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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1530/2015

ATAS/372/2016 du 12.05.2016 ( LAA ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1530/2015 ATAS/372/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 12 mai 2016

3ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à VÉSENAZ, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Marc MATHEY-DORET

recourant

 

contre

SWICA ASSURANCES SA, sise Römerstrasse 37, WINTERTHUR

 

 

intimée

 


 

 

EN FAIT

 

1.        Monsieur A______ (ci-après l'assuré), né en 1968, travaille depuis 2005 en tant qu'animateur culturel à 90% pour la Fondation genevoise B_____(ci-après l'employeur) et est à ce titre assuré contre le risque d’accidents, professionnels ou non, auprès de Swica assurances SA (ci-après l'assureur).

2.        Le 20 février 2011, l'assuré a été victime d'un accident à ski, avec pour conséquences une luxation acromio-claviculaire droite, une fracture cervicale de C6, une fracture de l'apophyse épineuse de D3, une fracture du corps du sternum et une contusion costale droite (cf. rapport du docteur C______ du 25 février 2011, médecin interne aux Hôpitaux universitaires de Genève [HUG]).

3.        L'assuré a été en incapacité de travail totale.

4.        L'assureur a pris en charge les suites de l'accident.

5.        Du 22 février au 17 mars 2011, l’assuré a été hospitalisé à l'unité de médecine physique et réadaptation orthopédique des HUG.

Selon le rapport établi le 16 mars 2011 par la doctoresse D______, spécialiste FMH en médecine physique et réadaptation, l'assuré avait chuté d'environ deux mètres de hauteur, sans traumatisme crânien, ni perte de connaissance. Sur le plan neurologique, l'assuré présentait toujours à sa sortie une légère paresthésie au niveau du pouce droit sans douleur, ainsi qu'une diminution de la force de préhension globale de la main droite par rapport à la gauche. Son épaule droite était encore légèrement douloureuse à la mobilisation.

Un examen électroneuromyographique (ENMG) du membre supérieur était programmé et un contrôle radiographique cervical devait être réalisé afin d'évaluer si l'assuré pouvait retirer sa minerve.

6.        Le 22 mars 2011, le docteur E______, spécialiste FMH en neurologie, a constaté que l'ENMG des membres supérieurs était dans la norme. Il n'y avait aucun argument pour une origine locale ou cervicale aux fourmillements ressentis par l’assuré au pouce droit. Ceci n'excluait pour autant pas la possibilité d'une radiculopathie C6 droite purement irritative. Il convenait de procéder à une imagerie par résonnance magnétique (IRM) pour s'assurer de l'absence de compression de la racine C6 droite.

7.        Le 4 avril 2011, le docteur F______, spécialiste FMH en médecine physique et réadaptation aux HUG, a relevé qu'au niveau de l'épaule, l'assuré avait quasiment récupéré ses amplitudes. Pour sa nuque, il portait toujours une minerve rigide. Le patient se plaignait de paresthésies de la face dorsale du pouce droit, avec un manque de force de serrage et de céphalées, de troubles de la concentration et de troubles de l'attention. Un examen neuropsychologique était prévu. S'agissant de la fracture de C6, un scanner et une IRM devaient être pratiqués afin de s'assurer de l'absence d'une atteinte. L’ENMG ne montrait pas d'atteinte périphérique.

8.        Le 6 avril 2011, le docteur G______, spécialiste FMH en neurochirurgie aux HUG, a indiqué que l'accident avait notamment entraîné une fracture cervicale de l'apophyse articulaire de C6 à droite et de l'apophyse épineuse de D3. L'assuré portait une minerve cervicale et se plaignait toujours de paresthésies au niveau du pouce à droite. A l'examen clinique, on retrouvait une minime parésie de la préhension de la main droite.

9.        Par rapport du 19 mai 2011, le docteur H______, spécialiste FMH en radiologie, a conclu, suite au scanner de la colonne cervicale et dorsale de l'assuré, à la consolidation partielle des fractures de l'articulaire supérieur de C6, des apophyses épineuses de D3 et D4 et du condyle occipital droit. Il a noté un aspect irrégulier de l'articulaire supérieur de C6 à droite en rapport avec une séquelle de fracture connue et une discrète subluxation antérieure, l’absence d'anomalie de l'articulation interapophysaire postérieure C5-C6, un aspect stable de l'uncarthrose marquée au niveau C5-C6 à droite et la stabilité du petit fragment osseux détaché du bord interne du condyle occipital interne droit sans atteinte de la surface articulaire en rapport avec une ancienne fracture.

10.    Le 19 juin 2011, le Dr G______ a constaté qu'à trois mois de l'accident, l'assuré décrivait des paresthésies au niveau du pouce droit stables par rapport à la dernière consultation. Il se plaignait également de cervicalgies associées à des dorsalgies et de céphalées de type tensionnel.

Au status neurologique, il existait une parésie de grade M4+ de l'appréhension de la main droite. Le scanner montrait une bonne consolidation de la fracture de l'apophyse articulaire C6 à droite. Le médecin proposait le retrait de la minerve et la mise en place d'une collerette mousse. Au vu de la persistance des paresthésies, une IRM et des radiographies fonctionnelles étaient prévues.

11.    Le 4 juillet 2011, une IRM cervicale a été effectuée. Le docteur I______, spécialiste FMH en radiologie, a constaté la présence d'un discret œdème résiduel de la moelle osseuse du massif articulaire postérieur de C6 à droite, compatible avec la fracture connue, l'absence d'autre lésion osseuse traumatique décelable, une importante altération dégénérative des disques intersomatiques, plus évidente aux niveaux C3-C4, C5-C6 et C6-C7, la présence d'une hernie discale postérieure paramédiane droite au niveau C3-C4, responsable d'une importante diminution de la taille du canal latéral droit, le canal gauche montrait un aspect presque normal, l'absence d'anomalie des canaux au niveau C4-C5, une saillie disco-ostéophytaire postérieure C5-C6, associée à une importante diminution de la taille du canal latéral droit et, moins évidente à gauche, à l'étage C6-C7, une très importante saillie disco-ostéophytaire intra-canalaire gauche, avec sténose majeure du canal latéral, le canal droit étant normal et, enfin, la présence d'une sténose secondaire du canal rachidien cervical, secondaire aux altérations dégénératives décrites. La sténose se retrouvait au niveau des disques C3-C4, C5-C6 et C6-C7, néanmoins le cordon médullaire ne montrait pas de signe de myélopathie cervicale significative. Enfin, le médecin a relevé l'absence d'altération importante au niveau des articulations interapophysaires, hormis une irrégularité de l'articulation C5-C6 droite secondaire à la fracture connue.

