt du TA du 30 mars 2004 niant jusqu’à son existence, il a également à vérifier la conformité à l’art. 131 Cst GE de la loi l’instituant.

Le TCAS est une juridiction administrative spéciale, en ce sens qu’elle traite du domaine particulier des assurances sociales. Il y a lieu de rappeler que selon l’art. 57 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales -LPGA-, entrée en vigueur le 1er janvier 2003, chaque canton institue un tribunal des assurances, qui statue en instance unique sur les recours dans le domaine des assurances sociales. Cette disposition légale fédérale oblige les cantons à regrouper tout le contentieux des assurances sociales sous le même toit, contentieux jusque là réparti à Genève entre diverses commissions cantonales de recours et le TA. C’est ainsi pour répondre à l’exigence posée par la loi fédérale que le législateur genevois a créé le TCAS. 

Selon l’art. 131 al. 1 Cst GE, « La loi établit des tribunaux permanents pour juger toutes les causes civiles et pénales ; elle en règle le nombre, l’organisation, la juridiction et la compétence ». Lors de la création du TA en 1971, la disposition constitutionnelle a été complétée par un alinéa 2, libellé comme suit : «Un tribunal administratif est institué pour statuer sur les recours de droit administratif dans les cas où la loi le prévoit ».

La Constitution s’interprète selon les mêmes principes que les lois ordinaires. Les règles d’interprétation permettant au juge de dégager le sens d’une disposition sont connues : ce dernier peut recourir à une interprétation littérale, historique, téléologique ou systématique de la norme. Le juge devra partir prioritairement du texte clair de la loi. Le TA, dans son arrêt du 30 mars 2004, a considéré que le texte de l’art. 131 al. 2 Cst GE ne laissait pas de place pour d’autres tribunaux statuant sur les recours de droit administratif ; il a interprété « un tribunal » comme signifiant « un seul tribunal ». Or, l’art. 131 al. 2 Cst GE précise que ce tribunal administratif est institué « dans les cas où la loi le prévoit ». C’est dire que nécessairement le reste du contentieux administratif relève d’autres juridictions. Ainsi l’interprétation littérale permet à elle seule de conclure que le terme « un » doit être qualifié, grammaticalement, d’article indéterminé.

Une telle analyse est du reste confirmée par les interprétations historique et téléologique. Il résulte des travaux préparatoires (Mémorial du Grand Conseil – MGC - 1970, p. 554 ss.) que le législateur en 1970 entendait créer, aux côtés des juridictions civiles et pénales existantes prévues à l’art. 131 al. 1 Cst GE, un tribunal administratif indépendant du pouvoir exécutif. Ce tribunal était destiné à remplacer les autres autorités – Conseil d’Etat, commissions de recours, etc… qui avaient à connaître des recours contre les décisions des départements. Il n’était cependant pas question que ce remplacement soit général, raison pour laquelle ce tribunal s’était vu doté de compétences d’attribution. Il était évident que certaines commissions spéciales devaient subsister, notamment en raison de leur composition particulière (composition paritaire, experts…). Selon le Mémorial du Grand Conseil, p. 557, « dans le système envisagé, le TA, le Conseil d’Etat et les commissions spécialisées dont le maintien aura été décidé, constitueront autant de juridictions administratives distinctes et indépendantes, entre lesquelles se répartiront les compétences ».

Dès le 1er janvier 2000, le TA a été mis au bénéfice d’une clause générale de compétence. Il est ainsi devenu la juridiction administrative supérieure de droit commun (art. 56 A LOJ). A nouveau, le maintien des commissions de recours spéciales a été expressément réaffirmé (MGC 1997, p. 9430). La constitutionnalité de ces juridictions n’a de plus jamais été remise en cause, ni par le TF ni par le TFA. On ne voit pas dans ces conditions ce qui aurait empêché le législateur, quelques années plus tard, de confier la compétence en matière d’assurances sociales, jusque là dévolues à ces commissions de recours, à une juridiction administrative spéciale, le TCAS en l’occurrence.

Si l’on devait suivre l’interprétation du TA dans son arrêt du 30 mars 2004, non seulement le TCAS, mais également toutes les autres commissions de recours spéciales, y compris celles rattachées au TA lui-même seraient inconstitutionnels. Tel n’a manifestement pas été le but visé par le législateur.

