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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2792/2006

ATAS/227/2008 du 20.02.2008 ( ARBIT ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2792/2006 ATAS/227/2008

ARRET

DU TRIBUNAL ARBITRAL

DES ASSURANCES

Chambre 7

du 20 février 2008

 

En la cause

ASSURA - ASSURANCE-MALADIE ET ACCIDENTS, sise avenue C.-F. Ramuz 70, PULLY

ATUPRI KRANKENKASSE, sise Zieglerstrasse 29, BERNE

AVANEX, Droit des assurances, sise chemin de la Colline 12, LAUSANNE

CAISSE-MALADIE 57, sise Jupiterstrasse 15, BERNE

CSS VERSICHERUNG, sise Rösslinattstrasse 40, LUCERNE

E.G.K. GESUNDHEITSKASSE, sise Brislachstrasse 2, LAUFEN

GROUPE MUTUEL, sise rue du Nord 5, MARTIGNY

HELSANA VERSICHERUNGEN AG, sise à ZURICH

KOLPING KRANKENKASSE AG, sise Ringstrasse 16, DUBENDORF

KPT/CPT CAISSE-MALADIE, sise à BERNE

OKK SCHWEIZ, sise rue Hans-Fries 2, FRIBOURG

PROGRES ASSURANCES SA, Droit des assurances, sise à ZURICH,

SANITAS KRANKENVERSICHERUNG, sise Lagerstrasse 107, ZURICH

SANSAN, sise rue de Versailles 6, PULLY

 

AQUILANA CAISSE-MALADIE, sise Bruggerstrasse 46, BADEN

ASSURA - ASSURANCE-MALADIE ET ACCIDENTS, sise avenue C.-F. Ramuz 70, PULLY

ATUPRI KRANKENKASSE, sise Zieglerstrasse 29, BERNE

CAISSE-MALADIE 57, sise Jupiterstrasse 15, BERNE

CONCORDIA ASSURANCE SUISSE DE MALADIE ET ACCIDENTS, sise Bundesplatz 15, LUCERNE

KPT CPT KRANKENKASSE, sise Tellstrasse 18, BERNE

CSS VERSICHERUNG, sise Rösslinattstrasse 40, LUCERNE

MUTUEL ASSURANCES, sise rue du Nord 5, 1920 MARTIGNY

AVENIR ASSURANCES, sise rue du Nord 5, MARTIGNY

HERMES, sise rue du Nord 5, MARTIGNY

UNIVERSA, sise rue du Nord 5, MARTIGNY

CMBB ASSURANCE MALADIE ET ACCIDENT, sise rue du Nord 5, MARTIGNY

LA CAISSE VAUDOISE, sise c/o Groupe Mutuel, rue du Nord 5, MARTIGNY

CAISSE-MALADIE DE LA FONCTION PUBLIQUE, sise c/o GROUPE MUTUEL, rue du Nord 5, MARTIGNY

CAISSE MALADIE DE TROISTORRENTS, sise c/o Groupe Mutuel, rue du Nord 5, 1920 MARTIGNY

CAISSE-MALADIE EOS, sise rue du Nord 5, MARTIGNY

AVANTIS ASSUREUR MALADIE, sise c/o Groupe Mutuel, rue du Nord 5, MARTIGNY

FONDATION NATURA ASSURANCES.CH, sise c/o Groupe Mutuel, rue du Nord 5, MARTIGNY

PANORAMA KRANKEN- UND UNFALLVERSICHERUNG, sise c/o Groupe Mutuel, rue du Nord 5, MARTIGNY

EASY SANA, sise c/o Groupe Mutuel;rue du Nord 5, MARTIGNY

PHILOS, sise Riond-Bosson, TOLOCHENAZ

HELSANA VERSICHERUNG AG, sise Zentraler Betreibungsdienst, ZURICH

INTRAS, sise rue Blavignac 10, CAROUGE

PROGRES VERSICHERUNGEN AG, sise à ZURICH

SANITAS KRANKENVERSICHERUNG, sise Lagerstrasse 107, ZÜRICH

SANSAN VERSICHERUNGEN AG, sise Zentraler sise à ZURICH

SWICA GESUNDHEITSORGANISATION, sise Römerstrasse, 38, WINTERTHUR

WINCARE VERSICHERUNGEN, sise Konradstrasse 14, WINTERTHUR

Toutes représentées par Santésuisse Genève et Me Mario-Dominique TORELLO, en l'étude duquel elles élisent domicile

Demanderesses du groupe I

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Demanderesses du groupe II

contre

Monsieur P__________

défendeur


EN FAIT

Monsieur P__________ (ci-après le médecin, puis le défendeur) est spécialiste FMH en médecine interne générale à Genève.

Le 30 décembre 2003, l'association Santésuisse, organisation faîtière des assureurs-maladie actifs dans le domaine de l'assurance-maladie sociale, l'a informé que sa facturation dépassait de manière significative les valeurs moyennes de ses confrères de la même spécialité. Elle a par ailleurs demandé au médecin de lui faire part par écrit d'éventuelles remarques au sujet de l'activité de son cabinet, susceptibles d'expliquer les différences de coût constatées.

