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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4059/2008

ATAS/22/2009 du 13.01.2009 ( AI ) , REJETE

Rectification d'erreur matérielle : page 8, le 21.01.2009/WAD/RHD
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4059/2008 ATAS/22/2009

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

Chambre 1

du 13 janvier 2009

 

 

 

En la cause

 

 

 

Madame B________, domiciliée à la CROIX-DE-ROZON, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître FONTANET Bénédict

recourante

 

 

 

contre

 

 

 

OFFICE CANTONAL DE L'ASSURANCE-INVALIDITE, sis rue de Lyon 97, case postale 425, 1211 GENEVE 13

 

 

intimé

 


Attendu en fait que Madame B________, née en 1968, a déposé le 25 juin 1999 une demande de prestations auprès de l'OFFICE CANTONAL DE L'ASSURANCE-INVALIDITE (ci-après OCAI), indiquant qu'elle avait été victime d'un accident de la circulation le 18 octobre 1997 ;

Que par décision du 20 mars 2000, l'assurée a été mise au bénéfice d'une demi-rente d'invalidité à compter du 31 mars 1999 ;

Que par décision du 23 janvier 2004, l'OCAI a admis l'aggravation de son état de santé et lui a alloué depuis le 1er avril 2002 une rente entière ;

Que l'assureur LAA, sur la base d'un rapport de surveillance établi par un détective mandaté par ses soins, a déposé plainte pénale contre l'assurée le 21 février 2008 ;

Que par courrier du 25 septembre 2008, l'OCAI a informé celle-ci qu'il suspendait avec effet immédiat la rente versée jusqu'ici, au motif que dans le cadre de la procédure de révision de son droit aux prestations AI, il avait été porté à sa connaissance qu'elle exerçait des activités lucratives qui seraient incompatibles avec son état de santé ;

Que l'assurée, représentée par Maître Bénédict FONTANET, a considéré que les propos tenus par l'OCAI étaient manifestement attentatoires à son honneur et potentiellement diffamatoires, et l'a dès lors prié de les rétracter ;

Que dans le délai imparti, soit le 6 octobre 2008, l'OCAI a déclaré rétracter irrévocablement et intégralement ses propos, tenant compte du fait qu'elle n'avait jamais eu d'autre activité lucrative que celle exercée pour le compte de la société X________ à raison de 20%, représentant un taux médicalement compatible avec son état de santé ;

Que par décision incidente du 9 octobre 2008, l'OCAI a cependant confirmé qu'il existait en l'espèce un soupçon de perception illicite de prestations et indiqué que des enquêtes supplémentaires étaient en cours à ce sujet ; qu'il a dès lors maintenu sa décision de suspension de la rente ; qu'il a précisé qu'il n'avait pas communiqué à l'assurée les informations et pièces sur lesquelles il se fonde "puisque ceux-ci lui sont déjà connus", du fait de la procédure en cours, pour les mêmes motifs et arguments, l'opposant à l'assureur LAA ;

Que l'assurée, par l'intermédiaire de son mandataire, a interjeté recours le 10 novembre 2008 ; qu'elle invoque la violation du droit d'être entendu, dans la mesure où elle n'a pu prendre connaissance des pièces prises en compte par l'OCAI pour prendre sa décision ; qu'elle considère que les dispositions légales sur lesquelles l'OCAI fonde sa décision incidente de suspension immédiate, soit les art. 55 al. 1 LPGA et 56 PA, ne sont pas applicables ; que l'art. 56 PA en effet a trait à la procédure de recours alors que la procédure par devant l'OCAI devait déboucher sur la décision incidente du 9 octobre 2008 ; qu'à cet égard le droit pour un assureur social de suspendre le versement de ses prestations en raison d'un état de fait susceptible de relever du droit pénal est exhaustivement régi par l'art. 21 al. 5 LPGA ; que force est à cet égard de constater qu'elle n'a pas fait l'objet d'une condamnation pénale et qu'il n'existe, partant, aucun motif de suspension ; qu'au surplus la décision incidente litigieuse ne règlemente pas une procédure en cours et qu'elle n'a pas été informée précédemment de l'ouverture d'une procédure de révision ;

