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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4617/2017

ATAS/145/2018 du 20.02.2018 ( AJ ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4617/2017 ATAS/145/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 20 février 2018

2ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Pierre GABUS

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né le ______ 1960, d’origine italienne, a contracté une poliomyélite durant son enfance. Il est arrivé en Suisse en 1978, au bénéfice d’une formation de cuisinier, et a travaillé comme cuisinier, chef de cuisine et tenancier de restaurant.

2.        Après avoir déposé une demande de prestations de l’assurance-invalidité, le 1er mars 1999, tendant à l’octroi d’une orientation professionnelle et d’une rente en invoquant des lombalgies et une incapacité de travail entière depuis le 28 septembre 1998, il s’est soumis à un stage d’évaluation du 21 juin au 16 juillet 1999 auprès du centre d’observation professionnelle de l’assurance-invalidité (ci-après : COPAI).

3.        Dans le rapport du 24 juillet 1999, le docteur B______, spécialiste FMH en médecine interne et médecin conseil du COPAI, a indiqué que l’assuré souffrait de lombalgies communes sur troubles dégénératifs évoluant depuis plus de dix ans qu’il avait tolérées pendant de nombreuses années de travail lourd. Sur le plan psychologique, il avait un comportement passif-agressif très marqué supportant très mal de ne pas être le meilleur, ce qui le poussait à tout refuser du moment qu’il ne réussissait pas totalement. Il n’y avait pas de contre-indications physiques à l’exercice d’une activité adaptée à plein temps et avec un rendement complet. Les éléments psychologiques mériteraient d’être explicités et précisés par une expertise psychiatrique.

4.        Dans son rapport d’expertise psychiatrique du 7 juin 2000, sur mandat de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé), la doctoresse C______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a diagnostiqué, sans effet sur la capacité de travail, une majoration de symptômes physiques pour des raisons psychologiques (CIM 10 / F 68.0).

5.        L’OAI a également mis en œuvre une expertise rhumatologique. Dans son rapport d’expertise du 18 mai 2001, le docteur D______, spécialiste FMH en rhumatologie et médecine physique, a diagnostiqué notamment des lombalgies chroniques sur anomalie transitionnelle de la charnière lombo-sacrée avec discopathie à ce niveau et arthrose interfacettaire, une périarthrite scapulo-humérale droite et un discret syndrome cervical. L’assuré souffrait réellement du dos et les positions assise et debout prolongées étaient néfastes, de sorte qu’une activité à plein temps comme chef de cuisine n’était pas compatible avec sa pathologie. L’expert a conclu à une capacité résiduelle de travail de 50 % dans une activité du même type mais moins pénible (par exemple comme gérant dans la restauration ou comme administrateur dans le domaine hôtelier). La concordance entre les plaintes et l’examen clinique était indiscutable. Il existait une amyotrophie de la cuisse droite d’origine peu claire.

6.        Dans une notice du 19 juin 2001, le docteur E______, médecin de l’OAI et généraliste FMH, a considéré que la clinique était relativement pauvre et les modifications anatomo-radiologiques peu marquées. Néanmoins, on pouvait admettre que l’assuré souffrait réellement du dos. Le Dr D______ indiquait que les lombalgies avaient pratiquement toujours un côté psychosomatique. D’autres experts désignaient cette situation comme un syndrome somatoforme douloureux. On pouvait admettre une capacité de travail de 50 % dans une activité moins pénible que celle de cuisinier. À son sens, si les contraintes physiques étaient faibles, on pouvait s’attendre à un taux supérieur d’au moins 80 %. Par courrier du 4 juillet 2001, le Dr E______ a demandé au Dr D______ de préciser si une activité considérée comme légère physiquement et permettant une alternance des positions pourrait être exercée avec une simple baisse de rendement ne dépassant pas 10 % à 20 %.

7.        Dans son rapport complémentaire du 24 septembre 2001, le Dr D______ a estimé que la récente aggravation des troubles lombaires de l’assuré avec accentuation de la faiblesse du membre inférieur droit probablement attribuable à un syndrome post-poliomyélite, selon les résultats de l’électromyogramme du 12 juillet 2001, ne permettait pas d’envisager un taux d’occupation dépassant 50 % même dans une activité physiquement légère. Le Dr E______ a visé ce rapport le 19 octobre 2001 en ajoutant la mention : « quelle que soit l’activité, taux maximum de 50 % ».

8.        Par prononcé du 2 avril 2002, l’OAI a accordé à l’assuré une demi-rente d’invalidité à partir du 1er septembre 1999, sur la base d’un degré d’invalidité de 60 %. Il a considéré que l’assuré n’était pas en mesure d’exercer une activité professionnelle à un taux de plus de 50 % au vu du rapport d’expertise et des différents renseignements complémentaires obtenus.