Le 10 janvier 2004, le médecin a répondu à Santésuisse qu'il avait effectué une formation approfondie en gériatrie, que ses patients étaient essentiellement des étrangers, des toxicomanes et des personnes âgées. Les étrangers étaient des réfugiés arrivés depuis peu en Suisse avec de multiples pathologies physiques non traitées chez eux et psychiques liées à leurs conditions de vie. Parmi les étrangers étaient également des fonctionnaires internationaux, des employés des missions et des diplomates dont les exigences étaient élevées. Ses nombreux patients toxicomanes se présentaient tous les jours à son cabinet, parfois même deux fois par jour. Or, il ne leur facturait que deux consultations brèves par semaine, alors même qu'ils lui prenaient beaucoup de temps et présentaient de plus en plus de pathologies somatiques et psychiatriques, en prenant de l'âge. Les personnes âgées étaient celles du quartier. Par ailleurs, l'Hôpital cantonal et d'autres confrères spécialistes lui adressaient des patients chroniques. A cela s'ajoutait que, depuis l'ouverture de son cabinet, ses patients vieillissaient, contractaient de nouvelles pathologies et coûtaient inévitablement de plus en plus cher.

Par courrier du 26 août 2004, Santésuisse a transmis au médecin les statistiques 2003 en attirant son attention sur le fait que ces dernières présentaient toujours des indices trop élevés en comparaison avec ses confrères de la même spécialité.

Par courrier du 27 septembre 2004 à Santésuisse, le médecin s'est étonné que huit visites à domicile lui soient attribuées en 2003, alors que les patients auxquels il avait rendu les visites à domicile au cours des années précédentes étaient tous décédés avant 2003. Pour le reste, ses patients étaient les mêmes et le contenu de sa lettre du 10  janvier 2004 concernant ses malades de 2002 valait également pour 2003.

Selon les statistiques-factureurs de Santésuisse (ci-après statistiques RSS) concernant l'année 2004, le médecin présentait un indice de coûts directs de 239, par rapport à la moyenne de 100 de ses confrères de la même spécialité. Son indice des coûts totaux (couts directs et indirects) était de 153.

Le 26 avril 2006, le médecin a été entendu par Santésuisse à propos des statistiques précitées. Selon le procès-verbal relatif à cette séance, le médecin a expliqué, en plus des éléments fournis précédemment, qu'il traitait dix toxicomanes et son épouse, également médecin dans le même cabinet, dix autres. Cependant, les traitements pour l'ensemble des toxicomanes étaient facturés par lui. Il faisait également des ultrasons, de la cardiologie, de la gériatrie et de la pneumologie. Il n'envoyait que rarement un patient chez un spécialiste. La majorité de ses patients étaient en outre âgés. Il avait de moins en moins de diplomates. Quant à son indice de laboratoire, lequel était trop élevé selon Santésuisse, le médecin a répondu qu'il faisait un examen laboratoire tous les six mois au maximum. Le temps moyen de consultation était d'au maximum 25 minutes. Santésuisse a expliqué que le coût par consultation était effectivement plus bas, mais que celles-ci étaient nombreuses. Quant au coût moyen des patients toxicomanes, le médecin a indiqué compter en moyenne deux fois quinze minutes par semaine par patient, tout en soulignant que les patients avaient une vie normale avec le traitement de la méthadone, qu'ils pouvaient travailler et qu'ils ne commettaient plus de délit. Il faisait une à deux fois par an des examens d'urine, alors qu'il devrait en principe en faire tous les trois mois. Les médicaments facturés sur ses notes d'honoraires (18'298 fr.) concernaient uniquement la méthadone. Quant aux charges du cabinet, le médecin a précisé que le loyer était de 2'500 fr. par mois et le salaire mensuel de sa secrétaire de 3'800 fr.

Par courrier du 6 juillet 2006, Santésuisse, par l'intermédiaire de son conseil, a fait part au médecin que, compte tenu de sa facturation en 2004, sa pratique aboutissait à un trop perçu de 144'739 fr. 70, en prenant pour base la moyenne de l'indice des confrères de sa spécialité, ainsi qu'une marge de tolérance de 30%. Ce faisant, Santésuisse a considéré que les particularités de sa pratique étaient déjà couvertes par la marge de sécurité de 30%. Ainsi, elle était sur le point de lui demander, au nom et pour le compte des assureurs-maladie concernés, la restitution du trop perçu. Elle lui a accordé un délai au 18 juillet 2006 pour sa détermination.

Le 28 juillet 2006, les demanderesses du groupe I énumérées ci-dessus, représentées par Santésuisse et le mandataire de cette organisation, ont déposé une demande à l'encontre du médecin en concluant à la constatation de la violation par celui-ci du principe du caractère économique des prestations à leur préjudice et à sa condamnation au paiement de la somme de 144'739 fr. en mains de Santésuisse, charge à elle de la répartir entre les demanderesses, sous suite de dépens. Elles ont fait valoir que, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, il n'était pas nécessaire de contrôler toutes les positions de l'ensemble des factures d'honoraires d'un médecin (méthode analytique), mais que la vérification pouvait se limiter à la comparaison des frais moyens de traitement auprès du médecin mis en cause, avec ceux d'autres médecins pratiquants dans des conditions semblables (méthode statistique). Il convenait toutefois d'ajouter à la moyenne du coût par patient une marge de tolérance de 30%. Seules des particularités pouvaient justifier les coûts moyens plus élevés que la moyenne. Le défendeur avait des indices de coûts directs nettement trop élevés au cours des cinq dernières années, soit de respectivement 203, 194, 237, 246 et 239. Compte tenu de ce que les vingt patients toxicomanes ne constituaient qu'une toute petite partie de sa clientèle, composée en 2004 de 270 malades, ceux-ci ne pouvaient justifier une augmentation sensible des coûts par patient. Le défendeur n'avait par ailleurs pas expliqué pourquoi ses vingt patients étaient facturés sous son nom et non pas également sous celui de son épouse. On ignorait en outre quelle proportion représentait ses patients étrangers. De surcroît, seule une partie de cette clientèle étrangère était constituée de réfugiés en mauvaise santé. De ce fait, cette particularité ne justifiait pas non plus les écarts constatés. Les demanderesses ont en outre relevé que la moyenne d'âge des patients du défendeur n'était que de 42,6 ans, alors que la moyenne des patients de ses confrères de la même spécialité était de 51,9 ans. De ce fait, des coûts plus élevés pour les patients âgés ne sauraient non plus être justifiés. Enfin, l'indice de consultation du défendeur par patient était de 336 par rapport à la moyenne de 100 et, pour les laboratoires prescrits, de 382.

