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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/578/2016

ATAS/353/2016 du 03.05.2016 ( LAA ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/578/2016 ATAS/353/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 3 mai 2016

1ère Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié au LIGNON, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Henri NANCHEN

 

 

recourant

 

contre

LA MOBILIERE SUISSE ASSET MANAGEMENT SA, sise Bundesgasse 35, BERNE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Philippe GRUMBACH

 

 

intimée

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né le ______ 1973, travaillait en qualité d’agent de sécurité et était assuré de ce fait contre les accidents et les maladies professionnelles auprès de la Mobilière suisse société d'assurances SA (ci-après : l’assureur).

2.        Le 22 avril 1997, l’assuré a été victime d’un accident en jouant au football.

3.        L’assureur a pris en charge le cas.

4.        Par courrier du 9 septembre 1998, l'assureur a indiqué à l'assuré qu'il mettrait un terme au versement d'indemnités journalières dès le 30 septembre 1998.

5.        Le docteur B______, généraliste, a annoncé le 20 août 2000 une rechute.

6.        Le versement des indemnités journalières a alors été repris.

7.        Par décision du 17 septembre 2001, confirmée sur opposition le 20 février 2002, l'assureur a informé l'assuré que le versement des indemnités journalières prendrait fin le 1er octobre 2001. Il lui a par ailleurs reconnu le droit à une indemnité pour atteinte à l'intégrité de 15%.

8.        Le 3 janvier 2006, l'assuré a déclaré à la SUVA, assurance-accidents de son nouvel employeur, qu’il s'était cogné le genou droit dans sa voiture.

9.        Le 3 avril 2006, alors qu'il courait en jouant au football, l'assuré a ressenti un déchirement dans son genou entraînant une très vive douleur. Il l’a annoncé à la SUVA.

10.    La SUVA a admis la prise en charge provisoire du cas et accordé des indemnités journalières à l’assuré dès le 3 avril 2006.

11.    L'assuré a subi une nouvelle arthroscopie le 21 novembre 2007, pratiquée par le Dr C______ du Service de chirurgie des HUG.

12.    Le 30 novembre 2010, la SUVA et l'assureur ont mis fin au litige qui les opposait sur la prise en charge des prestations par une convention aux termes de laquelle la première prenait en charge la totalité des frais liés à la rechute jusqu'au 9 juillet 2007, le second intervenant dès le lendemain.

13.    Par décision du 29 septembre 2011, confirmée sur opposition le 6 mars 2012, l’assureur a mis fin au paiement d’indemnités journalières et à la prise en charge des frais de traitement au 30 septembre 2011. Il a par ailleurs accordé une indemnité pour atteinte à l’intégrité d’un taux de 30%.

14.    Par arrêt du 4 décembre 2012, la chambre de céans a rejeté le recours interjeté par l’assuré contre ladite décision (ATAS/1464/2012).

15.    Par courrier du 24 février 2014, Me Henri NANCHEN s’est constitué auprès de l’assureur pour la défense des intérêts de l’assuré, et sollicité la production du dossier.

16.    L’assureur a alors, par courriel du 3 mars 2014, prié le mandataire de lui préciser pour quelle raison il souhaitait prendre connaissance du dossier, précisant que celui-ci était clos suite à l’arrêt du 4 décembre 2012.

Le 30 mai 2014, l’assureur a transmis au mandataire de l’assuré une copie du dossier.

17.    Le 1er juillet 2014, l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après OAI) a reconnu le droit de l’assuré à une demi-rente (taux de 50%) du 1er février au 31 août 2008, à un trois-quarts de rente (taux de 69%) du 1er mai au 31 juillet 2009, à une rente entière (taux de 100%) du 1er août 2009 au 31 décembre 2011, et à une demi-rente (taux de 50%) à compter du 1er janvier 2012. Ce projet de décision a été communiqué à l’office cantonal de l’emploi, à la caisse de compensation FER CIAM, à la SUVA, à la caisse inter-entreprises de prévoyance professionnelle (CIEPP), ainsi qu’à l’assureur, le 2 juillet 2014.