Au vu de ce qui précède, la création du TCAS en application de la LPGA est conforme à la Constitution genevoise.

L’élection des juges assesseurs ayant par ailleurs été annulée par le Tribunal fédéral, dans son arrêt du 27 janvier 2004, le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février 2004, une disposition transitoire permettant au TCAS de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux assesseurs.

2. Conformément à l’art. 3 al. 3 des dispositions transitoires de la LOJ, les causes introduites avant l’entrée en vigueur de la présente loi et pendantes devant la Commission cantonale de recours en matière de prestations complémentaires sont transmises d’office au Tribunal cantonal des assurances sociales (cf. art. 56V LOJ). Le Tribunal de céans est ainsi compétent en la matière.

3. La LPGA, entrée en vigueur le 1er janvier 2003 et qui a entraîné des modifications de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 19 mars 1965 (ci-après LPC) et de son ordonnance n’est pas applicable en l’espèce, dès lors que le juge des assurances sociales n’a pas à prendre en considération les modifications du droit ou de l’état de fait postérieures à la date déterminante de la décision litigieuse, en l’espèce avril 2002 (ATF 127 V 467, consid. 1, 121 V 386, consid. 1b ; cf. également dispositions transitoires, art. 82 al. 1 LPGA). Sont dès lors seules applicables les règles en vigueur à cette date.

4. Interjeté dans les forme et délai légaux, le recours est recevable à la forme (art. 9 de la loi sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité du 14 octobre 1965 [ci-après LPCF] et 43 de la loi sur les prestations cantonales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité du 25 octobre 1968 [ci-après LPCC] dans leur ancienne teneur).

5. Aux termes de l'art. 2 al. 1 LPC, les ressortissants suisses qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse et qui remplissent une des conditions prévues aux art. 2a à 2d doivent bénéficier de prestations complémentaires si les dépenses reconnues par la LPC sont supérieures aux revenus déterminants. Le cercle de ces personnes comprend notamment celles qui ont droit à une demi-rente ou à une rente entière de l’assurance-invalidité (art. 2c let a LPC). Le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants (art. 3a al. 1 LPC). A noter que les étrangers qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse doivent bénéficier de prestations complémentaires au même titre que les ressortissants suisses s’ils ont habité en Suisse pendant les dix ans précédant immédiatement la date à partir de laquelle ils demandent la prestation complémentaire et s’ils ont droit à une rente (art 2 al. 2 let. a LPC).

Selon l’art. 3a al. 4 LPC, les dépenses reconnues et les revenus déterminants des conjoints (…) doivent être additionnés. En principe, seuls la fortune et les revenus effectifs sont pris en compte pour le calcul des prestations complémentaires. Cependant, aux termes de l’art. 3c al. 1er let. g LPC, le revenu déterminant comprend aussi les ressources et parts de fortune dont l’ayant droit s’est dessaisi. Selon la jurisprudence, il n’est plus nécessaire d’examiner si la renonciation est intervenue dans le but d’obtenir une prestation complémentaire. Il y a dessaisissement au sens de cette disposition lorsque l'assuré renonce à des éléments de fortune sans obligation juridique correspondante, ou qu'il ne fait pas valoir des prétentions éventuelles en relation avec certains revenus ou éléments de fortune ou encore qu'il renonce à mettre en valeur sa capacité de gain en exerçant une activité lucrative exigible (ATF 121 V 205 s. consid. 4a; VSI 2001 p. 127 consid. 1b et les références citées dans ces arrêts). Selon la jurisprudence, il y a lieu de tenir compte, au titre des ressources dont un ayant droit s'est dessaisi, d'un revenu hypothétique de l'épouse de l'assuré qui sollicite des prestations complémentaires si elle s'abstient d'exercer une activité lucrative que l'on est en droit d'exiger d'elle ou d'étendre une telle activité (ATF 117 V 291 s. consid. 3b; VSI 2001 p. 127 s. consid. 1b).