A l'audience du 27 septembre 2006, le Tribunal de céans a constaté l'échec de la tentative de conciliation. Les demanderesses ont désigné à cette audience Monsieur Jean-Marc LEBET en tant qu'arbitre.

Par courrier du 9 octobre 2006, le défendeur a choisi le Dr Charles SELLEGER en tant qu'arbitre.

Par réponse du 15 décembre 2006, le défendeur, représenté par son conseil, a conclu à l'irrecevabilité de la demande et, subsidiairement, à l'irrecevabilité de l'action en constatation de droit des demanderesses. Plus subsidiairement encore, il a conclu au rejet de la demande quant au fond, sous suite de dépens. En premier lieu, il a fait observer que plusieurs pièces relatives à des copies de factures remboursées, figurant sur le chargé des demanderesses, n'avaient pas été produites. D'autres factures ne comportaient ni le nom de l'assuré, ni de l'assurance, ou seulement la mention manuscrite du nom de l'assurance ou de l'assuré. Ainsi, seule une partie des demanderesses avait fourni des factures établissant la preuve du remboursement par elles. De ce fait, il a dénié à une partie des demanderesses la qualité pour agir. Il leur a également reproché de plaider en réalité par procureur, soit Santésuisse, et a relevé l'absence de solidarité d'entre elles, avec la conséquence qu'elles devaient justifier pour chacune d'elles la somme indûment perçue. Il a en outre relevé qu'il était au bénéfice d'une formation complémentaire de pratique de laboratoire en cabinet médical. En quarante ans de pratique, il n'avait jamais eu la moindre maille à partir avec ses patients et jamais connu de problème juridique avec les assurances-maladie. Par ailleurs, la demanderesse CSS Assurance l'avait informé en août 2005 encore qu'il figurait dès le mois de janvier 2006 sur la liste des médecins généralistes pour l'assurance des médecins de famille PROFIT, au vu de la baisse très significative des coûts par patient dans son cabinet, alors qu'elle figurait parmi les demanderesses dans la présente procédure. Il a également allégué que, sur 270 patients, 235 présentaient des pathologies chroniques. A cet égard, il a fourni le détail y relatif avec la mention des différentes pathologies. Sur les 235 malades chroniques, 141 avaient plus de 50 ans. Il suivait de nombreux patients polymorbides. Les coûts engendrés par de tels patients, quel que soit leur âge, étaient particulièrement élevé. Ses 23 patients toxicomanes étaient aussi atteints de pathologies chroniques. En ce qui concerne le nombre des patients toxicomanes, les autorisations pour prescrire des médicaments de substitution (Méthadone) n'étaient en principe délivrées que pour dix patients toxicomanes par médecin. Cependant, il traitait également dix autres patients au nom de son épouse. Le couple se remplaçait par ailleurs l'un l'autre. Les 23 patients pharmacodépendants représentaient à eux seuls 57% des consultations pratiquées et facturées. Il ne leur facturait jamais des consultations psychothérapeutiques, les grands status et les urgences. Les coûts facturés étaient ainsi en fait nettement inférieurs à ceux acceptés par Santésuisse et facturés par le X__________. Ces derniers acceptaient ainsi un coût moyen mensuel par patient pharmacodépendant de 472 fr., cette somme incluant une prise en charge médico-pharmacologique de plus de 30 minutes par semaine s'élevant à 90 fr., ainsi qu'un montant de 28 fr. pour des examens d'urine. Or, il n'avait facturé en 2004 que la somme de 105'117 fr. pour l'ensemble des patients toxicomanes, incluant un montant de 874 fr. pour des examens d'urine, soit un montant annuel par patient de 4'570 fr. et un montant mensuel de 380 fr. L'ensemble des pharmacodépendants engendrait des coûts annuels de 146'656 fr. 60. Quant à l'indice de laboratoire, il a affirmé n'avoir effectué en 2004 que 2'038 examens (prises de sang), soit une moyenne représentant moins d'un examen par patient et par an, ce chiffre incluant tous les examens nécessaires pour les pharmacodépendants. Concernant le reproche qu'il facturerait trop de médicaments, il a indiqué que ces derniers devaient prendre de la méthadone tous les jours. Il effectuait également dans son cabinet tous les examens ultrasonographiques nécessaires et pouvait ainsi limiter au strict nécessaire la prescription d'examens de radiologie coûteux et inutiles. En 2004, il avait pratiqué 81 examens ultrasonographiques, soit trois examens pour dix malades, qui ont permis d'éviter un examen et une consultation supplémentaire plus chers chez un spécialiste. Il s'est en outre référé aux statistiques du trust center des médecins CTESIAS, selon lesquelles son chiffre d'affaires était moins élevé que celui de ses confrères et le coût moyen d'une consultation inférieur à celui des consultations pratiquées dans le canton. Selon les statistiques CTESIAS, il prescrivait également moins d'examens de laboratoire que la moyenne et moins de médicaments. Le défendeur a en tout état de cause mis en doute la fiabilité des statistiques RSS et a fait valoir qu'il conviendrait au moins de déduire les coûts engendrés par les pharmacodépendants et l'ultrasonographie du chiffre d'affaires ressortant de ces statistiques. Ce faisant, on obtenait un coût moyen par patient inférieur à l'indice de 130 %.

