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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/738/2022

ATAS/37/2023 du 25.01.2023 ( PC ) , REJETE

En fait
En droit

 

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/738/2022 ATAS/37/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 25 janvier 2023

4ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Marie-Josée COSTA

 

 

recourant

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


 

EN FAIT

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’intéressé ou le recourant), né le ______ 1974, médecin de formation, est au bénéfice d’une rente d’invalidité en raison de troubles psychiatriques, à la suite d’une décision rendue le 17 mai 2019 par l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l'OAI), avec effet rétroactif au 1er novembre 2016.

b. Le 27 juin 2019, l’intéressé a demandé des prestations complémentaires au service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC ou l’intimé).

c. Le 24 janvier 2020, l’Hospice général a informé le SPC avoir accordé CHF 52'121.20 à l’intéressé du 1er novembre 2016 au 31 janvier 2020.

d. Par décision du 29 janvier 2020, le SPC a accepté la demande de prestations complémentaires de l’intéressé dès le 1er novembre 2016. Le montant de CHF 97'879.- lui était dû rétroactivement à cette date. Sur ce montant, CHF 52'121.20 devaient être versés à l’Hospice général. Dès le 1er février 2020, l’intéressé avait droit à des prestations complémentaires fédérales et cantonales à hauteur de CHF 2'273.-.

B. a. Le 18 décembre 2020, le SPC a reçu un courrier, adressé par la Caisse de prévoyance de l’État de Genève (ci-après : la CPEG) à l’intéressé le 9 décembre 2020, l’informant qu’il avait droit à une rente de la CPEG dès le 1er novembre 2016.

Selon un décompte établi par la CPEG le 9 décembre 2020, l’intéressé avait ainsi droit à un rétroactif de CHF 92'801.80.

e. Le 26 mars 2021, le SPC a informé l’intéressé avoir recalculé son droit aux prestations complémentaires, suite au courrier de la CPEG, et qu’il en résultait un solde rétroactif en faveur du SPC à hauteur de CHF 99'774.-, montant qui devait lui être restitué dans les trente jours.

f. Le 29 mars 2021, l’intéressé a transmis au SPC les relevés de ses deux comptes au Crédit Suisse au 29 mars 2021. Il ressort du relevé du compte privé de l’intéressé qu’il a reçu CHF 94'782.25 de la CPEG le 21 décembre 2020 et qu’il a transféré CHF 90'000.- sur un autre compte à son nom, le 30 décembre 2020. Il a versé CHF 4'800.- à l’Association B______ les 11, 18 et 25 janvier, les 3, 8, 15 et 22 février et les 1er, 8, 15 et 22 mars 2021. Il a crédité ce compte par des transferts de son compte épargne de CHF 2'500.- le 6 janvier 2021, CHF 12'000.- le 18 janvier 2021, CHF 30'565.- le 22 février 2021 et CHF 2'000.- le 24 mars 2021. Le solde de ce compte s’élevait à CHF 842.- au 29 mars 2021 et le solde de son compte épargne à CHF 18’600.- au 24 mars 2021.

g. Le 22 avril 2021, l’intéressé a formé opposition à la demande de restitution.

h. Le 22 avril 2021, le frère de l’intéressé a indiqué au SPC que ce dernier était au bénéfice d’une rente d’invalidité partielle en raison de troubles psychiatriques récurrents le rendant incapable d’exercer une activité professionnelle, malgré son diplôme fédéral de médecin. Il n’avait pas le pouvoir de discernement suffisant pour mettre en doute ou de questionner le versement incongru de la CPEG. Il avait usé à sa guise de la somme mise à sa disposition et se trouvait dans l’incapacité complète de la rembourser. Son frère avait échappé à une curatelle lors des démarches pour obtenir une rente d’invalidité. Il s’en était suivi une absence totale de contrôle des entrées et sorties de son compte bancaire. Le résultat était désormais malheureusement connu.

i. Par décision sur opposition du 24 juin 2021, le SPC a informé l’intéressé que le montant qui lui avait été versé par la CPEG était considéré, de par la loi et la jurisprudence, comme faisant partie de son revenu déterminant. Son opposition était en conséquence rejetée. Autre était la question de déterminer si ce montant lui serait effectivement réclamé dans sa totalité. En effet, le courrier du 22 avril 2021 adressé au SPC par son frère contenait une demande de remise de l’obligation de rembourser. Le SPC se déterminerait à ce sujet par décision séparée dès l’entrée en force de la décision du 24 juin 2021.

