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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1527/2015

ATAS/377/2016 du 18.05.2016 ( AVS ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1527/2015 ATAS/377/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 18 mai 2016

4ème Chambre

 

En la cause

AVOCATS A______ SA, sise à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Oana HALAUCESCU

recourante

 

contre

FER CIAM - CAISSE INTERPROFESSIONNELLE AVS, sise rue de St-Jean 98, GENÈVE

intimée

 


EN FAIT

1.        Maître B______ (ci-après : l'avocat) était associé dans l'étude d'avocats A______ (ci-après : A______) jusqu'en 2010. Depuis 1986, il est affilié en tant qu'indépendant auprès de la caisse interprofessionnelle AVS FER-CIAM 106.1 (ci-après : la caisse) pour le paiement des cotisations sociales afférentes à l’AVS, à l’assurance-chômage, aux allocations familiales et à l’assurance-maternité genevoise (n°1_____).

2.        Par décompte du 8 mars 2010, la caisse a réclamé à l'avocat le paiement de CHF 5'340.60 correspondant à ses cotisations sociales personnelles du premier trimestre 2010 y compris les frais d’administration. Cette somme a été versée à la caisse le 6 avril 2010.

3.        Le 29 juin 2010, l'avocat a créé la société anonyme avocats A______ (ci-après : la société) qui a été inscrite au registre du commerce, le 15 juillet 2010. Selon l'extrait de celui-ci, la SA a pour but la fourniture de prestations juridiques en Suisse et à l'étranger par des avocats inscrits dans un registre des avocats suisse ou étranger et par des conseillers qualifiés, l'exercice de tous mandats notamment juridiques, commerciaux, d'administration, d'intermédiation, de formation, d'achat, de vente, de détention et gestion de tous types de droits et d'actifs mobiliers et immobiliers, de biens matériels et immatériels, l'exploitation et la commercialisation de méthodologies patrimoniales, de solutions légales, de méthodologies d'ingénierie légales et d'architecture juridique, la représentation de clients dans le cadre de procédures devant les tribunaux, arbitrages et autres autorités, le conseil en général et en matière fiscale. Le capital-actions nominal de CHF 100'000.- constitué de 8'000 actions de CHF 10.- et de 20'000 actions de CHF 1.-, toutes nominatives et liées selon les statuts, est libéré. L'avocat est administrateur unique avec signature individuelle. Selon déclaration de l’administrateur du 29 juin 2010, la société n’est pas soumise à un contrôle ordinaire et renonce à un contrôle restreint.

4.        Depuis 2010, la société est affiliée en tant qu'employeur auprès de la caisse pour le paiement des cotisations sociales afférentes à l’AVS, à l’assurance-chômage, aux allocations familiales et à l’assurance-maternité genevoise (n°2______).

5.        Lors du contrôle d'employeur du 14 avril 2014 opéré auprès de la société et portant sur la période du 15 juillet 2010 au 31 décembre 2012, le réviseur a constaté notamment que l’avocat avait perçu un salaire brut de CHF 39'587.- du 1er septembre au 31 décembre 2010, un salaire annuel brut de CHF 118'575 en 2011 et CHF 120'572.- en 2012 sur lesquels des cotisations sociales n'avaient pas été prélevées. Dans son rapport du 30 avril 2014, le réviseur a considéré que l'avocat ne pouvait pas être considéré comme indépendant de la société. Il était administrateur de celle-ci, ne supportait pas le risque économique et les clients étaient ceux de la société. Par conséquent, les cotisations qu'il avait versées sur son compte d'indépendant (n°4______) étaient extournées et utilisées pour le paiement des cotisations de salarié.

6.        Dans une première décision du 30 avril 2014 adressée à la société, la caisse a établi un décompte rectificatif de cotisations AVS/AI/APG, à l’assurance-chômage, aux allocations familiales et à l’assurance-maternité genevoise pour la période du 15 juillet 2010 au 31 décembre 2012 et lui a réclamé la somme de CHF 40'034.45, frais d'administrations compris. Dans une seconde décision du même jour, la caisse a réclamé à la société des intérêts moratoires AVS pour les cotisations des années 2010, 2011 et 2012, soit la somme de CHF 4'066.05.

7.        Le 2 juin 2014, la société représentée par l'avocat a formé opposition auxdites décisions. Elle a conclu à ce qu'il soit dit et constaté que l'avocat était resté indépendant et ce, séparément de la société. Elle a exposé que dans le courant de l'année 2010, une partie des « salariés » de A______ avait été transférée au sein de la société et que cette dernière agissait en son nom mais au seul risque et profit de l’avocat. Celui-ci, qui était avocat indépendant inscrit auprès de la caisse, avait conservé sa clientèle et son statut d’indépendant. Quant à la société, elle n’avait pas de clientèle propre. Le statut d’administrateur de la société était totalement distinct de celui d’indépendant. L’administrateur n’était pas rémunéré par la société. Par conséquent, il existait deux activités entrepreneuriales séparées, la société ayant été créée pour des questions de responsabilité vis-à-vis des tiers et de marketing à long terme. La société ne supportait pas les risques d’activité commerciale qui appartenaient à l’avocat. Elle a contesté que la caisse fût en droit de procéder à l’extourne des cotisations versées par l’avocat, faute d’autorisation de compensation, de paiement direct ou de blocage.