12.    Le 2 août 2011, le docteur J______, spécialiste FMH en neurochirurgie auprès des HUG, a rappelé que la chute avait notamment occasionné une fracture du massif articulaire C6 à droite.

Le scanner de mai 2011 montrait une très bonne consolidation de la fracture, mais au vu des cervicalgies persistantes et chroniques associées à une cervicobrachialgie minime en territoire C6 à droite, une IRM avait été effectuée en juillet 2011, qui avait montré des troubles dégénératifs multi-étagés, avec hernie discale prédominant à droite en C3-C4, débord discal en C5-C6 et hernie discale à gauche en C6-C7. Il y avait également un œdème des plateaux, avec un disque assez dégénératif en C5-C6 au niveau de la fracture de l'hypophyse articulaire C6 droite.

À l'examen clinique, l'assuré souffrait effectivement de douleurs cervicales très importantes à la palpation, la mobilité de la nuque était quasi inexistante et il y avait déficit de la sensibilité sur le pouce à droite. Les réflexes bicipitaux et tricipitaux étaient très faibles et symétriques.

L'assuré souffrait donc essentiellement d'une cervicalgie importante à la suite de l'accident et était sous dose importante d’antalgiques. Le médecin proposait des infiltrations dans le massif articulaire C5-C6 des deux côtés.

13.    Le 21 septembre 2011, le docteur K______, médecin traitant, a relevé un état anxieux important lié à l'évolution très lente des suites de l'accident, compliqué d'un état dépressif grave.

14.    Du 17 août au 7 septembre 2011, l'assuré a séjourné à la clinique genevoise de Montana. Le 28 septembre 2011, le docteur L______, chef de clinique, a diagnostiqué un trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère (F33.2).

15.    Les 19 et 26 septembre 2011, l'assuré a subi deux infiltrations dirigées sur les segments C5-C6 et C6-C7, sans aucune amélioration.

16.    Dans un rapport adressé le 1er décembre 2011 au docteur M______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et médecin-répondant de l’assureur, la doctoresse N______, spécialiste FMH en prévention et santé publique et médecin traitant, a relevé que son patient souffrait de raideur et de douleurs cervicales invalidantes depuis l'accident. Il était limité dans les gestes courants de la vie et les neurochirurgiens n'avaient pas pu préciser le pronostic fonctionnel. La capacité de travail était nulle, car les symptômes étaient encore très présents, bien qu'en amélioration.

17.    Le 11 janvier 2012, le Dr J______ a indiqué que l'assuré souffrait surtout de cervicalgies diffuses et, de temps à autre, de quelques picotements dans le pouce de la main droite. L'IRM du 5 décembre 2011 avait montré des discopathies multi-étagées en C5-C6 et C6-C7, mais sans empreinte sur le cordon médullaire. Les radiographies en flexion-extension ne montraient pas d'instabilité au niveau C5-C6. L'assuré avait déjà subi des infiltrations, sans résultat.

18.    A compter du 23 janvier 2012, l'assuré a été en incapacité de travail à 50%. Il devait éviter les mouvements brusques, les activités sportives et les contacts physiques brutaux.

19.    À la demande de l’assureur, les docteurs O______, chirurgien en orthopédie et traumatologie de l'appareil locomoteur, P______, neurochirurgien et Q______, psychiatre auprès de la clinique Corela, ont examiné l’assuré les 12, 13 décembre 2011 et le 9 janvier 2012.

Dans leur rapport du 16 mars 2012, les experts ont retenu, s’agissant de la luxation acromio-claviculaire droite de stade II, que le statu quo sine avait été atteint le 20 mai 2011. S’agissant de la fracture du corps du sternum et de la 10ème côte droite et hémothorax, la rémission remontait au 20 juin 2011. Quant à la fracture des apophyses épineuses de D3 et D4, il n’y avait plus de symptôme depuis le 20 septembre 2011, mais théoriquement, la guérison était habituellement obtenue au bout de deux mois, soit dès le 20 avril 2011.

La fracture de l’apophyse articulaire supérieure droite de C6 était en lien de causalité certaine avec l’accident, en cours de rémission : l’IRM du 4 juillet 2011 démontrait qu’il n’y avait pas de signes d’un défaut de consolidation ; il n'existait plus aucune limitation au jour de l'expertise et la capacité de travail était entière sans baisse de rendement dès le 4 juillet 2011.

Les plaintes persistantes au niveau du rachis cervical étaient à mettre en lien avec un état dégénératif asymptomatique préexistant révélé par le traumatisme. La consolidation incomplète de la fracture constatée en mai 2011 pouvait entretenir des douleurs cervicales. Ainsi, du point de vue de la pathologie dégénérative, il était logique de retenir le statu quo sine à partir du moment de la consolidation de la fracture de l'articulaire supérieure de C6 car une inflammation ou une limitation dans le cadre d'une fracture consolidée de manière incomplète pouvait entretenir des douleurs rachidiennes. L’IRM du 4 juillet 2011 montrait l'absence de défaut de consolidation.

Le Dr P______ a expliqué n’avoir pas eu accès aux résultats du bilan radiologique fonctionnel du rachis cervical. Or, il était impératif de les obtenir : si aucun signe radiologique d'instabilité rachidienne n’était mis en évidence, le statu quo sine devrait être fixé au 4 juillet 2011 et les plaintes algiques résiduelles au niveau du rachis cervical seraient en relation avec la pathologie dégénérative.

