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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/129/2018

ATAS/223/2018 du 08.03.2018 ( AI ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/129/2018 ATAS/223/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 8 mars 2018

3ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée au PETIT-LANCY, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Youri WIDMER

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


 

 

EN FAIT

 

1.        Madame A______ (ci-après : l’assurée), née en 1976, a travaillé en qualité d’infirmière à 80%, puis à 60%.

2.        Le 23 août 2010, l’assurée s’est fracturée la cheville gauche, avec luxation.

3.        Le 20 janvier 2011, l’assurée a déposé une demande de prestations auprès de l’Office cantonal de l’assurance-invalidité (ci-après : l'OAI).

4.        Par décision du 17 juillet 2013, l’OAI a reconnu à l’assurée le droit à un trois-quarts de rente dès le 1er août 2011, diminué à un quart de rente dès le 1er novembre 2012.

Cette décision a été rendue à l’issue d’une instruction ayant permis de recueillir notamment les éléments suivants :

-          un rapport du 3 février 2011 du docteur B______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, concluant à une fracture de la cheville gauche et mentionnant également, en précisant qu’il était sans effet sur la capacité de travail, un syndrome Sjögren ;

-          le rapport d’un entretien avec l’assurée, le 15 février 2011, relatant que, selon l’intéressée, le syndrome de Sjögren était également devenu invalidant : en raison de son état de santé et de sa fatigue, elle avait négocié et obtenu de son employeur une diminution de son taux d’activité à 60% dès septembre 2010 ; l’assurée affirmait que, sans problèmes de santé, elle aurait travaillé à 80% et augmenté son taux d’activité à 100% dès la scolarisation de sa fille, née en 2004 ;

-          un rapport du 20 avril 2011 du docteur C______, spécialiste FMH en allergologie et immunologie clinique et en médecine interne générale, confirmant l’existence, depuis 2004, d’un syndrome Sjögren se traduisant par des douleurs chroniques et une fatigue ; l’assurée rencontrait des difficultés à marcher et à rester debout, ce qui se traduisait par un ralentissement dans son activité professionnelle ;

-          un rapport intermédiaire du 17 août 2011 du Dr B______, qualifiant l’état de sa patiente de stationnaire ; la capacité à exercer l’activité habituelle était nulle mais totale dans une activité adaptée « de bureau » ;

-          un rapport intermédiaire du 3 octobre 2011 du Dr C______, faisant état d’une aggravation de l’état de santé de sa patiente, sans changement des diagnostics ; la capacité de travail était nulle dans l’activité habituelle ; il était difficile d’envisager une reprise du travail et, en tous les cas, le taux d’activité devrait être réduit ;

-          un avis du Service médical régional de l’AI (SMR) du 10 novembre 2011, retenant une totale incapacité de travail dans l’activité habituelle et une capacité de 100% dans une activité adaptée, c’est-à-dire privilégiant des tâches sédentaires ou semi-sédentaires (vu les raideurs et douleur de la cheville) ;

-          un rapport d’enquête économique du 11 janvier 2012, constatant que, dans la sphère ménagère, les empêchements étaient relativement importants, en raison d’une fatigue extrême et d’une grande fatigabilité ; l’enquête concluait à un taux d’empêchement de 37,55% ;

-          un rapport du 22 février 2012 du docteur D______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie et psychiatre traitant de l’assurée, concluant à trouble dépressif récurrent, épisode modéré, présent depuis plusieurs années ; l’incapacité de travail dans l’activité habituelle était de 100% depuis le 29 août 2010 ; en revanche, dans un emploi adapté, elle n’était que de 50% ;