j. Par décision sur demande de remise du 29 octobre 2021, le SPC a considéré que du fait que l’intéressé avait dépensé le rétroactif versé par la CPEG sans s’assurer qu’il pouvait le faire, la condition de la bonne foi ne pouvait être retenue et qu’il n’avait pas droit à la remise de l’obligation de restituer.

k. Le 26 novembre 2021, l’intéressé a contesté la décision du SPC du 29 octobre 2021, en produisant un certificat médical établi le 26 novembre 2021 par le docteur C______, médecin praticien en médecine interne générale. Celui-ci certifiait suivre l’intéressé pour ses problèmes de santé depuis une dizaine d’années et que les troubles mentaux dont celui-ci souffrait l’empêchaient d’effectuer des tâches administratives lorsqu’il arrêtait ses traitements médicamenteux, ce qui aggravait son état psychique et le rendait incapable de discernement.

l. Dans sa décision sur opposition du 2 février 2022, le SPC a reconsidéré sa position et retenu que l’intéressé lui avait transmis le décompte de la CPEG du 9 décembre 2020 sans retard, de sorte que la condition de la bonne foi pouvait lui être reconnue.

S’agissant de la situation difficile, la décision de restitution était intervenue seulement trois mois après que le rétroactif avait été versé à l’assuré. Or, à ce moment, celui-ci avait déjà dépensé la totalité de ce rétroactif, sans attendre que le SPC rende une décision, ni prendre contact avec ce dernier. Ainsi, lorsque la décision de restitution avait été rendue, le montant aurait dû encore se trouver sur son compte et, dans le cas contraire, il devait être considéré comme un bien dessaisi. En conséquence, l’opposition était rejetée.

C. a. L’intéressé a formé recours contre la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice le 7 mars 2022, concluant à l’annulation de la décision précitée et à ce qu’il soit dit que les conditions de la remise étaient réalisées. Il reprochait à l’intimé de ne pas avoir agi plus vite après avoir reçu l’information qu’il allait toucher un rétroactif de la CPEG.

Le certificat du Dr C______ du 26 novembre 2021 attestait de la gravité de ses troubles psychiques et du fait que ses atteintes rendaient impossibles les démarches administratives et conduisaient à des incapacités de discernement. Cela n’avait pas été pris en compte par l’intimé.

Le recourant ignorait tout du système des assurances et était convaincu que tout était géré en commun par les différentes institutions. Il ignorait que la CPEG lui avait versé le rétroactif sans en informer le SPC.

Au moment de l’entrée en force de la décision de restitution, l’argent avait été pour l’essentiel dépensé, de sorte que la condition de la situation difficile était remplie.

L’assuré a notamment produit une lettre de sortie établie par le service de psychiatrie adulte des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : les HUG) du 2 septembre 2021 attestant d’une neuvième admission le 21 août 2021 pour une décompensation psychotique en lien avec un trouble schizo-affectif. La sortie avait eu lieu le 27 août 2021. La dernière hospitalisation datait de 2020, dans un contexte d’une décompensation psychotique.

b. Le 30 mars 2022, le SPC a conclu au rejet du recours, considérant que celui-ci n’amenait aucun nouvel élément susceptible de le conduire à une appréciation différente du cas. Le SPC ne pouvait que confirmer sa position déjà exprimée. Il ne ressortait pas du certificat médical du 2 septembre 2021 que le recourant serait incapable de discernement. Au contraire, il y était précisé que ce dernier était vigile et orienté dans l’espace et le temps.

c. Le 8 juillet 2022, le recourant a transmis à la chambre de céans un relevé de son compte épargne au Crédit Suisse dont il ressort qu’il avait un solde de CHF 17'600.- au 31 mars 2021 et que CHF 10'000.- avaient été prélevés le 9 mars 2021 et le 2 février 2021.

d. Le 28 novembre 2022, la chambre de céans a demandé des renseignements complémentaires au recourant sur la façon dont il avait dépensé le rétroactif perçu de la CPEG, en l’invitant à produire toute pièce pouvant attester ses dires.

e. Le 21 décembre 2022, celui-ci a répondu qu’il avait fait des dons à l’Association B______ pour la remercier de l’avoir soutenu dans les moments difficiles de précarité. Les deux montants de CHF 1'000.- prélevés sur son compte les 2 février et 9 mars 2021 avaient été dépensés alors qu’il était en rupture de suivi, en pleine décompensation avec des bouffées délirantes.