Par mémoire de réplique du 29 janvier 2007, les demanderesses ont persisté dans leurs conclusions. Elles ont relevé que si certaines caisses-maladie ont inclus le défendeur dans le modèle d'assurance proposant un choix limité de médecins, ces caisses avaient des critères de sélection différents. Par ailleurs, la circulaire de la CSS avait été adressée à la plupart, sinon à tous les médecins généralistes. S'agissant de la qualité pour agir, elle pouvait être établie, selon la jurisprudence, par la production d'une seule facture de remboursement par une caisse-maladie. Les demanderesses se sont à cet égard engagées à réunir toutes les factures exemplatives et de les produire dans un chargé complémentaire ultérieurement. Pour le surplus, elles ont fait observer que, lors de son audition en date du 26 avril 2006, le défendeur avait déclaré ne suivre avec sa femme que 20 toxicomanes, alors qu'il a affirmé dans ses écritures en suivre 23. Quant aux statistiques CTESIAS, les demanderesses ignoraient la manière dont elles étaient établies. Elles ont en outre estimé qu'il était excessif de concevoir que 7,4 % de sa clientèle toxicomane absorbait 57 % de son activité. En ce qui concerne la fiabilité des statistiques RSS, elles ont répété que la valeur de celles-ci était reconnue par le Tribunal fédéral, en dépit des critiques émises. Elles ont réfuté par ailleurs l'allégation selon laquelle Santésuisse plaiderait en réalité par procureur, tout en rappelant que la jurisprudence a admis que l'association faîtière puisse représenter ses membres demandeurs dans le cadre de la procédure pour polypragmasie et demander que la somme perçue en trop soit versée en ses mains.

Par duplique du 30 mars 2007, le défendeur a maintenu ses conclusions. En plus des arguments invoqués précédemment, il a expliqué que les 23 patients toxicomanes l'avaient consulté pour des pathologies physiques avant de s'adresser à lui pour leur pharmacodépendance. En raison des liens personnels qui l'unissaient à ces patients, il avait demandé au Médecin cantonal de lui délivrer l'autorisation pour le traitement de l'ensemble de ceux-ci. En 2004, sur 3'065 consultations effectuées, il a consacré 1'758 consultations aux 23 patients polytoxicomanes. Le défendeur a par ailleurs constaté que les demanderesses ont fait l'impasse sur la convention conclue entre le GPMA et Santésuisse. Or, sa pratique médicale pour le suivi des patients pharmacodépendants avait un coût inférieur aux normes fixées par cette convention. Il avait toujours été membre du GPMA et ainsi autorisé à facturer ses prestations médicales dans le cadre de ladite convention. Il ne comprenait dès lors pas comment on pouvait lui reprocher aujourd'hui de s'être matériellement conformé dans sa facturation aux règles auxquelles Santésuisse s'était elle-même soumise.

Selon les statistiques RSS pour 2005, le défendeur présentait un indice des coûts directs de 261 et de coûts totaux de 164.

Par courrier du 19 avril 2007, Santésuisse, représentée par son conseil, a informé le défendeur que son indice des coûts directs était toujours largement supérieur à l'indice moyen de ses confrères de la même spécialité. En ce qui concerne les particularités de sa pratique, elles étaient déjà couvertes par la marge de tolérance de 30%. Cela étant, les assureurs-maladie étaient sur le point de lui demander la restitution de la somme de 163'195 fr., en raison de la violation du principe de l'économicité.

A la demande du Tribunal de céans, le Médecin cantonal a transmis au Tribunal de céans le 13 juin 2007 la liste des médecins dispensant des traitements de stupéfiants avec autorisation, version du 9 février 2007. Il n'y avait pas de liste spécifique pour l'année 2004, les données étant mises à jour de manière continue. Cette liste était par ailleurs sensiblement identique à celle que cette dernière année. En 2004, le défendeur avait reçu une autorisation pour onze patients et son épouse pour neuf.

Par demande du 2 juillet 2007, les demanderesses du groupe II, représentées par Santésuisse et le mandataire de cette organisation, ont introduit une seconde demande à l'encontre du défendeur en concluant à la constatation de la violation par celui-ci du principe du caractère économique des prestations et à sa condamnation à la restitution de la somme de 163'195 fr. en mains de Santésuisse, charge à elle de la répartir entre les demanderesses, sous suite de dépens. Pour la motivation, les demanderesses se sont essentiellement référées aux arguments invoqués dans la première demande, tout en admettant que, selon la jurisprudence récente du Tribunal fédéral, l'ensemble des coûts directs et indirects devait en principe être pris en considération pour l'examen d'une polypragmasie. Toutefois, à leur avis, les montants à restituer seraient dans la plupart des cas plus élevés, en procédant de cette manière. De surcroît, le défendeur se trouvait certes pour les coûts indirects au niveau moyen, mais cela était insuffisant pour compenser l'énorme écart de ses coûts directs par rapport à la moyenne de son groupe de comparaison.

Le 6 juillet 2007, le défendeur a donné suite à une demande du Tribunal de céans de lui transmettre les autorisations du Médecin cantonal concernant ses patients, le bilan et compte de pertes et profits du cabinet pour 2004, ainsi que toutes les factures de 2004 concernant les patients toxicomanes. Il a par ailleurs expliqué qu'il avait traité tous les patients pharmacodépendants en raison du fait qu'il s'agissait d'adultes qu'il connaissait.