9.        Le 10 septembre 2002, l’assuré a demandé à l’OAI de réviser la rente et de lui accorder une rente entière au moins depuis l’été 2001 au vu de l’existence d’une aggravation depuis le rapport d’expertise. Il a joint un rapport du 29 août 2002 établi par le docteur F______, médecin-chef de clinique à la consultation de rhumatologie des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), qui a diagnostiqué des lombalgies communes chroniques, un syndrome douloureux chronique et un syndrome post-poliomyélite touchant le membre inférieur droit. Depuis 1985, l’assuré présentait des lombalgies basses, intermittentes dans un premier temps. Malgré une prise en charge de physiothérapie dès 1989-1990, ses douleurs lombaires s’étaient aggravées avant de devenir constantes dès 1999, exacerbées par tout effort. Depuis 1999 également, mais en aggravation constante depuis lors, l’assuré se plaignait aussi d’une faiblesse proximale du membre inférieur droit. L’examen clinique ne montrait qu’un léger syndrome lombovertébral à caractère chronique. Le bilan radiologique révélait surtout une anomalie transitionnelle sous forme d’une lombalisation de S1, sans protrusion ni hernie discale, sans troubles dégénératifs ni canal étroit. L’assuré présentait aussi une symptomatologie neurologique, qui était vraisemblablement un syndrome post-poliomyélitique s’aggravant et aggravant la symptomatologie clinique. Cet élément n’avait pas été diagnostiqué par le Dr D______ en mai 2001. Aucune activité professionnelle ne paraissait actuellement exigible.

10.    Dans un nouveau rapport d’expertise du 25 novembre 2002, le Dr D______ a diagnostiqué des lombalgies chroniques sur troubles statiques de la région lombo-pelvienne et sur lombalisation de S1 avec pincement du disque L5-S1 et une arthrose interapophysaire postérieure à ce niveau, un syndrome post-poliomyélite avec amyotrophie de la cuisse droite entraînant une parésie devenue symptomatique, des cervicalgies et une périarthropathie des épaules, ainsi qu’une tendance dépressive. L’expert a conclu à une aggravation notable et objective de l’état de santé de l’assuré depuis l’expertise de mai 2001, en ce qui concernait tant les rachialgies que la récente atteinte de la colonne cervicale et des épaules et, surtout, en tenant compte de l’atteinte post-poliomyélitique alors non mentionnée. Les lombalgies et l’amyotrophie de la cuisse droite étaient des affections concomitantes évoluant à bas bruit et invalidantes. Aucune activité professionnelle n’était exigible et la capacité de travail devait actuellement être évaluée à 0 % depuis une date difficile à préciser.

11.    L’OAI a soumis l’assuré à une expertise pluridisciplinaire rhumatologique, neurologique et psychiatrique, qui a été réalisée à la Clinique romande de réadaptation (ci-après : CRR), où l’assuré a séjourné du 1er au 4 septembre 2003. Dans leur rapport du 8 septembre 2003, les docteurs G______, rhumatologue FMH, H______, psychiatre associé au service de psychosomatique, ainsi que I______, neurologue FMH, ont diagnostiqué avec répercussion sur la capacité de travail, un trouble somatoforme douloureux persistant (F 45.4), ainsi qu’un trouble mixte de la personnalité (F 61.0) à traits quérulents (F 60.0) et anankastiques (F 60.5). Sans répercussion sur la capacité de travail, ils ont notamment diagnostiqué une amyotrophie de la cuisse droite d’origine incertaine, une anomalie de la charnière lombo-sacrée (vertèbre transitionnelle) et des troubles dégénératifs modérés du rachis lombaire. Selon les experts, le processus d’invalidation était beaucoup plus ancien que ne le laissait supposer l’histoire médicale de ces cinq dernières années. Durant les quinze dernières années, l’assuré avait été d’échec en échec aussi bien sur le plan professionnel que conjugal. Les douleurs et les lésions somatiques camouflaient une souffrance d’un autre ordre, à savoir de nature essentiellement psychique. Au trouble somatoforme s’associait une atteinte plus grave, à savoir un trouble mixte de la personnalité. L’assuré présentait une sensibilité excessive à la critique, un caractère méfiant, voire interprétatif, et une tendance à surévaluer sa propre importance. En raison de ses troubles psychiques, il n’était pas capable de s’adapter à son environnement professionnel. Étant dans l’obligation de préserver une image de soi satisfaisante et auto-suffisante, l’allégation d’une atteinte organique constituait pour l’assuré une porte de sortie honorable. La reprise d’une activité professionnelle ne paraissait pas exigible et ses faibles capacités d’adaptation et ses perturbations dans les relations interpersonnelles dues aux troubles de la personnalité rendaient toute mesure de réadaptation professionnelle illusoire.

12.    Dans un rapport du 3 novembre 2003, le docteur J______, médecin du SMR, a considéré que l’expertise de la CRR permettait de conclure que l’incapacité de travail de l’assuré tenait plus à des causes psychiques que somatiques dont l’importance avait été exagérée. L’expert appuyait son avis sur la présence d’un trouble de la personnalité qui avait entraîné des difficultés personnelles et professionnelles manifestes depuis 1988 déjà. Cette comorbidité psychique, la longue durée de l’inactivité, l’absence d’amélioration malgré les traitements justifiaient l’incapacité de travail totale dans le circuit économique normal. Le syndrome douloureux chronique entrait dans le cadre d’un trouble somatoforme douloureux persistant.

13.    Par prononcé du 17 décembre 2003 (annulant et remplaçant celui du 2 avril 2002), l’OAI a octroyé à l’assuré une rente entière d’invalidité à partir du 28 septembre 1999, le degré d’invalidité étant de 100 % depuis cette date. Des renseignements recueillis lors de l’instruction de sa demande, il résultait que son atteinte à la santé avait entraîné une incapacité de travail totale dès le 28 septembre 1998.

