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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1326/2010

ATAS/1320/2014 du 18.12.2014 ( AI )

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1326/2010 ATAS/1320/2014

ORDONNANCE D’EXPERTISE

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

du 18 décembre 2014

3ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à CAROUGE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître MIZRAHI Cyril

recourant

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L’ASSURANCE-INVALIDITE, rue de Lyon 97, GENÈVE

intimé

 

 



EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après l’assuré), né en 1958, d’origine portugaise, est arrivé en Suisse en 1982 et a travaillé comme maçon jusqu'en 1991, avant de débuter une activité de nettoyeur.

2.        Le 19 avril 1992, l'assuré a été victime d’un accident de la route qui lui a occasionné une fracture des pédicules en C2, sans lésion neurologique (pièce 4 intimé, p. 33ss).

3.        Le 2 mars 1993, l’assuré a déposé une première demande de prestations auprès de office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après l’OAI), qui a été rejetée par décision du 15 décembre 1993 au motif que son degré d'invalidité ne s'élevait qu'à 25% (pièce 7 intimé).

4.        Dans l'intervalle, en juin 1993, l'assuré avait repris une activité de maçon à 80%.

5.        La caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (Schweizerische Unfallversicherungsanstalt ; ci-après la SUVA), quant à elle, lui a reconnu une incapacité de gain de 20% et lui a octroyé à compter du mois de décembre 1993 une rente d'un montant de 660 fr. par mois ainsi qu’une indemnité pour atteinte à l'intégrité de 9'720 fr. (10%; cf. décision du 15 avril 1994 produite sous pièce 10 intimé).

6.        En juin 1998, l’assuré a débuté une activité de jardinier-maçon (pièces 32 et 39 intimé).

7.        A compter du 19 décembre 2000, l'assuré a été mis en arrêt de travail.

8.        Le 12 juin 2001, il a déposé auprès de l'OAI une nouvelle demande de prestations visant l’octroi d’une orientation professionnelle ou d’un reclassement.

9.        Le 9 juillet 2001, le docteur B______, spécialiste FMH en rhumatologie, a rendu un rapport dans lequel il a qualifié l'état de santé de l’assuré de stationnaire et a émis l'avis que des mesures professionnelles étaient indiquées. Le médecin a estimé la capacité de son patient à exercer les activités de manœuvre, maçon ou jardinier à 0%. Il a en revanche émis l'avis que sa capacité à exercer une activité industrielle légère ou de gardiennage restait entière. Les limitations fonctionnelles étaient les suivantes : éviter de rester debout plus de deux à trois heures d’affilée, les positions statiques, agenouillée ou accroupie, l’inclinaison du buste, la marche sur plus de 3'000 mètres, le port de charges de plus de 10 kg, les mouvements répétitifs du dos, les mouvements fréquents de la tête et le maintien des bras en hauteur en effectuant des mouvements de force.

Le Dr B______ a joint à son rapport celui établi le même jour avec le docteur C______, spécialiste FMH en médecine interne. Les médecins y retenaient les diagnostics suivants : cervicalgies chroniques depuis l’accident d'avril 1992, une fracture des pédicules de C2, lombalgies chroniques depuis mai 2000 et troubles statiques et dégénératifs. Ils mentionnaient également, tout en précisant qu'ils étaient sans répercussion sur la capacité de travail de l'intéressé : un diabète de type II depuis mai 2001, une hypercholestérolémie depuis 1998 au moins, un excès pondéral depuis 1994 au moins, un épisode de fibrillation auriculaire paroxystique en 1998 et un ulcère duodénal en 1994. Les médecins soulignaient encore que toutes les mobilités déclenchaient une douleur lombaire basse, malgré l'absence de déficit neurologique (pièce 27 intimé).

10.    Le 20 juillet 2004, le Dr C______, médecin traitant, a mentionné les diagnostics suivants : lombalgies communes sur troubles statiques dégénératifs depuis mai 2000 et cervicalgies chroniques depuis l’accident de 1992. Il y a ajouté, en précisant qu'ils étaient sans répercussion sur la capacité de travail, ceux de fibrillation auriculaire paroxystique, de diabète de type II et d’hypercholestérolémie.

Le médecin a fait état d'une aggravation des lombalgies avec blocages et sciatalgies.

Au niveau cardiaque, il a expliqué que l’assuré avait souffert de nombreux épisodes de fibrillation auriculaire avec malaises.