Lors de l'audience du 24 août 2007, le Tribunal de céans a constaté l'échec de la tentative de conciliation de la seconde demande et a ordonné sa jonction à la première. Le défendeur a conclu à l'audience au rejet de la seconde demande et a renoncé à y répondre.

Par courrier du 29 août 2007, le défendeur a expliqué, à la demande du Tribunal de céans, qu'un de ces patients toxicomanes, pour lequel l'autorisation de dispensation de stupéfiants n'avait pas été produite, avait disparu de la circulation, avant même que le Médecin cantonal ait pu délivrer l'autorisation nécessaire. Le défendeur avait commencé à le traiter d'urgence en septembre 2004 pour différentes pathologies. Il a par ailleurs indiqué avoir encaissé pour les patients toxicomanes en 2004 la somme totale de 109'369 fr. 70, mais que le montant des honoraires facturés avait été de 120'181 fr. 15 pour ces patients.

Par écritures du 15 novembre 2007, les demanderesses se sont déterminées sur les nouvelles pièces et explications du défendeur, tout en persistant dans leurs conclusions. Elles ont ajouté à leur argumentation précédente que 131 médecins disposaient à Genève d'une ou de plusieurs autorisations de dispenser des stupéfiants sur près de 1800 médecins. Par ailleurs, dans la pratique, les médecins qui souhaitaient traiter un plus grand nombre de patients que le maximum de 10 fixé par le règlement relatif à l'application de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotiques, pouvaient en faire la demande. Les demanderesses ont ensuite procédé à la comparaison du défendeur avec les médecins dispensant des traitements de stupéfiants avec autorisation. La plupart de ces médecins figurant dans cette liste étaient des généralistes (groupe 0) ou des internistes (groupe 5). Seuls 17 médecins étaient des praticiens d'autres spécialités. L'indice des coûts directs par malade de ce groupe était de 235, soit inférieur à l'indice de 261 du défendeur. Santésuisse a ensuite comparé le défendeur uniquement aux médecins internistes prescripteurs de stupéfiants. Sur la base de cette comparaison, l'indice du défendeur était de 233, soit toujours largement supérieur aux indices de ses confrères. Les demanderesses ont en outre produit les statistiques relatives aux généralistes (groupe 0) pour démontrer que le coût moyen par patient de ce groupe était pratiquement identique à celui du groupe des internistes. De l'avis des demanderesses, il était invraisemblable que le défendeur traite des patients avec des pathologies lourdes, compte tenu de son indice de coûts indirects relatifs aux médicaments prescrits de 66 pour l'année 2004 et de 72 pour l'année 2005. A cet égard, Santésuisse a produit les statistiques anonymisées d'un médecin traitant une clientèle constituée de plus de 80% de cas lourds toxicomanes. L'indice des coûts des médicaments de celui-ci était de 1'068. Il était ainsi démontré que le traitement de cas lourds se répercutait sur la prescription de médicaments. Si le défendeur avait une pratique comparable à ce médecin, son indice relatif aux médicaments aurait dû ainsi être beaucoup plus élevé. Dans le cas du médecin précité, Santésuisse avait par ailleurs pris en compte les explications de celui-ci pour justifier le coût élevé des médicaments prescrits.

A la suite de la démission du Dr Charles SELLEGER, le défendeur a choisi le Dr François COURVOISIER à titre d'arbitre, par courrier du 12 décembre 2007. Il a fait observer à cette occasion, en ce qui concerne la comparaison de ses indices à ceux des médecins prescripteurs de méthadone, que son indice pour les coûts directs et indirects n'était que de 143. Dans la comparaison avec les médecins internistes prescripteurs de produits stupéfiants, son indice des coûts totaux n'était que de 128. Quant à la validité de la comparaison de ses coûts avec ceux des autres médecins prescripteurs de méthadone, il a souligné que la plupart de ces médecins ne suivaient qu'un nombre très limité (bien moins que dix) de toxicomanes, afin que l'activité de leur cabinet ne soit pas déréglée par des patients difficiles à gérer. S'agissant du cas du médecin cité par les demanderesses qui a plus de 80% de patients toxicomanes, décrits comme lourds, il s'agissait en fait d'un centre de soins pour toxicomanes ayant fait l'objet d'une autorisation spéciale. Le défendeur a contesté à cet égard que la grande majorité des toxicomanes de ce centre puisse être qualifiée de cas lourds, dans la mesure où ils n'avaient nécessité que cinq consultations en moyenne par an, selon les statistiques produites. Il était par ailleurs toujours possible de donner aux malades de grandes quantités de médicaments à la fois, d'où le chiffre astronomique des médicaments dans les statistiques du centre précité. Toutefois, les pharmacodépendants iraient les vendre ou les consommer en overdose. C'était la raison pour laquelle la plupart de ses confrères et lui-même en prescrivaient le minimum possible à chaque consultation. Il avait ainsi toujours privilégié les consultations fréquentes et le suivi régulier plutôt que l'augmentation des doses de médicaments. Enfin, le cas du médecin cité par les demanderesses avait le mérite de démontrer clairement que plus un médecin traitait de patients toxicomanes, plus son indice des coûts par patient était élevé.

Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

a) Selon l’art. 89 al. 1 de la loi fédérale sur l’assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal), les litiges entre assureurs et fournisseurs sont jugés par le Tribunal arbitral. Est compétent le Tribunal arbitral du canton dont le tarif est appliqué ou dans lequel le fournisseur de prestations est installé à titre permanent (art. 89 al. 2 LAMal). Le Tribunal arbitral est aussi compétent si le débiteur de la rémunération est l’assuré (système du tiers garant, art. 42 al. 1 LAMal) ; en pareil cas, l’assureur représente, à ses frais, l’assuré au procès (art. 89 al. 3 LAMal). La procédure est régie par le droit cantonal (art. 89 al. 5 LAMal).

b) En l’espèce, la qualité de fournisseur de prestations au sens des art. 35ss LAMal et 38ss de l’ordonnance sur l’assurance-maladie du 27 juin 1995 (OAMal) du défendeur n’est pas contestée. Quant aux demanderesses, elles entrent dans la catégorie des assureurs au sens de la LAMal. La compétence du Tribunal arbitral du canton de Genève est également acquise ratione loci, dans la mesure où le cabinet du défendeur y est installé à titre permanent.

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

Les demandes respectent les conditions de forme prescrites par les art. 64 al. 1 et 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA), lesquels s’appliquent par analogie.

En ce qui concerne la recevabilité des conclusions des demanderesses tendant à la constatation d'une polypragmasie, cette question est sans importance dans la présente procédure, dès lors que celles-ci ont également pris des conclusions en paiement à l'encontre du défendeur, ce qui présuppose la constatation d'une pratique non conforme au principe de l'économicité.

Partant, la recevabilité des demandes sera admise.

a) Aux termes de l'art. 25 al. 2 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (ci-après LPGA), le droit de demander la restitution s'éteint un an après le moment où l'institution d'assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation. Il s'agit d'une question qui doit être examinée d'office par le juge saisi d'une demande de restitution (ATFA non publié du 24 avril 2003, cause K 9/00, consid. 2). Avant l'entrée en vigueur de la LPGA en date du 1er janvier 2003, l'art. 47 al. 2 de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (ci-après LAVS) était applicable par analogie pour ce qui concerne la prescription des prétentions en restitution, selon la jurisprudence (ATF 103 V 153, consid. 3). Cette disposition avait la même teneur que l'art. 25 al. 2 LPGA, de sorte que l'ancienne jurisprudence concernant la prescription reste valable.

Selon cette jurisprudence, les délais de la disposition précitée constituent des délais de péremption (ATF 119 V 433, consid. 3a). L'expiration de ce délai est empêché lorsque les assureurs-maladie introduisent une demande, dans le délai d'une année à partir de la connaissance des statistiques, par devant l'organe conventionnel, l'instance de conciliation légale ou le Tribunal arbitral (RAMA 2003, p. 218, consid. 2.2.1). Le délai commence à courir au moment où les statistiques déterminantes sont portées à la connaissance des assureurs suisses (ATFA non publié du 16 juin 2004, cause K 124/03, consid. 5.2).

b) En l'espèce, les statistiques de Santésuisse concernant l'année 2004 ont été portées à la connaissance des demanderesses au plus tôt le 28 juillet 2005, date qui correspond à celle de la préparation des données figurant sur ces statistiques, et celles de 2005 au plus tôt le 3 juillet 2007. Dans la mesure où les demandes ont été déposées le 28 juillet 2006 et le 2 juillet 2007, il sied de constater qu'elles ne sont pas périmées.

L'objet du litige est la question de savoir si la pratique du défendeur en 2004 et 2005 respecte le principe de l'économicité.

Aux termes de l’art. 56 al. 1 et 2 LAMal, le fournisseur de prestations doit limiter ses prestations à la mesure exigée par l’intérêt de l’assuré et le but du traitement. La rémunération des prestations qui dépasse cette limite peut être refusée et le fournisseur de prestations peut être tenu de restituer les sommes reçues à tort au sens de cette loi.

Conformément à l’art. 56 al. 2 let. b LAMal ont qualité pour demander la restitution les assureurs dans le système du tiers-payant. Selon la jurisprudence en la matière, il s’agit de l’assureur qui a effectivement pris en charge la facture. Par ailleurs, les assureurs, représentés le cas échéant par leur fédération, sont habilités à introduire une action collective à l’encontre du fournisseur de prestations, sans spécifier pour chaque assureur les montants remboursés (ATF 127 V 286 consid. 5d).

Néanmoins, la prétention en remboursement appartient à chaque assureur-maladie, raison pour laquelle il doit être mentionné dans la demande, ainsi que dans l’arrêt (RAMA 2003, p. 221). Lorsqu’un groupe d’assureurs introduit une demande collective, il ne peut dès lors réclamer que le montant que les membres de ce groupe ont payé. Il n'est pas habilité d'exiger le remboursement d’un montant que d’autres assureurs, lesquels ne sont pas représentés par ce groupe, ont pris en charge.

Il résulte de ce qui précède que les demanderesses sont tout à fait habilitées à se faire représenter dans la présente procédure par Santésuisse, ainsi qu'à introduire une action collective à l'encontre du défendeur. Toutefois, celui-ci relève à raison qu'elles devraient justifier d'avoir remboursé des factures à ses patients, ce qui n'est pas le cas d'une partie des demanderesses du groupe I. Il convient toutefois de noter que le défendeur ne conteste pas formellement que la totalité des demanderesses du groupe I aient remboursé des prestations à ses patients.

