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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/522/2007

ATAS/132/2008 du 05.02.2008 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/522/2007 ATAS/132/2008

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

Chambre 2

du 5 février 2008

 

En la cause

Madame N_________, domiciliée au GRAND-SACONNEX, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître MARSANO Jean-Luc

 

 

recourante

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'ASSURANCE-INVALIDITE, sis rue de Lyon 97, GENEVE

intimé

 


EN FAIT

Madame N_________ (ci-après: la recourante), née en 1961, a déposé une demande de prestations AI pour adultes le 3 juin 2005, visant l'octroi d'une rente en raison d'une fibromyalgie et d'un état dépressif.

La recourante a exercé plusieurs emplois non qualifiés notamment dans les domaines hospitalier, du nettoyage et de la vente. En dernier lieu, elle exerçait la profession d'employée de vente, de laquelle elle fût congédiée avec effet au 30 septembre 2003, ayant accumulé de nombreuses périodes d'arrêt de travail pendant son engagement. Son dernier jour de travail effectif remonte au 8 juillet 2003. Elle n'a plus retravaillé depuis.

Selon le rapport médical du 30 juin 2005 demandé par l'OFFICE CANTONAL DE L'ASSURANCE-INVALIDITE (ci-après: OCAI) au Docteur A________, médecin généraliste et médecin traitant de la recourante, celle-ci souffre d'un syndrome douloureux chronique accompagné d'un état dépressif depuis fin 2003, en plus d'une monométrorragie sur fibrome utérin survenue dès mars 2005, ces pathologies ayant des répercussions sur sa capacité de travail. Selon lui, l'incapacité de travail de la recourante est totale dans les emplois qu'elle a exercés. Toutefois, il préconise une reconversion professionnelle en tant qu'employée de bureau, commis administratif ou surveillante. Le Docteur A________ estime que la recourante peut tenir la position assise 8 heures par jour et celle debout 1 heure ainsi qu'alterner les positions assis/debout. Toutefois, la position à genoux, la position accroupie, l'inclinaison du buste, le lever, le porter ou le déplacement de charges, le fait de se baisser, le mouvement des membres et du dos, les horaires de travail irréguliers, le travail en hauteur, les déplacements sur sol irrégulier ou en pente sont impossibles, ainsi que le fait de garder la même position pendant longtemps. L'OCAI a également adressé sans succès une demande de rapport médical aux Doctoresses B________, spécialiste F.M.H. en psychiatrie-psychothérapie, et C________, spécialiste F.M.H. en médecine générale. La première a avoué ne pas savoir quelle a été l'évolution de la patiente, ne l'ayant plus revue depuis juin 2004. La seconde a communiqué laconiquement que la patiente n'est plus suivie auprès d'elle.

Au vu du rapport médical du Docteur A________, un examen bi disciplinaire rhumato-psychiatrique a été confié au SERVICE MEDICAL REGIONAL AI (ci-après: SMR Léman).

Les Docteurs D________, spécialiste F.M.H. en médecine interne et rhumatologie, et E________, spécialiste F.M.H. en psychiatrie-psychothérapie, ont été chargés d'examiner la recourante, ce qu'ils ont fait le 16 octobre 2006. La recourante est l'aînée d'une fratrie assez importante, restée au Portugal alors qu'elle a émigré en Suisse. Elle garde des contacts téléphoniques avec eux. Sa vie quotidienne s'articule autour des soins qu'elle prodigue à sa petite-fille et ses animaux. Après établissement de l'anamnèse complète et la prise en compte des plaintes de la recourante concernant, entre autres, ses douleurs, les experts ont conclu à des douleurs à la palpation tant dans les membres supérieurs qu'inférieurs. Le statut psychiatrique de la recourante fait apparaître une humeur fluctuante; "selon le sujet abordé l'assurée peut être souriante […] ou triste et pleurer". Toutefois, il n'y a ni ralentissement psychomoteur, ni présence de tout autre élément psychotique, ni troubles de la concentration. Les experts n'ont pas relevé d'état dépressif, dans la mesure où "la tristesse n'est pas constamment présente" et "il n'y a pas de diminution marquée de l'intérêt pour les activités habituellement agréables". Eu égard aux symptômes présentés par la recourante, le diagnostic de syndrome somatoforme douloureux persistant a été posé. Il y a également présence de dysthymie, en tant que "facteur d'accompagnement" du syndrome somatoforme douloureux persistant. Les experts ont également relevé l'obésité et la présence de troubles statiques et dégénératifs du rachis "trop modérés pour nécessiter des limitations fonctionnelles et occasionner ainsi une incapacité de travail, quelle que soit l'activité professionnelle pratiquée par l'assurée". Les experts ne se sont pas prononcés concernant un éventuel état psychique cristallisé, car ils relèvent que cela "dépasse le cadre d'une expertise (nécessité d'une exploration psychodynamique en profondeur)". Par rapport du 7 novembre 2006, SMR Léman a conclu que lesdites affections présentées par la recourante ne constituent pas des limitations fonctionnelles invalidantes de nature à perturber la capacité de travail. Ainsi, la capacité de travail de la recourante est entière dans ses activités et travaux habituels.