Elle a joint à son opposition une convention de fiducie datée du 15 juillet 2010 entre l’avocat (le fiduciant) et la société (le fiduciaire) signée par l’avocat au nom des deux parties. Ladite convention rappelle que la société n’a aucune clientèle et qu’elle a pour but de traiter celle de l’avocat qui souhaite que la société intervienne en son nom à lui, pour son seul compte et risque, pour la clientèle présente et future (préambule). Le fiduciant charge le fiduciaire de traiter en son nom mais pour le compte et risque exclusif du fiduciant, la clientèle et les mandats de ce dernier. Le fiduciant reste seul et exclusif propriétaire de ses clients et de ceux de la société. Le fiduciant s’engage à première réquisition du mandataire, à fournir tout moyen financier et autre pour l’exécution des présentes (art. 1). Dans ce cadre, le fiduciaire n’agira que sur instructions du fiduciant. À l’égard des tiers, le fiduciaire interviendra en son propre nom et exclusivement pour le compte et aux risques et périls du fiduciant. De ce fait tous les risques et conséquences liés à l’opération faisant l’objet du présent contrat seront à la charge exclusive du fiduciant ou de ses ayants droit (art. 2). En rémunération de son activité, le fiduciaire aura droit à une rétribution et une rémunération annuelle, « d’au minimum de CHF 5'000.- », mais de cinq pour mille sur la facturation des honoraires à la clientèle (art. 6).

8.        Le 8 décembre 2014, respectivement le 9 mars 2015, la caisse a communiqué à l'avocat le décompte de ses cotisations sociales personnelles (affilié n° 1_______) pour le quatrième trimestre 2014 et le premier trimestre 2015 à hauteur de CHF 5'483.55, respectivement CHF 5'515.05.

9.        Par décision du 9 avril 2015 adressée à la société, la caisse a rejeté l’opposition. Elle a considéré que l’avocat n’était pas dans une situation de tiers vis-à-vis de la société dès lors que le but de celle-ci était précisément de prodiguer des services juridiques et que dans le cadre de la société, il agissait en tant qu’avocat. Les rémunérations qu’il touchait du fait de son activité auprès de ses clients, qui étaient devenus ceux de la société, devaient nécessairement être considérées comme provenant d’une activité salariée. Il n’était pas possible de maintenir une raison individuelle à côté d’une SA si leur but social était identique. Le contrat de fiducie n’y changeait rien. S’agissant du droit de l’AVS, l’avocat était salarié de la société tout en poursuivant concrètement son activité comme précédemment.

10.    Par acte du 11 mai 2015, la société a recouru contre ladite décision. Elle conclut préalablement et sous suite de dépens, à la confirmation de l’effet suspensif au présent recours et à sa comparution personnelle, soit celle de son administrateur. Au fond, elle reprend les mêmes conclusions que dans son opposition. Elle reproche à l’intimée d’avoir considéré à tort que l’activité exercée par l’avocat était celle d’un salarié de la société et non celle d’un indépendant vis-à-vis de la société. Elle relève que l’activité de l’avocat dans le cadre de sa raison individuelle ne dépend pas d’instructions spécifiques et qu’il amène les divers mandats à la société qui n’en détenait aucun au moment de sa constitution. L’avocat agissait pour son propre compte et sous son nom, au contraire de la société qui agissait pour le compte de l’avocat. Ce dernier ne touchait aucune indemnité pour son activité d’administrateur de la société. En outre, la raison individuelle fournissait des services indépendants de la société anonyme, de sorte que l’avocat agissait comme un indépendant vis-à-vis de celle-ci. La qualité d’administrateur n’engageait l’avocat que dans le cadre de la gestion de la société et non pas par rapport aux contrats de mandat touchant sa qualité d’avocat. En tant qu’avocat, il intervenait à titre personnel et engageait sa propre responsabilité.

11.    Dans sa détermination du 27 mai 2015 sur la demande de restitution de l’effet suspensif, l’intimée a rappelé que dans le domaine de l’AVS, de par la loi, les recours ont un effet suspensif à moins que celui-ci ne soit retiré dans la décision, ce qui n’avait pas été le cas. Elle a confirmé que le recours avait un effet suspensif.

12.    Sur demande de la chambre de céans, la recourante a indiqué dans son écriture du 12 juin 2015 qu’elle avait uniquement requis une confirmation de l’effet suspensif. En tant que de besoin, elle renonçait à solliciter de la chambre céans une telle confirmation.

13.    Dans sa réponse du 2 juin 2015, l’intimée a conclu au rejet du recours. Elle a précisé que suite à la radiation de A______ auprès de la caisse au 30 juin 2010, l’avocat avait maintenu son affiliation en tant qu’indépendant et avait continué à cotiser sur un revenu provisoire annuel de CHF 193'500.-. L’administration fiscale cantonale ne lui avait pas encore communiqué les revenus d’indépendant déterminants pour les années 2009 jusqu’à ce jour. L’intimée a considéré que les rémunérations perçues de la société par l’avocat provenaient d’une activité dépendante exercée dans le cadre de cette société. Elle a relevé que la convention de fiducie entre la société et l’avocat avait été signée par celui-ci pour les deux parties au contrat. S’agissant des rémunérations touchées par la société, les honoraires versés à l’avocat provenant des mandats de fiducie et concernant ses propres clients devaient être déclarés dans la SA. Il n’était pas exclu que l’avocat exerçât une certaine activité indépendante en dehors de celle déployée pour la société, mais cette dernière devait être qualifiée de salariée au sens du droit de l’AVS car l’avocat instruisait la société sur le traitement des cas, il était son administrateur unique et il ressortait de la raison sociale de la société qu’il jouait un rôle important dans la société.

