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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2801/2017

ATAS/127/2019 du 18.02.2019 ( LAA ) , REJETE

Recours TF déposé le 20.03.2019, rendu le 01.10.2019, ADMIS, 8C_103/2019, 8C_193/2019
En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2801/2017 ATAS/127/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 18 février 2019

10ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, c/o Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (TPAE), rue des Glacis-de-Rive 6, GENÈVE, mais élisant domicile en l'Étude de son curateur, Maître Philippe JUVET

recourant

 

contre

 

HELSANA ACCIDENTS SA, Droit & Compliance, sise avenue de Provence 15, Lausanne

intimée

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né le ______ 1963, travaillait, depuis le 1er février 2000, en qualité de concierge pour la compte du propriétaire de l’immeuble sis rue B______ _______. A ce titre, il était assuré contre les accidents – professionnels ou non – auprès de Helsana Accidents SA (ci-après : l’assurance).

2.        Parallèlement à son activité de concierge, l’assuré était également gérant d’un restaurant, « C______ », sis _______, rue de B______.

3.        Le 10 novembre 2013, alors qu’il terminait ses tâches de conciergerie dans l’immeuble sis ______, rue B______, l’assuré a été informé par une connaissance qu’un individu venait de voler une veste qui se trouvait dans sa voiture. L’assuré a rejoint le témoin qui lui a montré l’individu en question. L’assuré a alors apostrophé celui-ci et a tenté de récupérer sa veste. Dans ce contexte, le voleur lui a asséné plusieurs coups de couteau à la gorge. L’assuré s’est alors effondré, inconscient.

4.        Une procédure pénale P/______/2013 a été ouverte suite à cet événement.

5.        L’assuré a immédiatement été emmené aux hôpitaux universitaires de Genève (HUG), où il a été opéré en extrême urgence.

Le 10 novembre 2013, les médecins du service de chirurgie cardio-vasculaire ont ainsi procédé à la réparation d’une brèche au niveau de l’artère carotide externe.

Le même jour, les médecins du service ORL ont effectué une cervicotomie exploratrice et une laryngo-pharyngoscopie.

Après ces interventions en urgence, l’assuré est, dans un premier temps, resté stable mais il a soudainement présenté une mydriase à gauche, aréactive, raison pour laquelle un CT cérébral a été effectué. Cet examen a montré une occlusion de l’artère carotide commune gauche, interne gauche et sylvienne gauche, responsable d’une lésion ischémique touchant le territoire sylvien profond et superficiel.

L’assuré a ainsi été transféré au service de neurochirurgie, où les médecins ont procédé, le 12 novembre 2013, à une une crâniectomie décompressive fronto-pariéto-temporale gauche avec mise en place d’un capteur de PIC frontal gauche.

6.        Par ordonnance du 15 novembre 2013, le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant a instauré une curatelle de portée générale au profit de l’assuré, laquelle a été confiée à son conseil.

7.        L’assuré a été hospitalisé aux soins intensifs des HUG du 10 au 28 novembre 2013. Par la suite, il a séjourné au service de neurochirurgie du 28 novembre au 11 décembre 2013, date à laquelle il a été transféré à l’hôpital de Beau-Séjour pour une neuro-rééducation intensive.

8.        Cliniquement, suite à l’événement du 10 novembre 2013 et aux complications qui s’en sont suivies, l’assuré a présenté un hémisyndrome sensitivo-moteur droit avec plégie du bras droit (mouvements possibles de la jambe droite sur douleurs), parésie faciale probable et plégie brachiale, aphasie globale avec troubles de la compréhension et absence de communication verbale, ptose palpébrale gauche sur probable lésion du III, syndrome tétrapyramidal à prédominance droite et troubles de la respiration, troubles de la déglutition traités par trachéotomie le 27 novembre 2013, crises épileptiques et troubles de la vigilance.

9.        L’assurance a pris en charge les suites de l’accident du 10 novembre 2013.

10.    Le 20 janvier 2014, à la demande de l’assurance, la police a transmis son rapport établi le 11 novembre 2013. Les deux témoins entendus ont expliqué ce qui suit.

Monsieur D______ a expliqué avoir passé une partie de la soirée dans le restaurant de l’assuré. Lorsqu’il était sorti du restaurant, il avait vu un homme s’introduire dans le véhicule de l’assuré et s’emparer d’une veste sans doute située sur la banquette arrière. Il avait ensuite vu cet homme enfiler la veste dérobée puis remettre la sienne, (par-dessus). Il avait alors avisé, par téléphone, l’assuré qui était arrivé très remonté. L’assuré avait demandé au voleur ce qu’il avait dérobé. Le voleur avait alors déboutonné sa veste et l’avait laissée tomber au sol, laissant apparaître la veste volée. Alors qu’il était en train d’ôter cette seconde veste, l’assuré s’était impatienté et il la lui avait arrachée. Le voleur avait alors violemment réagi, frappant l’assuré de ses deux mains au niveau de l’épaule droite et du cou. En tentant de s’interposer, le témoin avait été blessé à la main gauche, comprenant immédiatement que le voleur utilisait un couteau. Le témoin avait alors fait demi-tour pour aller chercher de l’aide au poste de police et, en se retournant une dernière fois, il avait vu l’assuré avec une longue barre de fer à la main. Il était revenu sur ses pas plus tard et avait retrouvé l’assuré baignant dans son sang, entouré de personnes qui tentaient désespérément de lui sauver la vie.