-          un courrier du 4 avril 2012 du Dr D______ précisant que si l’évolution clinique tendait à être globalement favorable, l’assurée présentait une vulnérabilité psychique accrue et des risques de rechute significatifs face à des facteurs de stress tels qu’une accentuation de son syndrome douloureux chronique ou des difficultés financières ou administratives ; grâce à une prise en charge psychiatrique régulière, la capacité résiduelle de travail, de 50% depuis janvier 2012, pouvait être maintenue ; une activité professionnelle inadaptée (taux d’activité trop important et/ou non-respect des limitations fonctionnelles, favoriserait l’aggravation et la chronicisation de la pathologie et mettrait en péril la capacité de travail résiduelle de 50% ;

-          un rapport d’expertise de la doctoresse E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie mandatée par l’OAI, du 30 octobre 2012, concluant à un trouble dépressif récurrent en rémission incomplète ; la symptomatologie résiduelle correspondait à une symptomatologie anxieuse ; était également mentionné, en précisant qu’il était sans répercussion sur la capacité de travail, un trouble de la personnalité émotionnellement labile ; la symptomatologie anxieuse restait importante, mais sans effet sur la capacité de travail ; du point de vue psychiatrique, l’assurée était apte à effectuer une activité à plein temps, dans la mesure où aucune des difficultés psychiques rencontrées de façon chronique n’était invalidante pour son fonctionnement professionnel et sa vie quotidienne ; il fallait néanmoins compter avec une réduction de rendement de 20% pour tenir compte de l’épuisement mental induit par l’anxiété et de la fatigabilité ; l’experte se rangeait à l’avis du Dr D______ s’agissant de l’incapacité de travail présentée de fin août 2010 à janvier 2012, en raison d’un trouble dépressif récurrent ; quant à l’incapacité de travail de 50% entre janvier et août 2012, elle avait été justifiée par la symptomatologie dépressive résiduelle ; en revanche, depuis la reprise d’une activité professionnelle par l’assurée - en août 2012 -, l’avis de l’experte différait de celui du psychiatre traitant : à partir de ce moment, le trouble psychique paraissait stabilisé et la symptomatologie anxieuse résiduelle, d’une faible intensité, n’avait plus influencé la capacité de travail, hormis une baisse de rendement de 20%.

5.        Saisie d’un recours de l’assurée, la Cour l’a admis partiellement le 22 décembre 2014 (ATAS/1345/2014), en ce sens qu’elle a reconnu à l’assurée à une rente entière d’invalidité du 1er août au 31 décembre 2011 et renvoyé la cause à l’intimé pour instruction complémentaire et nouvelle décision concernant la période postérieure.

S’agissant de savoir si l’état de l’assurée s’était amélioré à compter du 1er janvier 2012, puis du 1er août 2012, et, si d’éventuelles améliorations avaient eu des conséquences en termes de droit aux prestations, la Cour a constaté qu’en dehors du Dr C______, aucun médecin n’avait véritablement abordé les conséquences concrètes du syndrome de Sjögren sur la capacité de travail de l’intéressée. Par ailleurs, si une évolution favorable pouvait incontestablement être déduite des rapports des Drs B______ et F______ s’agissant de l’atteinte à la cheville, aucun élément récent ne permettait de se déterminer sur les conséquences en termes de capacité de travail, l’analyse du cas par le Dr F______ ayant été faite avant une complète stabilisation. En outre, les éléments permettant de conclure à une amélioration globale à compter d’août 2012 étaient minces. Si une telle amélioration ne pouvait être exclue, le simple fait que l’assurée ait évoqué une diminution - temporaire - des symptômes du syndrome de Sjögren lors de l’expertise de la Dresse E______ ne suffisait pas à tenir cette amélioration pour vraisemblable, sans une instruction plus poussée. Enfin, les médecins consultés individuellement dans le cadre de l’instruction avaient évoqué à plusieurs reprises d’éventuels liens entre les différentes atteintes à la santé - de nature ostéo-articulaire, immunologique et psychiatrique. Chaque atteinte considérée séparément pouvait sembler légère, mais leur accumulation et leurs influences mutuelles pouvaient engendrer des limitations fonctionnelles plus importantes et limiter la capacité de travail. Or, aucune expertise pluridisciplinaire n’avait été ordonnée. Partant, il était impossible, en l’état du dossier de confirmer les améliorations survenues et, surtout, leurs conséquences en termes de capacité de gain depuis le 1er janvier 2012.