18.    Par décision du 9 janvier 2015, l’assureur, constatant que l’assuré allait recevoir rétroactivement des prestations en espèces suite à l’accident du 22 avril 1997 sur la base de la LAA et de la LAI, excédant de CHF 15'060.55 le gain que celui-ci aurait pu réaliser en cas de capacité de gain entière, l’a informé qu’il compenserait ce montant avec les arriérages de l’assurance-invalidité.

19.    Par décision du 6 février 2015 – également communiquée à l’assureur -, l’OAI a quelque peu modifié son projet de décision, en ce sens qu’il a admis l’octroi d’une demi-rente du 1er février au 30 novembre 2008, d’un trois-quarts de rente du 1er mai au 31 juillet 2009, d’une rente entière du 1er août 2009 au 31 décembre 2011, et d’une demi-rente dès le 1er janvier 2012.

20.    Par courrier du 16 mars 2015, l’assuré a réclamé à l’assureur les prestations qui lui étaient dues au vu de l’aggravation de son état de santé dûment reconnue par l’AI.

21.    Le 2 avril 2015, l’assureur, se référant expressément à l’arrêt du 4 décembre 2012, a considéré qu’il n’existait aucun élément nouveau lui permettant de modifier sa prise de position.

22.    L’assuré a contesté le 4 mai 2015 cette position et a invité l’assureur à la revoir.

23.    Le 20 mai 2015, l’assureur a confirmé sa position, rappelant que « l’évaluation de l’invalidité par l’assurance-invalidité n’a pas force contraignante pour l’assureur LAA (ATF 131 V 362) ».

24.    Les 23 septembre et 27 octobre 2015, ainsi que le 1er février 2016, l’assuré a réclamé la notification d’une décision formelle.

25.    Par écriture du 18 février 2016, l’assuré, représenté par son mandataire, a saisi la Chambre de céans d’un recours pour déni de justice.

Le 22 février 2016, l’assuré a communiqué à la Chambre de céans copie du courrier que lui a adressé l’assureur le 15 février 2016, et qu’il a reçu le 19, aux termes duquel,

« Dans le cadre du sinistre LAA qu’il devait trancher, le tribunal a expressément pris connaissance des conclusions du Dr D______ avant de rendre sa décision. C’est donc en pleine connaissance de cause que le tribunal a rejeté le recours de l’assuré et confirmé la décision de la Mobilière. Selon le tribunal, l’expertise réalisée par le Dr D______ pour l’assurance-invalidité ne suffit pas à remettre en cause les conclusions des précédents experts. En effet, la capacité de travail retenue par le Dr D______ n’est pas déterminée avec suffisamment de précision du point de vue temporel et ne repose pas sur des éléments médicaux objectifs (Arrêt du 4 décembre 2012 de la Chambre des assurances sociales page 20).

L’AI a rendu un projet d’acceptation de rente le 1er juillet 2014, puis une décision de rente le 6 février 2015. Sur demande de l’assureur, l’AI expliqua, par courrier du 19 novembre 2015, que, s’agissant de l’évaluation médicale et de la détermination de la capacité de gain, elle s’était référée au rapport d’expertise du 25 mai 2012 établi par le Dr D______ et aux conclusions de l’examen des mesures de réadaptation mis en place ultérieurement. Par ailleurs, elle confirma également avoir tenu compte du rapport du Dr E______. La rente octroyée à l’assuré ne se base donc sur aucun élément nouveau ou dont le tribunal n’aurait pas eu connaissance avant de rendre son arrêt.