Le médecin a conclu à la totale incapacité de travail de l'assuré, quelle que soit l'activité envisagée. Il a réservé son pronostic quant à une reprise d’une activité vu l'absence de formation professionnelle spécifique de l'intéressé, ses connaissances de français rudimentaires et la durée de son arrêt de travail (pièce 41 intimé).

11.    Le 4 octobre 2004, le docteur D______, spécialiste FMH en cardiologie, a rendu à son tour un rapport après avoir pratiqué un échocardiogramme suite à une symptomatologie intermittente de palpitations rapides et de douleurs thoraciques plutôt atypiques. Le Dr D______ a conclu à une insuffisance mitrale sans signification pathologique (pièce 48 intimé, p. 5ss).

12.    Le 6 octobre 2004, le docteur E______, spécialiste en médecine nucléaire, a procédé à une scintigraphie de perfusion du myocarde. Il ressort de son rapport que l’examen s'est révélé normal à l’exception de deux petits défauts réversibles de la région apicale, d’origine vraisemblablement artefactuelle (pièce 48 intimé, p. 12ss).

13.    L’OAI a alors confié le soin au centre d’observation médicale de l’assurance-invalidité (ci-après : COMAI) de procéder à une expertise. Les doctoresses  F______, spécialiste FMH en rhumatologie et G______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, ont rendu leur rapport en date du 27 décembre 2004, après avoir examiné l’assuré le 18 novembre 2004.

Les experts ont retenu les diagnostics de cervicalgies chroniques post-fracture des pédicules de C2 et de lombalgies chroniques. Ont également été mentionnés tout en précisant qu'ils étaient sans répercussion sur la capacité de travail : une fibrillation auriculaire paroxystique, une obésité, un diabète de type II depuis mai 2001 et une hypercholestérolémie.

D’un point de vue somatique, l’expert a relaté que l'assuré se plaignait d'une augmentation des cervicalgies - présentes depuis 1993 - et des lombalgies. A l’examen, l'expert a constaté une surcharge pondérale, des troubles statiques sous forme d’une discrète scoliose dorsale, une limitation modérée de la mobilité de la colonne cervicale et une importante rétraction musculaire des muscles ischio-jambiers. Les rapports radiographiques décrivaient une consolidation de la fracture de C2, sans instabilité, et des troubles dégénératifs avec un canal lombaire étroit relatif. D’un point de vue thérapeutique, l'expert a émis l'avis qu'une prise en charge en physiothérapie active avec exercices d’étirements des chaînes postérieures et exercices de postures était susceptible de permettre une diminution des symptômes.

L'expert a préconisé d'éviter le port de charges lourdes, les activités à risque traumatique (risque de coups, de chocs, de déchirures musculaires, etc., vu la prise de Sintrom) et celles impliquant fréquemment des mouvements et une extension de la nuque.

Sur le plan psychique, l'expert a constaté l'absence de plainte ou de signe révélant une atteinte à la santé psychique.

En conclusions, les experts ont considéré qu'au vu des lombalgies, des cervicalgies et du risque de traumatisme, l’assuré ne pouvait plus travailler sur les chantiers mais qu'il pouvait en revanche exercer une activité plus légère, moins risquée et permettant d'éviter le port de charges lourdes à raison de 80%, sans diminution de rendement, et ce, depuis décembre 2000. L'activité de nettoyeur a été suggérée à titre d'exemple (pièce 46 intimé).

14.    En date du 21 mai 2007, l’assuré a déposé auprès de l'OAI une nouvelle demande de prestations visant l'octroi d’une rente d’invalidité.

15.    Interrogé par l'OAI, le Dr C______ lui a confirmé en date du 13 novembre 2007 l'aggravation de l'état de son patient. Il a fait état des diagnostics suivants : status post-opération du tunnel carpien gauche, status post-opération du nerf cubital du coude gauche, status post-ablation des veines pulmonaires pour fibrillations auriculaires récidivantes, status post-fracture cervicale en 1992, hernie discale C3-C4 et lombalgies L5 sur troubles dégénératifs.

Le médecin traitant a conclu à une totale incapacité de travail depuis 1992.

Il a précisé que son patient se plaignait depuis 2007, notamment et malgré l'opération, de douleurs de la main et du coude gauches et d’arythmies cardiaques.