Qu'elle reproche également à l'OCAI une appréciation arbitraire des faits ;

Qu'elle conclut préalablement à ce que l'OCAI produise l'ensemble des pièces et fasse état de l'ensemble des informations à la base de sa décision du 9 octobre 2008, principalement à ce que la décision du 9 octobre 2008 soit déclarée nulle et subsidiairement à ce qu'elle soit annulée ;

Qu'elle prie également le Tribunal de céans de lui accorder la restitution de l'effet suspensif ;

Que dans sa réponse du 26 novembre 2008, l'OCAI a proposé de refuser la requête de l'assurée quant à l'effet suspensif, considérant que l'intérêt de l'assurée au versement de la rente n'avait pas plus de poids que celui de l'assurance-invalidité à la cessation de ce versement et qu'en l'état actuel de la procédure, les chances de succès pour l'assurée n'apparaissaient pas d'emblée certaines ;

Qu'il s'est déterminé sur le fond le 10 décembre 2008 ; qu'il a ainsi souligné qu'il avait adressé à l'assurée un document intitulé "questionnaire pour la révision de la rente" le 26 mars 2008, document que celle-ci lui avait retourné le 28 mars, dûment complété et signé ;

Que la cause a été gardée à juger ;

Considérant en droit que la loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales statuant conformément à l'art. 56V al. 1 let. a ch. 2 LOJ en instance unique, sur les contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA) qui sont relatives à la loi sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI) ;

Que sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie ;

Que la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA), entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine des assurances sociales, s'applique. ;

Que selon l’art. 60 al. 1 LPGA, le recours doit être déposé dans les 30 jours suivant la notification de la décision sujette à recours ; qu'il est recevable ;

Que la question litigieuse porte uniquement sur la restitution de l’effet suspensif ;

Que cette procédure est assimilée à une demande provisionnelle (cf. Benoît BOVAY, Procédure administrative, p. 404 et références, éd. STAEMPFLI), et est, par conséquent, de la seule compétence de la présidente de la chambre saisie (art. 21 al. 1 LPA) ;

Qu'aux termes de l'art. 55 de la loi fédérale sur la procédure administrative (PA), relative à l’effet suspensif du recours :

« 1 Le recours a effet suspensif.

2 Sauf si elle porte sur une prestation pécuniaire, la décision de l’autorité inférieure peut prévoir qu’un recours éventuel n’aura pas d’effet suspensif; l’autorité de recours, ou son président s’il s’agit d’un collège, a le même droit après le dépôt du recours.

3 L’autorité de recours ou son président peut restituer l’effet suspensif à un recours auquel l’autorité inférieure l’avait retiré; la demande de restitution de l’effet suspensif est traitée sans délai. » ;

Qu'en outre, l’art. 66 LPA prévoit ce qui suit :

« 1 Sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours ;

