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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/342/2016

ATAS/166/2017 du 06.03.2017 ( LAA ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/342/2016 ATAS/166/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 6 mars 2017

10ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à Genève, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Gustavo DA SILVA

recourante

 

contre

 

CSS ASSURANCE SA, Droit & compliance, sise Tribschenstrasse 21, LUCERNE

 

 

intimée

 


EN FAIT

1.        Madame A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1987, travaille depuis le 1er septembre 2005 pour le compte de l’association La B______ en tant qu’éducatrice auprès de personnes adultes handicapées physiques ou mentales. A ce titre, elle est assurée contre les accidents professionnels et non professionnels (police n° 1______) auprès de CSS Assurances SA (ci-après : l’assurance).

Entre le 19 septembre 2011 et le 25 juin 2015, l’assurée a effectué un Bachelor en travail social, orientation sociale, auprès de la Haute Ecole de travail social de Genève, selon le mode de formation en emploi.

2.        Le 31 mars 2011, alors qu’elle était couchée sur son lit, l’assurée a été attaquée par son chat qui l’a mordue à l’œil droit, ce qui a entraîné une lacération de la conjonctive, de la cornée et de l’iris.

3.        L’assurée a été emmenée en ambulance à la clinique d’ophtalmologie des Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG), où le docteur C______, chef de clinique, a pratiqué une vitrectomie antérieure avec suture cornéo-sclérale en urgence.

Suite à cette intervention, l’assurée a été hospitalisée du 31 mars au 7 avril 2011.

Selon la lettre de sortie du 5 mai 2011, l’acuité visuelle à droite correspondait à la perception de la lumière. A gauche (de loin), elle était de 1.0.

4.        Par la suite, la prise en charge a été effectuée par le professeur D______, spécialiste FMH en ophtalmologie et ophtalmo-chirurgie.

5.        Les suites de cet accident ont été prises en charge par l’assurance, laquelle a confié l’instruction du cas à la SUVA - Caisse Nationale Suisse D'assurance en cas d'Accidents (ci-après : SUVA).

6.        En raison d’un décollement de rétine secondaire au traumatisme du 31 mars 2011, l’assurée a subi une nouvelle vitrectomie, associée à une injection d’huile de silicone en date du 18 mai 2011. Lors de cette intervention, le Dr D______ a constaté la présence d’une cataracte diffuse, voilant l’examen oculaire ainsi que d’un début de cataracte sous-capsulaire postérieure.

Selon la lettre de sortie du 1er juin 2011, relative à l’intervention précitée, l’acuité visuelle était alors de 0.05 à droite et de 0.8 à gauche

7.        Le 20 juin 2011, le Dr D______ a procédé au rinçage de la chambre antérieure et le 5 septembre 2011, il a opéré la cataracte susmentionnée.

8.        Le 20 septembre 2011, l’assurée s’est entretenue avec un représentant de la SUVA, auquel elle a expliqué souffrir de myopie des deux côtés. Après avoir subi les quatre interventions chirurgicales susmentionnées, elle avait récupéré un peu de vision, toutefois floue. Elle devait subir une nouvelle intervention le 10 octobre 2011. Elle travaillait au foyer « La B______ » en tant qu’éducatrice auprès de personnes adultes handicapées physiques ou mentales. Son activité consistait à aider les résidents : faire leur toilette, les lever et les coucher, les habiller et les déshabiller. Elle les aidait également à se déplacer et à manger. Enfin, elle s’occupait de l’animation et assurait des permanences de nuit.

Le rapport d’entretien, établi par le représentant de la SUVA, n’était pas contresigné par l’assurée.

9.        Les 10 octobre et 28 novembre 2011, le Dr D______ a procédé à l’ablation des fils.

10.    Comme demandé par l’assurée antérieurement à l’accident, son taux d’activité a été diminué à 80% à compter du 1er octobre 2011.

11.    Le 5 décembre 2011, le Dr D______ a précisé que la vision des deux côtés, avec correction, était la suivante : œil droit : 0.05 et œil gauche : 1.0.

12.    En raison d’un décollement de rétine récidivent, l’assurée a subi, en date du 12 décembre 2011, une nouvelle vitrectomie avec rétinotomie temporale inférieure et remise en place de l’huile de silicone.

13.    Le 16 janvier 2012, le Dr D______ a pratiqué un nouveau nettoyage de la chambre antérieure.

14.    Le dossier de l’assurée a été soumis au docteur E______, spécialiste FMH en ophtalmologie et ophtalmochirurgie, médecin d’arrondissement de la SUVA, qui a considéré, dans un rapport rédigé en allemand et daté du 12 avril 2012, que les problèmes oculaires et les traitements y relatifs étaient consécutifs à l’accident assuré. Quatre mois après l’accident, une capacité de travail à 50% était toutefois exigible de l’assurée. Lors de la rédaction du rapport, une capacité de travail entière devait en principe pouvoir être attendue. Le Dr E______ suggérait dès lors de requérir, six mois plus tard, un nouveau rapport intermédiaire, précisant la vision corrigée et les constatations morphologiques.