Monsieur E______, qui habitait dans un des immeubles situés à côté du lieu de l’agression, a été alerté par le bruit d’une dispute. Depuis sa fenêtre, il avait vu l’assuré, qui se tenait la gorge avec une main, empoigner une barre de fer, à savoir un poteau de signalisation de chantier. Le voleur avait, quant à lui, un panneau de signalisation rectangulaire qu’il avait lancé sur le thorax de l’assuré. Celui-ci avait alors poursuivi le voleur sur quelques mètres avant de faire demi-tour, récupérer sa veste et s’effondrer.

11.    Le 10 février 2014, l’assuré a bénéficié d’une remise du volet crânien autologue gauche.

12.    En raison d’une infection sous-cutanée sous durale en regard du volet crânien autologue fronto-temporo-pariétal gauche, celui-ci a été retiré le 21 février 2014.

13.    Ces interventions ont nécessité une hospitalisation au service de neurochirurigie du 10 au 13 février puis à nouveau du 20 au 26 février 2014, l’assuré séjournant sinon à l’hôpital de Beau-Séjour.

14.    Par décision du 7 mars 2014, l’assurance a réduit l’indemnité journalière de moitié à compter du 13 novembre 2013. En effet, au vu du déroulement de l’altercation, le risque de bagarre était objectivement reconnaissable par l’assuré, de sorte que, conformément aux dispositions légales applicables, l’assurance était autorisée à réduire les prestations en espèces de 50%.

15.    Sur opposition de l’assuré, l’assurance a suspendu la procédure de décision sur opposition jusqu’à droit connu au niveau pénal.

16.    Le 28 mars 2014, l’assuré a été transféré à l’hôpital de Bellerive pour rééducation multidisciplinaire de son hémiplégie droite, des troubles de la déglutition et de l’aphasie globale.

17.    Le 6 août 2014, il a bénéficié d’une nouvelle crânioplastie fronto-parieto-temporale par volet en PEEK, en raison de laquelle il a été hospitalisé au service de neurochirurgie du 5 au 11 août 2014 avant de retourner à l’hôpital de Bellerive.

18.    Par décision du 8 avril 2015, l’office de l’assurance-invalidité de Genève (OAI) a mis l’assuré au bénéfice d’une rente d’invalidité entière à compter du 1er novembre 2014.

19.    Le 16 juillet 2015, il a été transféré au Foyer handicap F______. A cette date, les diagnostics étaient les suivants : AVC ischémique gauche sur occlusion de l’artère carotidienne d’origine traumatique, le 10 novembre 2013 ; insuffisance rénale chronique ; troubles de la marche péjorés sur probable augmentation de la spasticité du membre inférieur droit ; troubles de la déglutition et aphasie ; constipation et fécalomes à répétition ; atrophie du nerf optique gauche ; hyposphagma nasal de l’œil gauche sans signe de gravité ; collection de liquide céphalorachidien en regard du volet crânien gauche, syndrome dépressif et hétéro-agressivité, gingivite sévère.

20.    Par décision du 30 septembre 2015, l’assurance a octroyé à l’assuré une allocation pour impotent, qui a été réduite de 50% en application de la décision du 7 mars 2014, sous réserve toutefois du résultat de la procédure pénale en cours.

21.    Le 5 octobre 2015, l’assuré a formé opposition à l’encontre de la décision précitée en tant qu’elle réduisait de 50% l’allocation pour impotent octroyée.

22.    Par décision du 25 novembre 2016, l’assurance a mis un terme au versement de l’indemnité journalière avec effet au 31 octobre 2016 et mis l’assuré au bénéfice d’une rente d’invalidité de 100% et d’une rente complémentaire de 20% à compter du 1er novembre 2016. Par ailleurs, une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 90%, de CHF 113'400.-, lui a également été accordée, étant précisé que le montant de l’allocation pour impotent a été mis à jour. L’ensemble de ces prestations a toutefois été réduit de moitié, sous réserve du résultat de la procédure pénale en cours.

23.    Ne comprenant pas quelle pourrait avoir été l’entreprise téméraire à laquelle il aurait participé et qui pourrait justifier la réduction de 50%, l’assuré, par la plume de son curateur, s’est opposé à la décision du 25 novembre 2016 par courrier du 29 novembre 2016.

24.    Par décision sur opposition du 29 mai 2017, l’assurance a rejeté les oppositions et confirmé les décisions des 7 mars 2014, 30 septembre 2015 et 25 novembre 2016, considérant qu’au vu du rapport de police du 11 novembre 2013 reçu le 20 janvier 2014, l’assuré avait participé à une rixe au sens du droit des assurances sociales, de sorte que la réduction de 50% était justifiée.