Le recourant a produit :

-      des photographies de son appartement dont il ressort que celui-ci avait fait l’objet de peintures sur les murs et les portes, se rapprochant de graffitis de grands formats, dans toutes les pièces, y compris dans la salle de bains et sur le balcon ;

-      une lettre de sortie établie le 25 juillet 2016 par le département de santé mentale et de psychiatrie des HUG, faisant état d’une cinquième hospitalisation du recourant en raison d’une recrudescence d’une symptomatologie anxio-dépressive et psychotique. C’était le troisième passage en un mois du recourant, qui demandait une hospitalisation en raison d’hallucinations auditives ;

-      une lettre de sortie du 28 juillet 2016, suite à une sixième hospitalisation pour risque auto-agressif dans un contexte de décompensation psychotique ;

-      une lettre de sortie du 22 mai 2019 suite à une septième hospitalisation pour un épisode dépressif en raison d’une rupture de traitement ;

-      une lettre de sortie du 5 mai 2020 pour une huitième hospitalisation du 25 février eu 17 mars 2020 pour prise en charge d’une décompensation psychotique.

f. Le 6 janvier 2023, l’intimé a confirmé sa position. Les rapports médicaux produits n’attestaient pas d’une incapacité de discernement prolongée. Au contraire, il en ressortait que le recourant avait été en mesure de se rendre compte qu’il se trouvait en difficulté et de prendre des décisions en conséquence. Le personnel médical n’avait pas estimé nécessaire d’alerter les autorités compétentes du fait que le recourant serait incapable de gérer ses affaires administratives et tel n’était toujours pas le cas, puisqu’à sa connaissance, il n’y avait eu aucune intervention du Tribunal de protection de l’adulte le concernant.

 

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté dans les forme et délai légaux, le recours est recevable (art. 56 al. 1 et 60 al. 1 LPGA; art. 9 de la loi cantonale du 14 octobre 1965 sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité [LPFC - J 4 20]; art. 43 LPCC).

3.             Le litige porte uniquement sur la remise de l'obligation de restituer et en particulier sur la question savoir si la condition de la situation difficile est remplie.

4.              

4.1 À teneur de l’art. 25 LPGA, les prestations indûment touchées doivent être restituées, la restitution ne pouvant toutefois être exigée lorsque l’intéressé était de bonne foi et qu’elle le mettrait dans une situation difficile (al. 1).

Selon l’art. 4 de l’ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 11 septembre 2002 (OPGA - RS 830.11), la restitution entière ou partielle des prestations allouées indûment, mais reçues de bonne foi, ne peut être exigée si l’intéressé se trouve dans une situation difficile. L’art. 5 al. 1 OPGA prévoit qu’il y a situation difficile lorsque les dépenses reconnues par la LPC et les dépenses supplémentaires au sens de l’art. 4 sont supérieures aux revenus déterminants selon la LPC. Est déterminant, pour apprécier s’il y a une situation difficile, le moment où la décision de restitution est exécutoire (art. 4 al. 2 OPGA).

Selon l’art. 5 al. 1 OPGA, il y a situation difficile, au sens de l'art. 25 al. 1 LPGA, lorsque les dépenses reconnues par la LPC et les dépenses supplémentaires au sens de l'al. 4 sont supérieures aux revenus déterminants selon la LPC.

