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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3295/2020

ATAS/1353/2021 du 23.12.2021 ( AI )

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3295/2020 ATAS/1353/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Ordonnance d'expertise du

3ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à GENÈVE, représentée par INCLUSION HANDICAP

 

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

 

intimé

 


 

 

EN FAIT

 

A.      a. Madame A______ (ci-après: l'assurée), née en 1956, originaire du Cap Vert, de nationalité suisse depuis 1987, exerçant une activité de lingère à l'institution B______ depuis 1984, n'ayant jamais été scolarisée, sourde et muette de naissance, a déposé une demande de prestations auprès de l'Office cantonal de l'assurance-invalidité (ci-après : OAI) en 1996 et a obtenu depuis lors différents moyens auxiliaires.

b. Le 13 mars 2017, l'assurée a déposé une demande d'allocation pour impotent, à laquelle était joint un courrier de son assistante sociale appuyant sa requête, précisant que sa famille lui apportait son aide pour les contacts avec les médecins, les institutions, les administrations et les employeurs. Elle se chargeait également d'organiser ses loisirs et ses contacts avec l'extérieur.

B.       Après avoir recueilli des informations auprès de du médecin traitant (rapports des 22 mars et 4 avril 2017), de l'Institution genevoise de maintien à domicile (IMAD; courrier du 13 juin 2017) et diligenté une enquête sur place (rapport du 14 novembre 2017), l'OAI, par décision du 15 janvier 2018, a rejeté la demande d'allocation pour impotent, motif pris que l'assurée était autonome pour accomplir les actes ordinaires de la vie et que les conditions d'octroi d'un accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie n'étaient pas réunies. L'OAI se référait au rapport d'enquête précité qui concluait que le besoin d'aide était inférieur à deux heures hebdomadaires; l'aide purement administrative ne relevant pas du handicap, mais d'un manque de connaissances scolaires, ne devait pas être prise en considération.

C.      Saisie d'un recours de l'assurée, la Cour de céans, après une audience d'enquêtes, le 24 janvier 2019 (au cours de laquelle ont été entendus la belle-sœur de l'assurée, son beau-frère, ainsi qu'une amie interprète en langue des signes), a annulé la décision du 15 janvier 2018 et renvoyé la cause à l'OAI pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

La Cour a constaté que l'assurée était autonome pour les actes ordinaires de la vie. En revanche, s'agissant de la nécessité d'un accompagnement durable, il convenait de s'assurer au préalable qu'aucune atteinte psychique ou mentale ne jouait de rôle et ne contribuait au besoin d'assistance dont plusieurs personnes, proches, médecin et assistante sociale avaient témoigné. Une instruction médicale complémentaire s'imposait sur le plan psychique afin de déterminer si une atteinte de ce type ou une déficience mentale pouvait expliquer le besoin d'accompagnement accru de l'assurée.

D.      a. Le 28 octobre 2019, l'OAI a sollicité de l'assurée les coordonnées de son psychiatre traitant. Le 11 novembre 2019, la belle-sœur a répondu que l'assurée n'en avait jamais consulté.

b. À la demande de l'OAI, la doctoresse C______spécialiste FMH en médecine interne générale et médecin traitante, a complété en date du 16 décembre 2019 un questionnaire concernant l'état de santé de sa patiente.

c. Le 25 mai 2020, le Service médical régional de l'OAI (SMR) a estimé qu'aucun élément objectif ne permettait d'admettre la présence d'une atteinte neuropsychologique ou psychiatrique, de sorte qu'une expertise psychiatrique ne se justifiait pas.