Enfin, l’épisode dépressif sévère sans symptôme psychotique (F32.2) était sans lien de causalité au moins vraisemblable avec l’événement assuré et sans incidence sur la capacité de travail.

20.    Le 28 mars 2012, le docteur R______, spécialiste FMH en radiologie, a indiqué que l'assuré souffrait toujours de cervicalgies importantes. Les deux séances d'infiltration n'ayant apporté aucune amélioration, il préconisait une chirurgie conventionnelle ou une désensibilisation par sclérothérapie des disques.

21.    Le 9 mai 2012, le Dr P______ a précisé que les clichés dynamiques en flexion-extension forcée du 4 avril 2012 confirmaient la modification dégénérative multi-étagée, principalement au niveau C3-C4, C5-C6 et C6-C7. Aucun signe d'instabilité rachidienne n’était objectivé, particulièrement au niveau de C5-C6. Les plaintes algiques résiduelles au niveau du rachis cervical n'étaient donc pas en relation de causalité naturelle avec l'événement du 20 février 2011, mais avec la pathologie dégénérative préexistante révélée lors des premiers examens.

22.    Par décision du 6 juin 2012, l'assureur a mis fin au versement de ses prestations avec effet au 30 avril 2012 en se référant aux conclusions des experts.

Sur cette base, il a considéré que le statu quo sine avait été atteint le 20 mai 2011 pour la luxation acromio-claviculaire droite, le 20 juin 2011 pour la fracture du corps du sternum et la fracture de la 10ème côté à droite et le 20 septembre 2011 pour les fractures D3 et D4.

S'agissant de la fracture articulaire supérieure droite de C6, l'absence de défaut de consolidation avait été démontrée par l'IRM du 4 juillet 2011 et les examens radiologiques n'avaient pas révélé d'instabilité rachidienne, de sorte que le statu quo sine pouvait être fixé à cette même date. Les plaintes persistantes au niveau du rachis cervical étaient à mettre en lien avec un état dégénératif asymptomatique préexistant révélé par le traumatisme, soit une cervicarthrose multi-étagée, avec discopathie protrusive au niveau C3-C4 à maxima droite, C5-C6 des deux côtés et C6-C7 avec un composant herniaire surtout à gauche.

Ainsi, l'assuré n'avait théoriquement plus droit aux prestations depuis le 20 septembre 2011 au plus tard. Toutefois, l'assureur ne mettait fin aux prestations qu’avec effet au 30 avril 2012.

23.    Le 5 juillet 2012, l'assuré a contesté que le statu quo sine soit atteint, en particulier s’agissant de la fracture cervicale C6.

Il a produit un rapport du 15 juin 2012 du docteur S______, spécialiste FMH en neurochirurgie, indiquant que malgré une évolution a priori favorable des fractures, l’assuré souffrait toujours de douleurs cervicales invalidantes qui irradiaient dans la région occipitale et inter-scapulaire mais également vers l’épaule et tout le membre supérieur, jusque vers le pouce à droite.

Il était relaté que l’assuré disait avoir souffert dès l’accident de paresthésies du pouce droit qui s’étaient progressivement étendues pour remonter jusque vers l’épaule. Il n’avait jamais pu reprendre complètement son activité d’éducateur à plus de 50% depuis.

Une infiltration en C5-C6 le 26 septembre 2011 n’avait amené aucune amélioration.

L'assuré présentait des protrusions discales étagées. Après un examen clinique, le médecin a rappelé les conclusions des radiographies des 21 février et 4 juillet 2011 et conclu que l’atteinte radiculaire C6 droite était certainement post-traumatique, par contusion de la racine lors de l’accident qui avait causé une fracture de la facette articulaire à ce même niveau. Cela était corroboré par le fait que l’infiltration locale n’avait pas amené de soulagement ; les protrusions discales n’étaient certainement pas responsables de la symptomatologie et étaient sans lien avec l’accident.

24.    Le 29 octobre 2012, le Dr P______ a estimé que le rapport du Dr S______ ne lui permettait pas modifier ses précédentes conclusions.

Concernant le rôle d'une contusion radiculaire C6 droite et des cervicalgies, le Dr P______ a rappelé que si des cervicalgies étaient apparues suite à la fracture de l'articulation de C6 et jusqu'à la stabilisation, elles avaient toutefois disparu au moment de l'expertise. Ces douleurs et la raideur devaient donc être attribuées à la pathologie cervicale dégénérative multi-étagée, caractérisées par les protrusions.

Concernant le rôle d'une contusion radiculaire C6 droite et les paresthésies dans le territoire de C6, le médecin a admis que la fracture de l'articulation C6 avait pu entrainer une atteinte nerveuse résiduelle sous forme d'hypoesthésie et de paresthésies avec fourmillements au niveau du territoire du pouce et de la face externe de l'index droits. L’hypoesthésie et les paresthésies pouvaient être admises, mais, minimes, ne justifiaient ni traitement, ni atteinte à l’intégrité.

Une atteinte radiculaire C6 droite ne pouvant être retenue, la poursuite d'un arrêt de travail à 50% ne se justifiait donc pas.

Le médecin a maintenu qu’à la date de son expertise, la capacité de travail de l’assuré était entière et que le statu quo sine avait été atteint le 4 juillet 2011, date à laquelle la consolidation de la fracture avait été mise en évidence.

25.    Le 7 janvier 2013, l'assuré a sollicité la mise en œuvre d'une nouvelle expertise.

26.    Le 25 janvier 2013, l'assureur, constatant qu’il était en présence d’avis médicaux spécialisés contradictoires, a accepté de procéder à un nouvel examen neurochirurgical et proposé le nom d’un spécialiste ainsi qu’une liste de questions à lui poser.

27.    S’en est suivi un échange de correspondances entre les parties quant au choix de l'expert et aux questions à lui poser.

28.    Le 8 novembre 2013, le Dr S______ a procédé à une intervention chirurgicale en C5-C6.

29.    Par arrêt du 20 février 2014, la chambre de céans a donné acte à l’assureur qu’il mandaterait le docteur T______, spécialiste FMH en neurochirurgie et qu'il lui transmettrait également les questions posées par l'assuré (ATAS/221/2014).