4.2  

4.2.1 Selon la jurisprudence publiée aux ATF 122 V 221 - confirmée et précisée par les arrêts du Tribunal fédéral 8C_766/2007 du 17 avril 2008 et C 93/05 du 20 janvier 2007 in SVR 2007 AlV no 17 p. 55 -, il convient de prendre en considération la circonstance qu'un assuré a reçu, pour une période pendant laquelle il a déjà perçu des prestations complémentaires, des éléments de fortune versés rétroactivement (par exemple un paiement rétroactif de rentes). Le Tribunal fédéral a ainsi jugé que dans l'hypothèse où le capital obtenu grâce au paiement de la rente arriérée est encore disponible au moment de l'entrée en force de la décision de restitution (art. 4 al. 2 OPGA), la situation difficile doit être niée. Il s'agit uniquement d'examiner si, au moment où la restitution doit avoir lieu, il existe des éléments de fortune versés rétroactivement (le débiteur se trouve enrichi), de telle sorte que l'on peut raisonnablement exiger de l'assuré qu'il s'acquitte de son obligation de restituer, ce qui conduit à nier l'existence d'une charge trop lourde. Ainsi, si des prestations complémentaires doivent être restituées en raison d'un versement rétroactif de rentes, on ne peut opposer à l'ordre de restitution une éventuelle charge trop lourde, lorsque les moyens financiers résultant des versements rétroactifs intervenus existaient encore au moment de l'entrée en force de la décision de restitution (art. 4 al. 2 OPGA) et la situation difficile doit alors être niée (ATF 122 V 221).

4.2.2 En cas de diminution du patrimoine avant l'entrée en force de la décision de restitution, il faut en examiner les raisons. S'il s'avère que l'assuré a renoncé à des éléments de fortune sans obligation juridique ou sans avoir reçu, en échange, une contre-prestation équivalente (sur ces notions, ATF 146 V 306 consid. 2.3.1; arrêts du Tribunal fédéral 9C_787/2020 et 9C_22/2021 du 14 avril 2021 consid. 4.2 et les références), le patrimoine dont il s'est dessaisi devra être traité comme s'il en avait encore la maîtrise effective, en appliquant par analogie les règles sur le dessaisissement de fortune au sens des art. 11 al. 1 let. g aLPC et 17a aOPC-AVS/Al (arrêts du Tribunal fédéral 9C_246/2022 du 6 décembre 2022 ; 8C_954/2008 du 29 mai 2009 consid. 7.2 et les références; 8C_766/2007 du 17 avril 2008 consid. 4.2; C 93/05 du 20 janvier 2007 consid. 5.3.4).

Dans le régime des prestations complémentaires, l'assuré qui n'est pas en mesure de prouver avec une vraisemblance prépondérante que ses dépenses ont été effectuées moyennant contre-prestation adéquate ne peut pas se prévaloir d'une diminution (supérieure à la moyenne) correspondante de sa fortune, mais doit accepter que l'on s'enquière des motifs de cette diminution et, en l'absence de la preuve requise, que l'on tienne compte d'une fortune hypothétique (ATF 146 V 306 consid. 2.3.2; arrêts du Tribunal fédéral P 65/04 du 29 août 2005 consid. 5.3.2; 9C_377/2021 du 22 octobre 2021 consid. 3.3 et les références).  

Une contre-prestation peut être considérée comme adéquate lorsqu’elle n’entame pas la fortune ou au contraire l’augmente, mais également lorsqu’elle consiste en des dépenses destinées à l’acquisition de biens de consommation (Ralph JÖHL, Ergänzungsleistungen zur AHV/IV, SBVR, 2ème éd. 2006, p. 1807 n° 234). Le Tribunal fédéral a considéré qu'il n'y avait pas dessaisissement dans le cas d'une assurée ayant épuisé sa fortune après avoir vécu dans un certain luxe
(ATF 115 V 352 consid. 5b). L'existence d'un dessaisissement de fortune ne peut être admise que si l'assuré renonce à des biens sans obligation légale ni contre-prestation adéquate. Lorsque cette condition n'est pas réalisée, la jurisprudence considère qu'il n'y a pas lieu de tenir compte d'une fortune (hypothétique) dans le calcul de la prestation complémentaire, même si l'assuré a pu vivre au-dessus de ses moyens avant de requérir une telle prestation. En effet, il n'appartient pas aux organes compétents en matière de prestations complémentaires de procéder à un contrôle du mode de vie des assurés ni d'examiner si l'intéressé s'est écarté d'une ligne que l'on pourrait qualifier de « normale » et qu'il faudrait au demeurant préciser. Il convient bien plutôt de se fonder sur les circonstances concrètes, à savoir le fait que l'assuré ne dispose pas des moyens nécessaires pour subvenir à ses besoins vitaux, et - sous réserve des restrictions découlant de l'art. 3c al. 1 let. g LPC - de ne pas se préoccuper des raisons de cette situation (VSI 1994 p. 225 s. consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 65/04 du 29 août 2005 consid. 5.3.1).