2 Toutefois, lorsqu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif. ».

Que le retrait de l’effet suspensif ne peut avoir lieu sans une pesée des intérêts en présence, et l’effet suspensif doit être la règle, pour éviter que l’autorité de recours ne soit mise devant le fait accompli (cf. op. cité, p. 405-406 et références) ; que d'après la jurisprudence relative à l'art. 55 al. 1 PA, la possibilité de retirer l'effet suspensif au recours n'est pas subordonnée à la condition qu'il existe, dans le cas particulier, des circonstances tout à fait exceptionnelles qui justifient cette mesure ; qu'il incombe bien plutôt à l'autorité appelée à statuer, en application de l'art. 55 PA, d'examiner si les motifs qui parlent en faveur de l'exécution immédiate de la décision l'emportent sur ceux qui peuvent être invoqués à l'appui de la solution contraire ; que l'autorité dispose sur ce point d'une certaine liberté d'appréciation ; qu'en général, elle se fondera sur l'état de fait tel qu'il résulte du dossier, sans effectuer de longues investigations supplémentaires ; qu'en procédant à la pesée des intérêts en présence et à l'examen des motifs qui militent pour ou contre l'exécution immédiate de la décision, on peut prendre en considération les prévisions sur l'issue du litige; qu'il faut cependant qu'elles ne fassent aucun doute (cf. ATF 119 V 507 consid. 4; Kieser, Das Verwaltungsverfahren in der Sozialversicherung, n. 406 ss p.190 ss, Rhinow/Koller/Kiss, Öffentliches Prozessrecht und Justizverfassungsrecht des Bundes, vol. II, n. 5.7.3.3 p. 443, Kölz/Häner, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2e éd., n. 650 p. 233, et Gygi, Bundesverwaltungsrechtspflege, 2e éd., p. 244) ; que par ailleurs, l'autorité ne peut retirer l’effet suspensif que lorsqu'elle a des raisons convaincantes pour le faire (ATF 117 V 191 consid. 2b et les références ; voir aussi ATFA du 2 mars 2000, cause I 726/99 Mh) ;

Que les mesures provisionnelles ne sont légitimes, aux termes de la loi, que si elles s'avèrent nécessaires au maintien de l'état de fait ou à la sauvegarde des intérêts compromis ; qu'en revanche, elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper sur le jugement définitif, ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, ni non plus aboutir abusivement à rendre d'emblée illusoire le procès au fond (ATF 119 V 505 consid. 3 et les références citées) ; que si la protection du droit ne peut exceptionnellement être réalisée autrement, il est possible d'anticiper sur le jugement au fond par une mesure provisoire, pour autant qu'une protection efficace du droit ne puisse être atteinte par la procédure ordinaire et que celle-ci produirait des effets absolument inadmissibles pour le requérant (GYGI, L'effet suspensif et les mesures provisionnelles en procédure administrative, RDAF 1976 p. 228; cf. aussi KÖLZ/HÄNER, Verwasltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2ème édition, ch. 334 ss.) ;

Qu'en l'espèce, il s'avère que l'OCAI a suspendu le versement de la rente, au vu du dépôt par l'assureur LAA d'une plainte pénale à l'encontre de l'assurée ;

Qu'accorder le rétablissement de l'effet suspensif reviendrait ainsi à anticiper sur le jugement au fond ; que la question de l'effet suspensif en effet se confond avec celle de la suspension du versement de la rente ; que le point de savoir si l'assurée a droit ou non en l'état au versement de sa rente d'invalidité relève indiscutablement du droit de fond ;

Qu'il n'apparaît dès lors pas utile de se prononcer sur cette question à titre incident ; qu'il se justifie de trancher le fond, la cause étant en état d'être jugée, puisque l'OCAI s'est déterminé à ce propos par courrier du 10 décembre 2008 ;

Que la décision litigieuse visant à la suspension des prestations en attendant l'issue de l'instruction quant au droit à la rente est une décision de mesures provisionnelles ; que l'OCAI fonde sa décision sur l'art. 56 PA, selon lequel «après le dépôt du recours, l’autorité de recours, son président ou le juge instructeur peut prendre d’autres mesures provisionnelles, d’office ou sur requête d’une partie, pour maintenir intact un état de fait existant ou sauvegarder des intérêts menacés » ; que cette disposition légale est à mettre en lien avec l'art. 55, relatif aux mesures provisionnelles, plus spécifiquement à l'effet suspensif, à sa suppression et à sa restitution ; qu'il est admis que ces articles sont applicables également à l'administration et non pas uniquement en procédure de recours (voir par exemple ATF 117 V 185) ;

Que toutefois, s'ils autorisent l'OCAI à rendre une décision incidente de mesures provisionnelles, par exemple pour sauvegarder des intérêts menacés, il ne découle encore pas que la décision litigieuse repose sur une base légale ; qu'il convient en effet de rappeler que cette décision ordonne la « mise en suspens de la rente » ; qu'aucune base légale fédérale ne prévoit expressément la possibilité pour l'administration d'agir de la sorte ; qu'il faut déjà examiner si l'OCAI était légitimé à prendre une telle décision en tant que mesure provisionnelle ;