Comme vous le savez certainement, l’assureur-accident n’a pas qualité pour former opposition contre la décision ou pour recourir contre la décision sur opposition de l’Office AI sur le droit à la rente en tant que tel ou sur le degré d’invalidité, et, selon la jurisprudence l’évaluation de l’invalidité par l’assurance-invalidité n’a pas de force contraignante pour lui (ATF 131 V 362).

Compte tenu de ce qui précède, le sinistre n° 1______ doit être considéré liquidé. Pour cette raison l’assureur n’entrera pas en matière sur la demande de l’assuré et ne rendra aucune décision en relation avec ce sinistre ».

L’assuré a indiqué qu’il persistait dans ses conclusions.

26.    Invité à se déterminer, l’assureur a conclu au rejet du recours. Il rappelle qu’il a rendu dans le cas de l’assuré une décision le 29 septembre 2011, puis une décision sur opposition le 6 mars 2012, s’agissant de la rechute. La Chambre de céans les a confirmées par arrêt du 4 décembre 2012. Il considère que la décision de l’OAI ne peut pas constituer la base d’une nouvelle décision de sa part, l’évaluation de l’invalidité par l’AI n’ayant pas force contraignante pour la LAA. Il relève à cet égard que le diagnostic médical est le même tant dans le dossier LAA que dans le dossier AI. Seule l’incapacité de travail a été évaluée différemment. Il souligne ainsi que « contrairement à ce qu’indique le recourant, la décision de l’AI, si elle diffère dans l’appréciation de la capacité de travail de l’assuré, ne fait en rien état d’une aggravation de la santé du recourant qui n’aurait pas été prise en considération dans l’analyse ayant conduit à la décision en matière d’assurance-accident ».

Il conclut à l’irrecevabilité du recours.

27.    Dans sa réplique du 18 avril 2016, l’assuré rappelle qu’en matière de déni de justice, le motif qui est à l’origine du refus de statuer ou du retard injustifié n’a aucune importance. Seul le fait que l’autorité n’ait pas agi ou qu’elle ait agi avec retard est déterminant (ATF 124 V 133 ; ATF 117 Ia 117 consid. 3a, ATF 117 Ia 197 consid. 1c ; ATF 108 V 20 consid. 4 c ; arrêts du Tribunal fédéral des assurances I 819/02 consid. 2.1 et C 53/01 consid. 2). Il persiste dans l’intégralité de ses conclusions.

28.    Ce courrier a été transmis à l’assureur et la cause gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        L’assuré a déposé un recours pour déni de justice à l’encontre de l’assureur.

3.        Conformément à l’art. 56 al. 2 LPGA, un recours peut en effet également être formé lorsque l'assureur, malgré la demande de l'intéressé, ne rend pas de décision ou de décision sur opposition.

Le retard injustifié à statuer est une forme particulière du déni de justice prohibé par l'art. 29 al. 1 Cst et l'art. 6 § 1 CEDH (qui n'offre à cet égard pas une protection plus étendue [ATF 103 V 190 consid. 2 p. 192]). Il y a retard injustifié à statuer lorsque l'autorité administrative ou judiciaire compétente ne rend pas la décision qu'il lui incombe de prendre dans le délai prévu par la loi ou dans un délai que la nature de l'affaire ainsi que toutes les autres circonstances font apparaître comme raisonnable (ATF 131 V 407 consid. 1.1 p. 409 et les références). Entre autres critères sont notamment déterminants le degré de complexité de l'affaire, l'enjeu que revêt le litige pour l'intéressé ainsi que le comportement de ce dernier et celui des autorités compétentes (ATF 130 I 312 consid. 5.2 p. 332; 125 V 188 consid. 2a p. 191). À cet égard, il appartient, d'une part, au justiciable d'entreprendre certaines démarches pour inviter l'autorité à faire diligence, notamment en incitant celle-ci à accélérer la procédure ou en recourant pour retard injustifié. D'autre part, si on ne saurait reprocher à l'autorité quelques « temps morts », qui sont inévitables dans une procédure, elle ne peut invoquer une organisation déficiente ou une surcharge structurelle pour justifier la lenteur excessive de la procédure; il appartient en effet à l'État d'organiser ses juridictions de manière à garantir aux citoyens une administration de la justice conforme aux règles (ATF 130 I 312 consid. 5.2 p. 332 et les références). Peu importe le motif qui est à l’origine du refus de statuer ou du retard injustifié ; ce qui est déterminant, c’est le fait que l’autorité n’ait pas agi ou qu’elle ait agi avec retard (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 53/01 du 30 avril 2001 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 819/02 du 23 avril 2003 consid. 2.1 ; ATF 124 V 133 ; 117 Ia 117 consid. 3a ; 197 consid. 1c ; 108 V 20 consid. 4c).