Dès lors, l’OAI était invité à procéder à une instruction complémentaire visant à déterminer plus précisément comment avaient évolué l’état de santé de l’assurée, ses limitations fonctionnelles et sa capacité de travail dans son activité habituelle, dans son activité d’infirmière scolaire et dans toute activité adaptée depuis janvier 2012, en mettant sur pied une expertise pluridisciplinaire couvrant les volets ostéo-articulaire (cheville), immunologique (syndrome de Sjögren) et psychiatrique.

6.        Conformément aux instructions de la Cour de céans, l’OAI a rouvert l’instruction. Ont ainsi été versés au dossier :

-          un courrier rédigé en novembre 2014 par la doctoresse G______, médecin-conseil de l’employeur de l’assurée justifiant un arrêt de travail du 21 mai 2014 - date de l’accouchement de l’assurée - au 30 septembre 2014 par une grossesse compliquée, puis, à compter du 1er octobre 2014, par une infection médicale chronique sévère diagnostiquée en 2010 accompagnée de nombreuses complications liées à la maladie et aux traitements ; cette infection avait été réactivée par la grossesse et provoquait des douleurs inflammatoires importantes résistant aux traitements classiques ; selon ce médecin, cette atteinte et ses complications pouvaient justifier une rente d’invalidité à 50% ; une reprise du travail à raison de quatre demi-journées par semaine lui paraissait raisonnable et adéquate, la date de reprise étant à définir avec le médecin traitant ;

-          un nouveau courrier de ce médecin, rédigé en janvier 2015, faisant état d’une aggravation, considérant désormais qu’il était difficile d’envisager une reprise du travail, même à temps partiel, et préconisant une demande de rente AI à 100% ;

-          un rapport adressé le 3 mars 2015 à SWICA par le docteur H______, spécialiste FMH en médecine interne, retraçant l’anamnèse de la patiente et évoquant en particulier un problème d’apnées du sommeil investigué par une polysomnographie en février 2015 dont les résultats étaient attendus ; les diagnostics retenus étaient ceux de syndrome mixte avec syndrome de SJÖGREN et polyarthrite rhumatoïde d’évolution floride, possible syndrome d’apnées du sommeil et trouble d’adaptation réactionnel, seuls les deux premiers influençant la capacité de travail - sous réserve des résultats de la polysomnographie ; la capacité à exercer l’activité habituelle d’infirmière était nulle ;

-          un avis émis le 31 mars 2015 par la doctoresse I______, médecin auprès du SMR, constatant que le dossier était peu informatif sur l’expression clinique objective et l’évolution du syndrome de SJÖGREN, que le Dr J______ avait parlé d’une atteinte polyarticulaire sans préciser quelles articulations étaient touchées, que sur le plan psychiatrique, l’évolution depuis l’expertise du Dr E______ n’était pas très claire, que le rapport du Dr H______ permettait de préciser l’histoire de la maladie ; il en ressortait que, suite à une première prise en charge en immunologie en 2012, la cure avait amené à une amélioration partielle et transitoire des symptômes, au point que l’assurée avait pu reprendre une activité aménagée qui lui était cependant devenue de plus en plus pénible jusqu’à sa grossesse, en 2014 ; au troisième trimestre, les polyarthralgies et l’asthénie avaient à nouveau augmenté, conduisant à un arrêt de travail à 100% qui avait perduré au-delà du congé maternité ; un nouveau traitement d’immunologie avait alors été mis en place ; depuis lors, l’assurée se plaignait de douleurs très invalidantes et d’une asthénie la limitant dans ses activités de la vie quotidienne et l’empêchant de sortir de chez elle et de s’occuper de ses enfants ; il était possible que le syndrome d’apnées du sommeil participe à la fatigue; le médecin du SMR suggérait de compléter l’instruction « avant de déterminer si une expertise se justifiait toujours », en réinterrogeant le service d’immunologie des HUG, le Dr J______, le Dr D______ et l’employeur (descriptif du cahier des charges, taux d’activité et périodes d’incapacités de travail effectives) ;