Le médecin traitant a suggéré la mise sur pied d'une expertise.

Il a en outre produit les documents suivants:

-         un rapport établi le 1er avril 2005 par le service de cardiologie des Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG) attestant que l’assuré avait subi en date du 30 mars 2005 une ablation par radiofréquence de fibrillation auriculaire par isolation des quatre veines pulmonaires, qu’il avait été hospitalisé du 29 au 31 mars 2005 et que la procédure et les suites post-interventionnelles avaient été sans complications ;

-         un rapport rédigé le 4 novembre 2006 par le docteur T______, spécialiste en chirurgie de la main, dont il ressort que l'assuré a également subi une intervention en raison d’une neuropathie ulnaire au coude gauche et d’un syndrome du tunnel carpien ;

-         un courrier adressé le 1er mars 2007 par le Dr C______ au département de cardiologie des HUG dont il ressort que l'assuré a subi avec succès une ablation au niveau des veines pulmonaires avec passage en rythme sinusal régulier durant deux ans mais qu'il se plaignait à nouveau d'épisodes prolongés de fibrillation auriculaire, notamment la nuit; le Dr C______ concluait en demandant que son patient puisse bénéficier de la même intervention qu’en 2005 ;

-         un rapport établi le 27 juin 2007 par le service de cardiologie des HUG, dont il ressort que l'assuré a subi en date du 25 juin 2007 une seconde ablation par radiofréquence (ré-isolement de la valve pulmonaire supérieure gauche et de la veine pulmonaire inférieure droite et lignes au niveau de l’oreillette gauche) et qu'il n’y a pas eu de complications ;

-         un rapport de tomodensitométrie axiale computérisée du rachis cervical daté du 2 juillet 2007 et signé du docteur H______, spécialiste FMH en radiologie, lequel conclut à une discarthrose sévère C2-C3 (avec image kystique au niveau de l’apophyse odontoïde, de taille infracentimétrique, de localisation postérieure), à une hernie discale C3-C4 (de localisation surtout médiane, de 4.5 mm d’épaisseur et de 11.3 mm dans le sens cranio-caudal, appuyant sur la partie antérieure du fourreau dural) et à un discret rétrolisthésis de C4-C5 (pièces 78 et 79 intimé).

16.    Le dossier de l'assuré a été soumis au service médical régional AI (SMR), plus particulièrement à la doctoresse I______, qui a émis en janvier 2008 l'avis que, vu les troubles de sa colonne cervicale, l’activité de nettoyeur n'était plus exigible de l'assuré. Le SMR a préconisé un examen rhumatologique afin d'évaluer la capacité de travail résiduelle éventuelle.

17.    Cet examen a effectué le 22 janvier 2008 par la doctoresse J______, généraliste, « ancienne médecin-chef adjointe en physiatrie » et médecin auprès du SMR.

Dans son rapport du 29 février 2008, la Dresse J______ a retenu les diagnostics suivants : cervicalgies droites dans le cadre d’une hernie discale C3-C4 non compressive et d’un status post-fracture C2 en 1992, sans séquelles neurologiques, lombosciatalgies chroniques non déficitaires dans le cadre d’un trouble statique et dégénératif avec insuffisance posturale, status post-neurolyse du nerf cubital du coude et du nerf médian au poignet gauche en 2005, avec trouble sensitif et faiblesse résiduelle. La Dresse J______ a également évoqué, tout en précisant qu'ils étaient quant à eux sans répercussion sur la capacité de travail de l'intéressé : un diabète de type II avec excès pondéral à la limite de l’obésité, une hypercholestérolémie, une fibrillation auriculaire traitée par ablation par radiofréquence en 2005 et 2007 et un status post-ulcère duodénal en 1994.

La Dresse J______ a décrit ses constatations objectives et noté une péjoration de la flexion lombaire et cervicale par rapport à l’expertise de la « fin 2005 » (sic). Par contre, les rotations et les inclinaisons cervicales étaient identiques, voire améliorées et symétriques. Il a été relevé que les articulations périphériques, décrites, à l’époque, comme libres, bien mobiles et indolores, étaient toujours libres - à l’exception d’une discrète limitation de la rotation interne des hanches - mais douloureuses aux dires de l’assuré et ce, dans quasiment toutes les directions, un peu plus marquées à la jambe droite. Le médecin a également constaté l'apparition d'un hémi-syndrome sensible droit.