Qu'à ce sujet, on rappellera tout d'abord qu'aux termes de la PA, l'autorité entend les parties avant de prendre une décision ; qu'elle n'est pas tenue de le faire s'agissant d'une décision incidente non susceptible de recours, d'une décision susceptible d'être frappée d'opposition, d'une décision par laquelle elle fait entièrement droit aux conclusions des parties, d'une mesure d'exécution, ou d'autre décision dans une procédure de première instance lorsqu'il y a péril en la demeure, que le recours est ouvert aux parties et qu'aucune disposition d'une loi fédérale ne leur accorde le droit d'être entendues préalablement ; qu'en l'occurrence, il ressort du dossier que l'OCAI a adressé à l'assurée un questionnaire portant sur la révision de rente avant de lui notifier la décision litigieuse ;

Qu'à cela s'ajoute que la nature même de la mesure provisionnelle implique que l'on se trouve dans le cadre d'une procédure principale ; que c'est le lieu de rappeler que les mesures provisionnelles peuvent être ordonnées en vue de l'ouverture d'une procédure, ou au cours de celle-ci ; qu'elles ne se justifient qu'en relation avec l'objet et la durée de la procédure principale ; qu'elles n'ont donc qu'un caractère accessoire, et un caractère provisoire ; que l'autorité appelée à prendre des mesures provisionnelles doit rester dans le cadre de ses attributions, et respecter les limites posées à son pouvoir de décision ; que si elle vise à assurer l'efficacité d'une décision ultérieure, les mesures provisoires ne doivent pas anticiper, rendre d'emblée illusoire ou rendre impossible la décision ou le jugement au fond, ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond ; que le caractère provisoire de ces mesures a pour conséquence que si elles sont ordonnées avant qu'une décision principale ne soit rendue, elles doivent être validées par la prise d'une telle décision principale dans un certain délai, que fixe la loi, ou alors que si elles sont ordonnées en cours de procédure, elles se limitent à la durée de celle-ci ; si l'intérêt qui justifie les mesures provisionnelles se trouvent en contradiction avec d'autres intérêts privés ou publics, l'autorité doit procéder à une pesée des intérêts en présence (cf. Benoît BOVAY, procédure administrative, éditions Staempfli, p. 413-414) ;

Qu'une décision incidente, telle la décision litigieuse, ne peut se concevoir que dans le cadre d'une procédure en révision du droit à la rente, et pour autant que, dans ce cadre, la pesée des intérêts le justifie ;

Que la décision litigieuse est bel et bien liée à une procédure de révision de la rente initiée par l'OCAI ; que l'assurée en a été informée ;

Qu'il y a lieu de rappeler qu'en procédant à la pesée des intérêts en présence, on peut prendre en considération les prévisions sur l'issue de litige ;

Que celles-ci ne présentent pas un degré de certitude suffisant pour être prises en compte en l'espèce puisqu'elles dépendent en grande partie de l'issue de la procédure pénale intentée par l'assureur LAA contre l'assurée ; que cette procédure est pendante ;

Qu'au vu de ce qui précède, on doit dès lors admettre que l'intérêt de l'OCAI à suspendre le versement de la rente l'emporte sur celui de l'assurée à la percevoir pendant toute la procédure de révision ; que le recours se révèle ainsi mal fondé ;


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

A la forme :

Déclare le recours recevalbe*. Recevable (art. 85 LPA). *Rectification d’une erreur matérielle le 21.01.2009/WAD/RHD.

Au fond :

Le rejette.

Réserve la suite de la procédure*. Renonce à percevoir un émolument (art. 85 LPA). *Rectification d’une erreur matérielle le 21.01.2009/WAD/RHD.

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

Marie-Louise QUELOZ

 

La Présidente

 

 

Doris WANGELER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le