-          un courrier adressé le 12 mai 2015 à l’assurée en personne, lui indiquant qu’une expertise médicale pluridisciplinaire allait être mise en place et lui communiquant la liste des questions qui seraient posées aux experts ;

-          un courrier du conseil de la recourante du 3 juin 2015 mettant en demeure l’OAI de verser à sa mandante les prestations dues pour la période du 1er août au 31 décembre 2011 selon l’arrêt de la Cour de justice ;

-          une décision du 17 juin 2015 fixant le montant des prestations en question ;

-          un courrier du conseil de la recourante du 7 septembre 2015 enjoignant l’OAI de mettre en place une expertise pluridisciplinaire dans les meilleurs délais ;

-          la réponse de l’OAI, le 9 septembre 2015, expliquant qu’il était tenu, depuis mars 2012, d’attribuer les mandats d’expertise pluridisciplinaire par le biais de la plateforme électronique MED@P;

-          un courrier du conseil de la recourante du 6 janvier 2016 rappelant à l’OAI que sa mandante ne bénéficierait plus des prestations versées par son employeur à compter d’octobre 2016 ;

-          un courriel du 27 janvier 2016 adressé à un gestionnaire de l’AI indiquant que le mandat d’expertise avait été attribué au CEMed ;

-          une communication du 3 février 2016 de l’OAI lui précisant que les experts seraient les docteurs K______, spécialiste FMH en médecine interne générale, L______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie et M______, spécialiste en rhumatologie ;

-          le rapport d’expertise rendu le 19 mai 2016, retenant en diagnostics de syndrome de GOUGEROT-SJÖGREN avec polyarthrite et asthénie ; étaient également mentionnés, en précisant qu’ils étaient sans influence sur la capacité de travail : un syndrome obstructif des apnées du sommeil, une hypertension artérielle, une obésité de classe I, des douleurs séquellaires de la cheville droite et un trouble dépressif récurrent en rémission depuis 2013 ; étaient retenues à titre de limitations fonctionnelles : les douleurs articulaires chroniques, accentuées par des mouvements répétitifs et les efforts soutenus ; les experts ont conclu à une capacité de travail dans l’activité d’infirmière de 0% depuis août 2010 ; en revanche, selon eux, l’assurée aurait recouvré dès août 2012 une capacité de travail dans une activité adaptée, c’est-à-dire relativement sédentaire, à plein temps et sans diminution de rendement ;

-          un courrier du conseil de l’assurée du 9 juin 2016 réclamant l’OAI une copie du rapport d’expertise pluridisciplinaire ;

-          un avis du SMR du 16 juin 2016 reprenant les conclusions de l’expertise ;

-          un courrier du conseil de la recourante du 27 janvier 2017 demandant des nouvelles du dossier de sa mandante à l’OAI ;

-          un courrier de l’OAI du 1er mars 2017, demandant si l’assurée avait pu suivre la courte formation obligatoire pour obtenir l’agréement et devenir accueillante familiale de jour deux fois par semaine durant 6 à 8 heures ;

-          un courrier du conseil de l’assurée du 6 avril 2017, s’étonnant que l’OAI attende que sa mandante termine - voire même débute une formation - pour rendre sa décision, précisant qu’après un essai en tant qu’accueillante familiale, l’assurée avait malheureusement dû y renoncer ; l’avocat demandait qu’un projet de décision lui soit adressé d’ici fin avril 2017 ;

-          un nouveau rappel du conseil de l’assurée du 16 août 2017 ;

-          un rapport de la division de réadaptation professionnelle de l’OAI du 1er septembre 2017 évaluant le degré d’invalidité théorique de l’assurée à 35,2 % ;

-          un rapport d’enquête économique sur le ménage du 10 octobre 2018 (recte : 2017) concluant à un empêchement dans les travaux habituels de 2 % ;

-          un courrier de l’OAI du 27 octobre 2017 informant l’assurée que son dossier était analysé et son invalidité évaluée.

