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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3413/2015

ATAS/39/2016 du 19.01.2016 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3413/2015 ATAS/39/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 19 janvier 2016

1ère Chambre

 

En la cause

A______ SARL, sise à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Albert RIGHINI

recourante

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI, Service juridique, sis rue des Gares 16, GENÈVE

 

 

intimé

 


EN FAIT

1.        La société A______ SARL (ci-après : la société) exploite le café-restaurant A______ à Genève.

2.        Le 9 octobre 2013, elle a déposé une demande auprès de l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE) visant à l’octroi d’une allocation de retour en emploi (ARE), d’une durée de douze mois à compter du 1er novembre 2013, en faveur de Monsieur B______ (ci-après : l’assuré), pour une activité de cuisinier rémunérée CHF 5'416.- par mois (13ème salaire compris).

3.        Par décision du 14 novembre 2013, le service des emplois de solidarité de l’OCE a accordé à la société une ARE du 12 novembre 2013 au 11 novembre 2014.

4.        Par courrier du 28 octobre 2014, la société a informé l’assuré qu’elle résiliait son contrat de travail avec effet au 30 novembre 2014, précisant que « nous regrettons que la situation générale nécessite cette décision. Nous vous remercions de votre activité pour le restaurant et avons apprécié votre travail ».

5.        Par courriel du 28 avril 2015 adressé à l’OCE, la société a indiqué que les motifs du licenciement étaient liés aux prestations insuffisantes et au comportement difficile de l’assuré.

6.        Par décision du 9 juin 2015, le service des emplois de solidarité de l’OCE, constatant que la société avait licencié l’assuré avant la fin de l’ARE, sans invoquer de justes motifs, a révoqué sa décision du 14 novembre 2013 et réclamé à la société le remboursement de la somme de CHF 32'496.-, représentant les montants versés au titre de l’ARE de novembre 2013 à novembre 2014.

7.        La société a formé opposition le 13 juillet 2015. Elle a expliqué que le travail de l’assuré ne donnait pas satisfaction et qu’après s’être renseignée par téléphone auprès du service des emplois de solidarité, elle avait obtenu l’information selon laquelle elle n’aurait pas à rembourser les allocations versées.

8.        Par décision du 28 août 2015, l’OCE a rejeté l’opposition. Il rappelle en effet que la société, en signant la demande d’ARE le 9 octobre 2013, s’est engagée à rembourser les allocations perçues en cas de résiliation du contrat de travail avant la fin de la durée totale de la mesure, soit en l’occurrence avant le 11 novembre 2014, ou dans les trois mois suivants. Il relève que la société a choisi la voie du licenciement ordinaire avec respect du délai de congé, de sorte que le licenciement ne tombe précisément pas sous le coup des justes motifs de l’art. 337 CO.

L’OCE relève que bien que la société ait en mars 2014 déjà informé l’autorité compétente qu’elle ne pouvait pas garder l’assuré dans de telles conditions, elle a décidé de ne pas le licencier immédiatement, mais d’attendre encore plus de huit mois, de sorte que si des assurances avaient effectivement été données, ce n’est pas sur cette base que l’employeur avait pris ses dispositions.

9.        La société, représentée par Me Albert RIGHINI, a interjeté recours le 30 septembre 2015 contre ladite décision sur opposition. Elle considère que l’art. 32 al. 2 LMC ne s’applique pas en l’espèce, puisqu’elle a mis un terme au contrat de travail de l’assuré pour le 30 novembre 2014, soit après la fin de la mesure fixée au 11 novembre 2014.

Elle relève à cet égard que la condition posée par l’OCE dans son formulaire d’ARE, selon laquelle l’employeur doit rembourser les allocations versées si le contrat de travail est résilié dans les trois mois suivant la durée totale de la mesure, est en contradiction avec l’art. 32 al. 2 LMC.

Quoi qu’il en soit, rappelant que l’assuré a reçu plusieurs avertissements au vu de ses prestations médiocres, elle considère que son licenciement est à l’évidence un cas de résiliation du contrat de travail pour justes motifs au sens de l’art. 337 CO.

Elle fait également valoir le droit à la protection de la bonne foi, dès lors qu’elle a contacté le 23 mars 2014 une collaboratrice de l’OCE pour l’informer du fait que le travail de l’assuré ne donnait pas satisfaction, et que celle-ci a affirmé que le licenciement n’aurait aucune conséquence financière négative pour le restaurant. C’est forte de ce renseignement que la société a finalement licencié l’assuré, non sans avoir au préalable pris la précaution de lui adresser deux avertissements.