30.    Le Dr T______ a rendu son rapport en date du 3 avril 2014, après avoir examiné l’assuré.

Il a conclu à une contusion de la racine C6 droite post-traumatique, secondaire à une fracture de la facette articulaire à ce même niveau directement causée par l’accident de ski.

L’assuré se plaignait encore de cervicalgies, d’une raideur rachidienne avec des irradiations douloureuses postérieures bilatérales et de paresthésies du pouce droit. Il n’avait pas encore pu reprendre toutes ses activités, notamment sportives, au rythme antérieur.

L’expert a considéré que les plaintes de l’assuré n’étaient pas exagérées et s’expliquaient par les constatations objectives. L’assuré décrivait lui-même une amélioration, surtout depuis l’intervention chirurgicale.

Même si l’assuré ne signalait aucune plainte antérieure au niveau cervical, des lésions dégénératives discrètes étaient quasi systématiquement présentes chez des patients d’une quarantaine d’années ; on ne pouvait donc exclure qu’une discopathie ou discrète sténose foraminale ait été présente à certains niveaux du rachis cervical, mais en aucun cas la fracture du massif articulaire et la contusion de la racine ne pouvaient être secondaires à un état antérieur.

Selon l’expert, l’accident du 20 février 2011 était, de façon certaine, la seule et unique cause des troubles neurochirurgicaux actuels et il n’y avait pas de facteurs concomitants. La contusion de la racine C6 droite était directement liée à l’accident, elle ne serait probablement jamais survenue spontanément. À la question de savoir si l’accident avait entraîné une aggravation déterminante d’un état de santé préexistant, l’expert a répondu en soulignant l’absence d’état préexistant.

Le statu quo ante ne serait vraisemblablement jamais atteint. L’assuré était en phase de rémission, sans retour à l’état antérieur.

Suite à l’évolution favorable, les limitations fonctionnelles avaient considérablement diminué ; seuls le port de charges lourdes (plus de 20 kg ou souvent 10-15 kg) et les mouvements de porte-à-faux permanent de la région cervicale, voire les contacts physiques dans la région cervicale restaient limités.

S’agissant des traitements, l’essentiel ayant été réalisé, soit l’intervention du Dr S______ du 8 novembre 2013, ils consistaient désormais principalement en décontraction et physiothérapie d’entretien. L’état de santé final n’était pas encore atteint et l’assuré signalait toujours une amélioration depuis l’intervention de novembre 2013.

Afin d’obtenir une amélioration notable de l’état de santé, l’expert préconisait la poursuite de la physiothérapie, du renforcement musculaire global et la reprise progressive des activités sportives, selon l’autorisation du neurochirurgien.

S’agissant de la capacité de travail, avant l’opération, l’assuré avait déjà repris le travail à un taux d’occupation de 70%. Il était désormais dans une phase de convalescence secondaire à l’intervention du 8 novembre 2013. Généralement, un abord cervical antérieur avec discectomie plus cage et fusion requérait une convalescence de trois à quatre mois. Une reprise à 50% dès le 8 mars 2014, puis à 70% dès le 8 avril 2014 et à 90% dès le 8 mai 2014 était envisageable, avec un rendement de 90%. Des limitations persisteraient encore pendant quelques semaines, mais pas plus.

Vu l’excellente évolution observée, il ne devait pas exister d’atteinte séquellaire significative ; la séquelle la plus probable était la persistance d’une hypoesthésie dans une topographie radiculaire C6 droite, correspondant à une atteinte à l’intégrité évaluée entre 1% et 3%.

Enfin, l’expert a souligné une évolution globalement favorable avec, de manière indiscutable, un effet extrêmement positif de l’intervention du Dr S______.

L’expert a également répondu aux questions supplémentaires posées par l’assuré. Il a notamment indiqué que, sans l’accident, la contusion de la racine C6 droite et la fracture de l’apophyse articulaire de C6 droite ne seraient jamais survenues. L’état cervical dégénératif des discopathies multi-étagées avec hernie discale C3-C4, débord discal C5-C6 et hernie discale gauche C6-C7 était indépendant de l’accident, il s’agissait d’un état antérieur qui possiblement aurait pu se manifester de manière symptomatique, y compris sans l’accident du 20 février 2011. S’agissant des incapacités de travail, il résultait du dossier qu'en raison de l’accident, l'assuré avait été en incapacité totale pendant onze mois, à 50% pendant les trois mois suivants et à 30% depuis avril 2012, puis à nouveau à 100% depuis le 8 novembre 2013, en raison de l’intervention chirurgicale. L’expert a répété les taux progressifs de reprise d’activité et précisé qu’aucun facteur étranger à l'accident ne jouait de rôle dans la limitation de la capacité de travail de l’assuré.

31.    Les 7 avril et 2 septembre 2014, l’assuré a requis le versement des prestations et un complément d’expertise, puisque le Dr T______ avait émis un pronostic alors qu’il n’avait pas encore concrètement repris le travail.

32.    Le 11 septembre 2014, l’assureur a considéré que les rapports du Dr T______ contenaient des incohérences.

33.    Les 15, 25 septembre, 1er, 8 octobre et 7 novembre 2014, l’assuré a contesté cette position.

34.    Le 10 octobre 2014, l'assureur a indiqué avoir soumis les rapports du Dr T______ à un médecin-consultant, lequel avait relevé des incohérences au niveau de l'état antérieur et de la causalité naturelle. Ce médecin-consultant avait proposé qu'un médecin-expert fasse la synthèse des expertises et réponde aux questions.