14.    Dans la cadre d’une procédure de révision d’office, l’OAI a adressé à l’assuré un questionnaire pour révision de la rente et requis un rapport de son chiropracticien. Par communication du 17 janvier 2007, il a informé l’assuré que son degré d’invalidité n’avait pas changé au point d’influencer son droit à la rente et qu’il continuerait de percevoir une rente sur la base d’un degré d’invalidité de 100 %.

15.    En avril 2012, l’OAI a initié une nouvelle procédure de révision du droit à la rente. Répondant à la demande du gestionnaire de préciser si le caractère invalidant du trouble somatoforme douloureux persistant et du trouble mixte de la personnalité à traits quérulents et anankastiques avait été évalué selon les précisions apportées par la jurisprudence, le SMR a considéré, dans son avis du 17 avril 2012, que la rente avait été octroyée uniquement sur la base des conclusions de la CRR. À cette époque, le trouble somatoforme douloureux ainsi que le trouble de la personnalité à traits quérulents et anankastiques n’étaient pas décompensés et la jurisprudence en question n’était pas encore en vigueur. Il convenait d’instruire, puis de prévoir une expertise psychiatrique au minimum.

16.    Le 18 juin 2013, l’OAI a confié un mandat d’expertise au centre d’expertise médicale (ci-après : CEMed) de Nyon, soit au docteur K______, spécialiste FMH en médecine interne, à la doctoresse L______, psychiatre et psychothérapeute FMH, ainsi qu’au docteur M______, rhumatologue FMH. Dans leur rapport du 31 octobre 2013, les experts n’ont retenu aucun diagnostic avec répercussion sur la capacité de travail. Sans répercussion sur la capacité de travail, ils ont diagnostiqué des lombalgies communes sur un syndrome algodysfonctionnel, une amyotrophie de la cuisse droite sur probable ancienne poliomyélite, une lombalisation de S1, ainsi qu’une périarthrite de l’épaule droite et des hanches. Sur le plan rhumatologique, le status était quasi superposable à l’examen clinique de 2003 à la CRR, voire même amélioré. L’expert n’a pas observé de limitation fonctionnelle. Sur le plan psychiatrique, l’assuré présentait certains traits de personnalité quérulente et anankastique, mais en nombre et en intensité insuffisants pour poser le diagnostic de trouble de la personnalité mixte. Il n’y avait par ailleurs pas de symptômes pouvant évoquer un trouble dépressif, anxieux ou psychotique. Les critères nécessaires au diagnostic de trouble somatoforme douloureux n’étaient pas réunis. De plus, l’assuré ne présentait pas de comorbidité psychiatrique sévère, ni perturbation de sa vie quotidienne et sociale. L’assuré était au bénéfice d’une rente entière d’invalidité pour des raisons psychiatriques. Il y avait eu amélioration depuis l’expertise de 2003, difficile à situer dans le temps, tout comme de donner des taux précis d’incapacité de travail. Son médecin traitant estimait qu’à fin 2011, un travail était envisageable sous réserve d’une faible motivation. On pouvait donc estimer que l’assuré avait retrouvé sa capacité de travail à fin 2011. Celle-ci était de 100 % dans l’activité habituelle, et il n’y avait pas d’indication pour une activité adaptée.

17.    Dans un rapport du 24 novembre 2014, le docteur N______, psychiatre et psychothérapeute, a indiqué qu’il suivait l’assuré depuis mars 2004 car plusieurs médecins avaient considéré qu’il présentait une problématique psychiatrique. Il avait constaté chez l’assuré une double souffrance psychique, à savoir celle provoquée et entretenue par ses douleurs articulaires et rhumatismales avec effet dépressogène direct et celle provoquée par la déception de la non-reconnaissance de son handicap. Selon lui, la souffrance de l’assuré était réelle. La douleur quasi permanente entraînait un stress et une fatigue nerveuse qui épuisaient les ressources cognitives et psychiques de l’assuré. Le tableau clinique était caractérisé par les manifestations du registre anxio-dépressif. S’agissant des expertises psychiatriques des Drs C______ en 2000, G______ en 2003 et L______ en 2013, le Dr N______ ne validait pas le diagnostic de trouble somatoforme douloureux persistant, dès lors que plusieurs médecins décrivaient des éléments cliniques objectifs somatiques même s’ils n’arrivaient pas expliquer le lien entre ces éléments objectifs et la douleur. Il ne trouvait par ailleurs ni dans lesdites expertises, ni dans l’examen de l’assuré d’éléments cliniques justifiant les critères diagnostiques CIM-10 des troubles de personnalité quérulente et anankastique, si bien qu’il ne validait pas davantage le diagnostic de trouble mixte de la personnalité. En conclusion, l’assuré ne présentait pas d’affection ou de maladie psychiatrique, en particulier pas de syndrome somatoforme, ni de trouble de la personnalité. Il souffrait simplement d’une dépression réactionnelle d’intensité légère due à ses douleurs somatiques et à la non-reconnaissance de son handicap organique.

18.    Donnant suite aux avis des 1er et 30 septembre 2014 de la doctoresse O______ du SMR, l’OAI a demandé un complément d’expertise au Dr M______. Dans son rapport d’expertise du 23 janvier 2015, le Dr M______ a considéré qu’il n’y avait pas d’aggravation au sens strict. Les lésions abarticulaires dont l’assuré souffrait occasionnellement pouvaient provoquer des incapacités temporaires de travail. Du point de vue rhumatologique, il n’y avait cliniquement aucune atteinte à la santé qui fût incapacitante. Tout au plus l’assuré devait-il éviter tout travail en-dessus du plan des épaules. Sur un plan purement physique, conformément aux expertises de la CRR et du CEMed, l’assuré avait une pleine capacité de travail.