On se trouve en présence d’une renonciation à un élément de fortune considéré comme un dessaisissement lorsqu’une personne remet ou abandonne des éléments de fortune sans y être obligé. Tel est le cas pour les donations (Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI, 2015, n. 1 ss ad art. 2).

4.2.3 Le dessaisissement suppose que l’assuré ait la capacité de discernement s’agissant de la diminution de sa fortune (arrêt du Tribunal fédéral 9C_934/2009 du 28 avril 2010 consid. 5.1). Selon l’art. 16 du code civil (CC - RS 210), toute personne qui n'est pas privée de la faculté d'agir raisonnablement en raison de son jeune âge, de déficience mentale, de troubles psychiques, d'ivresse ou d'autres causes semblables est capable de discernement au sens de la présente loi. Cette disposition comporte deux éléments, un élément intellectuel, la capacité d'apprécier le sens, l'opportunité et les effets d'un acte déterminé, et un élément volontaire ou caractériel, la faculté d'agir en fonction de cette compréhension raisonnable, selon sa libre volonté (ATF 134 II 235 consid. 4.3.2). La capacité de discernement est relative: elle ne doit pas être appréciée dans l'abstrait, mais concrètement, par rapport à un acte déterminé, en fonction de sa nature et de son importance, les facultés requises devant exister au moment de l'acte (arrêt du Tribunal fédéral 9C_209/2012 du 26 juin 2012 consid. 3.2). Une personne n'est privée de discernement au sens de la loi que si sa faculté d'agir raisonnablement est altérée, en partie du moins, par l'une des causes énumérées à l'art. 16 CC, dont la maladie mentale, la faiblesse d'esprit ou une autre altération de la pensée semblable, à savoir des états anormaux suffisamment graves pour avoir effectivement altéré la faculté d'agir raisonnablement dans le cas particulier et le secteur d'activité considérés. Par maladie mentale, il faut entendre des troubles psychiques durables et caractérisés qui ont sur le comportement extérieur de la personne atteinte des conséquences évidentes, qualitativement et profondément déconcertantes pour un profane averti (arrêt du Tribunal fédéral 4A_194/2009 du 16 juillet 2009 consid. 5.1.1). La faiblesse d'esprit décrirait un développement insuffisant de l'intelligence et de la force de jugement, dont résulteraient un manque de compréhension important - en particulier par rapport à de nouvelles tâches et des situations de vie inhabituelles - ainsi qu'une propension élevée à être influencé (Franz WERRO/ Irène SCHMIDLIN in Commentaire romand, Code civil I, 2010, n. 39 ad art. 16). La capacité de discernement est la règle; elle est présumée d'après l'expérience générale de la vie. Partant, il incombe à celui qui prétend qu'elle fait défaut de le prouver.

4.2.4 Dans le domaine des assurances sociales notamment, la procédure est régie par le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge. Mais ce principe n'est pas absolu. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire. Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). En particulier, dans le régime des prestations complémentaires, l'assuré qui n'est pas en mesure de prouver que ses dépenses ont été effectuées moyennant contre-prestation adéquate ne peut pas se prévaloir d'une diminution correspondante de sa fortune, mais doit accepter que l'on s'enquière des motifs de cette diminution et, en l'absence de la preuve requise, que l'on tienne compte d'une fortune hypothétique (arrêt P 65/04 précité consid. 5.3.2; VSI 1994 p. 227 consid. 4b). Mais avant de statuer en l'état du dossier, l'administration devra avertir la partie défaillante des conséquences de son attitude et lui impartir un délai raisonnable pour la modifier; de même devra-t-elle compléter elle-même l'instruction de la cause s'il lui est possible d'élucider les faits sans complications spéciales, malgré l'absence de collaboration d'une partie (cf. ATF 117 V 261 consid. 3b; ATF 108 V 229 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 59/02 du 28 août 2003 consid. 3.3 et les références).