Elle conclut à l’annulation de la décision sur opposition du 28 août 2015.

10.    Dans sa réponse du 20 octobre 2015, le service juridique de l’OCE a considéré que la société n’apportait aucun élément nouveau lui permettant de revoir sa décision et proposé le rejet du recours.

11.    Dans sa réplique du 13 novembre 2015, la société a relevé que l’arrêt rendu par la chambre de céans le 20 janvier 2015 (ATAS/40/2015) cité par l’OCE, n’avait pas traité la question de la validité, au regard du principe de la légalité des contrats de droit administratif, de la clause du contrat d’ARE étendant aux trois mois suivants la fin de la mesure ARE. Elle précise que l’arrêt du Tribunal fédéral du 10 juillet 2002 (C 14/02) sur lequel s’est fondé la chambre de céans, concernait certes un formulaire préparé par l’autorité fribourgeoise compétente ressemblant fort à celui signé par la société en l’espèce, mais que ni la loi fribourgeoise sur l’emploi et le marché du travail du 6 octobre 2010 ni son règlement du 2 juillet 2012, ne prévoient des conditions pour l’octroi de l’ARE. De même en était-il de l’arrêt du Tribunal fédéral du 16 février 2005 (C 55/05), portant sur une clause de l’office régional de placement de Lausanne, ne dérogeant pas aux dispositions légales applicables dans le canton de Vaud.

La société persiste dès lors à contester qu’en l’espèce l’OCE puisse introduire dans le formulaire d’ARE des conditions excédant celles posées par la loi elle-même.

Elle considère que la clause prévue dans le formulaire d’ARE déroge clairement à l’art. 32 al. 2 LMC, voire vide de sa substance cette disposition, dès lors qu’elle prévoit un champ d’application plus vaste que cette dernière.

S’agissant de la violation du principe de la bonne foi, la société fait valoir que les assurances à elle données par une collaboratrice du service des emplois de solidarité ne sont pas intervenues « dans un contexte de licenciement immédiat pour justes motifs », comme le soutient l’OCE, mais bien dans le cadre de l’exposé par l’associée-gérante de la société des motifs pour lesquels l’assuré ne donnait pas satisfaction. Elle conteste également avoir attendu sept mois avant de résilier le contrat de travail sans rien faire, puisqu’elle a adressé à l’assuré, selon sa pratique en la matière, deux avertissements durant ce temps.

Elle souligne que le fait que le formulaire de demande ARE parle d’un « licenciement pour justes motifs » donne l’impression à un non-juriste qu’un licenciement ordinaire est suffisant - pour autant que l’employeur fasse valoir de justes motifs - pour ne pas risquer d’être sanctionné.

12.    Dans sa duplique du 7 décembre 2015, le service juridique de l’OCE a informé la chambre de céans qu’il persistait intégralement dans les termes de sa décision sur opposition du 28 août 2015.

Il rappelle que l’OCE est bien compétent pour introduire dans le formulaire de demande d’ARE des conditions plus strictes que celles contenues à l’art. 32 LMC, que cette clause est du reste la même pour les allocations d’initiation au travail instaurées par le droit fédéral (art. 65 et 66 LACI et bulletin LACI MMT J 27).

Il relève que le licenciement pour justes motifs au sens de l’art. 337 CO implique nécessairement un licenciement avec effet immédiat.

Il ajoute enfin que la société a la possibilité de faire valoir sa bonne foi dans le cadre d’une demande de remise.

13.    Ce courrier a été transmis à la société, et la cause gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Interjeté dans les délai et forme prescrits par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 49 al. 3 de la loi en matière de chômage du 11 novembre 1983 (LMC - J 2 20)).

3.        Le litige porte sur le droit de l'OCE de révoquer les ARE accordées à la société et de réclamer à celle-ci le remboursement de la totalité des prestations versées.

4.        La loi genevoise en matière de chômage vise à favoriser le placement rapide et durable des chômeurs dans le marché de l'emploi, et à renforcer leurs compétences par l'octroi de mesures d'emploi, de formation et de soutien à la réinsertion. Elle institue pour les chômeurs des prestations cantonales complémentaires à celles prévues par l'assurance-chômage fédérale.