19.    Par décision du 11 février 2015, l’OAI a supprimé la rente de l’assuré, avec effet au premier jour du deuxième mois suivant la notification de cette décision. Les diagnostics ayant ouvert le droit à la rente étaient liés à un syndrome sans pathogenèse ni étiologie claires et sans constat de déficit organique. Selon les observations médicales actuelles, ils n’avaient aucun fondement anatomique objectivable susceptible de fonder une incapacité de travail durable. Dans un tel cas, les dispositions finales de la sixième révision de la LAI permettaient de supprimer la rente sans motif formel de révision.

20.    Le 4 août 2015, l’Hospice général a informé l’OAI qu’il versait à l’assuré des prestations d’aide sociale depuis le 1er juillet 2015.

21.    À la suite du recours formé contre ladite décision, par arrêt du 30 août 2016 (ATAS/677/2016), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) a admis partiellement le recours en annulant la décision litigieuse et renvoyant la cause à l’OAI pour instruction complémentaire, puis nouvelle décision. Il y avait lieu de compléter l’instruction médicale du dossier sur des points importants, notamment le syndrome post-poliomyélite, les lésions de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite, l’atteinte du poignet gauche et les autres tendinopathies. S’il devait subsister un trouble somatoforme douloureux, son caractère invalidant devait être examiné au regard des nouveaux critères jurisprudentiels (ATF 142 V 281). En l’absence de recours à son encontre, cet arrêt est entré en force.

22.    Par communication du 1er décembre 2016, l’OAI a informé l’assuré qu’il estimait nécessaire de mettre en œuvre une expertise pluridisciplinaire (médecine générale/interne, rhumatologie, neurologie et psychiatrie). Il lui a communiqué les questions qu’il envisageait de poser aux experts.

23.    Le 7 mars 2017, l’OAI a indiqué à l’assuré que l’expertise avait été attribuée à la CRR, respectivement aux docteurs P______, médecine interne, Q______, neurologue, R______, psychiatrie et psychothérapie, S______, rhumatologie.

24.    Dans leur rapport d’expertise du 20 juin 2017, les experts ont diagnostiqué avec répercussion sur la capacité de travail, une déchirure partielle non transfixiante du supra-épineux droit avec tendinopathie de l’infra-épineux et bursite sous-acromiale, une tendinopathie du supra-épineux gauche, une arthrose radio-scaphoïdienne au poignet gauche débutante en rapport avec un antécédent de fracture du scaphoïde opéré, une variance ulnaire positive des deux côtés avec douleurs ulnaires à gauche, des lombalgies chroniques possiblement d’origine statique en rapport avec une inégalité de longueur du membre inférieur droit de deux centimètres avec bascule du bassin à droite, ainsi que des tendinopathies des moyens fessiers des deux côtés. Sans répercussion sur la capacité de travail, ils ont notamment diagnostiqué un axonotmesis chronique dans le quadriceps droit compatible avec des séquelles de poliomyélite, un épisode dépressif léger, un syndrome douloureux somatoforme persistant, une anomalie de transition lombaire avec probable hémilombalisation gauche de S1, des discopathies L4-L5 et L5-S1 discrètes, une protrusion discale L4-L5 foraminale et extra foraminale sans compression radiculaire, des cervicalgies communes, une discrète arthrose cervicale débutante, de probables céphalées de tension et un antécédent d’épicondylite gauche. La capacité de travail dans l’activité de cuisinier était nulle de manière définitive. Il existait quelques incohérences, un comportement douloureux assez marqué, le tout associé à des facteurs contextuels (absence d’activité professionnelle depuis 1998, assuré persuadé qu’il ne pouvait reprendre aucune activité professionnelle, auto-évaluation très élevée de la douleur, âge actuel) qui compliquaient l’évaluation. Dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles, la capacité de travail était de 50 %. Une activité légère, par exemple à l’établi avec alternance de positions assise-debout, semblait réalisable.

25.    Par courrier du 31 août 2017, l’assuré a observé que les experts n’avaient pas comparé les situations médicales prévalant lors de la décision initiale d’octroi de rente et lors de leur examen, notamment quant à la question de savoir si les troubles qui justifiaient le versement d’une rente à l’époque avaient disparu. L’ensemble des rapports médicaux au dossier démontrait tant l’absence de modification sensible de son état de santé qu’une péjoration de celui-ci. Par conséquent, les conditions légales d’une révision de la rente d’invalidité n’étaient pas réunies, de sorte qu’il avait droit à une rente entière. L’assuré a sollicité l’octroi de l’assistance juridique au vu tant du déroulement de la procédure que du retard à prononcer une décision.

26.    Dans un avis du 12 septembre 2017, le docteur T______, médecin du SMR, a considéré que l’expertise était pleinement convaincante, les experts expliquaient leur appréciation de la situation médicale et leurs conclusions étaient cohérentes. Par conséquent, il y avait lieu de suivre leurs conclusions et d’admettre que la capacité de travail de l’assuré était nulle dans l’ancienne activité et de 50 % dans toute activité adaptée aux limitations fonctionnelles et ceci depuis 2013, date de l’amélioration de l’état psychique de l’assuré.