4.2.5 L'assuré qui n'est pas en mesure de prouver que ses dépenses ont été effectuées moyennant contre-prestation adéquate ne peut pas se prévaloir d'une diminution correspondante de sa fortune mais doit accepter que l'on s'enquière des motifs de cette diminution et, en l'absence de la preuve requise, que l'on tienne compte d'une fortune hypothétique (arrêt P 65/04 précité consid. 5.3.2). Pour que l'on puisse admettre qu'une renonciation à des éléments de fortune ne constitue pas un dessaisissement, il faut que soit établie une corrélation directe entre cette renonciation et la contre-prestation considérée comme équivalente. Cela implique nécessairement un rapport de connexité temporelle étroit entre l'acte de dessaisissement proprement dit et l'acquisition de la contre-valeur correspondante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_945/2011 du 11 juillet 2012 consid. 6.2).

5.              

5.1 En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que lorsque la décision sur opposition de restitution du 24 juin 2021 est entrée en force, le recourant n’était plus en possession du montant qu’il avait touché de la CPEG le 21 décembre 2020. En effet, à cette date, le solde de son compte épargne était de CHF 5’331.- et celui de son compte privé de CHF 17’340.-.

Il ressort des pièces de la procédure que le recourant a utilisé les montants se trouvant sur ses comptes bancaires après le versement du rétroactif de la CPEG, notamment en versant à onze reprises CHF 4'800.- à l’Association B______ entre le 11 janvier et le 22 mars 2021, soit au total CHF 52'800.-. Il a indiqué qu’il s’agissait là d’un don ou d’un remboursement pour l’aide de cette association, qui l’avait aidé à subsister pendant ses nombreuses années de précarité. Le recourant n’a produit aucune pièce attestant d’une éventuelle aide financière reçue par l’association précitée alors qu’il avait été invité à le faire par la chambre de céans. Il n’a ainsi pas démontré de façon suffisante une contre-prestation à ses versements à l’association.

Il n’a pas non plus amené la preuve d’une contre-prestation pour ses dépenses du solde du montant rétroactif reçu de la CPEG.

C’est en conséquence à juste titre que l’intimé a tenu compte de ces dépenses pendant la période en cause à titre de dessaisissement.

5.2 Le recourant a invoqué son état psychique et une incapacité de discernement. Selon la jurisprudence précitée, le dessaisissement suppose que l’assuré ait la capacité de discernement s’agissant de la diminution de sa fortune. À teneur du certificat établi le 26 novembre 2021 par le Dr C______, ce n’était que lorsque le recourant arrêtait ses traitements médicamenteux que son état psychique s’aggravait et qu’il n’était pas en état de discernement. Pendant la période en cause, soit entre le 21 décembre 2020 (date de la réception du rétroactif) et le 24 juin 2021 (date de la décision sur opposition de restitution), il n’est pas établi que le recourant aurait été incapable de discernement. Il ressort au contraire des pièces produites qu’il a eu une décompensation psychotique en février 2020, qui a conduit à une hospitalisation jusqu’au 17 mars 2020, puis que le prochain épisode de décompensation a eu lieu au courant du mois d’août 2021.

Il faut encore relever que le recourant n’a pas fait l’objet d’une curatelle et qu’il dispose de ressources certaines, au vu de sa formation de médecin et des courriers qu’il a été en mesure d’adresser à la chambre de céans. Il est capable de vivre seul et est assisté par son frère, qui est très présent et soutenant. À teneur du rapport des HUG du 5 mai 2020, il n’avait pas de troubles du contenu ni du cours de sa pensée, ni d’idées délirantes à sa sortie de l’hôpital.

En conclusion, il faut considérer que le recourant n’était pas incapable de discernement pendant la période en cause et que c’est à juste titre que l’intimé a tenu compte d’un dessaisissement.

5.3 Il en résulte que la condition de la situation difficile ne peut être retenue, à teneur de la jurisprudence précitée.

6.             Au vu de ce qui précède, le recours est infondé et doit être rejeté.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le