Une traduction libre en français de ce rapport figure au dossier.

15.    Par la suite, l’assurée a encore subi trois vitrectomies. Ainsi, le 30 avril 2012, elle a subi une telle intervention pour ablation d’huile de silicone. Le 12 octobre 2012, le Dr D______ a pratiqué l’opération précitée en raison de la prolifération vitréo-rétinienne (PVR) postérieure et a procédé à l’injection d’huile de silicone. Enfin, le 19 février 2013, l’assurée a subi une dernière vitrectomie pour décollement de rétine récidivent. Il ressort du rapport opératoire relatif à cette dernière intervention que le pronostic fonctionnel était mauvais du fait d’une importante nécrose, raison pour laquelle le Dr D______ ne poussait pas plus loin le pelage de la PVR.

16.    Le dossier de l’assurée a, à nouveau, été soumis au Dr E______, lequel a considéré, dans une brève appréciation rédigée en allemand et datée du 12 avril 2013, dont certains passages ont été librement traduits en français, que l’intervention du 12 octobre 2012 avait dû être pratiquée en raison d’une fibroplasie épirétinale dans le secteur du nerf optique à l’œil droit. La reprise d’une activité à 100% était possible, l’assurée étant habituée à une mauvaise vue à droite. Une activité toute la journée était exigible du point de vue ophtalmologique.

17.    Selon deux notes téléphoniques établies par la SUVA en date des 23 avril et 9 juillet 2013, l’assurée aurait repris son activité à 100% dès le 1er avril 2013 et tout se passerait bien.

18.    Dans ses rapports des 11 juin 2013 et 10 novembre 2014, le Dr D______ a diagnostiqué une amaurose de l’œil droit, soit la perte totale de la vision.

19.    Le 1er octobre 2013, le médecin précité a résumé le cas de l’assurée à l’attention de son conseil et a précisé que celle-ci souhaitait obtenir une rente de compensation de type assurance-invalidité pour la perte accidentelle de son œil droit. Il soutenait entièrement sa demande compte tenu du fait que tout travail en situation monoculaire post-traumatique créait un handicap.

20.    Le dossier a été soumis au Dr E______ pour estimation de l’atteinte à l’intégrité. Dans son appréciation du 29 avril 2014, le médecin précité a, après avoir résumé certaines pièces du dossier, posé le diagnostic d’amaurose (perte complète de la vision) consécutive à une perforation cornéo-sclérale suivie d’un décollement complet de la rétine. L’œil gauche et son acuité visuelle étaient normaux. Le cas était stabilisé. L’assurée présentait une atteinte à l’intégrité ophtalmologique faisant suite à l’accident, s’élevant à 30% conformément au rapport annexé. S’agissant du traitement, l’assurée devait vraisemblablement recourir, par intermittence, à des collyres pour humidifier l’œil. Des complications, telles que la phtisie oculaire (rétractation du globe oculaire), ne pouvaient être exclues. Si une telle affection devait se présenter et qu’elle devait s’avérer douloureuse, il pourrait alors être nécessaire d’extraire l’œil ou de procéder à son énucléation puis d’adapter une prothèse oculaire. Actuellement, des contrôles semestriels voire annuels étaient indiqués.

21.    Par décision du 27 mai 2014, l’assurée a été mise au bénéfice d’une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 30%, d’un montant de CHF 37'800.-.

22.    Le 1er septembre 2014, l’assurée a subi une nouvelle vitrectomie pour ablation de l’huile de silicone.

23.    Suite à cette intervention, l’assurée a été incapable de travailler à 100% du 1er au 17 septembre et à 50% du 18 septembre au 18 novembre 2014. Depuis le 19 novembre 2014, l’assurée travaille à 70%.

24.    Le 15 septembre 2014, l’employeur de l’assurée a établi une attestation de travail, dont il ressort qu’elle travaillait pour lui depuis le 1er octobre 2008 en qualité d’éducatrice, selon les taux suivants :

 

 

Année

% contractuel

% réel

2008

60%

70.86%

2009

80%

105.16%

2010

90%

108.83%

2011

90%

103.88%

2012

80%

86.02%

2013

80%

88.66%

25.    Selon une note téléphonique du 21 octobre 2014, l’assurée a demandé à ce que le droit à une rente d’invalidité soit examiné. En effet, avant l’accident, elle faisait des heures supplémentaires. Depuis l’accident, même en travaillant à 100%, elle ne pouvait plus en faire. Ressentant trop de fatigue, elle n’était plus même en mesure de travailler à 100% et devait baisser son taux d’activité à 70%.

26.    Un entretien s’est tenu le 17 novembre 2014 entre l’assurée et un représentant de la SUVA. Selon la note d’entretien datée du même jour, non contresignée par l’assurée, les séquelles étaient identiques, à savoir la perte définitive de la vision de l’œil droit. Au niveau du traitement médical proprement dit, le cas était stabilisé. Elle avait repris son activité habituelle à 50% dès le 18 octobre 2014. Lorsque tout se passait bien, la fatigue se faisait ressentir après quatre heures de travail. Malgré tout, elle envisageait d’augmenter à 70%. Son employeur acceptait la diminution de l’horaire de travail, même à titre définitif, au vu de son état de santé. Elle allait passer ses examens finaux au mois de juin 2015, afin d’obtenir le diplôme d’éducatrice spécialisée. Lors de son accident, elle était engagée à 90% mais effectuait régulièrement des remplacements et heures supplémentaires, de sorte que son activité effective était plus importante qu’un 100%. Depuis son accident, il ne lui était plus possible d’accomplir un horaire complet et elle devait travailler, dans le meilleur des cas, sur la base d’un taux diminué, raison pour laquelle elle souhaitait que la SUVA intervienne formellement par l’octroi d’une rente d’invalidité partielle.

27.    Le 18 novembre 2014, le Dr D______ a attesté que l’assurée ne pouvait travailler qu’à raison de 70%.

28.    Une IRM des orbites a été effectuée le 15 décembre 2014 en vue d’une éventuelle chirurgie correctrice d’un strabisme divergent de 30 dioptries apparu suite à la perte fonctionnelle de l’œil droit. Selon le compte-rendu y relatif, aucune fente graisseuse intra-orbitaire n’avait été constatée. L’énophtalmie était en lien avec une atrophie du globe oculaire droit secondaire au traumatisme perforant traité chirurgicalement.

29.    Le 29 décembre 2014, le Dr E______ a considéré que l’état de l’assurée était stabilisé et qu’une capacité de travail de 100% dans l’activité antérieure était exigible.

30.    Par décision du 28 janvier 2015, l’assurance a mis un terme au paiement des soins médicaux et de l’indemnité journalière avec effet au 31 janvier 2015. Les contrôles médicaux encore nécessaires, à savoir les contrôles semestriels voire annuels, ainsi que le collyre pour humidifier l’œil allaient encore être pris en charge. S’agissant du droit à une rente d’invalidité, l’assureur a considéré que l’activité d’éducatrice exercée au jour de l’accident était exigible à 100% sans perte de rendement. Par conséquent, il n’y avait aucune diminution notable de la capacité de gain due à l’accident assuré.

31.    L’assurée a, sous la plume de son conseil, formé opposition à la décision du 28 janvier 2015 par courrier du 26 février 2015, contestant notamment la stabilisation de la situation médicale et l’appréciation du degré d’invalidité, dès lors que l’atteinte à son œil limitait sa capacité de travail tant dans l’activité habituelle que dans une activité adaptée. Enfin, c’était de manière infondée qu’une perte de rendement avait été exclue.

32.    Par courrier du 3 février 2015, la doctoresse F______

33.    +, spécialiste FMH en ophtalmologie et ophtalmo-chirurgie, a informé l’assurance que suite à l’accident assuré et à la perte fonctionnelle de son œil droit, l’assurée présentait un strabisme divergent de plus de 30 dioptries et une hypertrophie gauche sur droite, nécessitant une intervention chirurgicale, laquelle était prévue pour le vendredi 6 février 2015.

34.    Le 27 février 2015, le Dr E______ a considéré que l’intervention envisagée pour corriger le strabisme était en lien avec l’accident assuré et qu’il fallait compter avec une incapacité de travail de deux à trois semaines à compter du 6 février 2015, date de l’intervention. L’exigibilité et le degré de l’atteinte à l’intégrité étaient inchangés pour le surplus.

35.    Par courrier du 30 avril 2015, l’assurée a complété son opposition, considérant que dans la mesure où l’assureur avait accepté de prendre en charge les suites de l’intervention du 6 février 2015, le cas n’était pas stabilisé de sorte que la décision querellée était nulle. Par ailleurs, le résultat de l’intervention précitée ne pouvait être apprécié qu’après plusieurs mois de sorte que la situation médicale ne pouvait être considérée comme stabilisée dans l’intervalle. Son état de santé s’était encore aggravé dès lors que le silicone situé derrière son œil avait « sauté ».

36.    Le dossier a une nouvelle fois été soumis au Dr E______, lequel a, dans une appréciation datée du 16 novembre 2013, persisté dans ses conclusions.