35.    Consulté par l'assureur, le Dr M______ a émis l’avis, dans un rapport du 14 novembre 2014, qu’il résultait de l'IRM du 4 juillet 2011 que les atteintes et, partant, les compressions, étaient d'origine dégénérative, et que la fracture du massif articulaire supérieur de C6 était consolidée. Après avoir vu les clichés et les radiographies fonctionnelles, il rejoignait les conclusions du Dr P______ quant à un statu quo sine atteint le 4 juillet 2011. Les clichés dynamiques ne mettaient pas en évidence d'instabilité rachidienne au niveau de C5-C6. Par ailleurs, l'IRM du 4 juillet 2011 mettait en évidence une saillie disco-ostéophytaire postérieure C5-C6 associée à une importante diminution de la taille du canal latéral droit, de type dégénératif.

36.    Le 5 décembre 2014, l'assuré a reproché à l'assureur d'avoir sollicité unilatéralement le Dr M______ afin d'obtenir un avis favorable à sa position.

37.    Par décision sur opposition du 25 mars 2015, l'assureur a confirmé sa décision du 6 juin 2012. Selon lui, les avis des Drs P______ et M______ devaient se voir reconnaître pleine valeur probante et étaient propres à mettre en doute les conclusions du Dr T______. Par conséquent, c'était à bon droit qu’il avait mis fin aux prestations au 30 avril 2012.

38.    Par acte du 11 mai 2015, l’assuré a interjeté recours auprès de la Cour de céans en concluant, sous suite de frais et dépens, au versement des prestations au-delà du 30 avril 2012 et au renvoi de la cause à l’intimée pour complément d’instruction médicale et nouvelle décision.

Le recourant soutient que l’intimée n’a pas apporté la démonstration, au degré de la vraisemblance prépondérante, que la relation de causalité entre l’accident et ses troubles a cessé d’exister à la date du 30 avril 2012. Or, l’existence de cette relation de causalité a été dûment attestée par le Dr T______, expert mandaté conjointement par les parties, mais aussi par le Dr S______.

L’avis du Dr M______, succinct et ne discutant pas les avis divergents, ne vaut selon le recourant pas expertise et ne peut l’emporter sur les conclusions du Dr T______.

Par ailleurs, le recourant demande que le Dr T______ se détermine sur la question de savoir si, au moment du recours, son état de santé peut être considéré comme stabilisé, se prononce sur l’évolution de sa capacité de travail depuis avril 2014 et sur la question d’une éventuelle indemnité pour atteinte à l’intégrité (IPAI).

39.    Invitée à se déterminer, l’intimée, dans sa réponse du 15 juillet 2015, a conclu au rejet du recours en reprenant la teneur de sa décision sur opposition.

L’intimée considère que les rapports du Dr T______ ne peuvent se voir reconnaître de valeur probante en raison de l’absence d’anamnèse familiale et d’une anamnèse socioprofessionnelle trop succincte, de l’absence de mention des antécédents personnels et du fait que plusieurs diagnostics ont été retenus dans le rapport à l’attention du recourant, contre un seul dans le rapport adressé à l’intimée.

L’intimée fait par ailleurs grief à l’expert de ne pas s’être prononcé sur la relation de causalité entre chacun des diagnostics retenus et l’accident, de ne pas avoir expliqué pour quelles raisons il considère que les troubles découlent de l’accident, d’avoir nié la présence d’un état préexistant dans le rapport adressé à l’intimée tout en parlant d’un état antérieur dans celui transmis au recourant et d’avoir confondu les termes statu quo sine et statu quo ante.

40.    Par écriture du 19 août 2015, le recourant a fait valoir que le Dr T______ a attesté très clairement de l’existence d’une relation de causalité certaine entre l’accident et les troubles neurochirurgicaux, en particulier la contusion de la racine C6 droite. Selon lui, les griefs formulés à l’encontre de l’avis du Dr T______ sont dénués de pertinence et de fondement. Quant à la position de l’intimée, elle est manifestement contradictoire puisqu’elle prétend statuer sur la base d’avis antérieurs à l’expertise, dont elle a pourtant elle-même reconnu l’absence de caractère probant.

41.    Le 3 décembre 2015, la chambre de céans a adressé au Dr T______ une liste de questions, le rapport IRM du 4 juillet 2011 ainsi que l'avis du Dr M______ du 14 novembre 2014 en lui demandant de se déterminer.

42.    Par pli du 16 janvier 2016, le Dr T______ a notamment répondu que la fracture de l'apophyse articulaire C6 à droite était une fracture vertébrale, soit une lésion corporelle assimilée. Cette fracture avait évolué favorablement, puisque le scanner du 18 mai 2011 montrait une consolidation partielle et que le rapport du Dr J______ du 11 janvier 2012 évoquait des clichés réalisés le 4 avril 2012, où il n'existait pas d'instabilité.

Il avait retenu le diagnostic de contusion de la racine C6 droite post-traumatique en raison de la douleur irradiant dans une topographie radiculaire mais également face à la présence de paresthésies qui témoignaient d'une irritation radiculaire. La contusion de la racine C6 était secondaire à la fracture de la facette articulaire de C6 car celle-ci avait provoqué un conflit direct avec, lors du déplacement osseux et de la petite suffusion hémorragique y associée, une compression de la racine C6.

S'agissant de l'état antérieur, l'expert maintenait sa position que l'état cervical dégénératif et de discopathie C3-C4, C5-C6 et C6-C7 ainsi que la petite hernie discale à gauche en C6-C7 constituaient un état antérieur. La lésion C5-C6 radiculaire et du massif articulaire ne pouvait être considérée comme une aggravation de l'état de santé préexistant sur ce niveau puisqu'il n'y avait en C5-C6 ni atteinte radiculaire avant l'accident, ni fracture vertébrale. La contusion de la racine et la fracture du massif articulaire étaient, sans doute possible, à retenir en tant que cause unique des troubles neurochirurgicaux.

S'agissant du statu quo ante qui ne serait vraisemblablement jamais atteint, l'expert a relevé que le recourant gardait des douleurs cervicales et des paresthésies à hauteur du pouce droit qui étaient, de son avis, des séquelles durables, puisque plus de quatre ans s'étaient écoulés depuis l'accident et il était peu probable qu'une amélioration soit observée. Le statu quo ante n'était donc pas atteignable.