En tout état de cause, au vu de ce qui suit, la question de la qualité pour agir des demanderesses du groupe I peut rester ouverte.

a) Pour établir l’existence d’une polypragmasie, le Tribunal fédéral des assurances admet le recours à trois méthodes : la méthode statistique, la méthode analytique ou une combinaison des deux méthodes (consid. 6.1 non publié de l’ATF 130 V 377, ATF 119 V 453 consid. 4). Les tribunaux arbitraux sont en principe libres de choisir la méthode d’examen. Toutefois, la préférence doit être donnée à la méthode statistique par rapport à la méthode analytique, qui en règle générale est appliquée seulement lorsque des données fiables pour une comparaison des coûts moyens font défaut (consid. 6.1 non publié de l’ATF 130 V 377, ATF 98 V 198).

b) La méthode statistique consiste à comparer la statistique des frais moyens de traitement auprès du médecin en cause avec celle concernant les traitements auprès d’autres médecins travaillant dans des conditions semblables, à condition que la comparaison s’étende sur une période assez longue et que les éléments statistiques soient rassemblés d’une manière analogue. Une polypragmasie doit être admise lorsqu’un nombre considérable de notes d’honoraires émises par un médecin à une caisse-maladie est en moyenne sensiblement plus élevé que celles d’autres médecins pratiquant dans une région et avec une clientèle semblable, alors qu’aucune circonstance particulière ne le justifie (ATF 119 V 453 consid. 4b). Il y a toutefois lieu de tenir systématiquement compte d’une marge de tolérance (ATF 119 V 454 consid. 4c in fine), ainsi que le cas échéant d’une marge supplémentaire (RAMA 1988 K 761, p. 92 consid. 4c ; SVR 2001 KV n° 19, p. 52 consid. 4b). La marge de tolérance ne doit pas dépasser l’indice de 130, afin de ne pas vider la méthode statistique de son sens et doit se situer entre les indices de 120 et de 130 (consid. 6.1 non publié de l’ATF 130 V 377).

c) Lorsque l'existence de particularités du cabinet médical est établie, la jurisprudence admet l'utilisation de deux méthodes. La première consiste à ajouter un pourcentage supplémentaire à la marge de tolérance admise. Il est cependant également possible de déterminer les particularités spécifiques et de les quantifier, puis de déduire le montant ainsi déterminé des coûts directs totaux du cabinet médical, tels qu'ils résultent des statistiques RSS (ATF non publié du 30 juillet 2001, cause K 50/00, consid. 4b/bb et les références y citées). A cet égard, il n'est pas nécessaire de contrôler toutes les positions de l'ensemble des factures du groupe des patients pour lesquels un surcoût est allégué (ATF précité, consid. 5a; ATF 119 V 453, consid. 4b). Ainsi, le Tribunal fédéral a jugé conforme à sa jurisprudence de déduire les frais relatifs aux patients toxicomanes, avec des diagnostics psychiatriques, des coûts directs du médecin en cause et d'admettre une marge de tolérance de 20% pour le coût moyen des autres patients (ATF non publié précité, consid. 6a).

d) Selon la jurisprudence récente du Tribunal fédéral des assurances, il convient de prendre en considération pour l’examen de l’économicité l’indice de l’ensemble des coûts, à savoir aussi bien les coûts de traitement directs que de traitements indirects (coût des médicaments et autres coûts médicaux occasionnés par le médecin auprès d’autres fournisseurs de prestations), lorsque l’ensemble des coûts est inférieur aux coûts directs. Toutefois, lorsqu’il existe des indices concrets que les coûts inférieurs dans un domaine sont dus à des circonstances extérieures sans lien de causalité avec la façon de pratiquer du médecin, il n'y a pas lieu de procéder à une prise en compte de l’ensemble des coûts (ATF 133 V 39 ss consid. 5.3.2 à 5.3.5).

En l’occurrence, le défendeur conteste l’utilisation des statistiques de Santésuisse en ce qui le concerne.

En premier lieu, il met en cause leur fiabilité. La valeur probante des statistiques établies par Santésuisse a été cependant expressément reconnue par le Tribunal fédéral des assurances. Notre Haute Cour a ainsi jugé que seules les statistiques RSS fournissaient les données qui permettaient une comparaison valable entre les différents fournisseurs de prestations et ainsi de se prononcer sur le respect ou la violation du principe de l'économicité (ATFA non publié du 18 mai 2004, K 150/03, consid. 6.4.2). De surcroît, la jurisprudence a développé des moyens pour compenser les défauts des statistiques RSS (ATFA non publié du 18 mai 2004, K 150/03, consid. 6.4.1).

Se pose cependant la question de savoir si des particularités dans la pratique du défendeur justifient un coût moyen plus élevé.

a) Selon la jurisprudence, les particularités suivantes liées à la pratique médicale du médecin peuvent justifier un coût moyen plus élevé: une clientèle composée d’un nombre plus élevé que la moyenne de patients nécessitant souvent des soins médicaux (RAMA 1986 p. 4 consid. 4c), un nombre plus élevé de la moyenne de visites à domicile et une très grande région couverte par le cabinet (SVR 1995 p. 125 consid. 4b), un pourcentage très élevé de patients étrangers (RAMA 1986 p. 4 consid. 4c), une clientèle composée d’un grand nombre de patients consultant le praticien depuis de nombreuses années et étant âgés (ATFA non publié du 18 octobre 1999, K 152/98), le fait que le médecin s’est installé depuis peu de temps à titre indépendant (réf. citée dans l’ATFA non publié du 18 mai 2004, K 150/03), un grand nombre de patients toxicomanes ou présentant des atteintes psychiques (ATF non publié du 30 juillet 2001, cause K 50/00, consid. 6).

En l'espèce, le défendeur fait en particulier valoir qu'il traite de nombreux toxicomanes qui présentent, de surcroît, des pathologies associées lourdes. A l'appui de ses dires, le défendeur a produit l'ensemble des notes d'honoraires établies pour ses 23 patients toxicomanes. Il résulte de celles-ci qu'il a facturé en 2004 des honoraires d'un montant de l'ordre de 150'000 fr., ce qui représente un coût par patient d'environ 6'500 fr., montant qui est largement supérieur au coût par patient ressortant des statistiques RSS, lequel était de 491 fr.79 en 2004 et de 509 fr. 66 en 2005.

Il convient de relever à cet égard que les demanderesses n'ont pas contesté le coût moyen pour le traitement des toxicomanes. Par ailleurs, comme le fait valoir à juste titre le défendeur, les coûts forfaitaires admis selon la convention GPMA sont bien supérieurs aux coûts moyens directs par malade tels qu'ils résultent des statistiques RSS. En effet, rien que pour la prise en charge médico-pharmaco-psychothérapeutique, un coût moyen de 108 fr. 33 par semaine est admis, ce qui représente un coût annuel, en admettant une ouverture du cabinet pendant 44 semaines par an, de 4'766 fr. 70. Cette somme est presque dix fois supérieure au coût moyen direct par patient de l'ensemble des médecins de la catégorie des généralistes de 491 fr. 79 en 2004. Il est également établi par les statistiques produites par Santésuisse pour les médecins prescripteurs de méthadone que les indices de ceux-ci sont notablement plus élevés que ceux des autres médecins de leur catégorie.

En ce qui concerne le fait que le défendeur traite plus que dix patients toxicomanes, notamment également ceux pour lesquels une autorisation de dispensation de stupéfiants a été octroyée à son épouse travaillant dans le même cabinet, la question de savoir si cette façon de faire est conforme au règlement relatif à l'application de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotiques n'est pas pertinente dans la présente procédure. Il n'appartient en effet pas au Tribunal de céans de contrôler si le défendeur a éventuellement enfreint ce règlement. Seul importe de constater le nombre de patients toxicomanes qu'il a traité pendant les années litigieuses.

Or, au vu des pièces produites, il peut être admis que le défendeur a suivi en 2004 et 2005 un nombre très élevé de patients toxicomanes, par rapport aux autres médecins, et que ces patients ont engendrés des coûts moyens par patient énormes, sans aucune comparaison avec le coût moyen par patient de l'ensemble des médecins de sa spécialité.

Cela étant, il y a lieu de faire application de la méthode mixte, à savoir de déduire le coût relatif à ces patients des coûts totaux figurants dans les statistiques RSS. Pour ce faire, il convient en premier lieu de déterminer le pourcentage des honoraires relatifs à ces patients par rapport à l'ensemble du chiffre d'affaires du cabinet. Dans la mesure où le compte de pertes et profits du défendeur est fondé sur les honoraires encaissés, seuls les honoraires encaissés pour les patients toxicomanes sont à prendre en considération, à savoir la somme de 109'369 fr. 70 en 2004, conformément aux informations communiquées par le défendeur par son courrier du 29 août 2007. Par rapport à son chiffre d'affaires en 2004, à savoir les honoraires encaissés de 278'997 fr. 99, les honoraires relatifs aux pharmacodépendants représentent 39,2%. 60,8% concernent dès lors les autres patients. Ce pourcentage des coûts directs et indirects du cabinet du défendeur de 586'134 fr. en 2004, selon les statistiques RSS, représente 356'369 fr. 50. Cette somme divisée par le nombre des patients non toxicomanes de 247 (270-23 patients) donne un coût global par patient non toxicomane de 1'442 fr. 80.

Selon les statistiques RSS, le coût moyen total par patient était en 2004 de 1'418 fr. 87 (coût total par malade du défendeur de 2'170 fr. 87 divisé par son indice de coûts globaux de 153 et multiplié par 100). Il appert ainsi que le coût par malade non toxicomane du défendeur, sur la base des indices des coûts directs et indirects, était en 2004 à peine supérieur au coût global par patient résultant des statistiques RSS.

Au vu de ce qui précède, une violation du principe de l'économicité ne peut être établie pour 2004.

S'agissant de l'année suivante, il sied de se fonder sur le même pourcentage de patients toxicomanes qu'en 2004, dans la mesure où il ne semble pas que le défendeur ait changé de pratique. 60.8% de 584'478 fr., soit des coûts globaux du cabinet en 2005, représentent 355'362 fr. 60. En divisant ce chiffre par le nombre des patients non toxicomanes de 247, le coût total moyen par patient s'établit à 1'438 fr. 70.

En 2005, le coût total moyen par patient des médecins de la même spécialité du défendeur était de 1'454 fr. 60 (coût total par patient du défendeur de 2'385 fr. 63 divisé par son indice de 164 en 2005 et multiplié par 100). Ainsi, en 2005, le coût total moyen par patient du cabinet du défendeur était même inférieur au coût moyen des médecins de sa spécialité, en ce qui concerne les patients non toxicomanes.

Par conséquent, aucune polypragmasie ne saurait non plus être retenue pour 2005.

Au vu de ce qui précède, les demandes seront rejetées.

L'émolument de justice de 4'000 fr. sera mis à la charge des demanderesses, prises conjointement.

Celles-ci succombant, elles seront également condamnées à verser au défendeur une indemnité de 4'000 fr. à titre de dépens.

 

 


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

A la forme :

Déclare les demandes recevables.

Au fond :

Les rejette.

Condamne les demanderesses, prises conjointement, à payer au défendeur la somme de 4'000 fr.

Met à la charge des demanderesses, prises conjointement, un émolument de 4'000 fr.

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Sylvie CHAMOUX

 

La présidente

 

 

 

 

Maya CRAMER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l'Office fédéral de la santé publique par le greffe