Les chômeurs ayant épuisé leur droit aux indemnités fédérales peuvent ainsi bénéficier d'une ARE, s'ils retrouvent un travail salarié auprès d'une entreprise active en Suisse (art. 30 LMC). La mesure se déroule en priorité au sein d'une entreprise privée, laquelle doit offrir des conditions d'engagement conformes aux usages professionnels de la branche, subsidiairement, au sein de l'Etat et autre collectivité et entité publique (art. 34 LMC).

Aux termes de l’art. 32 al. 1 et 2 LMC,

« 1 L’octroi de la mesure est subordonné à la production, avant la prise d'emploi, d’un contrat de travail à durée indéterminée.

2 Si l'employeur met un terme au contrat de travail avant la fin de la durée totale de la mesure au sens de l'article 35, il est tenu de restituer à l'Etat la participation au salaire reçue. Sont réservés les cas de résiliation immédiate du contrat de travail pour justes motifs au sens de l'article 337 du code des obligations ».

L'allocation de retour en emploi est versée pendant une durée de douze mois consécutifs au maximum pour les chômeurs de moins de 50 ans au moment du dépôt de la demande, et de vingt-quatre mois consécutifs au maximum pour les chômeurs de 50 ans et plus au moment du dépôt de la demande (art. 35 LMC).

Selon l'art. 36 LMC,

"1 L’autorité compétente verse l’allocation de retour en emploi sous forme d’une participation au salaire.

2 Le salaire déterminant pour le versement de l’allocation est plafonné au montant maximum du gain mensuel assuré dans l’assurance-accidents obligatoire.

3 L’allocation est versée par l’intermédiaire de l’employeur, lequel doit payer les cotisations usuelles aux assurances sociales sur l’intégralité du salaire et prélever la part du travailleur.

4 Le Conseil d’Etat détermine le montant de la participation au salaire. Celle-ci correspond en moyenne à 50% du salaire brut et est versée de manière dégressive pendant 12 mois maximum, respectivement 24 mois maximum."

L'allocation de retour en emploi est versée de manière dégressive. Elle correspond à 80% du salaire mensuel brut pendant le premier quart de la mesure, puis est réduite de 20% par quart suivant (art. 27 du règlement d'exécution de la loi en matière de chômage du 23 janvier 2008 (RMC ; RS J 2 20.01).

5.        Selon l'art. 337 CO, l'employeur et le travailleur peuvent résilier immédiatement le contrat en tout temps pour de justes motifs; la partie qui résilie immédiatement le contrat doit motiver sa décision par écrit si l'autre partie le demande (al. 1). Sont notamment considérées comme de justes motifs toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d'exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports de travail (al. 2). Le juge apprécie librement s'il existe de justes motifs, mais en aucun cas il ne peut considérer comme tels le fait que le travailleur a été sans sa faute empêché de travailler (al. 3).

L'art. 337 al. 1 CO est une mesure exceptionnelle. La résiliation immédiate pour justes motifs doit être admise de manière restrictive. D'après la jurisprudence, les faits invoqués par la partie qui résilie doivent avoir entraîné la perte du rapport de confiance qui constitue le fondement du contrat de travail. Seul un manquement particulièrement grave justifie le licenciement immédiat du travailleur ou l'abandon abrupt du poste par ce dernier. En cas de manquement moins grave, celui-ci ne peut entraîner une résiliation immédiate que s'il a été répété malgré un avertissement. Par manquement de l'une des parties, on entend en règle générale la violation d'une obligation imposée par le contrat mais d'autres faits peuvent aussi justifier une résiliation immédiate (ATF 130 III 28 consid. 4.1 p. 31; 129 III 380 consid. 2.2 p. 382). Le juge apprécie librement, au regard des principes du droit et de l'équité déterminants selon l'art. 4 CC, si le congé abrupt répond à de justes motifs (art. 337 al. 3 CO). À cette fin, il prend en considération tous les éléments du cas particulier, notamment la position du travailleur, la nature et la durée des rapports contractuels, et la nature et l'importance des manquements (ATF 130 III 28 consid. 4.1 p. 32; 127 III 351 consid. 4a p. 354; arrêt du Tribunal fédéral A4_137/2014 du 10 juin 2014).

Les justes motifs doivent être invoqués sans tarder sous peine de forclusion (ATF 112 II 41; ATF 123 III 86).