Enfin, l'expert n'était pas d'accord avec les conclusions du Dr M______ selon lesquelles l'accident ne jouerait plus de rôle depuis le 4 juillet 2011 s’agissant des troubles du rachis cervical. Selon l'expert, compte tenu de la démonstration claire d'une fracture articulaire et du résultat de l'IRM du 4 juillet 2011, qui montrait toujours un œdème sur le site de la fracture, il semblait un peu optimiste d'affirmer qu'en date du 4 juillet 2011 l'accident ne jouait plus de rôle. La durée de consolidation d'une fracture est en effet au minimum de six mois à un an.

43.    Par écriture du 27 janvier 2016, le recourant a persisté dans ses conclusions.

44.    Par écriture du 1er mars 2016, l’intimée a fait de même.

Elle relève que le Dr T______ admet qu’il n’existe pas d’instabilité rachidienne.

Elle produit un nouvel avis émis par le Dr M______ le 9 février 2016. Ce médecin y explique avoir établi un statu quo sine au 4 juillet 2011 sur la base d’éléments objectifs, soit la consolidation de la fracture et l’absence d’instabilité, d’une part, sur le fait qu’il existait un état dégénératif multi-étagé (à l’étage C6-C7, C5-C6 et C3-C4), une importante sténose du canal rachidien, une saillie disco-ostéophytaire postérieure C5-C6, associée à une importante diminution de la taille du canal latéral droit, d’autre part. Vu ces lésions antérieures à l’événement et l’absence d’instabilité, la causalité naturelle avec l’accident, s’agissant de la symptomatologie C6, est selon le Dr M______ tout au plus possible.

45.    Après avoir adressé une copie de cette écriture au recourant, la chambre de céans a gardé la cause à juger.

 

EN DROIT

 

1.      Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur depuis le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.      À teneur de l'art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-accidents, à moins que la loi n'y déroge expressément.

Toutefois, les modifications légales contenues dans la LPGA constituent, en règle générale, une version formalisée dans la loi de la jurisprudence relative aux notions correspondantes avant l'entrée en vigueur de la LPGA; il n'en découle aucune modification du point de vue de leur contenu, de sorte que la jurisprudence développée à leur propos peut être reprise et appliquée (ATF 130 V 343 consid. 3).

3.      Compte tenu de la suspension du délai de recours du 30 mars au 12 avril 2015, le recours, interjeté le 11 mai 2015 contre la décision reçue le 26 mars 2015, dans la forme prévue par la loi, est recevable (art. 38 al. 4 let. a et 56 ss LPGA).

4.      Le litige porte sur le point de savoir si l’intimée était fondée à mettre fin à ses prestations avec effet au 30 avril 2012.

5.      a. Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort
(art. 4 LPGA; ATF 129 V 402 consid. 2.1 ; ATF 122 V 230 consid. 1 et les références).

La responsabilité de l’assureur-accidents s’étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 119 V 335 consid. 1; ATF 118 V 286 consid. 1b et les références) et adéquate avec l’événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).

b. Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose notamment, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette exigence est remplie lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout, ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière. Il n'est pas nécessaire, en revanche, que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé; il faut et il suffit que l'événement dommageable, associé éventuellement à d'autres facteurs, ait provoqué l'atteinte à la santé physique ou psychique de l'assuré, c'est-à-dire qu'il se présente comme la condition sine qua non de celle-ci.

Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque l'existence d'un rapport de cause à effet entre l'accident et le dommage paraît possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l'accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1 ; ATF 119 V 335 consid. 1 et ATF 118 V 286 consid. 1b et les références).

c. En vertu de l'art. 36 al. 1 LAA, les prestations pour soins, les remboursements de frais ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l'atteinte à la santé n'est que partiellement imputable à l'accident. Lorsqu'un état maladif préexistant est aggravé ou, de manière générale, apparaît consécutivement à un accident, le devoir de l'assurance-accidents d'allouer des prestations cesse si l'accident ne constitue pas la cause naturelle (et adéquate) du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l'accident. Tel est le cas lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou à celui qui serait survenu tôt ou tard même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine) (RAMA 1994 n° U 206 p. 328 consid. 3b; RAMA 1992 n° U 142
p. 75 consid. 4b). A contrario, aussi longtemps que le statu quo sine vel ante n'est pas rétabli, l'assureur-accidents doit prendre à sa charge le traitement de l'état maladif préexistant, dans la mesure où il a été causé ou aggravé par l'accident (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1003/2010 du 22 novembre 2011 consid. 1.2 et 8C_552/2007 du 19 février 2008 consid. 2). En principe, on examinera si l’atteinte à la santé est encore imputable à l’accident ou ne l’est plus (statu quo ante ou statu quo sine) selon le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 126 V 353 consid. 5b;
ATF 125 V 193 consid. 2; RAMA 2000 n° U 363 p. 46).

6.      a. La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l'assuré à des prestations, l'administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. A cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 125 V 351 consid. 3).

b. Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux
(ATF 125 V 351 consid. 3b).

Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré
(ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

Par ailleurs, en ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb et cc).

7.      a. La procédure est régie par le principe inquisitoire, d'après lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge. Mais ce principe n'est pas absolu. Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2; VSI 1994, p. 220 consid. 4). Car si le principe inquisitoire dispense les parties de l'obligation de prouver, il ne les libère pas du fardeau de la preuve. En cas d'absence de preuve, c'est à la partie qui voulait en déduire un droit d'en supporter les conséquences (ATF 117 V 261 consid. 3), sauf si l'impossibilité de prouver un fait peut être imputée à l'adverse partie (ATF 124 V 372 consid. 3; RAMA 1999 n° U 344 p. 418 consid. 3).

b. Dans le contexte de la suppression du droit à des prestations, la règle selon laquelle le fardeau de la preuve appartient à la partie qui invoque la suppression du droit (RAMA 2000 n° U 363 p. 46), entre seulement en considération s'il n'est pas possible, dans le cadre du principe inquisitoire, d'établir sur la base d'une appréciation des preuves un état de fait qui au degré de vraisemblance prépondérante corresponde à la réalité (ATF 117 V 261 consid. 3b et les références). La preuve de la disparition du lien de causalité naturelle ne doit pas être apportée par la preuve de facteurs étrangers à l'accident. Il est encore moins question d'exiger de l'assureur-accidents la preuve négative, qu'aucune atteinte à la santé ne subsiste plus ou que la personne assurée est dorénavant en parfaite santé. Est seul décisif le point de savoir si les causes accidentelles d'une atteinte à la santé ne jouent plus de rôle et doivent ainsi être considérées comme ayant disparu (arrêts du Tribunal fédéral des assurances U.359/04 du 20 décembre 2005 consid. 2,
U.389/04 du 27 octobre 2005 consid. 4.1 et U.222/04 du 30 novembre 2004
consid. 1.3).