Aux termes de l’art. 3a al. 7 let. c LPC, le Conseil fédéral règle la prise en compte du revenu de l’activité lucrative que l’on peut exiger de la part d’invalides partiels et de veuves sans enfants mineurs. Il a fait usage de ses compétences aux art. 14a al. 2 et 14b de l’Ordonnance sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 (OPC-AVS/AI), qui prévoient des montants minimaux de revenus d’activité lucrative à prendre en compte en fonction du degré d’invalidité et/ou de l’âge du bénéficiaire de rente. Cela étant, s’agissant de déterminer le montant hypothétique du revenu de l’activité lucrative susceptible d’être obtenu par l’épouse d’un requérant PC, on ne saurait se fonder sur les montants forfaitaires minimaux au sens de l’art. 14b OPC. Il appartient à l’administration ou, en cas de recours, au juge des assurances sociales d’examiner si l’on peut exiger de l’intéressée qu’elle exerce une activité lucrative et, le cas échéant, de fixer le salaire qu’elle pourrait en retirer en faisant preuve de bonne volonté. Pour ce faire, il y a lieu d'appliquer à titre préalable les principes du droit de la famille, compte tenu des circonstances du cas d'espèce (ATF 117 V 292 consid. 3c). En effet, la capacité de gain de l’époux doit être utilisée, dans la mesure où il est tenu de contribuer à l’entretien convenable de la famille (art. 163 CC). Les critères décisifs auront notamment trait à l'âge de la personne, à son état de santé, à ses connaissances linguistiques, à sa formation professionnelle, à l'activité exercée jusqu'ici, au marché de l'emploi, et le cas échéant, au temps plus ou moins long pendant lequel elle aura été éloignée de la vie professionnelle (ATF 117 V 290 consid. 3a; VSI 2001 p. 128 consid. 1b).

Il importe également, lors de la fixation de revenu hypothétique, de tenir compte du fait que la reprise d’une activité lucrative exige une période d’adaptation, et qu’après une longue absence de la vie professionnelle, une pleine intégration sur le marché de l’emploi n‘est plus possible à partir d’un certain âge. Les principes prévus en matière d’entretien après le divorce sont aussi pertinents ; à cet égard, la jurisprudence rendue sous l’empire de l’ancien droit du divorce partait du principe qu’au-delà de la quarante-cinquième année, une femme ne pouvait en règle générale plus se voir opposer l’exigence ou la possibilité d’une insertion ou d’une réinsertion entière et durable dans la vie professionnelle (ATF 115 V 11 consid. 5a, 114 II 11 consid. 7b). Cette jurisprudence reste en principe d’actualité sous le nouveau droit du divorce entré en vigueur au 1er janvier 2000, si ce n’est qu’en vertu du principe du partage de la prévoyance désormais prévu par l’art. 122 CC, une élévation de la limite d’âge sus-indiquée peut désormais entrer en ligne de compte (Sutter/Freiburghaus, Kommentar zum neuen Scheidungsrecht, Zürich 1999, N 28 ad art. 125 CC ; Schwenzer, Kommentar ad art. 125 CC, in Ingebord Schwenzer, Scheidungsrecht, Bâle 2000, N 63). L’art. 14b OPC parle certes de l’hypothèse qu’un retour à la vie professionnelle de femmes sans enfants mineurs est défendable lors même qu’elles ont plus de cinquante ans, mais pour un montant minimal – réduit en conséquence – de deux tiers du montant maximum destiné à la couverture des besoins vitaux selon la lettre a. Le respect de ces principes – qui relèvent tant du droit des PC que du droit civil – est primordial lorsqu’il s’agit d’examiner, à la lumière d’un cas concret, si et dans quelle mesure on est en droit – en fonction de son âge – d’exiger de l’épouse d’un requérant de prestations complémentaires qu’elle prenne ou reprenne l’exercice d’une activité lucrative.

En ce qui concerne le critère de la mise en valeur de la capacité de gain sur le marché de l'emploi, le Tribunal fédéral des assurances a considéré qu'il importe de savoir si et à quelles conditions l'intéressée est en mesure de trouver un travail. A cet égard, il faut prendre en considération, d'une part, l'offre des emplois vacants appropriés et, d'autre part, le nombre de personnes recherchant un travail (ATFA non publié en la cause P 2/99 du 9 décembre 1999). Il y a lieu d'examiner concrètement la situation du marché du travail (ATFA non publié en la cause P 18/02 du 9 juillet 2002). Cette jurisprudence constante a encore été rappelée récemment dans un ATFA non publié en la cause P 61/03 du 22 mars 2004.