Dans la mesure où le droit des assurances sociales fait référence à des notions du droit civil, celles-ci doivent en principe être comprises en fonction de ce droit (cf. ATF 121 V 127 consid. 2c/aa et les arrêts cités). Sauf disposition contraire, on présume que, lorsqu’il fixe des règles relatives, par exemple, aux effets du mariage, de la filiation ou aux droits réels, le législateur, en matière d’assurances sociales, a en vue des institutions organisées par les divers domaines du droit civil à considérer (arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 41/9 du 25 avril 2002 consid. 2).

6.        L'art. 48B LMC, enfin, autorise l'autorité compétente à révoquer sa décision d'octroi et à exiger la restitution des prestations touchées indûment, en cas de violation de la loi, du règlement ou des obligations contractuelles mises à charge du bénéficiaire de la mesure, de l'entité utilisatrice ou de l'employeur.

7.        L’art. 48B al. 2 LMC précise que

« L’autorité compétente peut renoncer à exiger la restitution sur demande de l’intéressé, lorsque celui-ci est de bonne foi et que la restitution le mettrait dans une situation financière difficile ».

8.        Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b, 125 V 195 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

9.        En l’espèce, la société s’est vu reconnaître le droit à une ARE en faveur de l’assuré engagé en qualité de cuisinier, pour une période allant du 12 novembre 2013 au 11 novembre 2014.

Il appert de la partie en fait qui précède que le contrat de travail a été résilié le 28 octobre 2014 avec effet au 30 novembre 2014, soit dans les trois mois suivant la fin de l’ARE.

10.    Or, dans le formulaire « demande d’ARE », il est expressément stipulé que « l’employeur s’engage à conclure avec l’employée un contrat de travail à durée indéterminée et, dans le cas où une période d’essai est prévue, à la limiter si possible à un mois. À l’issue de la période d’essai, le contrat de travail ne peut être résilié pendant la période de l’ARE, ou dans les trois mois suivants, que sur présentation de justes motifs au sens de l’art. 337 CO ».

La société se réfère quant à elle à l’art. 32 al. 2 LMC, lequel prévoit seulement que l’employeur ne peut résilier le contrat de travail avant la fin de la mesure, et reproche à l’OCE d’étendre contractuellement cette condition à une durée supplémentaire de trois mois.

11.    Il y a lieu de constater qu’à réitérées reprises, le TF a retenu que la formule de confirmation de l'employeur relative à l'initiation au travail (AIT) modifie et complète le contrat de travail en posant des conditions supplémentaires - notamment la durée minimale du contrat de travail - auxquelles l’employeur se soumet expressément en le signant. Le TF a jugé que « l’autorité cantonale peut introduire de telles conditions, qui font l'objet d'une clause accessoire, dans le cadre des compétences qui lui sont conférées par l'art. 90 al. 3 OACI, dès lors qu'elles servent à la réalisation des exigences posées par la loi » (arrêt du Tribunal fédéral 14/02 du 10 juillet 2002 ; GRISEL, Traité de droit administratif, vol. I, p. 408 sv.; Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER, Grundriss des Allgemeinen Verwaltungsrechts, 3e éd., Zurich 1998, p. 186 sv.).

Dans un arrêt du 23 mars 2006 (C 15/05), le TF a confirmé que ce formulaire est une clause accessoire au contrat de travail, laquelle prime tout accord contenant des clauses contraires.

Or, l’AIT (art. 7 et 59 LACI et 90 OACI), tout comme l’ARE (art. 30 LMC), sont des allocations ayant pour objectif de favoriser le retour à l’emploi des chômeurs qui ont épuisé leur droit à des prestations fédérales de l’assurance-chômage. L'ARE est une mesure cantonale venant compléter l'AIT prévue par l'assurance-chômage fédérale. Aussi applique-t-on, par analogie, la jurisprudence rendue par le TF en matière d’AIT aux ARE.

On peut dès lors confirmer que la société s'est engagée, en signant le formulaire « demande ARE », à employer l'assuré pendant une durée minimale correspondant à la durée de l'ARE plus un délai de trois mois, sous réserve d'une résiliation pour justes motifs au sens de l'art. 337 CO.

Cela ne suffit pas, selon la société, pour déterminer la validité, au regard du principe de la légalité des contrats de droit administratif, de la clause du contrat d’ARE prévoyant que le contrat de travail ne peut pas non plus être résilié dans les trois mois suivant la fin de la mesure.