7.        Le 17 janvier 2018, l’assurée a saisi la Cour de céans d’un recours pour déni de justice.

Elle conclut principalement à ce que l’intimé soit condamné à lui allouer une rente entière dès janvier 2012, subsidiairement, à ce qu’un délai de 30 jours lui soit imparti pour lui communiquer un projet de décision.

En substance, la recourante fait valoir que dix-huit mois se sont écoulés depuis juillet 2016, date à laquelle elle a été reçue en entretien dans les locaux de l’intimé.

8.        Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 9 février 2018, a conclu au rejet du recours.

L’intimé indique en substance que le dossier est encore en cours d’instruction et qu’une décision, précédée d’un projet, sera prochainement rendue.

Selon lui « au vu des différents angles d’instruction nécessaires dans ce dossier » et de la jurisprudence, la durée de l’instruction ne saurait être considérée comme abusive.

Enfin, l’intimé rappelle que l’autorité saisie d’un recours pour retard injustifié ne saurait se substituer à l’autorité précédente pour statuer sur le fond. Elle ne peut qu’inviter celle-ci à statuer à bref délai.

9.        Par écriture du 27 février 2018, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Elle rappelle que le principe de célérité doit s’appliquer en matière d’assurances sociales et invoque la jurisprudence du Tribunal fédéral en la matière.

Elle souligne qu’en l’occurrence, neuf mois se sont écoulés depuis l’arrêt de la Cour de justice avant qu’une expertise médicale pluridisciplinaire soit enfin mise en place.

 

EN DROIT

 

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        La Cour est saisie d’un recours pour déni de justice.

Conformément à l’art. 56 al. 2 LPGA, un recours peut être formé lorsque l'assureur, malgré la demande de l'intéressé, ne rend pas de décision ou de décision sur opposition.

En l’espèce, le recours pour déni de justice, interjeté par-devant l’autorité compétente (art. 58 al. 1 LPGA), est recevable.

3.        Dans ses écritures, la recourante demande que la Cour de céans statue au fond et lui reconnaisse le droit à une rente entière d’invalidité.

Ces conclusions sont irrecevables.

En effet, lorsqu’un assuré interjette recours pour déni de justice, seuls le refus de statuer ou le retard à statuer constituent l'objet du litige soumis au tribunal des assurances, non les droits ou obligations du droit de fond, sur lesquels l'intéressé a demandé expressément à l'assureur de se prononcer (arrêts du Tribunal fédéral des assurances I 328/03 du 23 octobre 2003 consid. 4.2 et K 55/03 consid. 2.4; Ueli KIESER, ATSG-Kommentar, Kommentar zum Bundesgesetz über den Allgemeinen Teil des Sozialversicherungsrechts vom 6. Oktober 2000, Zurich 2003, ch. 12 et 13 ad art. 56).

4.        Depuis mars 2012 - date d’entrée en vigueur de l’art. 72bis du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI ; RS 831.201), les expertises comprenant trois ou plus de trois disciplines médicales doivent se dérouler auprès d’un centre d’expertises médicales lié à l’office fédéral par une convention (al. 1) et l’attribution du mandat d’expertise doit se faire de manière aléatoire (al. 2).