Du revenu hypothétique retenu pour l’épouse du requérant PC, on opère la déduction annuelle de 1500.– fr. afférente aux couples en vertu de l’art. 3c al. 1 let. a LPC, le solde étant pris en compte à raison des deux tiers. Ainsi, les revenus hypothétiques sont privilégiés de manière identique aux revenus réellement perçus (VSI 2001 p. 129).

A titre d’exemple, on citera un cas jugé par le Tribunal fédéral (RCC 1992 p. 348), dans lequel l’épouse du recourant, d’origine étrangère, n’avait aucune formation professionnelle, ne parlait pas le français et présentait une symptomatologie dépressive ou anxieuse réactionnelle à une inadaptation en Suisse. Le Tribunal fédéral a considéré que compte tenu de son âge (22 ans) et du fait que les époux n’avaient à cette époque pas d’enfant, elle aurait certainement pu s’acquitter de son obligation de contribuer aux charges du ménage par une prestation pécuniaire, une occupation à temps partiel ou une activité saisonnière aurait pu à tout le moins être envisagée.

Dans un deuxième cas jugé par notre Haute Cour (ATFA non publié en la cause P 88/01 du 8 octobre 2002), l’épouse de l’assuré était âgée de près de 54 ans lors du prononcé de la décision litigieuse et n’avait pas de formation professionnelle. Elle avait travaillé en qualité d’ouvrière d’usine puis de femme de chambre dans une clinique, mais n’avait plus travaillé depuis plusieurs années, alors qu’elle avait fait de nombreuses recherches d’emploi infructueuses. Il avait pu être établi dans ce cas que l’intéressée avait fait tout ce que l’on pouvait attendre d’elle pour retrouver un emploi. Dès lors, en se fondant sur le degré de vraisemblance prépondérante – appliquée généralement à l’appréciation des preuves dans le domaine des assurances sociales – le Tribunal fédéral était arrivé à la conclusion que l’inactivité était due à des motifs conjoncturels et que ces motifs, ajoutés à l’absence de formation professionnelle ne constituaient pas une renonciation à des ressources au sens de l’art. 3c al. 1er let. g LPC.

6. Sur le plan cantonal, l’art. 5 LPCC prévoit également que le revenu déterminant comprend notamment les ressources en espèces ou en nature provenant de l’exercice d’une activité lucrative et les ressources dont un ayant droit s’est dessaisi (art. 5 al. 1 let. a et j LPCC). La prise en compte d’un gain hypothétique intervient conformément aux dispositions fédérales en vigueur.

7. En l’espèce, l’OCPA a retenu un gain d’activité potentiel de l’épouse de 33'760.- fr. dès le 1er mai 2002. Le recourant a contesté que l’on puisse retenir un revenu hypothétique pour son épouse, dès lors qu’aucun employeur n’engagerait celle-ci dans son métier de nettoyeuse vu son âge. De plus, l’état de santé du recourant imposait que son épouse assume toutes les tâches ménagères.

Dans sa plus récente détermination, l’OCPA à conclu à la suspension de la cause pour permettre au recourant de déposer une demande d’allocation pour impotent et à son épouse une demande de prestations de l’assurance-invalidité.

Ce raisonnement ne saurait être suivi. Tout comme l’a précisé le Tribunal fédéral des assurances dans sa jurisprudence récente, il importe d’évaluer les chances d’insertion ou de réinsertion professionnelle de l’intéressée et non de savoir si celle-ci remplit les conditions présidant à l’octroi d’une rente d’invalidité (ATFA non publié en la cause P 61/03 du 22 mars 2004).

8. A l’époque de la décision rendue, l’épouse du recourant était âgée de 55 ans. Il ressort du dossier qu’elle travaillait 2 heures par jour en tant que nettoyeuse pour la société Y pour un salaire de 750 fr. par mois environ. Par courrier du 8 décembre 2003, elle a informé le Tribunal de céans qu’elle ne cherchait pas à augmenter son temps de travail en raison de l’état de santé de son époux qui requérait une présence quasi continue à ses côtés. Par ailleurs, son propre état de santé ne lui permettait pas de travailler plus de 20 heures par semaine, ce qui était attesté par son médecin, le Dr B. Dans ce cadre, sa capacité de travail était limitée depuis plus de 10 ans.