Cette question peut toutefois rester ouverte dans la mesure où, quoi qu’il en soit, même si l’on admettait que le délai supplémentaire de trois mois ne liait pas la société, il y aurait lieu de considérer que la société a failli à ses obligations contractuelles. Le TF a en effet, dans un arrêt du 16 février 2005 (C 55/04), retenu la date à laquelle le contrat de travail a été résilié. Peu importe, selon la Haute Cour, que le délai de congé arrive lui à échéance au-delà « de la fin de la période d’initiation au travail convenue », le TF rappelle en effet que le terme «résilier» est sans équivoque : résilier un contrat de travail, c'est mettre fin aux rapports de travail ou donner le congé. La résiliation est l'exercice d'un droit formateur et prend la forme d'une déclaration de volonté soumise à réception; elle déploie ses effets dès qu'elle parvient dans la sphère de puissance du destinataire (cf. Rémy WYLER, Droit du travail, Berne 2002, p. 325 en bas). L'exercice de ce droit ne peut être confondu avec la survenance du terme ou l'écoulement du délai pour lequel le congé est donné.

Ainsi, en l’espèce, le contrat a été résilié par courrier du 28 octobre 2014, soit avant l’échéance de l’ARE, et seule cette date est déterminante.

12.    Reste à examiner si la société, qui a résilié le contrat de travail prématurément, peut se prévaloir de justes motifs, étant rappelé que la résiliation immédiate pour justes motifs, mesure exceptionnelle, doit être admise de manière restrictive et que seul un manquement particulièrement grave du travailleur justifie son licenciement immédiat.

Dans le cas particulier, la société, par lettre du 28 octobre 2014, a mis fin aux rapports de travail en invoquant « une situation générale nécessitant cette décision ». Il s'agit là plutôt de motifs économiques généraux, qui ne constituent pas des justes motifs au sens de l'art. 337 CO (arrêt C 14/02 du 10 juillet 2002 ; ATF C 15/05 du 23 mars 2006). Ultérieurement, soit le 28 octobre 2014, la société a toutefois expliqué à l’OCE que les motifs du licenciement étaient en réalité liés aux prestations insuffisantes et au comportement difficile de l’assuré.

Force est toutefois de constater qu’elle n’a concrètement pas licencié celui-ci sur la base de l’art. 337 CO. Elle a ainsi renoncé à se prévaloir d’un licenciement pour justes motifs, de sorte qu’il y a lieu de conclure que la société a mis fin au contrat de travail avant l’échéance de la mesure expressément indiquée sur le formulaire, sans qu’il y ait justes motifs au sens de l’art. 337 CO.

13.    La société allègue s’être renseignée auprès de l’OCE le 23 mars 2014 et avoir obtenu une information qu’elle a scrupuleusement suivie.

Découlant directement de l'art. 9 Cst. et valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 129 I 161 consid. 4.1; ATF 128 II 112 consid. 10b/aa; ATF 126 II 377 consid. 3a et les arrêts cités). De la même façon, le droit à la protection de la bonne foi peut aussi être invoqué en présence, simplement, d’un comportement de l’administration susceptible d’éveiller chez l’administré une attente ou une espérance légitime (ATF 129 II 381 consid. 7.1 et les nombreuses références citées).

Il s'applique lorsque l'administration crée une apparence de droit, sur laquelle l'administré se fonde pour adopter un comportement qu'il considère dès lors comme conforme au droit. Ainsi, l'autorité qui fait une promesse, donne une information ou une assurance, doit satisfaire les expectatives créées, même si la promesse ou l'expectative sont illégales, si les conditions cumulatives suivantes sont réunies : a) il faut que l’autorité soit intervenue dans une situation concrète à l’égard de personnes déterminées, b) qu’elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de sa compétence, c) que l’administré n’ait pu se rendre compte immédiatement de l’inexactitude du renseignement obtenu, d) qu’il se soit fondé sur celui-ci pour prendre des dispositions qu’il ne saurait modifier sans subir un préjudice, et que e) la loi n’ait pas changé depuis le moment où le renseignement a été donné (ATF 121 V 66 consid. 2a ; Blaise KNAPP, Précis de droit administratif, Bâle et Francfort-sur-le-Main 1991, 4ème édition, n° 509 p. 108; Ulrich HÄFELIN / Georg MÜLLER, Grundriss des Allgemeinen Verwaltungsrechts, 2ème édition, Zurich 1993, p. 117ss, plus particulièrement p. 126, ch. 563ss ; ATF 131 II 627 consid. 6; ATF 129 I 161 consid. 4.1, ATF 126 II 377 consid. 3a et les références citées).