Au vu dudit rapport du SMR Léman, l'OCAI a rejeté, par décision du 12 janvier 2007, la demande de rente et a nié l'existence du droit aux mesures d'ordre professionnel.

En date du 13 février 2007, recours a été formé contre cette décision par devant le Tribunal de céans. La recourante critique les conclusions du SMR Léman dans la mesure où elles ne retiennent pas la présence d'un état dépressif en tant que co-morbidité psychiatrique par rapport au syndrome somatoforme douloureux persistant. La recourante évoque une expertise psychiatrique des plus sommaires qui n'a pas permis de mettre en lumière un état dépressif lié aux problèmes familiaux rencontrés par elle et qui conclut, au contraire, à une dysthymie accompagnant le syndrome somatoforme douloureux persistant. Elle joint à son recours un certificat médical établi à sa demande par la Doctoresse B________ qui conclut à un "état dépressif et anxieux sérieux" pour la période pendant laquelle la recourante la consultait, soit le premier semestre 2004. Sollicitant au préalable une expertise pluridisciplinaire, elle conclut principalement à l'octroi d'une pleine rente d'invalidité, subsidiairement à l'octroi de mesures de réadaptation professionnelle adéquates, sous suite de dépens.

Le 15 mars 2007, l'OCAI a adressé sa réponse au recours. Il conclut au rejet de la demande d'expertise pluridisciplinaire dans la mesure où l'examen mené par le SMR Léman a pleine valeur probante car effectué dans le respect des conditions posées par la jurisprudence fédérale. Il conclut également à la confirmation de la décision litigieuse, car les pathologies présentées par la recourante ne doivent pas être qualifiées d'invalidité selon la loi fédérale sur l'assurance-invalidité (ci-après: LAI).

Le Tribunal de céans a ordonné la comparution personnelle des parties, qui s'est tenue le 17 avril 2007. A cette occasion, la recourante a déclaré ce qui suit: "Vous me lisez la description de ma vie quotidienne, telle qu'elle est décrite par SMR dans son rapport du 7 novembre 2006, p. 3. Je la confirme à l'exception de l'indication selon laquelle j'irais à la piscine deux fois par semaine, cela est faux. Je me suis rendue une fois à la piscine et cela ne m'a pas convenu, je n'y suis plus retournée. Pour le reste cela est exact. J'ai deux chiens, un épagneul et un yorkshire. Pour le ménage, mon mari et moi partageons les tâches, il fait les tâches les plus lourdes, c'est aussi lui qui fait les longues promenades avec les chiens que je ne peux pas faire. J'ai fait une tentative de suivi psychiatrique qui a échoué, je ne m'oppose pas à un suivi psychiatrique, je signale également que le Dr. A________ m'a donné différents traitements antidépresseurs sans véritable succès". Le conseil de la recourante a souhaité une nouvelle expertise psychiatrique. Toutefois, il s'est montré d'accord pour que le Docteur A________ soit entendu préalablement. Sur quoi, le Tribunal de céans a ordonné l'ouverture des enquêtes avec l'audition du Docteur A________.