25.    Le 27 juin 2017, l’assuré (ci-après : « le recourant »), représenté par son curateur, a interjeté recours contre la décision sur opposition précitée, concluant sous suite de frais et dépens, préalablement, à la suspension de la procédure jusqu’à droit connu dans la procédure pénale et, principalement, à l’annulation de la décision sur opposition en tant qu’elle confirme les décisions des 7 mars 2014, 30 septembre 2015 et 25 novembre 2016 réduisant par moitié les prestations d’assurance. Subsidiairement, il a conclu au renvoi de la cause à l’assurance pour nouvelle décision, laquelle devait constater son droit à des prestations pleines et entières.

A l’appui de ses conclusions, le recourant a notamment considéré qu’il n’était nullement établi que son agresseur aurait été en train de quitter les lieux suite au vol et préalablement à celle-ci. Il n’était pas non plus établi qu’il en serait venu aux mains lors de l’agression ou préalablement à l’agression, à savoir qu’il aurait adopté un comportement activement agressif et physique à l’encontre de son agresseur. Au demeurant, le Ministère public n’avait retenu à son encontre ni l’infraction de rixe ni un autre comportement répréhensible pénalement. Au contraire, une disproportion évidente entre son attitude et la réaction extraordinaire et imprévue de son agresseur, à savoir une agression au couteau, ressortait clairement du dossier. L’assurance ne pouvait ainsi retenir qu’il avait participé à une rixe ou à une bagarre au sens des assurances sociales dans la mesure où il ne pouvait aucunement prévoir ou se rendre compte qu’il recevrait un coup de couteau. La réaction de l’agresseur était d’une telle violence et d’une telle disproportion qu’elle suffisait à interrompre le lien de causalité adéquate.

26.    Par ordonnance du 5 juillet 2017, la chambre de céans a requis l’apport de la procédure pénale P/17201/2013.

Il en ressort notamment ce qui suit :

-        Le jour-même de l’agression, Monsieur E______ a été entendu par la police. A cette occasion, il a expliqué que depuis son appartement, il avait entendu du bruit dans la rue et avait vu deux personnes qui criaient. L’assuré avait déjà reçu le coup de couteau à ce moment-là et criait contre son agresseur. L’assuré se tenait la gorge avec une main et une barre de fer (poteau de chantier) dans l’autre main. L’agresseur, qui tenait un panneau de chantier, a lancé cet objet sur l’assuré qui a tenté de l’esquiver, sans y parvenir. L’assuré a couru derrière l’agresseur et lui a donné un coup avec la barre de fer. Ensuite, il est retourné vers le point de départ, a pris sa veste au sol, là où il avait précédemment pris la barre de fer, et s’est effondré par terre (procès-verbal d’audition de Monsieur E______ du 10 novembre 2013).

-        Entendu par la police le lendemain de l’agression, Monsieur D______ a expliqué qu’il avait vu un individu prendre la veste de l’assuré dans son véhicule garé aux alentours du ______, rue B______. Par la suite, l’individu s’était éloigné en direction de B______ puis il était revenu sur ses pas et avait fait mine de chercher quelque chose dans la voiture du recourant. Il était ensuite reparti en direction de Plainpalais. A l’angle de la rue du G______, l’individu s’était arrêté et avait enfilé la veste volée puis une jaquette en laine par-dessus. Il avait ensuite traversé la rue du G______ et avait marché en direction de la rue Prévost-Martin. Monsieur D______ l’avait alors suivi et s’était également engagé dans la rue du G______. Pendant ce temps, il avait tenté de joindre à plusieurs reprises l’assuré. Lors du troisième appel, Monsieur D______ avait pu expliquer au recourant ce à quoi il venait d’assister. L’assuré, qui terminait son travail de conciergerie au ______, rue B______ l’avait alors rejoint. Il était très remonté. Monsieur D______ n’avait pas pu désigner le voleur immédiatement. Voyant une personne traverser la route, l’assuré l’avait prise pour le voleur et s’était dirigé vers elle. A un moment donné, le témoin avait constaté que l’assuré se trompait de personne et que le voleur se trouvait en réalité de l’autre côté de la rue. L’assuré, « qui était déjà bien remonté », s’était approché de l’homme et lui avait demandé ce qu’il avait pris dans sa voiture. Le voleur avait répondu une phrase telle que « parle-moi en anglais » ou « je ne parle pas anglais ». L’assuré avait alors explosé et insulté le voleur en portugais. Il lui avait dit, dans un mélange de français et de portugais, « rends-moi ma veste », tout en touchant la veste du voleur au niveau du ventre. Alors que le voleur déboutonnait sa veste, l’assuré lui avait dit, d’un ton agressif « ça, c’est ma veste, rends-la moi ». Le voleur avait obtempéré. Alors qu’il avait à moitié enlevé la veste de l’assuré, celui-ci s’était impatienté et la lui avait arrachée. Le voleur avait alors violemment réagi, frappant l’assuré des deux mains. Le témoin avait essayé de s’interposer en mettant sa main entre le voleur et l’assuré mais il avait reçu un coup et suite à cela sa main saignait. Il avait immédiatement pensé à un couteau et avait crié à l’assuré « attention, il a un couteau ». Alors qu’il s’éloignait pour chercher de l’aide au poste de police, le témoin s’était retourné et avait vu l’assuré, sur le trottoir, avec une longue barre de fer à la main. Lorsqu’il était revenu, le témoin avait retrouvé l’assuré, étendu sur le ventre sur la chaussée, en face de l’immeuble où avait commencé la bagarre (procès-verbal d’audition de Monsieur D______ du 11 novembre 2013).