Par courrier du 10 septembre 2002, le recourant a informé l’OCAI que la présence et l’aide de son épouse lui étaient nécessaires à domicile, de sorte qu’il n’était pas envisageable dans ce contexte qu’elle s’absente pour accomplir un travail aléatoire. Le certificat médical annexé au courrier du recourant fait état de la nécessité d’une aide à domicile, sans toutefois en fixer exactement l’étendue. Il est à noter que le recourant n’a pas déposé de demande d’allocation pour impotent.

Au vu de la situation d’espèce, rien ne s’oppose toutefois à ce que l’épouse du recourant exerce une activité lucrative, à tout le moins à temps partiel. Celle-ci était certes déjà âgée de 55 ans, mais elle était toujours active professionnellement et n’a jamais été éloignée de la vie professionnelle. Les renseignements médicaux figurant au dossier permettent de retenir qu’elle peut travailler à raison de quatre heures par jour, alors qu’elle n’exerce une activité rémunérée que durant la moitié de ce temps. Le Tribunal de céans remarque qu’elle travaillait encore récemment quatre heures par jour, soit jusqu’en mai 2003 et son médecin a attesté qu’elle en était toujours capable sur le plan médical. Malgré cela, celle-ci n’a jamais cherché à augmenter son temps de travail pour subvenir aux besoins du ménage. Par ailleurs, bien qu’il apparaisse clairement que le recourant a besoin d’une certaine aide à domicile en raison de problèmes de santé, il ne ressort pas des éléments figurant au dossier que celui-ci ne puisse absolument pas se passer de l’assistance de son épouse durant une période de quatre heures par jour.

L’OCAI a pour sa part retenu dans la décision attaquée un gain hypothétique de l’épouse de 33'760.- fr., soit 2'800.- fr. par mois.

Ce revenu paraît toutefois élevé si l’on prend en compte les critères considérés comme décisifs par le Tribunal fédéral appliqués au cas d’espèce. En effet, compte tenu de ces critères, l’épouse du recourant doit être considérée comme raisonnablement capable d’étendre son travail à quatre heures d’activité rémunérée par jour dans sa profession de nettoyeuse. Afin de calculer ce revenu, il y aura lieu de se baser sur les données ressortant de l’Enquête suisse sur la structure des salaires 2002 (année de référence du calcul de l’intimé) concernant une activité dans l’économie domestique, soit un revenu mensuel de 3'275.- fr. pour des femmes accomplissant des activités simples et répétitives (tableau TA1; n° 93, niveau de qualification 4). Ce salaire tenant compte d’une activité durant 40 heures par semaine, il y a lieu de le réduire à 1'637 fr. 50 compte tenu du fait que l’épouse du recourant ne peut exercer son activité que durant 20 heures par semaine. Le Tribunal relève que ce montant est proche de ce que l’épouse du recourant gagne réellement, de sorte que l’on peut affirmer que ce revenu tient compte de la situation personnelle concrète ainsi que du marché de l’emploi tel qu’il se présente au moment déterminant aux alentours du domicile de la personne concernée. Le revenu hypothétique à prendre en compte dans le cadre du calcul des prestations complémentaires s’élève dès lors à 19’650.- fr. par an. Toute autre activité mieux rémunérée doit être considérée comme inaccessible pour celle-ci, vu son âge et son absence de formation professionnelle. Enfin, compte tenu de la déduction imposée de 1'500.- fr. et de la prise en compte du solde à raison de deux tiers seulement, le revenu hypothétique devra être arrêté à 12’100.- fr.

9. Il convient dès lors d’admettre partiellement le recours et de renvoyer le dossier à l’OCPA, afin qu’il rende une nouvelle décision sur le droit du recourant tenant compte d’un gain hypothétique de son épouse réduit à 12’100.- fr.

 


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ

A la forme :

Déclare le recours recevable.

Au fond :

L’admet partiellement.

Annule la décision de l’office intimé du 25 juin 2003.

Renvoie le dossier à l’intimé pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Dit que la procédure est gratuite.

Dit que pour ce qui a trait aux prestations complémentaires fédérales, les parties peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Ce mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs le recourant estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter la signature du recourant ou de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu'il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints au mémoire s'il s'agit de pièces en possession du recourant. Seront également jointes au mémoire la décision attaquée et l'enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

La greffière :

Nancy BISIN

 

La Présidente :

Valérie MONTANI

Le secrétaire-juriste : Marius HAEMMIG

Le présent arrêt est notifié aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances sociales par le greffe