Selon la Dresse J______, plusieurs signes parlaient en faveur d’une majoration des symptômes : la rotation globale au niveau lombaire était douloureuse et toutes les mobilisations des bras provoquaient des douleurs au coude gauche (chez un droitier), à l’épicondyle interne et à droite, dans la musculature; même le test de Zohlen à droite engendrait des douleurs dans la chaîne musculaire postérieure.

Le médecin a précisé avoir évalué la durée de tolérance des positions sur la base des observations faites durant son entretien avec l'assuré, entretien qui avait duré 75 minutes aux cours desquelles l’assuré n'avait changé de position qu'une seule fois, au début de l’examen.

La Dresse J______ est arrivée à la conclusion que l'état de santé de l’assuré s’était péjoré postérieurement à l’expertise de 2004 (mise en évidence d’une hernie discale cervicale non compressive en juillet 2007). Toutefois, au vu du fait que les constatations cliniques restaient quasi-identiques, il a émis l’hypothèse que la hernie discale existait déjà à l’époque.

La Dresse J______ a évalué la capacité de travail de l'assuré à 0% en tant que maçon mais à 75% dès le mois de décembre 2000 dans une activité adaptée c'est-à-dire permettant d'éviter la position assise prolongée ou encore les positions debout, en rotation-flexion du tronc, en porte-à-faux, en extension et en rotation extrême et les mouvements répétitifs de la tête ; le port de charges était limité à 10 kg occasionnellement et à 5 kg de manière répétitive ; l’assuré devait avoir un rythme de travail régulier lui permettant de changer de position (pièce 83 intimé).

18.    Le 26 janvier 2009, l’OAI a rendu une décision sur opposition, confirmant sa décision du 8 mars 2005 et niant à l’assuré le droit à un reclassement professionnel.

19.    Cette décision sur opposition n’a pas été contestée.

20.    Par décision formelle du 25 février 2010, l’OAI a nié à l'assuré tout droit à une rente.

21.    Par acte du 16 avril 2010, l’assuré a interjeté recours auprès du Tribunal cantonal des assurances sociales - alors compétent - en concluant à l’octroi d’une rente entière dès le 1er décembre 2000, subsidiairement, à l’octroi de mesures d’aide au placement et à la prise en charge d’un traitement de physiothérapie active.

22.    Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 27 mai 2010, a conclu au rejet du recours.

23.    Le 3 septembre 2010, le recourant a répliqué en reprochant à l’intimé d’avoir écarté, sans motivation, l’avis de son médecin traitant.

24.    Le 8 octobre 2010, l’OAI a persisté dans ses conclusions.

25.    Le 17 mai 2011, la Cour de céans a informé les parties qu’elle avait l’intention d’ordonner une expertise médicale multi-disciplinaire en rhumatologie, neurologie et cardiologie.

26.    En date du 8 juin 2011, l’OAI a transmis à la Cour de céans un avis du même jour du Dr K______ et a proposé que l’expertise multi-disciplinaire soit réalisée par le CEMed de Nyon, le BREM, la PMU de Lausanne ou encore par la Clinique romande de réadaptation de Sion.

27.    Le 10 juin 2011, l’assuré a quant à lui proposé que l’expertise soit effectuée par les HUG, le Centre hospitalier universitaire vaudois (ci-après CHUV) et/ ou par la Dresse L______, spécialiste FMH en rhumatologie.

28.    Le 4 octobre 2011, la Cour de céans a informé les parties que l’expertise tri-disciplinaire serait confiée au Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV ; au Professeur M______ pour le volet rhumatologique, au Professeur N______ pour le volet neurologique et à la Dresse O______ pour le volet cardiologique). Les parties se sont vu accorder un délai pour faire valoir d’éventuels motifs de récusation et pour se déterminer sur la mission d’expertise.

29.    Par ordonnance du 1er novembre 2011 (ATAS/1009/2011), la Cour de céans a confié au Professeur. M______, au Prof. N______ et la Dresse O______ – du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) - le soin de procéder à une expertise pluridisciplinaire (rhumatologique, neurologique et cardiologique).

30.    Les experts ont rendu leur rapport en date du 19 juillet 2012.

Du concilium du 18 juillet 2012 ayant réuni les experts neurologues, rhumatologue et cardiologue, il ressort que tous se sont accordés sur l'absence de troubles organiques évidents. Tous estiment, hormis son syndrome douloureux, l'assuré ne rencontre pas de limitation de la capacité de travail dans une profession adaptée.