En droit des assurances sociales, la procédure de première instance est par ailleurs gouvernée par le principe de célérité. Ce principe est consacré à l'art. 61 let. a LPGA qui exige des cantons que la procédure soit simple et rapide et constitue l'expression d'un principe général du droit des assurances sociales (ATF 110 V 54 consid. 4b p. 61).

La sanction du dépassement du délai raisonnable consiste d'abord dans la constatation de la violation du principe de célérité, la constatation d'un comportement en soi illicite étant en effet une forme de réparation (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 134/02 du 30 janvier 2003 consid. 1.5 ; ATF 122 IV 111 consid. I/4). Pour le surplus, l'autorité saisie d'un recours pour retard injustifié ne saurait se substituer à l'autorité précédente pour statuer au fond. Elle ne peut qu'inviter l'autorité concernée à statuer à bref délai (ATF 130 V 90).

4.        En l’espèce, l’assureur a, par décision sur opposition du 6 mars 2012, mis fin à ses prestations au 30 septembre 2011. Cette décision a été confirmée par la Chambre de céans dans un arrêt du 4 décembre 2012, entré en force.

Par décision du 6 février 2015, l’OAI a, quant à lui, reconnu le droit de l’assuré, notamment, à une rente entière au-delà du 30 septembre 2011 jusqu’au 31 décembre 2011, et à une demi-rente dès le 1er janvier 2012.

Aussi, par courrier du 16 mars 2015, se référant expressément à la décision rendue par l’OAI, l’assuré a-t-il sollicité les prestations LAA auxquelles il estimait avoir droit.

Il y a lieu de constater que l’assureur lui a répondu par courriers des 2 avril et 20 mai 2015. Le 15 février 2016, il a motivé plus complètement sa position. Il n’a toutefois pas rendu de décision formelle, alors que l’assuré le lui a expressément demandé, ce à trois reprises, soit les 23 septembre et 27 octobre 2015, puis le 1er février 2016.

Force est de conclure que l’assureur n’a en l’état notifié ni décision à laquelle l’assuré pourrait s’opposer, ni décision sur opposition contre laquelle il pourrait recourir, de sorte qu’il a commis un déni de justice. Le recours est en conséquence admis. Aussi la Chambre de céans invite-t-elle l’assureur à faire diligence et à statuer dans les plus brefs délais.

5.        Reste à préciser que la Chambre de céans ne saurait entrer en matière dans le cadre du présent litige sur le bien-fondé ou non de la position de l’assureur telle que celui-ci l’a développée dans son courrier du 22 février 2016 et dans sa réponse au recours.

6.        L’assuré, qui obtient gain de cause, a droit à une indemnité à titre de participation à ses frais et dépens, que la Chambre de céans fixe en l’occurrence à CHF 1'500.- (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA ; RS E 5 10 ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA ; RS E 5 10.03).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours pour déni de justice recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Invite la Mobilière suisse société d’assurances SA à statuer dans les plus brefs délais.

4.        Condamne la Mobilière suisse société d’assurances SA à verser à l’assuré la somme de CHF 1'500.- à titre de participation à ses frais et dépens.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

 

Doris GALEAZZI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le