-        Le témoin précité a une nouvelle fois été entendu par la police le 12 novembre 2013. A cette occasion, il a expliqué que l’assuré l’avait rejoint et avait demandé au voleur de lui rendre sa veste. S’impatientant, il avait « arraché » la veste. Le témoin avait appelé la police juste après que la bagarre avait commencé. L’agresseur n’avait pas ouvert spontanément sa veste. En effet, c’était l’assuré qui avait saisi le bas de sa veste et lui avait dit en français « Rends-moi ma veste. Tu as volé ma veste ». Ce n’était qu’à ce moment-là que l’individu avait commencé à ouvrir sa veste. Le témoin a encore ajouté qu’il avait omis de préciser lors de la première audition qu’au début de l’agression, l’assuré avait saisi un vélo qui se trouvait vers le chantier et qu’il l’avait jeté sur l’agresseur, lequel avait déjà commencé à gesticuler. C’était lorsque le témoin avait voulu défendre l’assuré et qu’il avait été blessé à la main gauche que l’assuré avait saisi le vélo et qu’il l’avait lancé sur l’agresseur au niveau du torse (procès-verbal d’audition de Monsieur D______ du 12 novembre 2013).

-        Au dossier pénal figurait également le plan des lieux :

 

 

27.    Le 16 août 2017, la chambre de céans a suspendu l’instruction de la cause, comme requis par les parties.

28.    Par courrier du 8 mai 2018, l’assuré a transmis à la chambre de céans le dispositif du jugement du Tribunal correctionnel du 7 mai 2018, dont il ressort que l’auteur de l’agression a notamment été reconnu coupable de tentative de meurtre et condamné à une peine d’emprisonnement de 7 ans, sous déduction de 411 jours de détention avant jugement, dont 85 jours de détention extraditionnelle.

29.    Le 4 juin 2018, le recourant a transmis à la chambre de céans le procès-verbal de l’audience du Tribunal correctionnel du 7 mai 2018 ainsi que la copie du rapport d’expertise psychiatrique relatif à l’auteur de l’agression.

Selon l’expertise psychiatrique du 21 novembre 2017, réalisée à la demande du Ministère public, l’agresseur avait déclaré au médecin examinateur qu’il avait dérobé des sacs de commissions et une veste dans une voiture. Peu de temps après, l’assuré, rejoint par Monsieur D______, était venu à sa rencontre et lui avait demandé de lui rendre sa veste et des bières laissées dans la voiture. Au départ, la discussion était calme. Subitement, les deux hommes étaient devenus agressifs et l’un d’eux avait commencé à vérifier le contenu des poches de la veste volée tout en se rapprochant de l’agresseur. Se sentant menacé, celui-ci avait sorti son couteau et agressé au niveau du cou l’assuré avant de s’en prendre à Monsieur D______, qui s’approchait de lui avec des intentions également agressives.

Selon l’expert, au moment des faits, l’agresseur souffrait d’un trouble schizotypique assimilable à un grave trouble mental, dont la sévérité était moyenne. Il rencontrait par ailleurs également une dépendance au cannabis de sévérité légère à modérée. Sa responsabilité était moyennement restreinte au moment des faits, qui étaient en rapport avec son état mental.

30.    Par ordonnance du 5 juin 2018, la chambre de céans a ordonné la reprise de l’instruction de la présente cause.

31.    Le 13 juin 2018, le recourant a transmis à la chambre de céans la motivation du jugement de la Cour correctionnelle. Il en ressort notamment que les éléments constitutifs de légitime défense n’étaient pas remplis dans la mesure où le voleur n’avait pas fait l’objet d’une attaque illicite du recourant et de Monsieur D______, lesquels désiraient uniquement récupérer la veste. C’était au contraire le prévenu qui avait provoqué ces réactions par le vol préalable de la veste.