14.    Le 9 septembre 2015, la chambre de céans a procédé à une comparution personnelle des parties.

L’avocat a déclaré être le successeur de l’étude A______. Ses associés étaient partis. Il avait créé ensuite une SA, sur conseil de l’étude C______ afin de diminuer la responsabilité des avocats à l’égard des dossiers traités. Le but de la société de services était de diminuer la responsabilité vis-à-vis des tiers. Les services n’étaient rendus que pour le tiers mandant, c’est à-dire lui-même. La clientèle était la sienne mais ensuite elle était traitée par la SA. Les clients signaient une procuration en sa faveur et ensuite il déléguait le traitement du dossier à la SA. Il y avait deux comptes, à savoir un compte TVA au nom de la société et lui-même possédait un compte personnel en son nom propre, qui n’avait rien à voir avec l’étude. La société gérait ses locaux et le personnel. Elle payait donc les loyers et les salaires des collaborateurs et du secrétariat. Les clients payaient leurs honoraires sur le compte de la société. La société gagnait sur le fixe et sur un pour-mille calculé sur les honoraires. S’il y avait un bénéfice, il lui était reversé. La société lui versait en cours d’année des avances sur le résultat final. La RC relative à l’activité d’avocat était au nom de la société. Par conséquent, c’est la société qui répondrait d’éventuels actes commis par l’avocat dans la gestion de ses mandats.

Les statuts des SA d’avocats étaient imposés après longues discussions avec l’ordre des avocats et la commission du barreau. On ne pouvait pas dans le but de la société faire exactement ce que l’on voulait. La propriété de la société devait être entièrement entre les mains des avocats. L’intérêt des SA d’avocats était essentiellement au niveau de la responsabilité et il était plus facile de transférer des certificats d’actions en cas de remise de la société ou de nouveaux associés. Les actions de la société étaient toutes nominatives. Il n’avait pas d’autres associés. Il était seul propriétaire du capital-actions. La société comptait cinq collaborateurs avocats. Les avocats qui travaillaient avec lui étaient ses associés. La société n’existerait pas s’il n’y avait pas sa clientèle. Elle n’avait pas pour but en tant que tel de faire un seul franc de bénéfice sauf les obligations légales prévues par la directive fédérale fiscale lorsque l’on agissait à titre fiduciaire. Si la personne morale agissait en tant que fiduciaire, elle devait facturer au minimum la couverture des frais plus une commission nette. En l’occurrence, la société rendait des services pour son compte mais pas l’inverse. Il donnait des ordres et des instructions à la société et non l’inverse. Il devait avoir quelques mandats spécifiques qu’il ne traitait pas sous le nom de la société, par exemple des arbitrages. Au niveau fiscal, les comptes n’étaient pas finalisés, car ils n’avaient pas encore réglé la question de la sortie de ses anciens associés de l’étude

Il s’engageait à fournir les statuts de la SA ainsi que les directives fédérales fiscales.

Pour sa part, l’intimée a déclaré qu’elle voyait ce genre de construction pour la première fois. En général dans les SA d’avocats, ceux qui y travaillaient étaient salariés. Le contrôleur n’avait pas vu de factures mais un compte sous-traitant. De ce compte sous-traitant, les fonds sortaient en faveur de l’avocat. Elle a relevé que concrètement celui-ci semblait collaborer dans la société. Il convenait de clarifier la situation. Elle a confirmé que les reprises effectuées par le contrôleur correspondaient aux sorties du compte sous-traitant. Elle n’avait pas soumis le dossier à l’OFAS.

15.    Le 18 septembre 2015, la recourante a produit dans la procédure ses statuts du 30 juin 2010 signés par l’avocat et la notice de l’administration fédérale des contributions (ci-après : AFC) d’octobre 1967 concernant les rapports fiduciaires. Selon les statuts, la société peut créer des succursales, ainsi que mettre à disposition des locaux, du personnel et des infrastructures (art. 3). Le conseil d’administration est autorisé à créer un capital participation dans un délai de deux ans, soit d’ici au 28 juin 2012 d’un montant maximum de CHF 50'000.- par l’émission de cinquante mille bons de participation, au porteur, d’une valeur nominale de CHF 1.-. Les bons de participation confèrent des droits équivalents notamment à une part du bénéfice et du produit de la liquidation. Les porteurs de bons de participation n’ont en particulier ni droit de vote, ni droit de participer à l’assemblée générale (art. 5 bis). Chaque actionnaire a droit à une part du bénéfice résultant du bilan en proportion des versements opérés au capital-actions. Les actionnaires ne sont tenus que des prestations statutaires et ne répondent pas personnellement des dettes sociales (art. 7). Le conseil d’administration a notamment l’attribution d’exercer la haute direction de la société et d’établir les instructions nécessaires, de fixer l’organisation (art. 22). L’assemblée générale peut renoncer à l’élection d’un organe de révision notamment lorsque la société n’est pas assujettie au contrôle ordinaire, lorsque l’effectif de la société ne dépasse pas dix emplois à plein temps en moyenne annuelle (art. 25). Il est prélevé une somme égale au 5% du bénéfice de l’exercice pour constituer la réserve générale jusqu’à ce que celle-ci atteigne 20% du capital-actions libéré. Le solde du bénéfice de l’exercice est réparti entre les actionnaires et les participants conformément aux décisions de l’assemblée générale, sur préavis du conseil d’administration (art. 29).

16.    Dans sa détermination du 29 octobre 2015, l’intimée a observé que les statuts de la société semblaient être des statuts typiques pour des études d’avocats constituées en SA. Elle avait de sérieux doutes quant à l’application de la notice de l’AFC d’octobre 1967 au cas d’espèce dès lors que celle-ci régissait les biens sous mandat fiduciaire ou éventuellement des rapports fiduciaires portant sur des opérations commerciales ou sur des engagements contractuels qui n’étaient pas admis par l’AFC d’une façon générale mais au cas par cas. Un mandat portant sur le traitement des affaires juridiques par la société alors que l’avocat était également impliqué dans la société continuait de la laisser perplexe. Au vu de la réalité économique, à savoir que l’avocat était actionnaire unique et administrateur de la société, qu’il encaissait les bénéfices résultant des affaires juridiques après défraiement de la société qui gérait les mandats sur instructions de l’avocat, il y avait lieu de considérer l’avocat comme salarié de la société s’agissant des revenus résultant des mandats gérés par celle-ci. Elle a confirmé ses conclusions précédentes.