8.      Enfin, le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ;
ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

9.      a. En l’occurrence, il n'est pas contesté qu'en raison de l’accident survenu le 20 février 2011, le recourant a présenté une luxation acromio-claviculaire droite, une fracture cervicale de C6, une fracture de l'apophyse épineuse de D3, une fracture du corps du sternum et une contusion costale droite.

L’intimée a mis fin au versement des prestations au 30 avril 2012, en retenant un statu quo sine au 20 mai 2011 s’agissant de la luxation acromio-claviculaire droite de stade II, un statu quo sine au 20 juin 2011 s’agissant de la fracture du corps du sternum et de la 10ème côte droite et hémothorax, un statu quo sine au 4 juillet 2011 s'agissant de la fracture cervicale C6 et un statu quo sine au 20 septembre 2011 s’agissant de la fracture des apophyses épineuses de D3 et D4.

Le recourant fait valoir, quant à lui, que ses plaintes liées à l’atteinte cervicale, soit notamment des cervicalgies, des paresthésies et une diminution de la force à l’épaule et au bras droits ainsi qu'une hypoesthésie dans le territoire de C6 au pouce droit, sont encore en lien de causalité avec l’accident au-delà du 4 juillet 2011.

b. Dans le cadre de la procédure non contentieuse, au vu des conclusions divergentes émises par le Dr P______, expert mandaté par l'intimée, et celles émises par le Dr S______, neurochirurgien traitant, les parties ont demandé au Dr T______ de se déterminer.

Suite à un examen du recourant réalisé le 6 mars 2014, cet expert a conclu notamment à une contusion de la racine C6 droite post-traumatique secondaire à la fracture de la facette articulaire à ce même niveau causée directement par l'accident de ski. Les cervicalgies, la raideur rachidienne avec irradiations douloureuses postérieures bilatérales et les paresthésies à hauteur du pouce du côté droit s'expliquaient par cette atteinte. Un état antérieur n'avait d'aucune manière pu influencer ni la fracture, ni la contusion de la racine. L'accident était de manière certaine, la seule et unique cause des troubles neurochirurgicaux dont souffrait le recourant, lesquels étaient, sans doute possible, dus à la contusion de la racine et à la fracture du massif articulaire. Le statu quo ante n'était pas encore atteint et le recourant était dans une phase de rémission. La physiothérapie et la poursuite d’un traitement médical conservateur étaient nécessaires afin d’obtenir une amélioration de son état de santé.

On relèvera que le rapport d'expertise du Dr T______ du 3 avril 2014, ses réponses adressées au recourant à cette date également ainsi que celles rédigées le 11 janvier 2016 à la demande de la chambre de céans, reposent sur un examen de l’assuré et sur l’étude de son dossier médical. Les anamnèses sont détaillées et les plaintes du recourant ont été prises en considération. Les réponses de l’expert sont en outre bien motivées et exposent de façon claire et précise les raisons pour lesquelles le recourant présente encore des diagnostics en lien de causalité naturelle avec l'accident et les raisons pour lesquelles le statu quo sine vel ante n'a pas été atteint.

Par ailleurs, les griefs formels invoqués par l'intimée à l'égard des rapports du Dr T______ tombent à faux. En effet, on ne voit pas en quoi l'absence d'une anamnèse familiale, la brièveté de l'anamnèse socio-professionnelle ou une éventuelle confusion entre les termes statu quo sine et statu quo ante entacheraient la valeur probante des conclusions de l’expert. Par ailleurs, contrairement à ce qu'avance l'intimée, celui-ci a bel et bien fait mention d'un état antérieur (p. 7 du rapport du 3 avril 2014). Enfin, l'intimée ne saurait reprocher au Dr T______ de ne pas s'être prononcé sur la relation de causalité entre chacun des diagnostics retenus et l'accident, puisqu'elle ne lui a pas posé de question en ce sens (cf. p. 8 du rapport du 3 avril 2014).

L’intimée fait valoir, en se fondant sur l'avis du Dr P______, que les plaintes persistantes au niveau du rachis cervical ne sont plus en lien de causalité naturelle avec l'accident à compter du 4 juillet 2011. Cependant, la chambre de céans constate que ce médecin n’est pas aussi catégorique que semble le croire l’intimée. En effet, le Dr P______ a également abouti à la conclusion d'une contusion radiculaire post-traumatique avec, comme séquelles, des troubles de la sensibilité de type paresthésie du pouce et de l’index droits. Il a ajouté que cette contusion pouvait provoquer une irritation radiculaire, malgré l’absence de contrainte évidente à l’IRM et ainsi entretenir le syndrome paresthésique C6 droit (rapport du 16 mars 2012, p. 54). Interpellé par l'intimée, le Dr P______ a à nouveau admis, s’agissant du rôle d’une contusion radiculaire C6 droite et des paresthésies dans le territoire de C6, que la fracture de l’articulation C6 avait pu créer une atteinte nerveuse sous forme d’hypoesthésies et de paresthésies au niveau du territoire du pouce et de la face externe de l’index droit dans le territoire C6 (rapport du 29 octobre 2012).

Par ailleurs, les conclusions du Dr P______ ne sont pas convaincantes. En effet, s’agissant du lien de causalité entre la contusion radiculaire C6 droite et les cervicalgies, il a indiqué ne pas l’avoir retenu au motif, notamment, qu’au moment de l’expertise, les cervicalgies avaient disparu (rapport du 29 octobre 2012). Or, on peine à comprendre sur quelle base le Dr P______ est parvenu à cette conclusion puisqu’à l’inverse, il a également retenu dans son rapport que, depuis l’accident jusqu’à l’expertise, le recourant a décrit des douleurs sans aucune modification au niveau de la région cervicale postérieure et une sensation de raideur au niveau de la région cervicale (rapport du 16 mars 2012, pp. 48 et 53). De manière contradictoire également, ce médecin retient un statu quo sine au 4 juillet 2011 pour la fracture articulaire, tout en admettant que la persistance des plaintes du rachis cervical est à mettre en relation avec l’état dégénératif préexistant et la fracture articulaire C6 (rapport du 16 mars 2012, p. 85).

Par ailleurs, de manière contradictoire encore, le Dr P______ indique que la pathologie dégénérative révélée par l'IRM du 4 juillet 2011 « n'explique pas la symptomatologie C6 droite post-traumatique » (rapport du 16 mars 2012, pp. 84-85), avant d’émettre l’avis qu'en l'absence d'instabilité, les plaintes algiques résiduelles au niveau du rachis cervical s'expliquent par la pathologie dégénérative préexistante révélée lors des premiers examens.

On soulignera que le Dr T______ ne conteste ni l’absence d’instabilité, ni la présence d’un état cervical dégénératif avec des discopathies multi-étagées, indépendant de l’accident. Il explique toutefois, de manière circonstanciée et convaincante, que la lésion C5-C6 radiculaire et du massif articulaire ne peut être considérée comme une aggravation de l'état de santé préexistant à ce niveau puisqu'il n'y avait en C5-C6, ni atteinte radiculaire avant l'accident, ni fracture vertébrale. Il ajoute qu’un état antérieur peut provoquer une usure prématurée des structures sous forme d'un vieillissement (dessèchement discal ou arthrose à hauteur de facette articulaire, par exemple), mais qu’en aucun cas, chez un patient de cet âge, une fracture ou une dislocation osseuse ne peut survenir spontanément. L'état antérieur n'a donc pu nullement influencer ni la fracture, ni la contusion de la racine, raisons pour lesquelles il a retenu que l'accident était de manière certaine la seule et unique cause des troubles neurochirurgicaux dont souffre le recourant.

Le Dr T______ explique par ailleurs que le diagnostic de contusion de la racine C6 droite s’explique par la douleur irradiant dans une topographie radiculaire, par la présence de paresthésies témoignant d’une irritation radiculaire et par la cinétique d'apparition des paresthésies. Il indique que la contusion de la racine C6 est secondaire à la fracture de la facette articulaire de C6 car celle-ci a provoqué un conflit direct avec, lors du déplacement osseux et de la petite suffusion hémorragique y associée, une compression de la racine C6.

On relèvera encore que les autres neurochirurgiens ayant examiné le recourant ont également conclu à la présence d’une contusion de la racine C6 post-traumatique (rapport du Dr S______ du 15 juin 2012) et à l’absence de lien entre les atteintes dégénératives et les plaintes persistantes du rachis cervical (rapport du Dr S______ du 15 juin 2012, rapport du Dr J______ du 22 novembre 2011 cité par le Dr P______ dans son rapport du 16 mars 2012, p. 14).

Au vu de ces éléments, on ne saurait écarter les conclusions du Dr T______ au profit de l’appréciation du Dr P______.

Quant à l’avis du Dr M______, qui fixe le statu quo sine au 4 juillet 2011 (rapports des 14 novembre 2014 et 9 février 2016), force est de constater qu’il se limite en une simple affirmation, en reprenant, de manière succincte, les arguments du Dr P______ et sans discuter ceux du Dr T______. Il s’ensuit que l’appréciation du Dr M______, qui, au demeurant, n’est pas neurochirurgien, n’est pas convaincante.

Il apparaît ainsi qu’il n’existe aucune circonstance susceptible d’ébranler sérieusement la crédibilité des conclusions du Dr T______.

10.  Il convient donc d’admettre que l’accident du 20 février 2011 a causé une contusion radiculaire C6 droite, entraînant une incapacité de travail et nécessitant des traitements. Par ailleurs, le statu quo sine vel ante n’était pas encore atteint au moment où le Dr T______ a réalisé son examen, soit le 6 mars 2014.

C’est par conséquent à tort que l’intimée a fixé un statu quo sine au 4 juillet 2011 s’agissant de l’atteinte au rachis cervical et a mis fin au versement des prestations avec effet au 30 avril 2012.

Le recours est donc admis et la décision litigieuse annulée, le recourant ayant droit à la reprise du versement des prestations légales à compter du 1er mai 2012.

La cause est renvoyée à l’intimée pour instruction complémentaire sur le droit aux prestations du recourant pour la période postérieure au 6 mars 2014.

Le recourant, qui obtient gain de cause, a droit à une indemnité à titre de participation à ses frais et dépens, que la chambre de céans fixe en l'espèce à CHF 3'000.- (art. 61 let. g LPGA).

Pour le surplus, la procédure est gratuite.

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet et annule les décisions des 6 juin 2012 et 25 mars 2015 en tant qu’elles fixent au 4 juillet 2011 la date du statu quo sine s’agissant des troubles du rachis cervical et mettent fin aux prestations au 30 avril 2012.

3.        Dit que le recourant présente une contusion radiculaire C6 droite en lien de causalité avec l'accident du 20 février 2011.

4.        Dit que l'intimée doit reprendre le versement des prestations légales dues au recourant au-delà du 30 avril 2012.

5.        Renvoie la cause à l’intimée pour instruction complémentaire au sens des considérants.

6.        Condamne l’intimée à verser au recourant une indemnité de CHF 3’000.- à titre de participation à ses frais et dépens.

7.        Dit que la procédure est gratuite.

8.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

Marie-Catherine SÉCHAUD

 

La présidente

 

 

Karine STECK

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le