27.    Par décision du 18 octobre 2017, l’OAI a rejeté la demande d’assistance juridique. Il a observé que les droits de participation à la mise en œuvre d’une expertise médicale pluridisciplinaire étaient régis par une disposition légale qui avait pour but d’accroître la protection des assurés et ne requéraient pas des connaissances juridiques particulières en droit des assurances sociales, puisqu’ils consistaient essentiellement à se prononcer sur l’identité et la spécialisation des experts, ainsi qu’à soumettre d’éventuelles questions complémentaires. La compréhension des enjeux dans le cadre de l’instruction n’était pas insurmontable et ne nécessitait pas de connaissances juridiques particulières. Il n’y avait pas de questions de droit ou de fait difficiles rendant l’assistance d’un avocat apparemment nécessaire. En outre, l’assuré pouvait faire appel à l’aide de représentants d’associations, d’assistants sociaux et de ses médecins traitants. Dans le cadre de la présente phase d’instruction, à savoir avant tout projet de décision, la cause ne présentait pas un caractère exceptionnel qui justifierait le recours à un avocat. Par conséquent, les particularités du cas ne réclamaient pas l’assistance d’un avocat dans le cadre du complément d’instruction mis en œuvre antérieurement à tout projet de décision.

28.    Par acte du 20 novembre 2017, l’assuré a recouru contre la décision du 18 octobre 2017. Il a conclu, sous suite de frais et dépens, à l’octroi de l’assistance juridique gratuite. Il a observé que l’intimé ne contestait ni qu’il était dans le besoin, ni que son procès n’était pas dénué de chances de succès. Seul était litigieux le point de savoir si l’assistance d’un avocat était nécessaire ou non. Selon lui, il ne s’agissait pas d’une procédure normale d’instruction car elle s’inscrivait dans la continuité de la procédure judiciaire. La situation médicale était complexe puisqu’il existait de très nombreux avis et expertises médicales. De plus, la situation juridique était également complexe car il s’agissait de déterminer si, depuis l’octroi initial de rente, son état de santé s’était fondamentalement modifié, ce que n’examinait pas l’expertise de la CRR. Par conséquent, la nécessité d’un avocat était évidente.

29.    Par décision du 29 novembre 2017, le vice-président du Tribunal civil a accordé l’assistance juridique au recourant dans le cadre de la présente procédure judiciaire. Il a limité cet octroi à cinq heures d’activité et a commis à cette fin son avocat.

30.    Dans sa réponse du 14 décembre 2017, l’intimé a conclu au rejet du recours. Selon la jurisprudence, lorsque se posaient des questions essentiellement médicales, il ne s’agissait pas d’un dossier particulièrement complexe. L’instruction médicale complétée à la suite de l’arrêt du 30 août 2016 consistait en une instruction dont les lignes avaient été définies par l’autorité judiciaire elle-même. Pour le surplus, il s’est référé à la décision litigieuse.

31.    Dans sa réplique du 19 janvier 2018, le recourant a observé que son cas ne posait pas que des questions essentiellement médicales, mais également des questions juridiques. Étant donné que l’intimé n’avait toujours pas prononcé de nouvelle décision, l’intervention de son avocat était bel et bien nécessaire. Il a maintenu ses conclusions précédentes.

32.    Le 22 janvier 2018, la chambre de céans a transmis cette écriture à l’intimé et, sur quoi, a gardé la cause à juger.

 

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1), relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20). Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

Toutefois, les modifications légales contenues dans la LPGA constituent, en règle générale, une version formalisée dans la loi de la jurisprudence relative aux notions correspondantes avant l'entrée en vigueur de la LPGA ; il n'en découle aucune modification du point de vue de leur contenu, de sorte que la jurisprudence développée à leur propos peut être reprise et appliquée (ATF 130 V 343 consid. 3).

3.        Le délai de recours est de trente jours (art. 60 al. 1 LPGA et art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]). Le délai de recours court dès le lendemain de la notification de la décision (art. 38 al. 1 LPGA et art. 62 al. 3 LPA-GE dans le même sens). Lorsque le délai échoit un samedi, un dimanche ou un jour férié selon le droit fédéral ou cantonal, son terme est reporté au premier jour ouvrable qui suit (art. 38 al. 3, 1ère phrase LPGA applicable par renvoi de l’art. 60 al. 2 LPGA; cf. également art. 17 al. 3 LPA-GE).

En l'espèce, la décision ayant été expédiée le 18 octobre 2017 et reçue le lendemain, le délai de recours a débuté le 20 octobre 2017 et est arrivé à échéance le samedi 18 novembre 2017, respectivement le lundi 20 novembre 2017 compte tenu des principes susmentionnés. Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 89B LPA-GE).

4.        Est litigieux le droit du recourant à l'assistance juridique à partir du 31 août 2017, requise après communication par l’intimé du rapport d’expertise de la CRR faisant suite au renvoi par la chambre de céans pour instruction complémentaire.

5.        Aux termes de l'art. 29 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès, à l'assistance judiciaire gratuite. Elle a en outre droit à l'assistance gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert.

L’octroi de l’assistance juridique gratuite signifie que la personne indigente est dispensée de payer les avances de frais et les sûretés exigées par l’autorité et que les frais d’avocat sont couverts par l’État. La dispense concerne également les frais inhérents à l’administration des preuves, comme les indemnités de témoins, d’interprètes ou les expertises (Andreas AUER / Giorgio MALINVERNI / Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. II, 3ème éd., 2013, n. 1619).