Le droit à la protection de la bonne foi suppose un lien de causalité entre le renseignement obtenu et les dispositions prises par l’administré. Un tel lien existe si l’on peut admettre que celui-ci se serait comporté autrement sans le renseignement donné par l’autorité. En revanche, tout lien de causalité doit être nié si l’on peut admettre que même sans le renseignement obtenu, l’administré aurait pris les mêmes dispositions (Béatrice WEBER-Drler, Vertrauenschutz im öffentlichen Recht, Bâle 1983 p. 102 ; même auteur, falsche Auskünfte von Behörden in ZBl 1991 p. 16). En ce qui concerne la preuve du lien de causalité, on ne saurait poser des exigences trop strictes. En effet, à partir du moment où l’administré a demandé des renseignements, il en découle la présomption de fait qu’en cas de réponse négative, celui-ci aurait adopté un autre comportement. Dès lors, la preuve du lien de causalité est considérée comme donnée s’il apparaît vraisemblable, selon l’expérience générale de la vie, que l’administré se serait comporté autrement sans le renseignement obtenu (ATF 121 V 67 consid. 2b, ATFA C 27/01 du 7 mai 2001).

14.    La société déclare avoir pris contact par téléphone le 23 mars 2014 avec une collaboratrice de l’OCE et s’être entendue dire qu’un licenciement n’aurait aucune conséquence financière négative pour elle.

Or, on ignore quels ont été précisément les propos échangés lors de l’entretien téléphonique. On ne sait en particulier pas la façon dont a été exposée la question ni quelle a été la réponse apportée. Il est vrai qu’en ce qui concerne la preuve du lien de causalité, on ne saurait poser des exigences trop strictes. En effet, à partir du moment où l’administré a demandé des renseignements, il en découle la présomption de fait qu’en cas de réponse négative, celui-ci aurait adopté un autre comportement.

On peut à cet égard s'étonner de ce que la société n'ait pas attendu la fin de la mesure ARE avant de licencier l'assuré, cette seule circonstance est toutefois en soi insuffisante pour qu'on puisse considérer, au degré de la vraisemblance prépondérante, que la collaboratrice de l'OCE ait donné un renseignement inexact. Il est au contraire parfaitement vraisemblable, ce au degré requis par la jurisprudence, que celle-ci, tenant compte du fait que la société envisageait de résilier le contrat de son employé pour justes motifs, lui ait répondu qu'elle en avait parfaitement le droit sans subir de préjudice. Il y a en effet lieu de rappeler que la société a été dûment informée des conditions auxquelles l'octroi de l'ARE est subordonné, par la communication des dispositions légales applicables. Aussi ne pouvait-elle manquer de savoir que si elle ne gardait pas son employé jusqu’à la fin de la mesure, elle perdrait le droit à l'ARE. La loi ne prévoit à cet égard aucune exception à ce principe, même lorsque l'employeur doit renoncer au service d'un employé pour des raisons économiques (ATAS/1268/2009).

La société doit dès lors supporter les conséquences de l'absence de preuve sur ce point.

Il apparaît ainsi que les conditions pour admettre une violation du principe de la bonne foi ne sont pas réunies.

15.    Eu égard aux considérations qui précèdent, c’est à juste titre que l’OCE a considéré que la société ayant failli à ses obligations découlant du formulaire signé le 9 octobre 2013, ne remplissait plus les conditions pour pouvoir prétendre à une ARE.

16.    Dans un arrêt ATF 126 V 42, le Tribunal fédéral des assurances a jugé que l'administration peut revenir sur sa décision d'octroi des allocations d'initiation au travail avec effet ex tunc en cas de violation des obligations contractuelles par l'employeur lorsque le versement est soumis à la condition résolutoire du respect du contrat de travail et ce, même si ladite décision ne mentionne pas la restitution des prestations en cas de violation des obligations contractuelles.

L’OCE est en droit, partant, de lui réclamer la restitution des prestations touchées indûment conformément à l’art. 48B LMC.

17.    Le montant de CHF 32’496.- dont le remboursement est réclamé par l’OCE, représentant les ARE versées de novembre 2013 à novembre 2014, n’est pas contesté.

18.    Aussi le recours est-il rejeté.

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

 

Doris GALEAZZI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'Etat à l'économie par le greffe le