17.    Dans son écriture du 13 novembre 2015, la recourante a observé que pouvaient faire l’objet d’un rapport fiduciaire non seulement des biens mais aussi des droits, notamment dans le cadre d’une fiducie-gestion. La convention de fiducie conclue entre elle-même et l’avocat avait pour objet le traitement de la clientèle et des mandats de l’avocat. Conformément à ladite convention, l’avocat assumait le risque économique et commercial lié à la gestion des clients et aux mandats de la société, même si celle-ci supportait les risques vis-à-vis des tiers. Par conséquent, il avait un statut d’indépendant qui était confirmé par le fait que les clients signaient une procuration en sa faveur et que l’avocat déléguait la gestion des mandats à la société en vertu du contrat de fiducie. S’il donnait effectivement des instructions aux avocats/collaborateurs pour le traitement des cas, ce n’était pas en tant que supérieur, mais en tant que mandant envers la société. La recourante a persisté intégralement dans ses conclusions précédentes.

18.    Le 17 novembre 2015, la chambre de céans a transmis cette écriture à l’intimée et, sur ce, a gardé la cause à juger.

 

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        À teneur de l'art. 1 al. 1 LAVS, les dispositions de la LPGA s'appliquent aux art. 1 à 97 LAVS, à moins que la loi n'y déroge expressément.

Toutefois, les modifications légales contenues dans la LPGA constituent, en règle générale, une version formalisée dans la loi de la jurisprudence relative aux notions correspondantes avant l'entrée en vigueur de la LPGA; il n'en découle aucune modification du point de vue de leur contenu, de sorte que la jurisprudence développée à leur propos peut être reprise et appliquée (ATF 130 V 343 consid. 3).

3.        Le délai de recours est de trente jours (art. 60 al. 1 LPGA et art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA-GE - E 5 10]). Les délais en jours ou en mois fixés par la loi ou par l’autorité ne courent pas du 7e jour avant Pâques au 7e jour après Pâques inclusivement et du 15 juillet au 15 août inclusivement (art. 38 al. 4 let. a LPGA et 89C let. a LPA-GE).

En l'espèce, le recours a été interjeté le 11 mai 2015, contre la décision expédiée le 9 avril, reçu le lendemain, soit dans un délai de plus de trente jours. En 2015, le dimanche de Pâques était le 5 avril, de sorte que le délai de recours était suspendu du 29 mars au 12 avril. La décision contestée ayant été reçue pendant la suspension des délais, le délai de recours a débuté le 13 avril 2015 et est arrivé à échéance le 12 mai 2015, compte tenu des principes susmentionnés. Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable, en vertu des art. 56ss LPGA et 89B LPA-GE.

4.        Le litige porte sur la question de savoir si la société est tenue à cotisations sociales sur les rémunérations qu’elle verse à l’avocat, respectivement si celles-ci sont dues pour une activité salariée ou indépendante.

5.        a) Sont assurées conformément à la présente loi, les personnes physiques domiciliées en Suisse (art. 1a al. 1 let. a LAVS). Les assurés sont tenus de payer des cotisations tant qu’ils exercent une activité lucrative (art. 3 al. 1 LAVS).

Les cotisations des assurés qui exercent une activité lucrative sont calculées en pour-cent du revenu provenant de l’exercice de l’activité dépendante et indépendante (art. 4 al. 1 LAVS).

Chez une personne qui exerce une activité lucrative, l'obligation de payer des cotisations dépend, notamment, de la qualification du revenu touché dans un certain laps de temps; il faut se demander si cette rétribution est due pour une activité indépendante ou pour une activité salariée (art. 5 et 9 LAVS, art. 6 ss du règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 [RAVS - RS 831.101]).

Le salaire déterminant comprend toute rétribution pour un travail dépendant effectué dans un temps déterminé ou indéterminé (art. 5 al. 2 LAVS). Le revenu provenant d'une activité indépendante comprend tout revenu du travail autre que la rémunération pour un travail accompli dans une situation dépendante (art. 9 al. 1 LAVS). Selon l'art. 7 let. h RAVS, le salaire déterminant pour le calcul des cotisations comprend notamment les tantièmes, les indemnités fixes et les jetons de présence des membres de l'administration et des organes dirigeants des personnes morales.

Lorsque des honoraires sont versés par une société anonyme à un membre du conseil d'administration, il est présumé qu'ils lui sont versés en sa qualité d'organe d'une personne morale et qu'ils doivent être, par conséquent, considérés comme salaire déterminant réputé provenir d'une activité salariée (RCC 1983 p. 22 consid. 2). C'est le cas même si les indemnités sont proportionnelles à l'activité et à l'état des affaires (RCC 1952 p. 272). Cette présomption peut être renversée en établissant que les honoraires versés ne font pas partie du salaire déterminant; c'est le cas lorsque les indemnités n'ont aucune relation directe avec le mandat de membre du conseil d'administration mais qu'elles sont payées pour l'exécution d'une tâche que l'administrateur aurait assumée même sans appartenir au conseil d'administration (arrêt du Tribunal fédéral 9C_727/2014 du 23 mars 2015 consid. 4.1 et la référence citée).