32.    Le 5 juillet 2018, l’assurance (ci-après : l’intimée) a répondu et a conclu au rejet du recours. Sur le fond, elle a notamment cité la jurisprudence fédérale récente, selon laquelle il suffit que l’assuré se rende dans une zone de danger, dont il devait avoir conscience, sans qu’il ne la crée nécessairement, pour qu’il y ait participation à une rixe ou à une bagarre. Or, il ressort du rapport de police que le recourant avait apostrophé le voleur. Une rixe ou une bagarre s’en était suivie. Le recourant avait donc été l’un des principaux initiateurs de la rixe ou bagarre en poursuivant le voleur et en réclamant sa veste alors que le vol avait déjà été effectué et que le voleur quittait les lieux. L’attitude du recourant était donc la cause essentielle de la bagarre. S’il n’avait pas cherché à récupérer sa veste en poursuivant le voleur, en l’interpellant, en arrachant son vêtement des mains du voleur et en en venant aux mains, il n’aurait pas été blessé. Il aurait au contraire dû reconnaître le danger de tels agissements, ce d’autant plus que le voleur était en train de rendre sa veste à l’assuré, qui avait même eu le temps de se munir d’une barre de fer, ce qui augmentait le risque d’escalade. La réduction était par conséquent justifiée.

33.    Le 17 septembre 2018, le Tribunal correctionnel a transmis à la chambre de céans la suite de la procédure, dont notamment les procès-verbaux des audiences devant le Ministère public. Il en ressort notamment ce qui suit.

-        Devant le Ministère public Monsieur D______ a expliqué que lorsque l’assuré l’avait rejoint, celui-ci, habituellement calme, était nerveux étant donné que sa veste avait été volée. Lorsque l’assuré avait demandé au voleur de lui rendre sa veste, celui-ci s’était exécuté lentement, déboutonnant en premier lieu tranquillement la jaquette en laine qu’il avait mise par-dessus la veste de l’assuré. Alors que le voleur était en train d’enlever la manche de la veste en jean de l’assuré, celui-ci lui avait poussé le bras pour qu’il se dépêche, comme pour dire « va plus vite ». Immédiatement, le voleur avait fait des gestes d’attaque de haut en bas avec les poings levés à la hauteur de la tête de l’assuré, comme une personne prise de folie. Monsieur D______ avait alors levé ses mains, paumes ouvertes, à hauteur de la tête pour protéger l’assuré et lui-même lorsqu’il avait senti quelque chose lui couper la main. Il avait alors averti l’assuré et était parti en courant pour prévenir la police. Lorsqu’il s’était retourné, il avait vu l’assuré tenir une barre de fer (procès-verbal d’audition du 5 septembre 2017).

-        Egalement entendu, Monsieur E______ a expliqué avoir entendu, depuis son appartement, des bruits dans la rue, une discussion au cours de laquelle l’une des personnes disait « où est mon argent, rends-moi mon sac ! ». Il s’était alors approché de la fenêtre et avait vu l’assuré qui tenait une barre de fer d’une main et son cou de l’autre. L’assuré a alors couru quelques mètres derrière le voleur avec ladite barre mais avait dû la lâcher. Il avait ensuite fait demi-tour et était tombé à côté des voitures (procès-verbal d’audition du 5 septembre 2017).

-        Entendu par le Ministère public le 23 janvier 2018, l’expert psychiatre a notamment précisé que la proximité physique du recourant avait pu déclencher brutalement l’anxiété chez le voleur (procès-verbal d’audition du 23 janvier 2018).

34.    Le 5 octobre 2018, l’intimée a confirmé ses conclusions suite à la consultation du dossier pénal.

35.    Par réplique du 5 novembre 2018, le recourant a contesté s’être battu lors d’une rixe. Il ne pouvait pas se rendre compte qu’il pourrait subir des blessures. Son attitude n’était pas la cause essentielle de la bagarre. Il n’avait pas saisi la barre de fer alors que le voleur était en train de lui rendre la veste. Au contraire, il s’en était saisi, ainsi que du vélo, après avoir reçu les coups de couteaux à la gorge. Par ailleurs, l’agresseur avait été condamné pour tentative de meurtre et non pas pour participation à une rixe ou à une bagarre.

36.    Dans sa duplique du 22 novembre 2018, l’intimée a rappelé que la notion de « participation à une rixe » n’était pas identique en droit pénal et en assurances sociales, le fait de se rendre dans une zone de danger, dont l’assuré devait avoir conscience, étant suffisant dans le cas d’espèce.

37.    Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        À teneur de l'art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-accidents, à moins que la loi n'y déroge expressément.

Toutefois, les modifications légales contenues dans la LPGA constituent, en règle générale, une version formalisée dans la loi de la jurisprudence relative aux notions correspondantes avant l'entrée en vigueur de la LPGA; il n'en découle aucune modification du point de vue de leur contenu, de sorte que la jurisprudence développée à leur propos peut être reprise et appliquée (ATF 130 V 343 consid. 3).

3.        Le délai de recours est de 30 jours (art. 60 al. 1 LPGA). Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable, en vertu des art. 56ss LPGA.

4.        Le litige porte sur le point de savoir si l'assureur était fondé à réduire ses prestations en espèces pour participation à une rixe ou une bagarre.

5.        a. L’art. 21 al. 1 LPGA prévoit une réduction, voire un refus (temporaire ou définitif), des prestations en espèces si l'assuré a aggravé le risque assuré ou en a provoqué la réalisation intentionnellement ou en commettant intentionnellement un crime ou un délit.

À teneur de l'art. 39 LAA, le Conseil fédéral peut désigner les dangers extraordinaires et les entreprises téméraires qui, dans l'assurance des accidents non professionnels, motivent le refus de toutes les prestations ou la réduction des prestations en espèces. La réglementation des cas de refus ou de réduction peut déroger à l’art. 21 al. 1 à 3 LPGA. En application de cette délégation de compétence, le Conseil fédéral a édicté l'art. 49 OLAA. Selon l’alinéa 2 de cette disposition, les prestations en espèces sont réduites au moins de moitié en cas d'accident non professionnel survenu - notamment - en cas de participation à une rixe ou à une bagarre, à moins que l'assuré ait été blessé par les protagonistes alors qu'il ne prenait aucune part à la rixe ou à la bagarre, ou qu'il venait en aide à une personne sans défense (let. a), en cas de dangers auxquels l'assuré s'expose en provoquant gravement autrui (let. b).

b/aa. Par rixes et bagarres, il faut entendre une querelle violente accompagnée de coups ou une mêlée de gens qui se battent. La notion de rixe dans l’assurance-accidents est donc plus large que celle de l'art. 133 CPS (ATF 107 V 234 consid. 2a). Elle est toutefois apparentée aux éléments constitutifs de la rixe de cette disposition pénale (RUMO-JUNGO, Die Leistungsverkürzung oder -verweigerung gemäss Artikel 37-39 UVG p. 264). Par conséquent, il doit s’agir d’une altercation physique entraînant la mort d’une personne ou une lésion corporelle, les moyens physiques pour se battre étant sans importance. Il peut s’agir de mains nues, pierres, objets ou armes (CORBOZ, Les infractions en droit suisse, Tome I, p. 193 à 195). Il y a participation à une rixe ou à une bagarre, non seulement quand l'assuré prend part à de véritables actes de violence, mais déjà s'il s'est engagé dans l'altercation qui les a éventuellement précédés et qui, considérée dans son ensemble, recèle objectivement le risque qu'on pourrait en venir à des actes de violence. Celui qui participe à la dispute, avant que ne commencent les actes de violence proprement dits, se met automatiquement dans la zone de danger exclue de l'assurance (ATF 107 V 234 et ATF 99 V 9; RJAM 1976, N° 267 p. 206). Doit ainsi être qualifié de participation tout comportement qui, considéré objectivement, comprend le risque de déboucher sur des voies de fait ou d’en entraîner (RAMA 2005 n° U 553 p. 311). Il n'est ainsi pas nécessaire que l'assuré ait eu un comportement fautif, pas plus qu'il n'est déterminant de savoir qui est à l'origine de la rixe et pour quel motif l'assuré a pris part à la dispute, s'il a donné des coups ou n'a fait qu'en recevoir. Seul est décisif le fait que l'assuré pouvait ou devait reconnaître le danger d’un conflit physique (RAMA 2005 n° U 553 p. 311 et RAMA 1991 n° U 120 p. 85).

b/bb. La réduction des prestations au sens de l'art. 49 al. 2 let. a OLAA suppose également qu'entre le comportement de l'assuré, qui doit être qualifié de participation à une rixe ou une bagarre, et le dommage survenu, il existe un lien de causalité. Pour juger du lien de causalité, il convient de déterminer rétrospectivement, en partant du résultat qui s'est produit, si et dans quelle mesure l'attitude de l'assuré apparaît comme une cause essentielle de l'accident (SVR 1995 UV n° 29 p. 85). À cet égard, les diverses phases d'une rixe forment un tout et ne peuvent être considérées indépendamment l'une de l'autre (arrêt du Tribunal fédéral des assurances 1964 p. 75). Si l'attitude de l'assuré - qui doit être qualifiée de participation à une rixe ou à une bagarre - n'apparaît pas comme une cause essentielle de l'accident ou si la provocation n'est pas de nature, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, à entraîner la réaction de violence, l'assureur-accidents n'est pas autorisé à réduire ses prestations d'assurance. Une telle réduction ne se justifie que si la personne assurée a reconnu ou devait reconnaître le risque de s'exposer à un danger (voir notamment FRÉSARD / MOSER-SZELESS, L'assurance-accidents obligatoire in : Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, 2ème éd., 2007, no 319 et ss, et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_363/2010 du 29 mars 2011).

Dans un arrêt 8C_750/2013 du 23 octobre 2014, le Tribunal fédéral a considéré que le seul fait que le moyen utilisé par l’auteur de l’agression n'est pas proportionné à la situation, n’est pas de nature à interrompre le lien de causalité adéquat qui existe entre l'attitude de l’assuré et l'atteinte dont il a été victime. Pour cela, il faut des circonstances particulières qui permettent de qualifier la réaction de l'auteur de l'atteinte de tellement extraordinaire, inattendue et disproportionnée qu'elle relègue à l'arrière-plan le rôle causal joué par le comportement de la victime dans le contexte de l'altercation. A titre d’exemple, le Tribunal fédéral s’est référé à son arrêt 8C_363/2010 du 29 mars 2011 dans lequel un père a tiré sur sa fille avec un revolver après que celle-ci fut entrée dans la chambre où le père s'était retiré pour éviter la poursuite d'une discussion orageuse entre eux.

Par ailleurs, le Tribunal fédéral a également considéré que dans un contexte de rixe, l'usage d'une arme dangereuse par un participant, tel un couteau, est une éventualité qui ne peut pas être exclue selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie. A partir de là, le fait que la rixe entraîne des lésions corporelles graves, voire la mort d'homme, n'est pas si imprévisible ou si exceptionnel pour qu'il soit propre à rompre le lien de causalité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_788/2016 du 20 novembre 2017 consid. 5.2).

c. En résumé, un assuré n'aura droit à la totalité des prestations légales que dans la mesure où il est établi que, sans avoir au préalable joué un rôle dans le différend, il a été pris à partie par les participants (Rumo-Jungo, op.cit., p. 264).

d. Il a notamment été considéré que les personnes suivantes se sont mises dans la zone de danger exclue de l’assurance (RUMO-JUNGO / HOLZER, Bundesgesetz über die Unfallversicherung, 2012, p. 217) : l’assuré qui a eu une altercation avec l’amant de son épouse, altercation ayant commencé par un échange de mots et continué avec des coups donnés par l’assuré à l’amant, même si l’amant n’a pas été violent à l’encontre de l’assuré ; celui qui fait la tournée des restaurants un dimanche après-midi et croise à plusieurs reprises la même personne, qui passe son temps de la même manière, personne avec laquelle il échange des insultes, une tierce personne devant même intervenir pour les séparer ; celui qui bouscule une personne sortant de la cantine et qui cherche ensuite la bagarre avec deux collègues. Il a été considéré que les personnes suivantes avaient participé à une rixe ou à une bagarre : celui qui se débat et commet des voies de faits afin d’éviter que les policiers et le médecin n’entrent dans sa maison ; celui qui se mêle d’une dispute, en tant que médiateur, et qui se laisse entraîner dans un échange de mots avec l’une des parties, qui la suit dans le couloir, la retient ensuite par la veste et qui ne lâche pas malgré la demande dans ce sens ; celui qui, avec un groupe qui importune les passagers d’une voiture, se laisse entraîner dans un échange verbal, dans le but d’intervenir contre l’intimidation et qui se fait par la suite tabasser avec des planches de bois, sans pouvoir se défendre.

6.        En ce qui concerne la preuve, le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b et ATF 125 V 195 consid. 2 ainsi que les références; cf. ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a ; ATF 111 V 188 consid. 2b).

Le juge des assurances sociales n'est lié par les constatations et l'appréciation du juge pénal ni en ce qui concerne la désignation des prescriptions enfreintes, ni quant à l'évaluation de la faute commise. En revanche, il ne s'écarte des constatations de fait du juge pénal que si les faits établis au cours de l'instruction pénale et leur qualification juridique ne sont pas convaincants, ou s'ils se fondent sur des considérations spécifiques du droit pénal, qui ne sont pas déterminantes en droit des assurances sociales (ATF 125 V 242 consid. 6a et les références).

7.        a. A titre liminaire, la chambre de céans relève que la gravité des atteintes et l’obligation de prester de l’intimée ne sont aucunement remises en question. Seule demeure litigieuse la question de savoir si l’intimée était autorisée à réduire ses prestations de moitié au motif que le recourant aurait participé à une rixe ou à une bagarre.

Dans ce contexte, c’est le lieu de rappeler que la notion de rixe au sens des assurances sociales est plus large que celle du droit pénal. Il y a participation à une rixe ou bagarre au sens de l'art. 49 al. 2 let. a OLAA même s'il n'y a pas eu de contact physique entre les protagonistes et que l'assuré ne portait pas d'arme (voir notamment les faits à l’origine de l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_750/2013 du 23 octobre 2014). Concrètement, tout comportement qui, considéré objectivement, comprend le risque de déboucher sur des voies de faits ou d’en entraîner doit être qualifié de participation à une rixe ou à une bagarre (RAMA 2005 n° U 553 p. 311).

La seule question qui se pose dès lors, dans le cas d’espèce, est celle de savoir si l’assuré pouvait ou devait reconnaître le danger d’un conflit physique.

b/aa. En l’espèce, il ressort du dossier pénal que Monsieur D______ a vu un individu prendre la veste du recourant dans son véhicule, garé aux alentours du ______, rue B______ (emplacement n° 1 sur le plan ci-dessous). Monsieur D______ l’a suivi tout en appelant le recourant pour l’informer de ce qui précède. Le recourant, qui terminait son travail de conciergerie au ______ rue B______ (emplacement n° 8 sur le plan ci-dessous) a alors rejoint Monsieur D______, semble-t-il au niveau du ______, rue G______ (emplacement n° 4 sur le plan ci-dessous).

En d’autres termes, l’individu avait déjà quitté les lieux du vol (emplacement n° 1 sur le plan ci-dessus) et il était en train de s’éloigner lorsque le recourant l’a rejoint (emplacement n° 4 sur le plan ci-dessus), après avoir parcouru 70 à 80 mètres entre l’immeuble dans lequel il terminait ses tâches de conciergerie (emplacement n° 8 sur le plan ci-dessus) et le lieu de l’altercation (emplacement n° 4 sur le plan ci-dessus).

En rejoignant Monsieur D______, le recourant était énervé et nerveux (« il était très remonté », « qui était déjà bien remonté »). Après s’être dirigé vers la mauvaise personne, le recourant s’est finalement approché du voleur et l’a apostrophé. Lorsque celui-ci lui a répondu en anglais, le recourant a explosé et l’a insulté en portugais. Dans un mélange de français et de portugais, le recourant lui a ensuite demandé d’un ton agressif de lui rendre sa veste, touchant celle-ci au niveau du ventre. Alors que le voleur avait déjà enlevé une manche, le recourant s’est impatienté et a arraché la veste. C’est alors que le voleur a frappé le recourant avec un couteau. Au début de l’agression, l’assuré a également saisi un vélo qu’il a lancé sur son agresseur et une barre de fer avec laquelle il aurait donné un coup selon Monsieur E______. Revenant sur ses pas, le recourant a pris sa veste et s’est effondré par terre.

Compte tenu des circonstances (rejoindre un voleur, l’apostropher de manière agressive, l’insulter, puis le bousculer), le recourant pouvait et devait se rendre compte qu’il existait un risque non négligeable que la discussion dégénère en des violences physiques. En effet, objectivement considéré, rattraper un voleur et l’enjoindre, de manière agressive et en le bousculant, à rendre l’objet volé constitue un comportement susceptible d’entraîner à tout le moins des voies de faits, le voleur étant susceptible de ne pas se laisser faire ou de se sentir menacé. En se confrontant à l’inconnu qui venait de lui voler sa veste et en l’insultant, le recourant s’est bel et placé dans une zone de danger, exclue par l’assurance, étant précisé, dans ce contexte, que l’absence de condamnation pénale n’est pas décisive (voir arrêt du Tribunal fédéral 8C_238/2018 du 22 octobre 2018, consid. 6). Le comportement du recourant ultérieurement au premier coup porté tend par ailleurs à démontrer qu’il avait choisi de faire front. En effet, il a pris un vélo et l’a lancé sur l’individu, qu’il a également poursuivi avec une barre de fer.

Partant, c’est à juste titre que l’intimée a considéré que le recourant avait participé à une rixe.

b/bb. Reste à examiner la condition du lien de causalité adéquate.

Il entre malheureusement dans le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie que d’interpeler un voleur, l’insulter et le bousculer est un comportement impliquant le risque de se faire frapper. Par ailleurs, dans un contexte de rixe, l'usage d'une arme dangereuse par un participant, comme un couteau, est une éventualité qui ne peut pas être exclue selon le Tribunal fédéral. A partir de là, le fait que la rixe entraîne des lésions corporelles graves, voire la mort d'homme, n'est pas si imprévisible ou si exceptionnel pour qu'il soit propre à rompre le lien de causalité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_788/2016 du 20 novembre 2017 consid. 5.2). En tout état, s’agissant d’une dispute avec un inconnu, la situation n’a ici rien de comparable avec l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_363/2010 du 29 mars 2011 où il s’agissait d’une querelle entre une fille et son père. En l’occurrence, le recourant n’avait aucun motif de penser que cet inconnu n’en viendrait pas aux mains.

Partant, l’attitude de l’assuré remplit également la condition de causalité.

c. En définitive, on ne se trouve pas dans la situation d’une personne qui, sans avoir au préalable joué un rôle dans le différend, a été prise à partie par le voleur. Au contraire, le recourant a initié une altercation qui, prise dans son ensemble, comportait le risque de se faire frapper.

Le fait que le droit civil autorise une personne à faire justice propre en cas de vol n’est pas pertinent, dès lors qu’en matière d’assurances sociales, est seul pertinent le fait que le comportement comporte le risque de voies de faits, et ce quels que soient les motifs ayant conduit audit comportement.

8.        Dans de telles circonstances, il convient de retenir que c’est à juste titre que l’intimée a réduit ses prestations de moitié.

Partant, le recours doit être rejeté et la décision sur opposition sera confirmée.

Pour le surplus, la procédure est gratuite.


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Florence SCHMUTZ

 

Le président

 

 

 

 

Mario-Dominique TORELLO

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le