E.       Par décision du 30 septembre 2020, l'OAI a nié à l'assurée le droit à une allocation pour impotent.

F.       a. Par acte du 19 octobre 2020, l'intéressée a interjeté recours auprès de la Cour de céans en concluant, sous suite de frais et dépens, principalement, à l'octroi d'une allocation pour impotent de degré faible dès mars 2016, subsidiairement, au renvoi de la cause à l'intimé pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

b. Invité à se déterminer, l’intimé a conclu au rejet du recours.

c. Par la suite, les parties ont campé sur leurs positions respectives, la recourante sollicitant en outre la mise sur pied 'une expertise judiciaire psychiatrique.

d. Interrogée par la Cour de céans, la Dresse C______ a répondu en date du 9 novembre 2021.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n’y déroge expressément.

3.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Toutefois, dans la mesure où le recours était alors pendant devant la Cour de céans, il reste soumis à l'ancien droit (cf. art. 82a LPGA; RO 2020 5137; FF 2018 1597; erratum de la Commission de rédaction de l’Assemblée fédérale du 19 mai 2021, publié le 18 juin 2021 in RO 2021 358).

4.             Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 et 60 LPGA; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10])

5.             Le litige porte sur le droit de la recourante à une allocation pour impotent de degré faible.

6.             Selon l’art. 42 al. 1 1ère phrase LAI, les assurés impotents (art. 9 LPGA) qui ont leur domicile et leur résidence habituelle (art. 13 LPGA) en Suisse ont droit à une allocation pour impotent.

Est réputée impotente toute personne qui, en raison d’une atteinte à sa santé, a besoin de façon permanente de l’aide d’autrui ou d’une surveillance personnelle pour accomplir des actes élémentaires de la vie quotidienne (art. 9 LPGA). Ces actes sont ceux que la jurisprudence antérieure à l’entrée en vigueur de la LPGA désignait par « actes ordinaires de la vie » (Michel VALTERIO, Commentaire de la Loi fédérale sur l’assurance-invalidité [LAI], 2018, n. 10 ad art. 42 LAI).

L’art. 9 LPGA n’a pas conduit à un changement de la jurisprudence relative à l’évaluation de l’impotence développée à propos de l’ancien art. 42 al. 2 LAI (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H.66/04 du 9 août 2004 consid. 2.1 et 2.2 et la référence).

Est aussi considérée comme impotente la personne vivant chez elle qui, en raison d’une atteinte à sa santé, a durablement besoin d’un accompagnement lui permettant de faire face aux nécessités de la vie (art. 42 al. 3 1ère phrase LAI).

L’impotence devant résulter d’une atteinte à la santé, mais pas nécessairement d’une invalidité, une allocation pour impotent peut être servie à un assuré qui ne perçoit pas de rente d’invalidité, faute notamment de présenter le degré d’invalidité requis pour l’octroi d’une rente d’invalidité, pourvu que l’atteinte à la santé entraîne les conséquences prévues par la loi – impossibilité d’accomplir les actes ordinaires de la vie, besoins en soins et d’accompagnement (VALTERIO, op cit., n. 1 et 6 ad art. 42 LAI). Toutefois, si une personne souffre uniquement d’une atteinte à sa santé psychique, elle doit, pour être considérée comme impotente selon l’art. 42 al. 3 1ère phrase LAI, avoir droit au moins à un quart de rente (art. 42 al. 3 2ème phrase LAI).

7.             a. La loi distingue trois degrés d’impotence: grave, moyen ou faible (art. 42 al. 2 LAI).

Le degré d’impotence se détermine en fonction du nombre d'actes (associés éventuellement à une surveillance personnelle permanente ou à un accompagnement durable pour faire face aux nécessités de la vie) pour lesquels l’aide d’autrui est nécessaire (cf. art. 37 du règlement sur l’assurance-invalidité, du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201). L’évaluation du besoin d’aide pour accomplir les actes ordinaires de la vie constitue donc une appréciation fonctionnelle ou qualitative de la situation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_350/2014 du 11 septembre 2014 consid. 4.2.2 et la référence).

b. L’art. 37 al. 1 RAI prescrit que l’impotence est grave lorsque l’assuré est entièrement impotent. Tel est le cas s’il a besoin d’une aide régulière et importante d’autrui pour tous les actes ordinaires de la vie et que son état nécessite, en outre, des soins permanents ou une surveillance personnelle.