L'art. 17 RAVS précise qu'est réputé revenu provenant d’une activité lucrative indépendante au sens de l’art. 9, al. 1, LAVS, tout revenu acquis dans une situation indépendante provenant de l’exploitation d’une entreprise commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou sylvicole, de l’exercice d’une profession libérale ou de toute autre activité, y compris les bénéfices en capital et les bénéfices réalisés lors du transfert d’éléments de fortune au sens de l’art. 18, al. 2, LIFD, et les bénéfices provenant de l’aliénation d’immeubles agricoles ou sylvicoles conformément à l’art. 18, al. 4, LIFD, à l’exception des revenus provenant de participations déclarées comme fortune commerciale selon l’art. 18, al. 2, LIFD.

b) Le point de savoir si l'on a affaire, dans un cas donné, à une activité indépendante ou salariée ne doit pas être tranché d'après la nature juridique du rapport contractuel entre les partenaires. Ce qui est déterminant, bien plutôt, ce sont les circonstances économiques (ATF 140 V 241 consid. 4.2 et les références). Les rapports de droit civil peuvent certes fournir, éventuellement, quelques indices, mais ils ne sont pas déterminants. D'une manière générale, est réputé salarié celui qui dépend d'un employeur quant à l'organisation du travail et du point de vue de l'économie de l'entreprise, et ne supporte pas le risque encouru par l'entrepreneur (ATF 123 V 161 consid. 1; arrêt du Tribunal fédéral 9C_460/2015 du 18 novembre 2015 consid. 3.2). Ces principes ne conduisent cependant pas, à eux seuls, à des solutions uniformes, applicables schématiquement. Les manifestations de la vie économique revêtent en effet des formes si diverses qu'il faut décider dans chaque cas particulier si l'on est en présence d'une activité dépendante ou d'une activité indépendante en considérant toutes les circonstances de ce cas. Souvent, on trouvera des caractéristiques appartenant à ces deux genres d'activité; pour trancher la question, on se demandera quels éléments sont prédominants dans le cas considéré (ATF 140 V 108 consid. 6; ATF 123 V 161 consid. 1 et les références).

La notion de dépendance englobe les rapports créés par un contrat de travail, mais elle les déborde largement. Ce n'est pas la nature juridique, en droit des obligations, du lien établi entre les parties, mais l'ensemble des circonstances économiques de chaque cas qui est décisif (cf. arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 6/05 du 19 mai 2006 consid. 2.3). Les principaux éléments qui permettent de déterminer le lien de dépendance quant à l'organisation du travail et du point de vue de l'économie de l'entreprise sont le droit de l'employeur de donner des instructions, le rapport de subordination du travailleur à l'égard de celui-ci, ainsi que l'obligation de l'employé d'exécuter personnellement la tâche qui lui est confiée (RCC 1989 p. 111 consid. 5a; RCC 1986 p. 651 consid. 4c; RCC 1982 p. 178 consid. 2b). Un autre élément permettant de qualifier la rétribution compte tenu du lien de dépendance de celui qui la perçoit est le fait qu'il s'agit d'une collaboration régulière, autrement dit que l'employé est régulièrement tenu de fournir ses prestations au même employeur (ATF 110 V 72 consid. 4b). En outre, la possibilité pour le travailleur d'organiser son horaire de travail ne signifie pas nécessairement qu'il s'agit d'une activité indépendante (ATF 122 V 169 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 9C_460/2015, op. cit. consid. 3.2 et les références).

Le risque économique d'entrepreneur peut être défini comme étant celui que court la personne qui doit compter, en raison d'évaluations ou de comportements professionnels inadéquats, avec des pertes de la substance économique de l'entreprise. Constituent notamment des indices révélant l'existence d'un tel risque le fait que la personne concernée opère des investissements importants, subit les pertes, supporte le risque d'encaissement et de ducroire, assume les frais généraux, agit en son propre nom et pour son propre compte, se procure lui-même les mandats, occupe du personnel et utilise ses propres locaux commerciaux (arrêts du Tribunal fédéral 9C_624/2011 du 25 septembre 2012 consid. 2.2, 9C_1062/2010 du 5 juillet 2011 consid. 7.3 et les références; voir aussi ATF 119 V 161 consid. 3b). Le risque économique de l'entrepreneur n'est cependant pas à lui seul déterminant pour juger du caractère dépendant ou indépendant d'une activité. La nature et l'étendue de la dépendance économique et organisationnelle à l'égard du mandant ou de l'employeur peuvent singulièrement parler en faveur d'une activité dépendante dans les situations dans lesquelles l'activité en question n'exige pas, de par sa nature, des investissements importants ou de faire appel à du personnel. En pareilles circonstances, il convient d'accorder moins d'importance au critère du risque économique de l'entrepreneur et davantage à celui de l'indépendance économique et organisationnelle (arrêt du Tribunal fédéral 9C_460/2015, op. cit., consid. 3.4 et les références).

Les tâcherons et sous-traitants sont réputés exercer une activité dépendante, mais ce principe souffre toutefois des exceptions. Leur activité ne peut être qualifiée d’indépendante que lorsque les caractéristiques de la libre entreprise dominent manifestement et que l’on peut admettre, d’après les circonstances, que l’intéressé traite sur un pied d’égalité avec l’entrepreneur qui lui a confié le travail (ATF 114 V 65 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 169/04 du 21 avril 2005 consid. 4.4).