Le Prof. M______, expert rhumatologue, a rendu un rapport spécifique dont il ressort en substance que l'assuré présente sur le plan du système locomoteur un syndrome douloureux chronique touchant essentiellement le membre inférieur droit et le membre supérieur droit. Ce syndrome douloureux se retrouve également au niveau de la nuque et de la région lombaire. Sur le plan clinique, l'expert rhumatologue n'a mis en évidence aucune limitation significative de la mobilité articulaire pas plus qu'un gonflement articulaire. Il n'a pas non plus décelé de troubles statiques rachidiens évidents. En définitive le rhumatologue a conclu à un trouble somatoforme.

31.    Par écriture du 23 novembre 2012, le recourant, se fondant sur l'avis du Dr P______, a conclu à ce que l'expertise rhumatologique soit rejetée ainsi que le concilium entre les experts et à ce qu'une nouvelle expertise rhumatologique soit ordonnée pour répondre à la question de la présence d'une maladie rhumatologique inflammatoire et de sa répercussion sur sa capacité de travail.

32.    Quant à l'intimé, il a constaté, par écriture du 11 décembre 2012, que les conclusions de l'expertise judiciaire rejoignaient celles sur la base desquelles il s'était basé pour rendre la décision litigieuse.

33.    Par écriture du 31 janvier 2013, le recourant a persisté à demander que soit écartée l'expertise rhumatologique pour les raisons déjà précédemment évoquées.

34.    Le 12 juillet 2013, la Cour de céans a informé les parties de son intention de mettre sur pied un complément d’expertise auprès du Prof. M______.

35.    Après que les parties se sont déterminées sur les questions à lui poser, la Cour de céans a ordonné un complément d’expertise le 9 octobre 2013 (ATAS/999/2013).

36.    Le Prof. M______ a rendu son rapport le 13 novembre 2013.

Il a en substance indiqué que l’examen clinique était superposable à celui qu’il avait pratiqué en 2012.

Il a retenu à titre de diagnostics rhumatologiques : un trouble somatoforme douloureux, une arthrose discrète de la région cervicale C1-C2, une discarthrose C2-C3, une ébauche d’arthrose lombaire et un kyste osseux de l’apophyse odontoïde.

Se basant sur l’expertise de la Dresse Q______ et de la Dresse G______ du 28 septembre 2004, l’expert a considéré qu’il n’y avait eu aggravation ni des plaintes ni de l’état clinique.

En définitive, l’expert a exclu toute incapacité de travail justifiée médicalement dans une activité sédentaire légère. Dans une activité manuelle adaptée (travaux de nettoyage, de jardinage avec aménagement), l’incapacité de travail était en revanche de 25 %.

37.    Par écriture du 13 janvier 2014, le recourant a demandé la mise sur pied d’une expertise psychiatrique, au vu du diagnostic de trouble somatoforme douloureux retenu.

38.    L’intimé s’est exprimé le 27 janvier 2014 en relevant à son tour que le contexte de trouble somatoforme ou de trouble apparenté imposaient d’évaluer les conditions jurisprudentielles permettant de lui reconnaître un caractère invalidant ou non.

39.    Par écriture du 13 juin 2014, le recourant a produit un courrier de la Dresse  R______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, daté du 12 juin 2014. Ce médecin souligne que l’assuré souffre depuis plusieurs années d’un état anxieux important, avec un trouble dépressif, même si celui-ci n’a jamais été formellement diagnostiqué, et conclut à un épisode dépressif sévère sans symptômes psychotiques et à une anxiété généralisée, trop importants pour pouvoir invoquer un trouble somatoforme.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 56 V al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 22 novembre 1941 en vigueur jusqu’au 31 décembre 2010 (aLOJ; RS E 2 05), le Tribunal cantonal des assurances sociales connaissait, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA; RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI; RS 831.20).

Depuis le 1er janvier 2011, cette compétence revient à la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice, laquelle reprend la procédure pendante devant le Tribunal cantonal des assurances sociales (art. 143 al. 6 de la LOJ du 26 septembre 2010).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Le litige porte sur la question de savoir quel degré d'invalidité peut être reconnu à l'assuré et si ce dernier peut se voir accorder une mesure d’aide au placement.