c. L’art. 37 al. 2 RAI stipule que l’impotence est moyenne si l’assuré, même avec des moyens auxiliaires, a besoin: d’une aide régulière et importante d’autrui pour accomplir la plupart des actes ordinaires de la vie (let. a); d’une aide régulière et importante d’autrui pour accomplir au moins deux actes ordinaires de la vie et nécessite, en outre, une surveillance personnelle permanente (let. b); ou d’une aide régulière et importante d’autrui pour accomplir au moins deux actes ordinaires de la vie et nécessite, en outre, un accompagnement durable pour faire face aux nécessités de la vie au sens de l'art. 38 RAI (let. c).

d. L’art. 37 al. 3 RAI dispose que l’impotence est faible si l’assuré, même avec des moyens auxiliaires, a besoin: de façon régulière et importante, de l’aide d’autrui pour accomplir au moins deux actes ordinaires de la vie (let. a); d’une surveillance personnelle permanente (let. b); de façon permanente, de soins particulièrement astreignants, exigés par l’infirmité de l’assuré (let. c); de services considérables et réguliers de tiers lorsqu’en raison d’une grave atteinte des organes sensoriels ou d’une grave infirmité corporelle, il ne peut entretenir des contacts sociaux avec son entourage que grâce à eux (let. d); ou d’un accompagnement durable pour faire face aux nécessités de la vie au sens de l’art. 38 RAI (let. e).

8.             Selon la jurisprudence, les actes élémentaires de la vie quotidienne se répartissent en six domaines : 1. se vêtir et se dévêtir ; 2. se lever, s’asseoir et se coucher ; 3. manger ; 4. faire sa toilette (soins du corps) ; 5. aller aux toilettes ; 6. se déplacer à l’intérieur ou à l’extérieur et établir des contacts sociaux (arrêt du Tribunal fédéral 8C_691/2014 du 16 octobre 2015 consid. 3.3 et les références).

Par contacts sociaux, on entend les relations humaines telles qu’elles se pratiquent quotidiennement (par ex. lire, écrire, fréquenter des concerts, des manifestations politiques ou religieuses, etc. ; RCC 1982 p. 119 consid. 1c et p. 126 consid. 1b ; CIIAI, ch. 8023).

La nécessité de l’aide pour entretenir des contacts, afin de prévenir le risque d’isolement durable (notamment pour les personnes psychiquement handicapées), ne doit être prise en compte qu’au titre de « l’accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie », mais non à celui de la fonction partielle « entretenir des contacts sociaux » (arrêt du Tribunal fédéral 9C_639/2015 du 14 juin 2016 consid. 4.1 ; Circulaire sur l’invalidité et l’impotence dans l’assurance-invalidité établie par l’Office fédéral des assurances sociales [OFAS ; CIIAI], ch. 8024).

9.             a. Aux termes de l’art. 38 al. 1 RAI, le besoin d’un accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie au sens de l’art. 42 al. 3 LAI, existe lorsque l’assuré majeur ne vit pas dans une institution mais ne peut pas en raison d’une atteinte à la santé: vivre de manière indépendante sans l’accompagnement d’une tierce personne (let. a); faire face aux nécessités de la vie et établir des contacts sociaux sans l’accompagnement d’une tierce personne (let. b); ou éviter un risque important de s’isoler durablement du monde extérieur (let. c).

b. Dans la première éventualité, l’accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie doit permettre à la personne concernée de gérer elle-même sa vie quotidienne. Il intervient lorsque la personne nécessite de l’aide pour au moins l’une des activités suivantes: structurer la journée, faire face aux situations qui se présentent tous les jours (p. ex. problèmes de voisinage, questions de santé, d’alimentation et d’hygiène, activités administratives simples), et tenir son ménage (aide directe ou indirecte d’un tiers ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_131/2019 du 16 août 2019 consid. 4.1 et la référence). La personne qui accompagne l’assuré peut aussi accomplir elle-même les actes nécessaires lorsque malgré ses instructions, sa surveillance ou son contrôle, l’assuré n’est pas en mesure de le faire à cause de son atteinte à la santé (ATF 133 V 450 consid. 10.2). Le fait déterminant n’est donc pas la manière dont l’aide du tiers est apportée, mais la circonstance que, grâce à elle, la personne puisse acquérir l’indépendance nécessaire dans son habitat (arrêt du Tribunal fédéral I 1013/06 du 9 novembre 2007 consid. 5.4).