Celui-ci a déposé le 12 juin 2007 en ces termes: "Je suis la recourante depuis le début de l'année 2004. J'ai eu connaissance du rapport d'examen du SMR. Je dirais que la partie psychiatrique de cet examen est sommaire. Je ne suis certes pas psychiatre mais je considère que l'état de ma patiente s'approche plus de l'état dépressif majeur, épisode actuellement moyen à sévère, depuis 2003 environ, que du trouble dysthymique qui est plus léger. Il y a une échelle qui permet de graduer l'état dépressif, notamment l'échelle Hamilton, qui n'a pas été utilisée par SMR, et qui donne actuellement le résultat susmentionné. Je peux rejoindre l'examen SMR dans sa partie rhumatologique. Encore une fois pour l'aspect psychiatrique, je pense qu'un second voire un troisième entretien était nécessaire pour pouvoir évaluer correctement l'état de ma patiente. En ce qui concerne la capacité résiduelle de travail, il est vrai que j'avais jugé à l'époque des questionnaires de l'OCAI, qu'une reconversion professionnelle dans une activité de bureau était possible et souhaitable. Tel n'est plus mon avis aujourd'hui d'autant plus que l'état dépressif s'aggrave depuis la fin de l'année dernière, malgré mes traitements, car la recourante répond mal aux antidépresseurs. Elle a repris un suivi psychiatrique auprès de la Dresse F________, depuis un mois. C'est l'aggravation de l'état de santé qui me fait nier aujourd'hui toute capacité de travail résiduelle. Je dirais que chez Mme N_________ les douleurs et l'état dépressif coexistent. En résumé l'état dépressif tel que je l'ai décrit est présent en tout cas depuis 2003 plus vraisemblablement depuis 2001 et aggravé depuis la fin de l'année 2006. Il s'est aggravé progressivement en 2006. Les troubles dépressifs sont pour moi autonomes et non pas une conséquence de la fibromyalgie. Je confirme également ce dernier diagnostic. Je confirme les termes de mon certificat médical du 20 décembre 2006. Je vois Mme N_________ très régulièrement, environ une fois par mois. Je confirme également que ma patiente souffre d'insomnies et de cauchemars et qu'il y a eu une prise de poids assez importante. S'agissant d'une perte d'intégration sociale, je dirais qu'en tout cas Mme N_________ n'investit plus dans les relations sociales et a perdu tout contact avec le monde du travail. Elle vit essentiellement au sein de sa famille et avec ses chiens. Mme N_________ ne supporte qu'un antidépresseur qui est la fluoxétine qu'elle prend à dosage élevé, soit de 40 mg par jour".

 

A la suite de cette audition, les parties ont procédé à un échange de vues. Le Tribunal de céans a ordonné une expertise psychiatrique et octroyé un délai aux parties pour lui communiquer des noms d'experts et des questions à leur poser.

Par ordonnance d'expertise du 6 juillet 2007, le Tribunal de céans a commis le Docteur G________, spécialiste F.M.H. en psychiatrie-psychothérapie, aux fins de réaliser ladite expertise. Dans son rapport du 2 novembre 2007, le Docteur G________, après avoir procédé à l'anamnèse complète de la recourante (familiale, personnelle, socioprofessionnelle, affective), avoir tenu compte des plaintes subjectives de cette dernière et procédé à un dosage médicamenteux, a constaté que la recourante est une personne plutôt expansive ("elle parle pratiquement d'une manière ininterrompue […] monopolisant en grande partie l'espace-temps donné"), qui entre facilement en contact et répond "d'une manière intensive et élargie" aux questions posées. Elle déclare avoir une vraie amie et s'amuser à s'occuper de ses petits-enfants. Elle n'a pas de problème de mémoire. Elle est principalement positive, bien qu'un sentiment de tristesse passager existe à l'évocation de sujets pénibles. L'expert a été frappé par la "tendance à la dramatisation", à "l'auto-apitoiement" dont fait preuve la recourante. Il existe, selon lui, un contraste entre "l'ampleur des plaintes et le tableau plutôt bénin" constaté chez la recourante. L'expert répond clairement non à la question de savoir si l'état psychique de la recourante est cristallisé. Le dosage médicamenteux a permis de relever que la recourante prend correctement les antidépresseurs qui lui ont été prescrits. Au vu de ces éléments, l'expert conclut à une dysthymie et considère qu'un niveau de dépression, même léger, n'est pas atteint. Pour le surplus, il observe un dysfonctionnement neurovégétatif somatoforme et une neurasthénie, mais nie la présence d'un syndrome somatoforme douloureux persistant. Toujours selon lui, ces troubles sont sans influence sur la capacité de travail de la recourante, qui est "exigible à 100% dans toutes les activités accessibles avec les formations et les expériences de l'assurée".

Appelé à se déterminer sur cette expertise, l'OCAI maintient ses conclusions du 15 mars 2007 visant la confirmation de la décision litigieuse relevant que cette expertise confirme l'appréciation médicale effectuée par le SMR Léman. La recourante conteste pour sa part les conclusions de l'expertise en invoquant le nombre important d'inexactitudes qu'elle contient, concernant notamment son anamnèse familiale et personnelle. Il sera revenu sur ces critiques ultérieurement.

En date du 14 janvier 2008, les parties ont été informées que la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

Conformément à l'art. 56V al. 1 let. a ch. 2 de la loi genevoise sur l'organisation judiciaire (ci-après: LOJ), le Tribunal cantonal des assurances sociales connaît en instance unique des contestations prévues à l’article 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (ci-après: LPGA) qui sont relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (ci-après: LAI).

Sa compétence à raison de la matière pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

La LPGA est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine des assurances sociales. Sur le plan matériel, le point de savoir quel droit s'applique doit être tranché à la lumière du principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 130 V 230 consid. 1.1; 335 consid. 1.2; ATF 129 V 4 consid. 1.2; ATF 127 V 467 consid. 1, 126 V 136 consid. 4b et les références). Les règles de procédure quant à elles s'appliquent sans réserve dès le jour de leur entrée en vigueur (ATF 117 V 93 consid. 6b, 112 V 360 consid. 4a; RAMA 1998 KV 37 p. 316 consid. 3b). La LPGA s’applique donc au cas d’espèce.

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable, en vertu des art. 56 et ss LPGA.

La question litigieuse que le Tribunal de céans doit trancher consiste à savoir si les atteintes subies par la recourante à sa santé physique et mentale doivent être considérées comme invalidantes au sens de la LAI et donc ouvrir le droit aux prestations prévues par cette loi, entre autre la rente (conclusion principale de la recourante) et les mesures de réadaptation professionnelle (conclusion subsidiaire de la recourante).

La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l'assuré à des prestations, l'administration ou le juge ont besoin de documents que les médecins et experts doivent leur fournir. L'appréciation des données médicales revêt ainsi une importance d'autant plus grande dans ce contexte. (ATF 122 V 158 consid. 1b et les références; SPIRA, La preuve en droit des assurances sociales, in : Mélanges en l'honneur de Henri-Robert SCHÜPBACH - Bâle, 2000, p. 268).

Dans l'assurance-invalidité, l'instruction des faits d'ordre médical se fonde sur le rapport du médecin traitant destiné à l'Office de l'assurance-invalidité, les expertises de médecins indépendants de l'institution d'assurance, les examens pratiqués par les Centres d'observation médicale de l'AI (ATF 123 V 175), les expertises produites par une partie ainsi que les expertises médicales ordonnées par le juge de première ou de dernière instance (VSI 1997, p. 318 consid. 3b; BLANC, La procédure administrative en assurance-invalidité, thèse Fribourg 1999, p. 142). Lors de l'évaluation de l'invalidité, la tâche du médecin ou de l'expert consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 125 V 261 consid. 4 et les références).

En ce qui concerne la valeur probante d'un rapport médical, ce qui est déterminant c'est que les points litigieux aient fait l'objet d'une étude circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées par la personne examinée, qu'il ait été établi en pleine connaissance de l'anamnèse, que la description du contexte médical et l'appréciation de la situation médicale soient claires et enfin que les conclusions de l'expert soient dûment motivées. Au demeurant, l'élément déterminant pour la valeur probante n'est ni l'origine du moyen de preuve ni sa désignation comme rapport ou comme expertise, mais bel et bien son contenu (ATF 125 V 352 consid. 3a, 122 V 160 consid. 1c et les références).

S'agissant de la valeur probante des rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier. Ainsi, la jurisprudence accorde plus de poids aux constatations faites par un spécialiste qu'à l'appréciation de l'incapacité de travail par le médecin de famille (ATF 125 V 353 consid. 3b/cc et les références, RJJ 1995, p. 44 ; RCC 1988 p. 504 consid. 2)

L'on peut et doit attendre d'un expert médecin, dont la mission diffère ici clairement de celle du médecin traitant, notamment qu'il procède à un examen objectif de la situation médicale de la personne expertisée, qu'il rapporte les constatations qu'il a faites de façon neutre et circonstanciée, et que les conclusions auxquelles il aboutit s'appuient sur des considérations médicales et non des jugements de valeur. D'un point de vue formel, l'expert fera preuve d'une certaine retenue dans ses propos nonobstant les controverses qui peuvent exister dans le domaine médical sur tel ou tel sujet: par exemple, s'il est tenant de théories qui ne font pas l'objet d'un consensus, il est attendu de lui qu'il le signale et en tire toutes les conséquences quant à ses conclusions. Enfin, son rapport d'expertise sera rédigé de manière sobre et libre de toute qualification dépréciante ou, au contraire, de tournures à connotation subjective, en suivant une structure logique afin que le lecteur puisse comprendre le cheminement intellectuel et scientifique à la base de l'avis qu'il exprime (voir à ce sujet MEINE, L'expert et l'expertise - critères de validité de l'expertise médicale, p. 1 ss., ainsi que PAYCHÈRE, Le juge et l'expert - plaidoyer pour une meilleure compréhension, page 133 ss., in : L'expertise médicale, éditions Médecine & Hygiène, 2002; également ATF 125 V 352 consid. 3a, 122 V 160 consid. 1c et les références).

En principe, l'administration (ou le juge en cas de recours) ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à disposition de l'administration afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral des assurances (ci-après: TFA), peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise le fait que celle-ci contient des contradictions ou que d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert permettant une interprétation divergente des conclusions de ce dernier, ou au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 125 V 352 consid. 3b/aa et les références).

En l'occurrence, antérieurement à la procédure devant le Tribunal de céans, deux rapports médicaux ont étés versés au dossier de demande de prestations AI: celui du médecin traitant de la recourante et celui effectué par le SMR Léman. Ils divergent tant dans leurs diagnostics que dans leurs conclusions quant au caractère invalidant des troubles diagnostiqués. Amenée, lors de sa comparution personnelle du 17 avril 2007, à s'exprimer sur le rapport du SMR Léman, la recourante conteste le fait qu'elle aille deux fois par semaine à la piscine. Elle confirme le rapport pour le surplus. Au-delà de ce point concernant les activités prétendues de la recourante, ce qui trouble est l'affirmation qu'une exploration psychodynamique en profondeur (non effectuée dans le cadre de cet examen) est nécessaire pour vérifier un éventuel état psychique cristallisé chez la recourante. La recourante critique également le caractère sommaire du volet psychiatrique de l'examen mené par le SMR Léman, chose qui est confirmée par le Docteur A________, médecin traitant de la recourante, lors de son audition en tant que témoin du 12 juin 2007. Lors de cette même audition, il maintient que la recourante souffre d'un état dépressif, comme déjà dit dans son rapport à l'OFFICE CANTONAL DE L'ASSURANCE-INVALIDITE (ci-après: OCAI). Il n'est toutefois pas spécialiste F.M.H. en psychiatrie-psychothérapie. Au vu de ces éléments pouvant faire naître légitimement des doutes sur l'état psychiatrique réel de la recourante, le Tribunal de céans a appliqué la jurisprudence précitée concernant la nécessité de prendre du recul vis-à-vis des rapports médicaux émanant du médecin traitant de la partie en cause et de la nécessité d'instruire complémentairement aux fins d'éclaircir les aspects psychiatriques du cas, en commettant une nouvelle expertise. En revanche, les conclusions sur le volet rhumatologique ne sont pas remises en discussion.

L'expertise a été réalisée par le Docteur G________, et reprend les conclusions du SMR Léman quant à l'absence de troubles invalidants. Amenée à se prononcer sur cette nouvelle expertise, la recourante l'a derechef critiquée. In extenso, elle rappelle: que son oncle n'est pas alcoolique mais décédé, que sa sœur ne tient pas un commerce mais est commerciale, que son époux n'a jamais été agent de sécurité aux CFF, qu'elle fait chambre à part avec son époux en raison du bruit d'une machine et non des apnées de sommeil de Monsieur, que sa fille n'a pas vécu d'abus sexuels mais a été violentée physiquement et psychologiquement par son ex-époux. Elle rappelle que tant le Docteur A________ que la Doctoresse B________ concluent à un état dépressif. Le Tribunal de céans entend bien les remarques de la recourante. Toutefois, même à admettre que les critiques susmentionnées sont exactes, l'on ne distingue pas en quoi elles auraient pu induire en erreur l'expert au point de mettre son rapport en discussion. Le Tribunal de céans ne voit pas de lien de causalité logique entre la position professionnelle de membres de sa famille et l'état de santé de la recourante. Peu importe dans ce contexte de savoir pourquoi les époux font chambre séparée. Le prétendu état dépressif de la recourante a toujours été allégué en rapport avec des difficultés familiales et non en rapport avec un travail de deuil. Le fait que l'oncle de la recourante soit décédé ou alcoolique n'est donc pas pertinent dans la présente cause. Il est de même indifférent de savoir si les difficultés familiales proviennent d'abus sexuels ou d'autres formes de violences sur la personne de la fille de la recourante, ces deux situations étant pareillement propres à engendrer des problèmes familiaux. Il est vrai que tant le Docteur A________ que la Doctoresse B________ ont diagnostiqué un état dépressif. Toutefois, il a été rappelé que les déclarations du médecin traitant doivent être prises avec le recul nécessaire. Quant à la Doctoresse B________, elle avoue elle-même, dans sa réponse à la demande de rapport médical de l'OCAI, qu'elle n'a plus revu la recourante depuis la fin du premier semestre 2004 et ne peut donc juger de l'évolution de son état de santé. Plus de 3 ans se sont écoulés entre cette date et le rapport du Docteur G________. Il est incontestable que l'état psychiatrique de la recourante ait pu évoluer du tout au tout dans ce laps de temps. Par ailleurs, le seul fait d'être en désaccord sur le diagnostic n'est pas de nature à fonder un doute quant au caractère probant de l'expertise. Il n'y a donc aucun motif impératif de s'écarter de l'expertise fournie par le Docteur G________.

En conséquence de quoi, le Tribunal de céans s'appuiera principalement sur l'expertise du Docteur G________, ainsi que sur l'examen du SMR Léman et de l'avis du Docteur A________, en tout cas en ce qui concerne l'aspect physique, dans la mesure où elle ne contredisent pas celle du Docteur G________, pour déterminer le caractère invalidant des troubles présentés par la recourante.

La notion d'invalidité est, en principe, identique en matière d'assurance-accidents, d'assurance militaire et d'assurance-invalidité. Dans ces trois domaines, elle représente la diminution permanente ou de longue durée, résultant d'une atteinte à la santé, des possibilités de gain sur le marché du travail équilibré qui entrent en ligne de compte pour l'assuré (ATF 119 V 470 consid. 2b, 116 V 249 consid. 1b et les arrêts cités; ATFA non publiés du 16 juin 2005, I 425/04 et U 174/04). Une maladie, un accident ou une infirmité congénitale peuvent provoquer une atteinte à la santé à l'origine de l'invalidité (art. 4 al. 1 LAI). Est réputée incapacité de gain toute diminution de l’ensemble ou d’une partie des possibilités de gain de l’assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d’une atteinte à sa santé physique ou mentale et qu’elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (art. 7 LPGA).

Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 102 V 165; VSI 2001 p. 224 consid. 2b et les références; cf. aussi ATF 127 V 298 consid. 4c in fine).

Dans un arrêt du 8 février 2006 (ATF 132 V 65), le TFA a considéré qu'il se justifiait, sous l'angle juridique, et en l'état actuel des connaissances, d'appliquer par analogie les principes développés par la jurisprudence en matière de troubles somatoformes douloureux lorsqu'il s'agit d'apprécier le caractère invalidant d'une fibromyalgie. Ces deux atteintes à la santé présentent en effet des caractéristiques communes, en tant que leurs manifestations cliniques - plaintes douloureuses diffuses - sont pour l'essentiel similaires et qu'il n'existe pas de pathogenèse claire et fiable pouvant en expliquer l'origine. Cela rend dans les deux cas la limitation de la capacité de travail difficilement mesurable, car l'on ne peut pas déduire l'existence d'une incapacité de travail du simple diagnostic posé, dès lors que celui-ci ne renseigne pas encore sur l'intensité des douleurs ressenties par la personne concernée, ni sur leur évolution ou sur le pronostic qu'on peut poser dans un cas concret.

Aussi convient-il également, en présence d'une fibromyalgie, de poser la présomption que cette affection ou ses effets peuvent être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 131 V 50).

Le TFA a toutefois reconnu qu'il existe des facteurs déterminés qui, par leur intensité et leur constance, rendent la personne incapable de fournir cet effort de volonté, et établi des critères permettant d'apprécier le caractère invalidant de troubles somatoformes douloureux (cf. ATF 130 V 354 et 131 V 50), que l'on peut transposer au contexte de la fibromyalgie. On retiendra, au premier plan, la présence d'une comorbidité psychiatrique importante par sa gravité, son acuité et sa durée. Peut constituer une telle comorbidité un état dépressif majeur (voir en matière de troubles somatoformes douloureux ATF 130 V 358 consid. 3.3.1 et la référence). Parmi les autres critères déterminants, doivent être considérés comme pertinents un processus maladif s'étendant sur plusieurs années sans rémission durable (symptomatologie inchangée ou progressive), des affections corporelles chroniques, une perte d'intégration sociale dans toutes les manifestations de la vie et l'échec de traitements ambulatoires ou stationnaires conformes aux règles de l'art (même avec différents types de traitement), cela en dépit de l'attitude coopérative de la personne assurée. En présence d'une comorbidité psychiatrique, il sera également tenu compte de l'existence d'un état psychique cristallisé, sans évolution possible au plan thérapeutique, résultant d'un processus défectueux de résolution du conflit, mais apportant un soulagement du point de vue psychique (profit primaire tiré de la maladie, fuite dans la maladie). Enfin, on conclura à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable (par exemple une discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact) (ATF 132 V 65 consid. 4.2.1 et 4.2.2).

Quand bien même le diagnostic de fibromyalgie est d'abord le fait d'un médecin rhumatologue, il convient d'exiger le concours d'un médecin spécialiste en psychiatrie lorsqu'il s'agit de se prononcer sur l'incapacité de travail que la fibromyalgie est susceptible d'entraîner, dès lors que les facteurs psychosomatiques ont, selon l'opinion dominante, une influence décisive sur le développement de cette atteinte à la santé. Une expertise interdisciplinaire tenant à la fois compte des aspects rhumatologiques et psychiques apparaît donc la mesure d'instruction adéquate pour établir de manière objective si l'assuré présente un état douloureux d'une gravité telle - eu égard également aux critères déterminants précités - que la mise en valeur de sa capacité de travail sur le marché du travail ne peut plus du tout ou seulement partiellement être exigible de sa part (voir aussi HENNINGSEN, Zur Begutachtung somatoformer Störungen in : Praxis 94/2005, p. 2007 ss.). Demeurent réservés les cas où le médecin rhumatologue est d'emblée en mesure de constater, par des observations médicales concluantes, que les critères déterminants ne sont pas remplis, ou du moins pas d'une manière suffisamment intense, pour conclure à une incapacité de travail (ATF 132 V 65 consid. 4.3).

En l'espèce, le Docteur G________ pose le diagnostic de dysthymie, dysfonctionnement neurovégétatif somatoforme et neurasthénie, mais nie l'existence d'un syndrome somatoforme douloureux persistant. Le SMR Léman parle quant à lui de syndrome somatoforme douloureux persistant et le Docteur A________ de syndrome douloureux chronique et de fibromyalgie. Il est toutefois incontestable que la recourante est atteinte dans sa santé. Le trouble somatoforme douloureux, à supposer qu'il existe en l'espèce, se traite, d'un point de vue juridique, à l'égal de la fibromyalgie, dont le Tribunal fédéral des assurances a nié le caractère invalidant en elle-même. Il convient donc de vérifier la présence de facteurs aggravant empêchant la recourante de fournir l'effort de volonté que l'on peut attendre d'elle. Un état dépressif majeur et cristallisé a été formellement nié par le Docteur G________. La recourante ne souffre pas non plus d'une perte d'intégration sociale dans toutes les manifestations de la vie: elle a des contacts téléphoniques avec sa famille restée au Portugal et dit s'amuser à s'occuper de ses petits-enfants, ainsi qu'avoir une vraie amie. La dysthymie constatée tant par le Docteur G________ que par le SMR Léman, au demeurant sans influence sur la capacité de travail et de gain, n'est pas cristallisée, de sorte qu'une amélioration de l'état de la recourante est envisageable. Un traitement adéquat de ce problème n'est pas d'emblée voué à l'échec. A nouveau, il n'est pas remis en question que la recourante souffre de troubles médicaux. Toutefois, il n'apparaît à aucun moment que ceux-ci soient plus sévères, plus chroniques ou plus insupportables pour la recourante que pour d'autres personnes souffrant des mêmes maux. Au contraire, le Docteur G________ relève un décalage entre les plaintes de la recourante et ses constatations objectives. D'ailleurs, l'expert reconnait une pleine capacité de travail à la recourante, ce qui est admis par le médecin traitant sur le plan physique.

En conséquence, le Tribunal de céans constate que la qualification des souffrances de la recourante en tant que syndrome somatoforme douloureux persistant ou chronique n'est pas définitivement établie. Quand bien même elle le serait, le syndrome ne serait pas invalidant au sens de la jurisprudence précitée, car non accompagné de facteurs aggravants. La décision de l'OCAI du 12 janvier 2007 doit être confirmée.

Il n'est donc plus utile de se pencher plus avant sur la question du droit aux mesures de réadaptation professionnelle, car celles-ci sont réservées aux assurés invalides ou menacés d'invalidité (art. 8 al. 1 LAI), ce qui n'est pas le cas de la recourante.

La loi fédérale du 16 décembre 2005 modifiant la loi fédérale sur l'assurance-invalidité est entrée en vigueur le 1er juillet 2006 (RO 2006 2003), apporte des modifications qui concernent notamment la procédure conduite devant le Tribunal cantonal des assurances (art. 52, 58 et 61 let. a LPGA). En particulier, la procédure de recours en matière de contestations portant sur l'octroi ou le refus de prestations de l'AI devant le Tribunal de céans est désormais soumise à des frais de justice, qui doivent se situer entre 200 fr. et 1'000 fr. (art. 69 al. 1 bis LAI). En l'espèce, le présent cas est soumis au nouveau droit (ch. II let. c des dispositions transitoires relatives à la modification du 16 décembre 2005).

La recourante succombant dans ses conclusions, il convient de mettre à sa charge un émolument de 200 fr.

 


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

A la forme :

Déclare le recours recevable

Au fond :

Le rejette.

Met un émolument de 200 fr. à la charge de la recourante .

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Yaël BENZ

 

La présidente

 

 

 

 

Isabelle DUBOIS

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le