Dès lors, depuis mars 2012, les offices AI sont tenus d’attribuer tous les mandats d’expertise médicale pluridisciplinaire par l’intermédiaire de SuisseMED@P, plateforme basée sur le web qui attribue les mandats d’expertise médicale pluridisciplinaire de manière aléatoire. A compter de cette même date, les centres d’expertises n’ont plus eu le droit d’accepter de mandats des offices AI que par l’intermédiaire de SuisseMED@P. L’indemnité pour l’accomplissement du mandat est régie par le contrat tarifaire conclu entre l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) et les centres réalisant des expertises.

Selon le guide à l’usage des centres d’expertises et des offices AI, l’office AI annonce à la personne assurée qu’elle juge une expertise médicale pluridisciplinaire nécessaire. Elle l’informe des disciplines médicales concernées et des questions qu’il est prévu de soumettre aux experts. La personne assurée peut transmettre des questions supplémentaires à l’office AI dans les 10 jours.

Lorsque l’office AI transmet le mandat, SuisseMED@P tire au sort un centre d’expertises parmi ceux remplissant les critères requis pour son accomplissement (capacités disponibles dans les disciplines médicales voulues; possibilité de réaliser l’expertise dans la langue de procédure souhaitée). On peut raisonnablement exiger de la personne assurée qu’elle se soumette à des expertises dans toute la Suisse.

Le centre d’expertises tiré au sort et l’office AI à l’origine du mandat sont informés de l’attribution du mandat par courriel.

5.        a. Le retard injustifié à statuer est une forme particulière du déni de justice prohibé par l'art. 29 al. 1 Cst et l'art. 6 § 1 CEDH (qui n'offre à cet égard pas une protection plus étendue [ATF 103 V 190 consid. 2 p. 192]). Il y a retard injustifié à statuer lorsque l'autorité administrative ou judiciaire compétente ne rend pas la décision qu'il lui incombe de prendre dans le délai prévu par la loi ou dans un délai que la nature de l'affaire ainsi que toutes les autres circonstances font apparaître comme raisonnable (ATF 131 V 407 consid. 1.1 p. 409 et les références).

Entre autres critères sont notamment déterminants le degré de complexité de l'affaire, l'enjeu que revêt le litige pour l'intéressé ainsi que le comportement de ce dernier et celui des autorités compétentes (ATF 130 I 312 consid. 5.2 p. 332; 125 V 188 consid. 2a p. 191).

A cet égard, il appartient, d'une part, au justiciable d'entreprendre certaines démarches pour inviter l'autorité à faire diligence, notamment en incitant celle-ci à accélérer la procédure ou en recourant pour retard injustifié. D'autre part, si on ne saurait reprocher à l'autorité quelques "temps morts", inévitables dans une procédure, elle ne peut invoquer une organisation déficiente ou une surcharge structurelle pour justifier la lenteur excessive de la procédure; il appartient en effet à l'Etat d'organiser ses juridictions de manière à garantir aux citoyens une administration de la justice conforme aux règles (ATF 130 I 312 consid. 5.2 p. 332 et les références). Peu importe le motif qui est à l’origine du refus de statuer ou du retard injustifié ; ce qui est déterminant, c’est le fait que l’autorité n’ait pas agi ou qu’elle ait agi avec retard (ATF C 53/01 du 30 avril 2001 consid. 2 ; ATF du 23 avril 2003 en la cause I 819/02 consid. 2.1 ; ATF 124 V 133, 117 Ia 117 consid. 3a, 197 consid. 1c, 108 V 20 consid. 4c).

En droit des assurances sociales, la procédure de première instance est par ailleurs gouvernée par le principe de célérité. Ce principe est consacré à l'art. 61 let. a LPGA qui exige des cantons que la procédure soit simple et rapide et constitue l'expression d'un principe général du droit des assurances sociales (ATF 110 V 54 consid. 4b p. 61).

b. La sanction du dépassement du délai raisonnable consiste d'abord dans la constatation de la violation du principe de célérité, la constatation d'un comportement en soi illicite étant en effet une forme de réparation (H 134/02 Arrêt du 30 janvier 2003 consid. 1.5; ATF 122 IV 111 consid. I/4). Pour le surplus, l'autorité saisie d'un recours pour retard injustifié ne saurait se substituer à l'autorité précédente pour statuer au fond. Elle ne peut qu'inviter l'autorité concernée à statuer à bref délai (ATF 130 V 90).