6.        a) Dans le domaine des assurances sociales notamment, la procédure est régie par le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par l'assureur, qui prend les mesures d'instruction nécessaires et recueille les renseignements dont il a besoin (cf. art. 43 al. 1 LPGA). Le devoir d'instruction s'étend jusqu'à ce que les faits nécessaires à l'examen des prétentions en cause soient suffisamment élucidés (arrêt du Tribunal fédéral 8C_364/2007 du 19 novembre 2007 consid. 3.2). Sont pertinents tous les faits dont l'existence peut influencer d'une manière ou d'une autre le jugement relatif à la prétention litigieuse. (VSI 1994 p. 220 consid. 4a). Conformément au principe inquisitoire, il appartient en premier chef à l'administration de déterminer, en fonction de l'état de fait à élucider, quels sont les mesures d'instruction qu'il convient de mettre en œuvre dans un cas d'espèce donné. Elle dispose à cet égard d'une grande liberté d'appréciation. Si elle estime que l'état de fait déterminant n'est pas suffisamment établi, ou qu'il existe des doutes sérieux quant à la valeur probante des éléments recueillis, l'administration doit mettre en œuvre les mesures nécessaires au complément de l'instruction (ATF 132 V 108 consid. 6.5). Elle est tenue d’éclaircir l’état de fait déterminant avant de rendre sa décision (ATF 132 V 368 consid. 4).

Mais le principe inquisitoire n'est pas absolu. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire. Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2 et les références).

b) Selon la jurisprudence et la doctrine, l'autorité administrative ou le juge ne doivent considérer un fait comme prouvé que lorsqu'ils sont convaincus de sa réalité (Kummer, Grundriss des Zivilprozessrechts, 4e éd., Berne 1984, p. 136; Gygi, Bundesverwaltungsrechtspflege, 2e éd., p. 278 ch. 5). Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références; cf. ATF 130 III 321 ss consid. 3.2 et 3.3). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

7.        La recourante fait grief à l’intimée d'avoir retenu que les montants qu’elle verse à l’avocat via son compte sous-traitant constituent un revenu provenant d'une activité lucrative dépendante qui doit être soumis aux cotisations sociales paritaires. Elle fait valoir que l’avocat est son administrateur et actionnaire unique et qu'ils ne sont liés par aucun contrat de travail. Comme son administrateur n'est soumis à aucun rapport de subordination et n'est pas dépendant d'elle sur le plan économique, elle en déduit qu'il exerce une activité indépendante et ne saurait être considéré comme un travailleur salarié.

Pour sa part, l’intimée considère que l’avocat est administrateur et avocat collaborant dans la société tout en continuant à exercer en parallèle une certaine activité d’avocat indépendant. Aux vu des instructions qu’il donne aux collaborateurs, il en est le supérieur hiérarchique, soit un salarié de la société s’agissant des revenus résultant des mandats gérés par celle-ci qui doivent être déclarés dans le cadre de la SA. Dans la décision litigieuse, elle estime impossible de maintenir une raison individuelle à côté d’une SA dont les buts sociaux sont identiques.

À titre préalable, il convient de rappeler que si l'assuré exerce simultanément plusieurs activités lucratives, selon la conception de la stricte distinction entre activité lucrative indépendante et salariée ancrée à l'art. 5 et 9 LAVS, il faut examiner pour chacune d'elles si le revenu en découlant provient d'une activité indépendante ou salariée, même si les travaux sont exécutés pour une seule et même entreprise (ATF 122 V 169 consid. 3b; ATF 119 V 161 consid. 3c; ATF 104 V 126 consid. 3b). En effet, la loi ne prévoit pas d'évaluation globale en fonction de la signification économique des différentes activités. Ainsi, un assuré peut être qualifié simultanément de personne exerçant une activité salariée pour un travail et indépendante pour la même entreprise ou pour un autre travail (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_219/2009 du 21 août 2009 consid. 4.4). Le fait qu'une personne tenue à cotisations soit déjà affiliée à une caisse de compensation en tant qu'indépendante n'a aucune signification pour la qualification juridique du revenu par l’AVS (ATF 119 V 161 consid. 3c). Inversement lorsqu’une personne est tenue de verser des cotisations pour une activité qualifiée de salariée, la qualification juridique de ce revenu du point de vue du droit des cotisations AVS ne constitue pas un précédent contraignant pour la qualification juridique d'une autre activité lucrative. Sont seuls réservés les aspects relatifs à la coordination dans le cas de personnes qui exercent la même activité lucrative pour différents employeurs ou mandants ou exercent différentes activités lucratives pour le même employeur ou mandant (ATF 119 V 161 consid 3b).

Au vu de ces précisions, il apparaît que la coexistence en parallèle d’une activité au sein d’une entreprise individuelle et d’une SA est possible et que l’affiliation de l’avocat en tant que raison individuelle ne préjuge pas de la qualification de son activité au sein de la SA.

8.        Pour que les rémunérations versées à l’avocat par la société du 15 juillet 2010 au 31 décembre 2012, via le compte sous-traitant, ne soient pas soumises à cotisations sociales auprès de la société, elles doivent avoir été perçues en raison d’une activité indépendante de l’avocat en tant que mandataire de la société.

Par conséquent, il convient de définir juridiquement le revenu perçu par l’avocat via le compte sous-traitant de la société.

En l’espèce, l’avocat a créé une étude d’avocats sous la forme d’une SA afin notamment de ne pas être responsable personnellement des dettes de l’étude. Dans cette SA, il détient toutes les actions nominatives et il est administrateur unique. À ce titre, il exerce la haute direction de la société, établit les instructions nécessaires, et fixe son organisation (art. 22 des statuts). La SA peut créer des succursales, ainsi que mettre à disposition des locaux, du personnel et des infrastructures (art. 3 des statuts). Chaque actionnaire a droit à une part du bénéfice résultant du bilan en proportion des versements opérés au capital-actions. Les actionnaires ne sont tenus que des prestations statutaires et ne répondent pas personnellement des dettes sociales (art. 7). Selon les déclarations de l’avocat lors de son audition par la chambre de céans, la société gère ses locaux et le personnel, respectivement elle paie les loyers et les salaires des collaborateurs ainsi que du secrétariat. Les services ne sont rendus que pour le tiers mandant, à savoir lui-même. La clientèle est la sienne mais ensuite elle est traitée par la SA. Les clients signent une procuration en sa faveur et ensuite il délègue le traitement du dossier à la SA. Les clients paient leurs honoraires sur le compte de la société. La société n’a pas pour vocation de faire de bénéfice. Toutefois, s’il y a un bénéfice, il est reversé à l’avocat. La société lui verse en cours d’année des avances sur le résultat final. La RC relative à l’activité d’avocat est au nom de la société.

D’après la convention de fiducie du 15 juillet 2010 conclue entre l’avocat (le fiduciant) et la société (le fiduciaire) et signée pour les deux co-contractants par lui-même, la société n’a aucune clientèle et a pour but de traiter celle de l’avocat (préambule). Le fiduciant charge le fiduciaire de traiter en son nom, pour le compte et risque exclusif du fiduciant, la clientèle et les mandats de ce dernier. Le fiduciant reste seul et exclusif propriétaire de ses clients et de ceux de la société (art. 1). Dans ce cadre, le fiduciaire n’agit que sur instructions du fiduciant. À l’égard des tiers, le fiduciaire interviendra en son propre nom et exclusivement pour le compte du fiduciant et aux risques et périls de celui-ci. De ce fait tous les risques et conséquences liés à l’opération faisant l’objet du présent contrat sont à la charge exclusive du fiduciant ou de ses ayants droit (art. 2).

En l’occurrence, la chambre de céans relève des contradictions tant dans la convention de fiducie qu’entre le statut juridique de la société prévu par les statuts et celui instauré par la convention de fiducie. Tout d’abord, la convention de fiducie prévoit en même temps que la société n’a aucune clientèle (préambule) et que le fiduciant est seul propriétaire de ses clients et de ceux de la société (art. 1). Par conséquent, il semble que la société puisse avoir des clients autres que ceux de l’avocat. En outre, selon les statuts de la société, les actionnaires ne répondent pas personnellement des dettes sociales (art. 7), alors que selon la convention de fiducie tous les risques sont à la charge exclusive de l’avocat (art. 2) et d’après les déclarations de l’avocat, la RC d’avocat est au nom de la société. Par conséquent, la RC d’avocat au nom de la société est en contradiction avec la convention de fiducie qui prévoit une responsabilité exclusive du fiduciant, respectivement avec la réduction de responsabilité qui est recherchée par la constitution d’une SA d’avocats.

Selon l’art. 12 de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 23 juin 2000 (LLCA - RS 935.61), l’avocat est soumis notamment aux règles suivantes : il exerce son activité professionnelle en toute indépendance, en son nom personnel et sous sa propre responsabilité (let. b), il doit être au bénéfice d'une assurance responsabilité civile professionnelle offrant une couverture adaptée à la nature et à l'étendue des risques liés à son activité; la somme couvrant les événements dommageables pour une année doit s'élever au minimum à un million de francs; des sûretés équivalentes peuvent remplacer l'assurance responsabilité civile (let. f).

S’agissant des SA d’avocats, dans un arrêt de principe (ATF 138 II 140ss traduit au JdT 2013 I 103ss), le Tribunal fédéral a précisé que l’art. 12 let. b LLCA selon lequel l’avocat exerce son activité « en son nom personnel » ne vise pas le rapport contractuel avec le client, mais seulement le statut professionnel de l’avocat exécutant le mandat. Celui-ci agit en son nom personnel, même s’il se trouve dans une relation d’emploi, en tant qu’il exécute le mandat sous sa propre responsabilité professionnelle et doit lui-même respecter les règles professionnelles spécifiques. Il en conclut que l’art. 12 let. b LLCA n’empêche pas l’attribution de mandats à des sociétés d’avocats avec personnalité (consid. 19). Pour les mêmes motifs, l’art. 12 let. b LLCA exigeant que l’avocat exerce sous sa propre responsabilité n’exclut pas qu’une étude d’avocats soit constituée en société avec personnalité car cette règle ne se rapporte qu’à la responsabilité de respecter les règles professionnelles. Elle n’exige pas une responsabilité personnelle de l’avocat sur le plan civil. L’obligation professionnelle de souscrire une assurance responsabilité civile montre que le législateur attache plus d’importance à la garantie d’une capacité de dédommagement suffisante qu’à la responsabilité personnelle illimitée de l’avocat, le risque de faillite étant réduit par la souscription d’une telle assurance. Le Tribunal fédéral en déduit que la réduction de responsabilité qui est sans doute recherchée lors du choix de constituer une société avec personnalité n’est pas de nature à amenuiser le sens des responsabilités des avocats (consid. 20). En définitive, les devoirs de l’avocat n’excluent pas qu’un avocat soit l’employé d’une personne morale entièrement dominée par des avocats inscrits au registre des avocats (consid. 17 et 21).

En l’occurrence, la recourante facture ses activités aux clients, ce qui semble indiquer que l’avocat ne supporte pas le risque économique de l’indépendant. Selon le contrat de fiducie, la recourante agit en son propre nom et pour le compte de l’avocat ce qui semble également confirmer l’absence de risque économique de l’entrepreneur, l’avocat n’agissant pas en son propre nom. D’après les déclarations de l’avocat à la chambre de céans, les clients lui donnent procuration et il délègue le traitement du dossier à la société. Or, le dossier de l’intimée ne contient aucun modèle de procuration qui permette de vérifier la réalité de ces affirmations qui, si elles sont fondées, constituent un indice d’un risque économique de l’entrepreneur. Le dossier de l’intimée ne contient également aucune pièce permettant de déterminer si les honoraires versés par les clients à la recourante servent exclusivement à payer les charges de la société, à savoir notamment les salaires des collaborateurs, le loyer - pour autant que les locaux de l’étude ne soient pas la propriété de la société ou de l’avocat, question qui n’a pas été instruite jusqu’ici puisque notamment le dossier de l’intimée ne contient pas de copie de l’éventuel contrat de bail qui aurait permis d’identifier qui loue les locaux -, les équipements, les services téléphoniques et informatiques, la comptabilité, etc. Le dossier de l’intimée ne contient également aucune pièce permettant de déterminer si une partie desdits honoraires est ristournée à l’avocat pour son travail - auquel cas il serait employé de la recourante - ou à titre de participation au bénéfice de la société bien que l’avocat affirme que celle-ci n’a pas vocation de faire du bénéfice. Au demeurant cette affirmation doit être tempérée par l’art. 3 des statuts qui prévoit que la société peut créer des succursales, ainsi que mettre à disposition des locaux, du personnel et des infrastructures, ce qui sous-entend qu’elle a un but commercial. Le dossier de l’intimée ne contient également aucune pièce permettant d’établir si l’avocat reçoit de la société une rémunération pour son activité d’administrateur ou de directeur, même si celui-ci le dément. Il manque également les contrats de travail des employés permettant de comprendre qui les a engagés, à savoir la société ou l’avocat, et au nom de qui.

Étant donné qu’il existe des éléments allant tant dans le sens d’une activité indépendante de l’avocat que dans celui d’une activité salariée, faute de ces divers éléments, la chambre de céans n’est pas en mesure d’établir si la rémunération versée par la société à l’avocat provient d’une activité salariée ou indépendante, respectivement si les cotisations sociales relatives auxdites rétributions doivent être prélevées par la société ou être facturées à l’avocat.

9.        En vertu de l'art. 43 al. 1 LPGA, l'assureur examine les demandes, prend d'office les mesures d'instruction nécessaires et recueille les renseignements dont il a besoin (principe inquisitoire; voir ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Or, l’intimée n’a procédé en cours de procédure à aucune mesure d'instruction malgré la remise par la recourante de la convention de fiducie dans le cadre de la procédure d’opposition qui devait jeter un doute sur l’activité salariée de l’avocat et amener la recourante à instruire le statut de l’avocat. Pour ces raisons, il convient d’annuler la décision sur opposition et de retourner le dossier à l’intimée afin qu'elle complète son dossier au sens de ce qui précède.

La chambre de céans relève encore que la convention de fiducie conclue par l’avocat avec la recourante, respectivement son administrateur, c’est-à-dire lui-même, pose un certain nombre de questions. En effet, si la création de la société apparaît légitime pour exclure la responsabilité de l’avocat sur ses biens personnels et pour assurer la pérennité de l’étude en cas de changements d’associés, en revanche, la conclusion de la convention de fiducie apparaît insolite dans la mesure où elle semble exclure l’avocat de l’activité juridique de la société et en faire un mandataire. Or, selon la jurisprudence (VSI 2/1998 p. 105 consid 5a), les organes de l’AVS, à l’instar des autorités fiscales, ne sont pas tenus de se considérer comme forcément liés par la forme de droit civil sous laquelle les faits apparaissent. Cette règle est valable notamment lorsqu’il y a volonté d’éluder le paiement des cotisations.

Il faut admettre l’existence d’une telle volonté lorsque :

– les intéressés ont choisi une construction juridique insolite ou incompatible avec la situation réelle, et en tout cas sans aucun rapport avec les données économiques du cas particulier;

– il apparaît que ce choix est abusif et a été fait uniquement pour alléger la charge des cotisations qui seraient dues normalement;

– le procédé choisi conduirait effectivement à une diminution notable de la dette de cotisations s’il était admis par les organes de l’AVS.

Lorsque ces trois conditions sont réunies, il faut décider comme si la tentative d’éluder (l’obligation de cotiser) n’avait pas eu lieu et fonder l’obligation de payer des cotisations sur la règle qui aurait correspondu, normalement, au but économique visé par le cotisant (ATF 113 V 95 et les références citées = RCC 1987 p. 604). Une telle volonté d’éluder le paiement des cotisations a notamment été retenue dans le cas d’une société en nom collectif ayant pour unique fonction de transformer les salaires des deux associés travaillant dans une autre entreprise en revenu d’une activité indépendante (VSI 2/1998 p. 105ss) ou lors de paiements qualifiés de « prélèvements privés » en faveur d’un administrateur unique et ne figurant pas comme salaires dans la comptabilité (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 20/00 du 21 décembre 1999 consid. 4).

Par conséquent, dans le cadre de l’instruction complémentaire que l’intimée sera amenée à accomplir, elle devra également instruire la question de savoir si la convention de fiducie n’a pas pour but d’éluder le paiement de cotisations sociales sur les contributions versées par la recourante à l’avocat.

10.    Au vu de ce qui précède, le recours sera admis et la décision sur opposition du 9 avril 2015 annulée. La recourante étant représentée par un avocat et obtenant gain de cause, une indemnité de CHF 2’000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet et annule la décision sur opposition du 9 avril 2015 au sens des considérants.

3.        Renvoie le dossier à l’intimée pour instruction complémentaire au sens des considérants, puis nouvelle décision.

4.        Condamne l’intimée à verser à la recourante un montant de CHF 2'000.- à titre de dépens.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Juliana BALDÉ

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le