Dans la procédure administrative en matière d'assurances sociales, l'assistance gratuite d'un conseil juridique est accordée au demandeur lorsque les circonstances l'exigent (art. 37 al. 4 LPGA). La LPGA a ainsi introduit une prétention légale à l'assistance juridique pour ce type de procédure (ATF 131 V 153 consid. 3.1).

La réglementation cantonale a une teneur identique à la législation fédérale. Elle prévoit que l'assistance juridique est octroyée conformément aux prescriptions fédérales en matière de contentieux dans l’assurance-vieillesse et survivants, dans l'assurance-invalidité, dans les allocations perte de gain et dans les prestations complémentaires. Elle ne peut être accordée que si la démarche ne paraît pas vouée à l’échec, si la complexité de l’affaire l’exige et si l’intéressé est dans le besoin; ces conditions sont cumulatives (art. 27D al. 1 de la loi relative à l'office cantonal des assurances sociales du 20 septembre 2002 (LOCAS - J 4 18) et art. 19 al. 1 et 2 du ROCAS).

6.        Les conditions d'octroi de l'assistance judiciaire gratuite sont en principe remplies si les conclusions ne paraissent pas vouées à l'échec, si le requérant est dans le besoin et si l'assistance d'un avocat est nécessaire ou du moins indiquée (ATF 125 V 201 consid. 4a ; ATF 125 V 371 consid. 5b et les références).

Un procès est dénué de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre et qu'elles ne peuvent être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une partie disposant des moyens nécessaires renoncerait, après mûre réflexion, à s'y engager en raison des frais auxquels elle s'exposerait. Le procès ne l'est en revanche pas lorsque les chances de succès et les risques d'échec s'équilibrent à peu près ou que les perspectives de succès ne sont que légèrement inférieures (ATF 129 I 129 consid. 2.3.1 ; ATF 128 I 225 consid. 2.5.3 et la référence). Dans tous les cas, les chances de succès ne peuvent pas être déniées lorsque la démarche pose des questions complexes et que son issue apparaît incertaine (ATF 124 I 304 consid. 4b). L'autorité procédera à une appréciation anticipée et sommaire des preuves, sans toutefois instruire une sorte de procès à titre préjudiciel (ATF 124 I 304 consid. 2c).

Le point de savoir si l'assistance d'un avocat est nécessaire ou du moins indiquée doit être tranché d'après les circonstances concrètes objectives et subjectives. Pratiquement, il faut se demander pour chaque cas particulier si, dans des circonstances semblables et dans l'hypothèse où le requérant ne serait pas dans le besoin, l'assistance d'un avocat serait judicieuse, compte tenu du fait que l'intéressé n'a pas lui-même des connaissances juridiques suffisantes et que l'intérêt au prononcé d'un jugement justifierait la charge des frais qui en découlent (ATF 103 V 46 consid. b ; ATF 98 V 115 consid. 3a ; cf. aussi ATF 130 I 180 consid. 2.2 et les références).

Une partie est dans le besoin lorsque ses ressources ne lui permettent pas de supporter les frais de procédure et ses propres frais de défense sans entamer les moyens nécessaires à son entretien et à celui de sa famille (ATF 128 I 225 consid. 2.5.1 et ATF 127 I 202 consid. 3b). Les besoins vitaux selon les règles de procédure se situent au-dessus de ce qui est strictement nécessaire et excèdent le minimum vital admis en droit des poursuites (ATF 118 Ia 369 consid. 4). Pour que la notion d’indigence soit reconnue, il suffit que le demandeur ne dispose pas de moyens supérieurs aux besoins normaux d’une famille modeste (RAMA 1996 p. 208 consid. 2). Les circonstances économiques au moment de la décision sur la requête d'assistance judiciaire sont déterminantes (ATF 108 V 265 consid. 4).

Ces conditions d'octroi de l'assistance judiciaire sont applicables à l'octroi de l'assistance gratuite d'un conseil juridique dans la procédure d'opposition (Revue de l'avocat 2005 n. 3 p. 123), respectivement de décision.

7.        Toutefois, dans la procédure non contentieuse d'instruction d’une demande de prestations de l'assurance sociale, il n’y a pas de droit à l’assistance juridique lorsque les prestations requises sont octroyées à l’issue d’une procédure normale d’instruction (RCC 1989 p. 344 consid. 5b). Par conséquent, le droit à l’assistance gratuite d’un avocat en procédure d’instruction n’entre en considération qu’à titre exceptionnel (Pratique VSI 2000 p. 166 consid. 2b). Aussi, les conditions d’octroi de l’assistance juridique dans la procédure administrative doivent être examinées au regard de critères plus sévères (arrêt du Tribunal fédéral 8C_297/2008 du 23 septembre 2008 consid. 3.3).