6.        La Cour de céans a ainsi considéré qu’il y avait eu déni de justice dans un cas où l’OAI avait attendu quatorze mois depuis l’opposition pour mettre en œuvre une expertise multidisciplinaire à laquelle l’assuré avait conclu d’emblée (ATAS/484/2007 du 9 mai 2007), ou dans un autre, où l’OAI avait ordonné un complément d’expertise dix-sept mois après avoir obtenu les renseignements des médecins traitants (ATAS/860/2006 du 2 octobre 2006).

Dans arrêt du 18 novembre 2013 (ATAS/1116/2013), la Cour de céans a également admis l’existence d’un déni de justice s’agissant d’un assuré qui, plus de cinq ans après le dépôt de sa demande, n’avait toujours pas obtenu de décision : l’OAI avait tardé à mettre sur pied une expertise pluridisciplinaire et à demander l’intégration dans la plateforme MED@P, alors même qu’il connaissait la longueur des délais pour la mise en place d’une telle expertise.

La Cour de céans a en revanche nié l’existence d’un déni de justice dans un arrêt ATAS/237/2014 du 26 février 2014. La Cour de céans a constaté que si un délai de près d’une année pour l’attribution d’un mandat par le biais de la plateforme MED@P apparaissait certes excessif, le retard injustifié n’était en l’occurrence pas imputable à l’OAI. En effet, l’introduction du mandat dans le système SuisseMED@P avait été effectuée moins de dix jours après que l’assurée avait été informée.

A l’inverse, dans un arrêt ATAS/942/2014 du 27 août 2014, la Cour de céans a considéré qu’il y avait bel et bien eu déni de justice. Dans ce cas, le mandat d’expertise avait été introduit dans la plateforme près de quatre mois après la notification de l’arrêt de renvoi de la Cour. Or, ce retard n’était pas justifié par la complexité de l’affaire, puisqu’il appartenait uniquement à l’OAI de déterminer les volets de l’expertise pluridisciplinaire et d’inscrire le dossier sur la plateforme informatique.

7.        Le Tribunal fédéral a également statué en la matière. Dans un arrêt du 26 mai 2015 (ATF 9C_140/2015 consid. 5.1), il a considéré qu’un assuré ne saurait se plainte d’un refus de statuer en relation avec la question de la réalisation d'une expertise lorsque l’office - comme c’était le cas en l’occurrence - avait rendu la décision incidente qu'il était tenu de rendre en vertu de l'art. 72bis RAI. Il a rappelé au surplus que ce type de décision n'était attaquable ni devant une juridiction de première instance, ni devant le Tribunal fédéral (cf. ATF 139 V 339) et qu’il n’y de place pour aucun autre système de désignation des experts (cf. ATF 140 V 507).

Quant aux dysfonctionnements rencontrés dans l'exécution d'une telle mesure ou aux conséquences de ces dysfonctionnements sur l'ensemble de la procédure, le Tribunal fédéral a relevé que SuisseMED@P était une plateforme informatique exploitée par la Conférence des offices AI, qu’elle était destinée à mettre en œuvre le système règlementaire et jurisprudentiel de désignation aléatoire des experts dans le contexte d'expertises pluridisciplinaires, que son bon fonctionnement relevait donc des attributions légales des offices AI quant à l'évaluation de l'invalidité (cf. art. 57 let f. LAI) et qu’elle constituait par conséquent un des éléments sur lesquels la Confédération exerçait son devoir général de surveillance (cf. art. 64 LAI ; devoir délégué au Département fédéral de l'intérieur qui en a lui-même transféré une partie à l'OFAS pour qu'il s'en acquitte de manière indépendante [cf. art. 176 RAVS applicable par renvoi des art. 64 LAI et 72 RAVS]). Le Tribunal fédéral en a tiré la conclusion qu’il n’appartenait dès lors pas à une autorité judiciaire de s'exprimer sous l'angle du déni de justice sur les difficultés ou les retards survenus dans le cadre de l'exécution d'une décision entrée en force (cf. arrêt 9C_72/2011 du 20 juin 2011 consid. 2.2 et 2.3). Il revenait à l'OFAS d'intervenir - éventuellement par le biais d'une dénonciation - en exerçant son contrôle sur l'exécution par les offices AI des tâches énumérées à l'art. 57 LAI (cf. art. 64a al. 1 let. a LAI) et en édictant à l'intention desdits offices des directives générales ou portant sur des cas d'espèce (cf. art. 64a al. 1 let. b LAI et 50 al. 1 RAI).

De même, il n'appartenait pas à l'autorité judiciaire cantonale de suppléer aux dysfonctionnements rencontrés dans l'exécution d'une décision administrative, de sorte qu'elle ne saurait en aucun cas être tenue de réaliser une expertise judiciaire pour accélérer la procédure (arrêt 9C_140/2015 consid. 5.2).

8.        En l’espèce, la recourante se plaint d’un déni de justice. Elle reproche à l’intimé de tarder à statuer sur son droit aux prestations à compter de janvier 2012, depuis que la cause lui a été renvoyée par la Cour de céans pour instruction complémentaire le 22 décembre 2014.

Il est vrai que plus de trois ans se sont écoulés depuis lors.

Dans son arrêt, la Cour a invité l’intimé à mettre sur pied une expertise pluridisciplinaire, laquelle n’a été mise en place que 27 janvier 2016 - date à laquelle l’intimé a été informé que la plateforme Med@p avait attribué le mandat au CEMed, lequel a rendu son rapport rapidement, le 19 mai 2016.

On constate qu’un peu plus de quatre mois après l’arrêt de la Cour, l’intimé communiquait déjà à l’assurée la liste des questions prévues pour les experts. Par la suite, une année s’est écoulée, délai malheureusement habituel pour permettre à la plateforme Med@p de désigner un centre d’expertises, qui s’explique, notamment, par le nombre limité de centres romands.

Jusqu’au rapport d’expertise, en mai 2016, on ne saurait donc reprocher à l’intimé de retard outrepassant ce qui est admissible.

En revanche, depuis lors, force est de constater que plus d’un an et demi s’est écoulé sans qu’aucune décision n’intervienne et ce, malgré de nombreuses relances du conseil de l’assurée. Certes, une évaluation du degré d’invalidité a eu lieu, de même qu’une enquête économique sur le ménage, mais on ne voit pas quelles difficultés particulières justifieraient encore le report d’une décision une fois l’instruction terminée. D’ailleurs, l’intimé se contente à cet égard d’invoquer « les différentes angles d’instruction nécessaires » sans motiver plus avant le retard pris dans le traitement de l’intéressée.

Dans ces conditions, il convient de constater qu’il y a bel et bien eu déni de justice et de condamner l’intimé à rendre, dans les meilleurs délais, une décision formelle susceptible de recours.

Conformément à l’art. 61 let. g LPGA, la recourante, qui obtient gain de cause, a droit au remboursement de ses frais et dépens.


9.         

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet au sens des considérants.

3.        Constate que l'intimé a commis un déni de justice.

4.        L'invite à rendre sa décision dans un délai de trois mois.

5.        Condamne l’intimé à verser à la recourante la somme de CHF 2'500.- à titre de dépens.

6.        Met un émolument de CHF 500.- à la charge de l'intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie-Catherine SÉCHAUD

 

La Présidente

 

 

 

 

Karine STECK

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le