37.    Par décision sur opposition du 14 décembre 2015, l’assureur a confirmé sa décision du 28 janvier 2015, relevant que le médecin d’arrondissement de la SUVA avait estimé, dans son rapport du 16 décembre 2014, que la situation de l’assurée était stabilisée, ce qui correspondait d’ailleurs au ressenti de l’assurée. En cas de rechute, le cas devait être réexaminé par le médecin d’arrondissement, ce qui avait été le cas le 6 février 2015, en raison du lâchage du silicone. Contrairement à la position de l’assurée, la rechute précitée ne pouvait remettre en cause la stabilisation de son état de santé. La décision querellée n’était dès lors pas nulle comme l’alléguait la recourante. Dans la mesure où l’assurée ne bénéficiait que jusqu’au 1er décembre 2014 d’un certificat du Dr D______, daté du 19 novembre 2014, attestant d’une capacité de travail limitée à 70%, sa capacité de gain devait être considérée comme entière à partir du 2 décembre 2014. Dans ces circonstances, la situation était stabilisée au 31 janvier 2015 de sorte que c’était à juste titre qu’il avait été mis un terme au versement des indemnités journalières à cette date. S’agissant du droit à une rente d’invalidité, force était de constater que selon le médecin d’arrondissement, lequel avait établi, après plusieurs examens de la situation, un avis circonstancié, l’assurée était en mesure d’exercer son activité habituelle à 100%. L’assurée ne subissant aucune baisse de rendement, il n’y avait pas lieu de lui octroyer une rente d’invalidité. Pour sa part, le Dr D______ avait considéré, dans son courrier du 1er octobre 2013, que tout travail en situation post-traumatique créait un handicap. Au vu des rapports médicaux précités, c’était à juste titre que l’assureur avait refusé d’octroyer une rente d’invalidité de sorte que la décision querellée devait être confirmée.

38.    Le 1er février 2016, l’assurée (ci-après : la recourante) a interjeté recours contre la décision sur opposition précitée sous la plume de son conseil et a conclu, sous suite de frais et dépens, préalablement à l’audition du Dr D______ et du Dr E______ et à la réalisation d’une expertise, principalement à l’annulation de la décision sur opposition querellée et à la constatation que sa capacité de travail se montait à 70% au maximum et à l’octroi d’une rente d’invalidité. A l’appui de ses conclusions, elle a notamment expliqué, après avoir résumé les pièces essentielles du dossier, que contrairement à ce que retenait le Dr E______, elle présentait d’importantes séquelles et limitations suite à l’accident assuré. Malgré le port de lunettes de soleil, elle ne supportait ainsi pas certaines lumières (soleil, lumière l’hiver, parfois lumières intérieures telles que les lampes). Son œil commençait à rougir et elle souffrait de démangeaisons, voire de pleurs. Elle était alors contrainte de se mettre à l’écart, de fermer les yeux pendant un certain temps afin que lesdits désagréments s’apaisent un peu. En cas de fatigue, de travail administratif ou de travail à l’ordinateur, son œil rougissait et la démangeait au point qu’elle devait dormir pendant un moment pour que cela cesse. Elle n’avait plus de vision périphérique et ne voyait plus la personne qui se trouvait à côté d’elle sur la droite. En raison des séquelles précitées, son médecin traitant avait retenu une capacité de travail de 70%. Par ailleurs, la recourante relevait que l’assurance (ci-après : l’intimée) se fondait sur l’avis du Dr E______ qui ne l’avait jamais examinée. Or, son avis ne saurait être suivi. Tout d’abord, contrairement à ce que retenait le médecin précité, son œil gauche présentait une myopie antérieure à l’accident, de sorte que cet œil ne pouvait être considéré comme normal. Ensuite, le cahier des charges retenu par le médecin d’arrondissement ne correspondait pas à la réalité. En effet, son activité comportait également un volet administratif, de travail à l’ordinateur et de lecture, largement affecté par les limitations physiques dont elle souffrait. Enfin, l’intimée ne justifiait à aucun moment les raisons pour lesquelles son médecin-conseil avait maintenu son appréciation malgré l’aggravation de son état de santé entre l’avis du 12 avril 2013 et les avis des 29 avril et 16 décembre 2014. Dans ces conditions, l’appréciation du Dr E______ ne disposait d’aucune valeur probante.

39.    L’intimée a répondu en date du 1er mars 2016 et a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision sur opposition attaquée. Après avoir résumé les faits, elle a relevé que tant le médecin d’arrondissement de la SUVA que le médecin traitant de la recourante s’accordaient à reconnaître une capacité de travail dans l’activité antérieure malgré l’amaurose à l’œil droit, seul le taux étant différent. Contrairement aux allégations de la recourante, le Dr E______ avait pris en considération la myopie de l’œil gauche, comme cela ressortait de ses recommandations des 12 avril 2012 et 29 avril 2014. Le cahier des charges retenu ressortait de celui figurant au dossier administratif ainsi que des informations obtenues de l’employeur et de la recourante. Le cas de cette dernière avait d’ailleurs été instruit de manière approfondie, dès lors que l’administration avait demandé les rapports et documents à chaque stade. En outre, le médecin d’arrondissement avait établi une appréciation circonstanciée, après analyse exhaustive du dossier.

40.    Par réplique du 1er mai 2016, la recourante a rappelé que le Dr E______, qui ne maîtrisait pas le français, n’avait nullement tenu compte de la myopie à l’œil gauche, dès lors qu’il indiquait, dans son avis du 29 avril 2014, que « l’œil gauche est [était] normal et son acuité visuelle est [était] également normal[e] ». En outre, le cahier des charges était considérablement plus étendu que celui retenu par le médecin-conseil, dès lors qu’il incluait du travail administratif, de la lecture, de l’activité informatique, etc. Certes, avant son accident, le taux contractuel était de 90%. Toutefois, dans les faits, son taux d’activité dépassait régulièrement les 100% (105% en 2009 et 109% en 2010). S’agissant du taux de 90%, il était justifié par le fait qu’elle était également en formation, ce qui impliquait de suivre des cours représentant 20% de son temps. Ainsi, avant son accident, elle exerçait réellement un taux d’activité de 125%, ce qui impliquait une diminution de 55% (125% - 70%). En réalité, le médecin-conseil avait émis un avis théorique, général et abstrait, sans tenir compte du cas d’espèce. Ses appréciations sont ainsi dénuées de toute valeur probante.

En annexe figurait notamment un avis de la Dresse F______ et du Dr D______, du 23 mars 2016, dont il ressort que suite à l’accident assuré, la recourante avait progressivement perdu la vision de l’œil droit jusqu’à l’amaurose complète et définitive. Cet état entraînait la perte de la stéréoscopie et de la moitié du champ visuel. Il n’y avait donc plus de binocularité. En tenant compte de l’inconfort, de l’insécurité et du désarroi de la recourante confrontée à son handicap visuel, il leur avait semblé souhaitable de maintenir l’assurée à un taux d’activité de 70%, afin de favoriser son adaptation professionnelle et privée à ce nouvel état de fait.

41.    L’intimée a dupliqué en date du 17 juin 2016, relevant que les motifs liés à la baisse du taux de travail n’étaient pas d’ordre médical comme cela ressortait de l’avis du Dr D______ joint à la réplique de la recourante. En effet, le médecin traitant précité admettait une pleine capacité de travail de la recourante mais la limitait pour favoriser une adaptation professionnelle et privée. S’agissant du médecin d’arrondissement, il suivait le dossier de la recourante depuis le début et avait donné des avis circonstanciés, en pleine connaissance de cause, et avait pris en considération les avis du médecin traitant, l’état de santé et l’activité professionnelle de la recourante. La perte de vision d’un œil n’empêchait pas l’exercice d’une activité professionnelle à plein temps. En outre, l’intimée ne voyait pas en quoi l’absence de mention du volet administratif des charges changerait l’appréciation de la situation, dès lors que le travail à l’ordinateur ne nécessitait pas une vision stéréoscopique, à savoir une vision nécessitant une profondeur de champ. Une telle activité impliquait en effet la même vision que pour le travail et la vie de tous les jours.

42.    Dans ses observations du 12 juillet 2016, la recourante a relevé que le médecin d’arrondissement de l’intimée, dans le cadre de l’assurance complémentaire LAA, avait estimé, comme le Dr D______, que l’invalidité médico-théorique s’élevait à 30%. Par ailleurs, elle était d’avis qu’il existait un véritable problème de langue, le Dr E______ ne maîtrisant à l’évidence pas le français, dès lors que tous ses avis étaient rédigés en allemand. Ainsi, le 1er septembre 2014, le médecin d’arrondissement précité avait considéré que l’état de la recourante était stabilisé, alors même qu’à cette date, une nouvelle intervention chirurgicale était prévue.

43.    Le 19 juillet 2016, l’intimée s’est prononcée sur les observations précitées de la recourante et a relevé que le capital invalidité versé dans le cadre de l’assurance-accidents complémentaire LAA correspondait, dans l’assurance obligatoire, à l’indemnité pour atteinte à l’intégrité et servait à indemniser la perte d’un membre, dans la mesure où cela constituait un dommage durable pour l’assurée. Le taux de 30% avait ainsi été fixé sur la base des tabelles et n’avait aucune influence sur la fixation du taux d’invalidité en vue d’une rente d’invalidité, perte d’un membre n’étant pas synonyme d’incapacité durable de travail.

44.    Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Le délai de recours est de 30 jours (art. 60 al. 1 LPGA). Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable, en vertu des art. 56ss LPGA.

3.        La chambre de céans constate que la recourante ne conteste plus la stabilisation de son état de santé en date du 31 janvier 2015, et la suppression, à cette date, de son droit aux indemnités journalières.

Seul est donc litigieux le droit de la recourante à une rente d'invalidité à la suite de l'accident du 31 mars 2011, en particulier le degré d'invalidité qu'elle présente.

4.        a. L'assuré invalide (art. 8 LPGA) à 10% au moins par suite d'accident a droit à une rente d'invalidité (art. 18 al. 1 LAA). Le droit à la rente prend naissance dès qu’il n’y a plus lieu d’attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de santé de l’assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l’assurance-invalidité ont été menées à terme. Le droit au traitement médical et aux indemnités journalières cesse dès la naissance du droit à la rente (art. 19 al. 1 LAA).

Chez les assurés actifs, le degré d'invalidité doit être évalué sur la base d'une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA). La comparaison des revenus s'effectue, en règle ordinaire, en chiffrant aussi exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les confrontant l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux d'invalidité (méthode générale de comparaison des revenus; ATF 130 V 343 consid. 3.4, 128 V 29 consid. 1, 104 V 135 consid. 2a et 2b).

b. Pour déterminer le revenu sans invalidité avant un accident, il faut rechercher quelles sont les possibilités de gain d'un assuré censé utiliser pleinement sa capacité de travail. En règle générale, le revenu hypothétique de la personne valide se détermine en établissant au degré de la vraisemblance prépondérante ce qu'elle aurait effectivement pu réaliser au moment déterminant si elle était en bonne santé (ATF 129 V 224 consid. 4.3.1 et la référence). Hypothétique, le revenu sans invalidité n'en doit pas moins être évalué de manière aussi concrète que possible. C'est pourquoi le revenu sans invalidité s'évalue, en règle générale, d'après le dernier salaire que l'assuré a obtenu avant l'atteinte à la santé, en tenant compte de l'évolution des circonstances à l'époque où est né le droit à la rente. Des exceptions ne sauraient être admises que si elles sont établies au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 129 V 222 consid. 4). On ne saurait s’écarter du dernier salaire que l’assuré a obtenu avant l’atteinte à la santé pour le motif que celui-ci disposait, avant la survenance de son invalidité, de meilleures possibilités de gain que celles qu’il mettait en valeur et qui lui permettaient d’obtenir un revenu modeste (ATF 125 V 146 consid. 5c/bb) ; il convient toutefois de renoncer à s’y référer lorsqu’il ressort de l’ensemble des circonstances du cas que l’assuré, sans invalidité, ne se serait pas contenté d’une telle rémunération de manière durable (ATF non publié 9C_439/2009 du 30 décembre 2009, consid. 5.1).

c. Le revenu d'invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de la personne assurée. Lorsque l'activité exercée après la survenance de l'atteinte à la santé repose sur des rapports de travail particulièrement stables, qu'elle met pleinement en valeur la capacité de travail résiduelle exigible et que le gain obtenu correspond au travail effectivement fourni et ne contient pas d'éléments de salaire social, c'est le revenu effectivement réalisé qui doit être pris en compte pour fixer le revenu d'invalide. En l'absence d'un revenu effectivement réalisé - soit lorsque la personne assurée, après la survenance de l'atteinte à la santé, n'a pas repris d'activité lucrative ou alors aucune activité normalement exigible -, le revenu d'invalide peut être évalué sur la base de salaires fondés sur les données statistiques résultant de l'Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) ou sur les données salariales résultant des descriptions de postes de travail établies par la CNA (ATF 135 V 297 consid. 5.2 ; 129 V 472 consid. 4.2.1).

5.        a. La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1).

b. Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. A cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3).

c. Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).

Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Etant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

c/aa. Lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes suffisants quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 135 V 465 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral 8C_923/2010 du 2 novembre 2011 consid. 5.2).

c/bb. Une appréciation médicale, respectivement une expertise médicale établie sur la base d'un dossier n’est pas en soi sans valeur probante. Une expertise médicale établie sur la base d'un dossier peut avoir valeur probante pour autant que celui-ci contienne suffisamment d'appréciations médicales qui, elles, se fondent sur un examen personnel de l'assuré (RAMA 2001 n° U 438 p. 346 consid. 3d). L’importance de l’examen personnel de l’assuré par l’expert n’est reléguée au second plan que lorsqu’il s’agit, pour l’essentiel, de porter un jugement sur des éléments d’ordre médical déjà établis et que des investigations médicales nouvelles s’avèrent superflues. En pareil cas, une expertise médicale effectuée uniquement sur la base d’un dossier peut se voir reconnaître une pleine valeur probante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_681/2011 du 27 juin 2012 consid. 4.1 et les références).

c/cc. En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant peut être enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qu’ils ont nouée (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I.244/05 du 3 mai 2006 consid. 2.1).