L'assistance par un avocat s'impose uniquement dans les cas exceptionnels où il est fait appel à un avocat parce que des questions de droit ou de fait difficiles rendent son assistance apparemment nécessaire et qu'une assistance par le représentant d'une association, par un assistant social ou d'autres professionnels ou personnes de confiance d'institutions sociales n'entre pas en considération (ATF 132 V 200 consid. 4.1 et les arrêts cités). À cet égard, il y a lieu de tenir compte des circonstances du cas d'espèce, de la particularité des règles de procédure applicables, ainsi que des spécificités de la procédure administrative en cours. En particulier, il faut mentionner, en plus de la complexité des questions de droit et de l'état de fait, les circonstances qui tiennent à la personne concernée, comme sa capacité de s'orienter dans une procédure (Revue de l'avocat 2005 n. 3 p. 123). Dès lors, le fait que l'intéressé puisse bénéficier de l'assistance de représentants d'associations, d'assistants sociaux ou encore de spécialistes ou de personnes de confiance œuvrant au sein d'institutions sociales permet d'inférer que l'assistance d'un avocat n'est ni nécessaire ni indiquée (Revue de l’avocat 2005 n. 3 p. 123). En règle générale, l'assistance gratuite est nécessaire lorsque la procédure est susceptible d'affecter d'une manière particulièrement grave la situation juridique de l'intéressé (ATF 130 I 180 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_297/2008, op. cit., consid. 3.3).

8.        a. Un litige sur le droit éventuel à une rente d'invalidité n'est pas susceptible d'affecter de manière particulièrement grave la situation juridique de l'intéressé; en revanche, il a une portée considérable (arrêts du Tribunal fédéral des assurances I 127/07 du 7 janvier 2008 consid. 5.2.1, I 319/05 du 14 août 2006 consid. 4.2.1 et I 75/04 du 7 septembre 2004 consid. 3.3 [résumé in: REAS 2004 p. 317]). La nécessité de l'assistance gratuite ne peut donc être admise d'emblée, mais n'existe que lorsque à la relative difficulté du cas s'ajoute la complexité de l'état de fait ou des questions de droit, à laquelle le requérant n'est pas apte à faire face seul (cf. ATF 130 I 180 consid. 2.2 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_105/2007 du 13 novembre 2007 consid. 3.1).

b. En l'espèce, le recourant sollicite l'assistance juridique après réception du rapport d’expertise du 20 juin 2017 faisant suite au renvoi de la cause par la chambre de céans pour instruction complémentaire. Il fait grief aux experts de ne pas avoir comparé son état de santé, respectivement sa capacité de travail entre la décision d’octroi de rente et ladite expertise.

Au vu de la jurisprudence susmentionnée, la nature du litige concernant le droit à une rente d’invalidité ne permet pas d’admettre que la situation juridique du recourant est susceptible d’être touchée gravement, de sorte que l’assistance juridique n’apparaît pas d’emblée comme nécessaire. Contrairement à ce que soutient le recourant, la procédure d’instruction est normale, puisqu’à la suite de l’arrêt de la chambre de céans du 30 août 2016 renvoyant la cause à l’intimé pour compléter l’instruction médicale du dossier sur divers points, notamment sur les nouveaux diagnostics posés par les divers médecins, l’intimé a mis en œuvre une expertise pluridisciplinaire en communiquant au recourant le nom du centre d’expertise, les questions posées aux experts et le nom de ces derniers, puis il lui a transmis le rapport d’expertise, selon la procédure habituelle. Le fait que l’intimé n’ait pas encore émis une nouvelle décision quinze mois après l’arrêt de renvoi n’a rien d’extraordinaire au vu de la mise en œuvre de l’expertise pluridisciplinaire.

Dès lors, il convient d'examiner si, concrètement, l’appréciation de la valeur probante de l’expertise pluridisciplinaire et de la modification de l’état de santé du recourant, respectivement de sa capacité de travail entre la décision d’octroi d’une rente entière d’invalidité et la date de l’expertise, la date de cet éventuel changement, la nécessité ou non d’un motif de révision pour procéder à une révision de la rente d’invalidité au regard des diagnostics retenus après expertise pluridisciplinaire entraînent des difficultés telles, d'un point de vue objectif, que le recours à un avocat se justifie.

Sur le plan médical, se posent les questions des troubles et diagnostics incapacitants, de la détermination de la capacité de travail du recourant dans une activité adaptée tenant compte de ses limitations fonctionnelles, de l’évolution de son état de santé et de sa capacité de travail entre la date de la décision d’octroi de rente et celle de l’expertise. Contrairement à ce que soutient l’intimé, l’état de fait est complexe sur le plan médical puisque la chambre de céans a dû lui renvoyer le dossier pour instruction complémentaire au vu des avis médicaux divergents émis par les médecins et experts sur le point de savoir si les nombreux troubles dont souffre le recourant sont incapacitants, respectivement dans quelle mesure, et s’ils relèvent de la sphère somatique ou psychique ou des deux (cf. ATAS/677/2016 consid. 5b et c).

Le rapport d’expertise de la CRR du 20 juin 2017 retient une capacité de travail nulle dans l’activité habituelle et de 50 % dans une activité adaptée en raison principalement des troubles des épaules et du poignet gauche, ainsi que des lombalgies, sans toutefois indiquer depuis quand la capacité de travail est nulle dans l’activité habituelle, respectivement de 50 % dans une activité adaptée. Sur le plan juridique, la question de l’évaluation de la capacité de travail du recourant dans une activité adaptée ne présente pas de difficultés rendant nécessaire l’assistance d’un avocat et peut être appréciée par ses divers médecins. Toutefois, le recourant fait grief aux experts de ne pas avoir comparé son état de santé entre la date de la décision d’octroi de rente et celle du rapport d’expertise. Or, il s’agit d’une question juridique prépondérante (cf. ATF 125 V 369 consid. 2), qui doit permettre de déterminer si, depuis l’octroi de la rente d’invalidité, il y a eu une modification sensible de l’état de santé ou de ses conséquences sur la capacité de gain – auquel cas la rente peut être révisée (ATF 134 V 131 consid. 3 ; ATF 130 V 343 consid. 3.5) –, ou s’il s’agit d’une nouvelle évaluation du cas alors que les circonstances sont demeurées inchangées – auquel cas la rente ne peut pas être révisée (ATF 141 V 9 consid. 2.3 ; ATF 112 V 371 consid. 2b ; ATF 112 V 387 consid. 1b). Par conséquent, la question de savoir si les conditions de révision du droit à la rente sont réalisées est une notion juridique complexe nécessitant des connaissances en droit des assurances sociales spécifiques afin de pouvoir distinguer ces deux cas de figure. Par ailleurs dans le cas du recourant, l’intimé considère que la rente initiale a été accordée en raison d’un syndrome sans pathogenèse ni étiologie claires et sans constat de déficit organique, soit une situation permettant un réexamen de la rente et une réduction de celle-ci sans que les conditions d’une révision ne soient remplies (dispositions finales lettre a de la 6ème révision de la LAI). Or, le prononcé du 17 décembre 2003 allouant la rente entière d’invalidité ne donne aucun renseignement sur l’atteinte à la santé entraînant une incapacité de travail totale dès le 28 septembre 1998. De plus, les rapports médicaux de l’époque mentionnent tantôt des troubles somatiques à l’origine de l’invalidité (lombalgies, amyotrophie du quadriceps droit, périarthropathie), tantôt des troubles psychiques (trouble mixte de la personnalité à traits quérulents et anankastiques), étant précisé que l’intimé semble avoir accordé dans un premier temps une demi-rente d’invalidité sur la base des troubles somatiques avant d’annuler son prononcé et d’allouer une rente entière d’invalidité. En outre, le Dr N______, qui traite le recourant depuis mars 2004, conteste l’existence tant d’un trouble somatoforme douloureux persistant que des troubles de la personnalité quérulente et anankastique, en motivant son point de vue de façon circonstanciée, appréciation que semble d’ailleurs confirmer le dernier rapport d’expertise de la CRR. En effet, ce dernier ne retient aucun de ces diagnostics, sans qu’il ne soit possible à la lecture dudit rapport de savoir s’il s’agit d’une amélioration de l’état de santé du recourant ou si ces diagnostics n’existaient pas lors de l’octroi de la rente. Enfin, le SMR considère que le rapport de la CRR a une entière valeur probante alors que des questions médicales restent non résolues, et fixe la date de la capacité de travail de 50 % à partir de l’année 2013 au motif qu’il y aurait eu une amélioration de l’état psychique du recourant à ce moment-là, ce qui ne ressort pas du rapport du psychiatre traitant. Au vu de ces divers éléments, les circonstances exceptionnelles justifiant l’assistance d’un avocat sont réalisées.

Au surplus, les parties s’accordent à juste titre sur les chances de succès du recourant et son indigence. En effet, dans la mesure où le rapport d’expertise ne se prononce pas sur la modification de l’état de santé du recourant depuis la décision d’octroi de rente jusqu’à l’examen par les experts, respectivement sur l’existence des troubles psychiques à la date de la décision d’octroi de rente et sur la date à partir de laquelle la capacité de travail du recourant dans une activité adaptée est de 50 %, il manque des éléments médicaux indispensables pour statuer sur les conditions d’une modification de la rente et pour réviser cette dernière. Par ailleurs, le recourant bénéficie de l’aide sociale.

En définitive, la difficulté relative du cas, ainsi que la complexité de l'état de fait et des questions de droit nécessitent l’assistance d’un avocat déjà au stade de la procédure d’instruction de la procédure de révision. En effet, le recourant n'est pas apte à y faire face seul ou avec l’aide d’un assistant social ou de son médecin traitant, car ceux-ci ne disposent pas des connaissances juridiques requises pour vérifier que l’administration traite son cas en conformité avec la jurisprudence. Aussi se trouve-t-on en présence de circonstances exceptionnelles rendant objectivement nécessaire l'assistance d'un avocat durant la procédure administrative.

Étant donné que toutes les conditions cumulatives requises pour l’octroi de l’assistance juridique sont réalisées, il y a lieu de mettre le recourant au bénéfice de celle-ci au stade de la procédure administrative et ce dès le 31 août 2017.

9.        Au vu de ce qui précède, le recours sera admis et la décision du 18 octobre 2017 sera annulée.

Le recourant étant représenté par un avocat et obtenant gain de cause, une indemnité de CHF 1'500.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Selon l’art. 69 al. 1bis LAI, la procédure de recours en matière de contestations portant sur l'octroi ou le refus de prestations de l'AI est soumise à des frais de justice. Toutefois, le litige ne portant pas sur l’octroi ou le refus de prestations de l’AI, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 69 al. 1bis LAI a contrario). Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 89H al. 1 LPA).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.      Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet et annule la décision du 18 octobre 2017.

3.        Dit que le recourant a droit à l’assistance juridique pour la procédure administrative depuis le 31 août 2017.

4.        Condamne l’intimé à verser au recourant une indemnité de procédure de CHF 1'500.-.

5.        Dit qu’il n’est pas perçu d’émolument.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie NIERMARÉCHAL

 

Le président

 

 

 

 

Raphaël MARTIN

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le