3.        Aux termes de l’art. 8 al. 1er LPGA, est réputée invalidité l’incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée. Selon l’art. 4 al. 1er LAI, l’invalidité peut résulter d’une infirmité congénitale, d’une maladie ou d’un accident. Est réputée incapacité de gain toute diminution de l’ensemble ou d’une partie des possibilités de gain de l’assuré sur un marché du travail équilibré dans son domaine d’activité, si cette diminution résulte d’une atteinte à sa santé physique ou mentale et qu’elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (art. 7 al. 1er LPGA).

4.        a) Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

b) Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. A cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées. Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 352 ss consid. 3).

c) En ce qui concerne la preuve, le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b, 125 V 195 consid. 2 et les références; cf. ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

5.        En l’occurrence, la décision de l’OAI du 25 février 2010 est essentiellement basée sur le rapport d’expertise rhumato-psychiatrique du COMAI du 27 décembre 2004 et sur le rapport d’examen rhumatologique de la Dresse J______ du 29 février 2008.

Jusqu’alors, il ne ressortait d’aucun document médical au dossier que le recourant souffrirait de troubles psychiques. Celui-ci ne l’alléguait d’ailleurs pas. Partant, seul l'aspect somatique avait été examiné. Il s’est cependant avéré que l’assuré souffre d’un trouble somatoforme douloureux, de sorte qu’il apparait indispensable de vérifier si, d’un point de vue psychique, les conditions posées par la jurisprudence pour lui reconnaître un caractère invalidant sont réalisées ou non, ce qui n’a jamais été investigué jusqu’à présent.

Partant, la cause n’étant pas en l’état d’être jugée, la Cour de céans entend mettre en œuvre une expertise psychiatrique, étant rappelé que, selon la jurisprudence (DTA 2001 p. 169), le juge cantonal qui estime que les faits ne sont pas suffisamment élucidés a en principe le choix entre deux solutions : soit renvoyer la cause à l’administration pour complément d’instruction, soit procéder lui-même à une telle instruction complémentaire.

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant préparatoirement

1.      Ordonne une expertise psychiatrique, l’expert ayant pour mission d’examiner et d’entendre l’assuré, avec l’aide d’un interprète portugais, après s’être entouré de tous les éléments utiles et avoir pris connaissance du dossier de l’OAI, du dossier de la procédure et avoir procédé aux examens complémentaires nécessaires.

2.      Commet à ces fins le Dr S______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie.

3.      Charge l’expert d’établir un rapport détaillé et de se déterminer, sur les points suivants:

a.         Quelle est l’anamnèse détaillée du cas, y compris s’agissant de la situation sociale, économique, de la formation et des compétences linguistiques de l’assuré ?

b.         Quelles sont les plaintes de l’assuré, quel est son état d’esprit ?

c.         Quelles sont vos constatations objectives ?

d.         Quel(s) diagnostic(s) psychiatrique(s) retenez-vous ? Depuis quand ?

e.         Quelle a été l’évolution de l’état de santé psychique de l’assuré depuis décembre 2000 ?

f.           Du point de vue psychiatrique, comment l’état de santé a-t-il évolué depuis l’expertise du COMAI de Genolier en décembre 2004 ?

g.         Quelles sont les conséquences de chaque diagnostic posé sur la capacité de travail de l’assuré, en pour-cent ? Depuis quand ?

h.         Quelles sont les atteintes ayant des répercussions sur la capacité de travail ? Et depuis quand sont-elles présentes ?

i.           Quelles sont les atteintes sans répercussion sur la capacité de travail ?

j.           Si un trouble de la lignée somatoforme ou trouble assimilé est constaté, peut-on raisonnablement exiger de la personne assurée un effort de volonté pour surmonter ses douleurs et exploiter sa force de travail résiduelle ? En d’autres termes, un ou plusieurs des critères de gravité suivants sont-ils présents (posés par la jurisprudence du Tribunal fédéral) ?

1.   présence d’une comorbidité psychiatrique importante par sa gravité, son acuité et sa durée ?

2.   si une comorbidité psychiatrique est constatée, peut-on la considérer comme faisant partie intégrante du trouble somatoforme ? Si non, pourquoi ?

3.   existence d’un processus maladif s’étendant sur plusieurs années sans rémission durable (symptomatologie inchangée ou progressive) ou d’affections corporelles chroniques ?