6.        a. Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3, ATF 126 V 353 consid. 5b, ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

b. La procédure est régie par le principe inquisitoire, d'après lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge. Mais ce principe n'est pas absolu. Celui-ci comprend en particulier l'obligation de ces dernières d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2; VSI 1994, p. 220 consid. 4). Car si le principe inquisitoire dispense les parties de l'obligation de prouver, il ne les libère pas du fardeau de la preuve. En cas d'absence de preuve, c'est à la partie qui voulait en déduire un droit d'en supporter les conséquences (ATF 117 V 261 consid. 3), sauf si l'impossibilité de prouver un fait peut être imputée à l'adverse partie (ATF 124 V 372 consid. 3; RAMA 1999 n° U 344 p. 418 consid. 3).

7.        a. Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, les autorités administratives et les juges des assurances sociales doivent procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raison pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Ils ne peuvent ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, ils doivent mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 283 consid. 4a; RAMA 1985 p. 240 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3).

b. Le juge cantonal qui estime que les faits ne sont pas suffisamment élucidés a en principe le choix entre deux solutions : soit renvoyer la cause à l'assureur pour complément d'instruction, soit procéder lui-même à une telle instruction complémentaire. Un renvoi à l'assureur, lorsqu'il a pour but d'établir l'état de fait, ne viole ni le principe de simplicité et de rapidité de la procédure, ni le principe inquisitoire. Il en va cependant autrement quand un renvoi constitue en soi un déni de justice (par exemple, lorsque, en raison des circonstances, seule une expertise judiciaire ou une autre mesure probatoire serait propre à établir l'état de fait), ou si un renvoi apparaît disproportionné dans le cas particulier (arrêt du Tribunal fédéral 9C_162/2007 du 3 avril 2008 consid. 2.3). À l'inverse, le renvoi à l'assureur apparaît en général justifié si celui-ci a constaté les faits de façon sommaire, dans l'idée que le tribunal les éclaircirait comme il convient en cas de recours (DTA 2001 n° 22 p. 170 consid. 2). Le Tribunal fédéral a récemment précisé cette jurisprudence, en indiquant qu'un renvoi à l'administration est en principe possible lorsqu'il s'agit de trancher une question qui n'a jusqu'alors fait l'objet d'aucun éclaircissement, ou lorsqu'il s'agit d'obtenir une clarification, une précision ou un complément quant à l'avis des experts interpellés par l'autorité administrative; a contrario, une expertise judiciaire s'impose lorsque les données recueillies par l'administration en cours d'instruction ne revêtent pas une valeur probante suffisante sur des points décisifs (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1).

8.        En l’espèce, l’intimée se fonde sur les appréciations du Dr E______ pour mettre un terme au versement des indemnités journalières avec effet au 31 janvier 2015 et nier le droit à une rente d’invalidité. Pour sa part, la recourante invoque les avis de son médecin traitant, le Dr D______, pour conclure à une capacité de travail de 70% et, par conséquent, au versement d’une rente partielle afin de couvrir sa perte de rendement. Il y a donc lieu d’examiner la valeur probante de ces documents.

a. D’emblée, il convient de relever qu’aucune des appréciations du Dr E______ ne se fonde sur un examen personnel de la recourante mais uniquement sur le dossier mis à sa disposition. Conformément à la jurisprudence en la matière, ces appréciations ne sont toutefois pas en soi dénuées de toute valeur probante de ce seul fait mais doivent faire l’objet d’un examen au regard des réquisits jurisprudentiels applicables en cas d’appréciation faite sur dossier. En d’autres termes, pour qu’une pleine valeur probante puisse être reconnue aux appréciations du Dr E______, établies sur dossier, celles-ci doivent contenir suffisamment d’appréciations qui elles, se fondent sur un examen personnel de l'assurée.

a/aa. Force est de constater qu’en l’espèce, le dossier sur lequel s’est fondé le Dr E______ ne contient aucune appréciation récente fondée sur un examen complet de la recourante. En effet, la plupart des pièces correspondent à des rapports opératoires, lesquels résument les actes médicaux effectués lors de l’intervention mais non l’état de santé de la recourante et ses plaintes. La dernière pièce faisant état d’un examen partiel de la vue (œil gauche et œil droit) de la recourante remonte au 5 décembre 2011. Depuis lors, aucun médecin n’a établi de rapport circonstancié sur l’état de santé de la recourante.

Dans ces circonstances, on ne peut pas considérer que le dossier sur lequel s’est fondé le Dr E______ contienne suffisamment d’appréciations se fondant sur un examen personnel de la recourante de sorte que la valeur probante doit être niée aux appréciations du Dr E______ pour ce motif déjà.

a/bb. A cela s’ajoute en outre le fait qu’aucune des appréciations du médecin précité ne respecte les réquisits jurisprudentiels en matière de valeur probante.

En effet, tout d’abord, le Dr E______ n’a établi aucune anamnèse. On ne sait donc pas s’il a eu accès à l’intégralité du dossier médical de la recourante, celui-ci n’y étant pas résumé. En outre, les plaintes de la recourante ne sont à aucun moment résumées de sorte qu’elles n’ont à l’évidence pas été prises en considération par le Dr E______, ce d’autant moins qu’elles ne ressortent pas des pièces médicales du dossier. Par ailleurs, les conclusions du médecin d’arrondissement ne sont pas motivées et elles paraissent dans tous les cas contradictoires. En effet, ce médecin fait état du fait que l’œil gauche et son acuité visuelle sont normaux alors qu’’il ressort des pièces du dossier que la recourante souffre de myopie et que suite à l’événement assuré, elle a développé un strabisme qui a d’ailleurs dû être opéré. De l’avis de la chambre de céans, ces éléments ne permettent pas de considérer l’œil gauche comme étant normal. Dans ces circonstances, il appartenait au médecin d’arrondissement d’examiner les conséquences de l’amaurose compte tenu d’un œil gauche souffrant de strabisme et de myopie et de justifier son appréciation en conséquence, ce qui n’a pas été fait. En outre, comme l’a relevé la recourante, le Dr E______ n’explique pas pour quels motifs son appréciation de la capacité de travail est identique entre le 12 avril 2012 et le 12 avril, 2013 alors que dans l’intervalle, elle a perdu la vue et qu’un strabisme divergent est apparu. Par ailleurs, s’agissant de la capacité de travail, force est de constater que le dossier ne contient aucun document suffisamment probant, décrivant avec exactitude l’activité habituelle exercée par la recourante. En effet, contrairement à ce qu’allègue l’intimée, au dossier ne figure aucune pièce, signée par l’employeur, décrivant l’activité exercée par la recourante. En outre, la brève description de l’activité habituelle ressort uniquement d’une note d’entretien du 20 septembre 2011, non signée par la recourante. Dans la mesure où il s’agit d’un document purement interne, consignant certes les déclarations de la recourante, mais telles qu’elles ont été comprises, interprétées et résumées par le gestionnaire (voir ATAS/827/2014 du 30 juin 2014 consid. 10), la note d’entretien ne saurait être prise en considération pour apprécier la capacité de travail de la recourante dans son activité habituelle, ce d’autant moins que la description est contestée par la recourante.

Pour toutes ces raisons, la valeur probante doit être niée aux appréciations du Dr E______.

b. Les appréciations du Dr D______ des 18 novembre 2014 et 23 mars 2016, auxquelles la recourante se réfère pour justifier sa capacité de travail, ne sauraient pas non plus être suivies, faute de valeur probante. En effet, ces documents ne répondent à aucun des réquisits jurisprudentiels susmentionnés : absence d’anamnèse, absence de description des plaintes, conclusions non motivées, etc.

Dans ces circonstances, la chambre de céans ne saurait pas non plus se fonder sur les appréciations précitées du médecin traitant de la recourante.

c. Compte tenu des considérations qui précèdent, force est de constater que le dossier soumis à la chambre de céans a été instruit de manière sommaire et lacunaire par l’intimée, vraisemblablement avec l'idée que la chambre de céans les éclaircirait comme il convient en cas de recours. À défaut d’instruction suffisante de la part de l’intimée permettant une appréciation adéquate de la situation médicale de la recourante, il se justifie donc d’annuler la décision litigieuse et de renvoyer la cause à l’intimée afin qu’elle mette en œuvre une expertise de la recourante, laquelle devra être confiée à un spécialiste reconnu. Il appartiendra également à l’intimée de déterminer, au préalable, l’activité habituelle exercée par la recourante sur la base d’une description précise de l’employeur.

9.        Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis et la décision du 14 décembre 2015 sera annulée, la cause étant renvoyée à l’intimée pour instruction complémentaire au sens des considérants.

La recourante obtenant gain de cause, une indemnité de CHF 1'500.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement et annule la décision sur opposition du 14 décembre 2015.

3.        Renvoie la cause à l’intimée pour instruction complémentaire au sens des considérants.

4.        Condamne l’intimée à verser à la recourante la somme de CHF 1'500.- à titre de participation à ses frais et dépens.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Florence SCHMUTZ

 

Le président

 

 

 

 

Mario-Dominique TORELLO

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le