La nécessité de l’aide apportée par une tierce personne doit être examinée de manière objective, selon l’état de santé de l’assuré concerné, indépendamment de l’environnement dans lequel celui-ci se trouve; seul importe le point de savoir si, dans la situation où il ne dépendrait que de lui-même, cet assuré aurait besoin de l’aide d’un tiers. L’assistance que lui apportent les membres de sa famille a trait à l’obligation de diminuer le dommage et ne doit être examinée que dans une seconde étape. Si la question de savoir comment s’organiserait la communauté familiale dans le cas où elle ne devait pas percevoir de prestations d’assurance est certes importante, l’aide exigible ne doit toutefois pas devenir excessive ou disproportionnée. Sauf à vouloir vider l’institution de l’allocation pour impotent de tout son sens dans le cas où l’assuré fait ménage commun avec son épouse ou un membre de la famille, on ne saurait exiger de cette personne qu’elle assume toutes les tâches ménagères de l’assuré après la survenance de l’impotence si cela ne correspondait pas déjà à la situation antérieure (arrêt du Tribunal fédéral 9C_567/2019 du 23 décembre 2019 consid. 6.2 et les références).

c. Dans la deuxième éventualité (accompagnement pour les activités hors du domicile), l’accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie doit permettre à la personne assurée de quitter son domicile pour certaines activités ou rendez-vous nécessaires, tels les achats, les loisirs ou les contacts avec les services officiels, le personnel médical ou le coiffeur (arrêt du Tribunal fédéral 9C_131/2019 du 16 août 2019 consid. 4.1 et la référence).

d. Dans la troisième éventualité, l’accompagnement en cause doit prévenir le risque d’isolement durable ainsi que de la perte de contacts sociaux et, par-là, la péjoration subséquente de l’état de santé de la personne assurée (arrêt du Tribunal fédéral précité consid. 4.1 et la référence).

Un risque purement hypothétique d’isolement du monde extérieur ne suffit pas. L’isolement et la détérioration subséquente de l’état de santé doivent au contraire s’être déjà manifestés (arrêt du Tribunal fédéral 9C_543/2007 du 28 avril 2008 consid. 5.2.2). Le risque d’isolement doit ainsi être interprété de manière stricte (arrêt du Tribunal fédéral 9C_578/2013 du 18 août 2014 consid. 3.4 in fine). L’accompagnement nécessaire consiste à s’entretenir avec l’assuré en le conseillant et à le motiver pour établir des contacts en l’emmenant, par exemple, assister à des manifestations (arrêt du Tribunal fédéral I 46/07 du 29 octobre 2007 consid. 3.5 et la référence).

e. L’art. 38 al. 3 1ère phrase RAI précise que n’est pris en considération que l’accompagnement qui est régulièrement nécessaire et lié aux situations mentionnées à l’al. 1. Selon le chiffre 8053 de la CIIAI, l’accompagnement est régulier au sens de l’art. 38 al. 3 RAI lorsqu’il est nécessité en moyenne au moins deux heures par semaine sur une période de trois mois. Le Tribunal fédéral a reconnu que cette notion de la régularité était justifiée d’un point de vue matériel et partant conforme aux dispositions légales et réglementaires (arrêt du Tribunal fédéral 9C_131/2019 du 16 août 2019 consid. 4.2 et les références).

f. L’accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie au sens de l’art. 38 RAI ne comprend ni l’aide de tiers pour les six actes ordinaires de la vie, ni les soins ou la surveillance personnelle. Il représente bien plutôt une aide complémentaire et autonome, pouvant être fournie sous forme d’une aide directe ou indirecte à des personnes atteintes dans leur santé physique, psychique ou mentale (arrêt du Tribunal fédéral 9C_131/2019 du 16 août 2019 consid. 4.1 et les références). Ainsi, l’aide déjà prise en compte sous l’angle du besoin d’assistance pour accomplir les actes ordinaires de la vie ne peut fonder un droit à une allocation au sens de l’art. 38 RAI (arrêt du Tribunal fédéral 9C_688/2014 du 1er juin 2015 consid. 3.6 et les références).

Il n’est pas nécessaire que l’accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie soit assuré par un personnel d’encadrement qualifié ou spécialement formé (arrêt du Tribunal fédéral I 652/06 du 25 juillet 2007 consid. 5.2).

10.         La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l’accident, l’incapacité de travail, l’invalidité, l’atteinte à l’intégrité physique ou mentale) supposent l’instruction de faits d’ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l’assuré à des prestations, l’administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1).

11.         En règle générale, le degré d’impotence d’un assuré est déterminé par une enquête à son domicile. Cette enquête doit être élaborée par une personne qualifiée qui a connaissance de la situation locale et spatiale, ainsi que des empêchements et des handicaps résultant des diagnostics médicaux. Il s’agit en outre de tenir compte des indications de la personne assurée et de consigner les opinions divergentes des participants. Enfin, le contenu du rapport doit être plausible, motivé et rédigé de façon suffisamment détaillée en ce qui concerne chaque acte ordinaire de la vie et sur les besoins permanents de soins et de surveillance personnelle et finalement correspondre aux indications relevées sur place. Le seul fait que la personne désignée pour procéder à l’enquête se trouve dans un rapport de subordination vis-à-vis de l’office AI ne permet pas encore de conclure à son manque d’objectivité et à son parti pris. Il est nécessaire qu’il existe des circonstances particulières qui permettent de justifier objectivement les doutes émis quant à l’impartialité de l’évaluation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_907/2011 du 21 mai 2012 consid. 2 et les références). Lorsque le rapport constitue une base fiable de décision, le juge ne saurait remettre en cause l’appréciation de l’auteur de l’enquête que s’il est évident qu’elle repose sur des erreurs manifestes (ATF 130 V 61 consid. 6.1.2).

La jurisprudence selon laquelle, lors de l’évaluation de l’invalidité découlant d’une atteinte à la santé psychique, il convient d’accorder plus de poids aux constatations d’ordre médical qu’à celles de l’enquête à domicile en cas de divergences, s’applique également lors de l’évaluation du besoin d’un accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie (arrêt du Tribunal fédéral 9C_782/2010 du 10 mars 2011 consid. 2.3).

12.         Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b ; 125 V 195 consid. 2 et les références; cf. ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

13.         Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a; RAMA 1985 p. 240 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3).

14.         En l'espèce, il ressort du rapport d'enquête du 14 novembre 2017, ainsi que du courrier de l'IMAD du 13 juin 2017, que la recourante a besoin de l'aide d'une tierce personne pour les tâches administratives et la prise de rendez-vous médicaux, ainsi que pour la préparation et l'administration des traitements, évaluée à 122 minutes au moins par semaine (30 heures sur 17 semaines [rapport d'enquête], soit environ 105 minutes par semaine, auxquelles s'ajoute l'aide de l'IMAD tous les quinze jours, d'une durée de 35 minutes, équivalant à 17,5 minutes par semaine), ce qui correspond à un accompagnement de deux heures par semaine au minimum.

Selon l'intimé, l'aide prodiguée pour les tâches administratives ainsi que pour la prise de rendez-vous ne doit pas être prise en considération, motif pris qu'elle ne découle pas d'une atteinte à la santé, mais du manque de scolarisation de la recourante.

Cela étant, ainsi que l'a relevé la Cour de céans dans son arrêt du 27 juin 2019 (ATAS/608/2019), l'instruction du dossier en procédure contentieuse a révélé qu'une atteinte psychique ou mentale était potentiellement présente, de sorte qu'une instruction complémentaire était nécessaire afin de déterminer si une éventuelle pathologie contribuait au besoin d'assistance.

L'intimé, après s'être contenté d'interroger la Dresse C______, médecin traitant, a estimé qu'une expertise psychiatrique était superflue, motif pris que l'assurée n'avait jamais présenté de symptômes psychiatriques, ni suivi de traitement psychotrope (cf. avis du SMR du 30 septembre 2020).

Or, dans le questionnaire qu'elle a complété le 16 décembre 2019, la Dresse C______ a mentionné que sa patiente avait de la peine à comprendre et à appliquer les consignes. Le médecin traitant a certes confirmé que sa patiente ne souffrait d'aucune atteinte psychiatrique, mais n'a pas exclu un éventuel déficit cognitif qui n'a jusqu'à présent pas été investigué (cf. rapport du 18 novembre 2021). Dans ces circonstances, on ne saurait faire l'économie d'une expertise médicale au seul motif qu'en l'absence de scolarisation, un bilan neuropsychologique « avec test de QI » ne serait pas fiable (cf. écriture du 3 décembre 2021 et avis du SMR des 30 septembre 2020 et 2 décembre 2021). Il importe, pour déterminer le droit aux prestations de la recourante, de savoir si elle souffre d'un trouble cognitif qui expliquerait, cas échéant, son besoin d'accompagnement.

Aussi convient-il de mettre en œuvre une expertise neurologique, complétée par un bilan neuropsychologique. Il appartiendra à l'expert de prendre les mesures qui s'imposent et d'adapter son examen, compte tenu de la situation de la recourante (sourde-muette, absence de scolarisation), afin de répondre aux questions en suspens.

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

Préparatoirement :

I.              Ordonne une expertise neurologique, complétée par un bilan neuropsychologique. La confie aux docteurs D______, médecin interne neurologue et E______ médecin chef de clinique superviseur ainsi qu’à Mesdames F______ neuropsychologue et G______, neuropsychologue (ASPN) superviseur.

II.              Dit que la mission d’expertise sera la suivante :

A. Prendre connaissance du dossier de la cause.

B. Si nécessaire prendre tous renseignements auprès des médecins ayant traité la personne expertisée, notamment les docteurs H______ et C______.

C. Examiner la personne expertisée et, si nécessaire, ordonner d'autres examens en s'adjoignant, si nécessaire, les services d'un interprète en langue des signes.

D. Établir un rapport comprenant les éléments et les réponses aux questions suivantes :

1. Quelle est l'anamnèse détaillée?

2. Quelles sont les plaintes de la personne expertisée?

3. Quelles sont vos constatations objectives?

4. Quels sont les diagnostics?

5. Depuis quand ces atteintes sont-elles présentes chez la personne expertisée?

En particulier:

6. La personne expertisée souffre-t-elle d'un déficit cognitif ?

7. Les difficultés que rencontre la personne expertisée pour gérer ses tâches administratives, prendre des rendez-vous médicaux, et préparer ses médicaments sont-elles dues :

a.       à un déficit cognitif et/ou à toute autre atteinte retenue au point D.4 ci-dessus ou

b.      à son absence de scolarisation?

8. Faire toutes autres observations ou suggestions utiles.

E. Invite l’expert à déposer son rapport en trois exemplaires dans les meilleurs délais auprès de la Cour de céans.

F. Réserve le fond ainsi que le sort des frais jusqu’à droit jugé au fond.

III.              Fixe aux parties un délai de 10 jours dès réception de la présente pour faire valoir d’éventuels motifs de récusation des experts nommés.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie-Catherine SÉCHAUD

 

La Présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties par le greffe le