4.   perte d’intégration sociale dans toutes les manifestations de la vie ?

5.   échec de traitements ambulatoires ou stationnaires conformes aux règles de l’art. (même avec différents types de traitement), cela en dépit de l’attitude coopérative de la personne assurée ?

6.   en présence d’une comorbidité psychiatrique, existence d’un état psychique cristallisé résultant d’un processus défectueux de résolution du conflit, mais apportant un soulagement du point de vue psychique (profil primaire tiré de la maladie, fuite dans la maladie) ?

k.         En cas de syndrome de dépendance :

1.      Quelle est l’histoire de la consommation, à partir de quand celle-ci est-elle devenue problématique ?

2.      S’agit-il d’une dépendance primaire ou secondaire au sens de l’AI, à savoir : la dépendance est-elle elle-même la conséquence ou le symptôme d’une atteinte à la santé physique ou mentale engendrant une invalidité ; ou est-elle à l’origine d0une atteinte à la santé physique et/ou mentale importante et durable engendrant une invalidité, comme une lésion cérébrale neurologique organique ou une altération de l’humeur d’origine organique ?

3.      En cas de comorbidité psychiatrique, quel rôle la consommation des ou de la substance psychoactive joue-t-elle dans le déclenchement, respectivement l’entretien du tableau constaté ?

4.      Ce tableau est-il potentiellement réversible en cas d’arrêt de la consommation des ou de la substance psychoactive et du maintien de l’abstinence ?

l.           Quelles sont les limitations fonctionnelles et/ou restrictions psychiques liées à/aux atteinte(s) à la santé incapacitante(s) ?

m.       Le cas échéant, depuis quand la personne assurée présente-t-elle une incapacité de travail justifiée médicalement (date et taux précis, en pourcent ou en nombre d’heures par jour) ?

- Dans son activité habituelle ?

- Dans une activité adaptée ?

n.         Comment ces capacités de travail ont-elles évolué ?

o.         Quelles conditions/caractéristiques l’activité adaptée devrait-elle remplir ?

p.         Le traitement actuel est-il conforme aux règles de l’art ? La personne assurée est-elle observante ?

q.         Quelles sont les propositions thérapeutiques ? Et quelle serait l’influence sur la capacité de travail ? Un tel traitement est-il exigible, et pourquoi ?

r.          Les limitations liées à l’exercice d’une activité résultent-elles d’une exagération des symptômes ou d’une constellation semblable (par exemple une discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l’allégation d’intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l’absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l’anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l’expert, ainsi que l’allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact) ?

s.          Quelle est votre position concernant le rapport du COMAI du 27 décembre 2004 et celui de la Dresse R______, du 12 juin 2004 ? Pourquoi ?

t.           Compte tenu des pathologies rhumatologiques, neurologiques et cardiologiques ressortant de l’expertise du CHUV et des pathologies psychiatriques constatées par vous-même, dans quelle mesure et à quel taux l’assuré peut-il exercer son activité habituelle de maçon-jardinier ? Le taux a-t-il évolué ? Si oui, comment et quand ? Y a-t-il une diminution du rendement ? si oui, de quelle ampleur ?

u.         Toujours compte tenu des pathologies constatées par les experts du CHUV et par vous-même, dans quelle mesure une activité lucrative adaptée est-elle exigible de l’assuré et à quel taux ? Dans quel domaine, quelle activité précisément et depuis quand ? Quelles conditions/caractéristiques l’activité adaptée devrait-elle remplir ? Y a-t-il diminution du rendement ? Si oui, de quelle ampleur ?

v.         La capacité de travail peut-elle être améliorée par des mesures médicales ou par une adaptation du poste de travail ? Quelle en serait l’influence sur le taux de capacité de travail ?

w.       Quel est votre pronostic ?

x.         Faire toute remarque ou suggestion utile.

4.      Invite l’expert à déposer à leur meilleure convenance un rapport en trois exemplaires à la Cour de céans.

5.      Réserve le fond.

6.      Accorde aux parties un délai de dix jours en application de l’art. 39 de la loi sur la procédure administrative (LPA ; E 5 10) pour faire valoir leurs éventuels motifs de récusation à l’encontre de l’expert désigné.

 

La greffière

 

 

 

Marie-Catherine SÉCHAUD

 

La Présidente

 

 

 

Karine STECK

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties le