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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3247/2013

ATAS/1246/2013 du 17.12.2013 ( PC ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3247/2013 ATAS/1246/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 17 décembre 2013

2ème Chambre

 

En la cause

Madame S__________, domiciliée à CAROUGE, représentée par VILLE DE CAROUGE Service des Affaires sociales

 

 

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLEMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENEVE

intimé

 


EN FAIT

1.        Madame S__________ (ci-après l'assurée ou la recourante), née en 1964, célibataire, est domiciliée à Genève depuis 1987. Elle est la mère de deux enfants, nés en 2000 et 2002, dont le père, domicilié dans le canton de Fribourg, est bénéficiaire d'une rente d'invalidité et de rentes complémentaires pour enfants.

2.        Elle a déposé une demande de prestations complémentaires familiales le 2 novembre 2012.

3.        L'assurée travaille en qualité de nettoyeuse. Elle a réalisé un salaire annuel net de CHF 19'570.- en 2011 et de CHF 21'216.- en 2012, puis un salaire mensuel de CHF 1'339.- en janvier 2013, CHF 2'480.- en février 2013, et CHF 1'484.- en mars 2013, réduit à CHF 470.- par mois dès le 1er avril 2013. Elle est inscrite au chômage depuis le 1er avril 2013 et la caisse de chômage a déterminé son taux d'activité à 47,75%. Elle perçoit depuis lors des prestations en cas de maladie (PCMM), son salaire étant pris en compte au titre de gain intermédiaire. Depuis le 1er mars 2013, elle bénéficie d'une allocation de logement de 4'000.- par an. Elle perçoit, pour chacun de ses enfants, des allocations familiales cantonales genevoises de CHF 3'600.- par an depuis le 1er janvier 2012. Finalement, elle reçoit de la caisse compétente du canton de Fribourg les rentes complémentaires AI de CHF 1'644.- par an et par enfant ainsi que les prestations complémentaires fédérales. Celles-ci ont été fixées globalement par an pour les deux enfants, à CHF 13'572.- dont CHF 2'232.- de subside dès le 1er janvier 2012, CHF 13'932.- dont CHF 2'232.- de subside dès le 1er février 2012, CHF 13'836.- dont CHF 2'232.- de subside dès le 1er mai 2012, CHF 17'328.- dont CHF 2'232.- de subside dès le 1er décembre 2012, CHF 17'484.- dont CHF 2'160.- de subside dès le 1er janvier 2013, CHF 14'820.- dont CHF 2'160.- de subside dès le 1er mars 2013.

4.        Par une première décision du 8 novembre 2012 confirmée sur opposition le 4 janvier 2013, le Service des prestations complémentaires (ci-après le SPC ou l'intimé) a refusé la demande au motif que seules les personnes qui n'ont pas droit aux prestations complémentaires AVS/AI fédérales ou cantonales peuvent prétendre à des prestations familiales.

5.        Par arrêt du 23 mai 2013, la Chambre de céans a annulé la décision sur opposition du 4 janvier 2013 et renvoyé la cause au SPC pour nouvelle décision. L'arrêt retient en substance que selon l’art. 36C LPCC, les prestations complémentaires familiales sont exclues lorsque le parent qui a la garde de l’enfant a droit à des prestations complémentaires fédérales ou cantonales au sens du titre II de la présente loi ou renonce à un tel droit. Les rentes ainsi que les prestations complémentaires que perçoivent les enfants de la requérante - célibataire -, qui sont liées à la rente d’invalidité de leur père domicilié à Fribourg, n’excluent pas l’assurée du cercle des bénéficiaires de prestations familiales. En effet, l’art. 36C LPCC et les travaux préparatoires ne prévoient une telle exclusion que pour le requérant qui est rentier et bénéficiaire de prestations complémentaires à sa rente AVS ou AI. Par conséquent, l’interprétation contraire que fait le SPC de l’art. 36C LPCC est contraire au texte de la loi et à son but.

6.        Par une deuxième décision du 19 juillet 2013, le SPC a refusé l'octroi de prestations complémentaires familiales à l'assurée sur la base d'un plan de calcul qui tient compte, au titre de revenus, du salaire de l'assurée, d'un revenu hypothétique, de prestations périodiques, des allocations familiales, de l'allocation de logement dès mars 2013, des indemnités de chômage dès avril 2013 et d'une pension alimentaire potentielle de CHF 16'152.-

7.        L'assurée a formé opposition le 19 août 2013. Aucune pension alimentaire ne devait être retenue, car le père des enfants était invalide et ne pouvait pas en verser. Ainsi, les rentes complémentaires pour enfants de l'AI et les prestations complémentaires y relatives, qui étaient prises en compte dans le calcul, palliaient l'impossibilité du père de contribuer à l'entretien de ses enfants. Par ailleurs, les indemnités journalières en cas de maladie que l'assurée percevait de l'assurance-chômage depuis avril 2013 étaient inférieures à celles prises en compte.

8.        Le SPC a rejeté l'opposition par décision du 11 septembre 2013. Il a revu à la baisse le montant des indemnités perçues dès avril 2013, sans que cela ouvre le droit à des prestations familiales. L’art. 36 E al. 6 LPCC prévoyait de tenir compte d’une pension alimentaire hypothétique si l’ayant-droit renonçait à faire valoir ce droit en sa faveur ou en faveur d’un enfant. En 2012 et 2013, les avances du SCARPA s’élevaient à CHF 673.- par mois et par enfant, ce qui correspondait, pour les deux enfants, au montant annualisé de CHF 16'152.- pris en compte sous la rubrique « pension alimentaire potentielle ». De jurisprudence constante, tant et aussi longtemps que les moyens de droit en vue de l’obtention d’une contribution d’entretien n’avaient pas été épuisés, l’administration devait tenir compte, dans le revenu déterminant, de la somme représentant la contribution qui pourrait être obtenue. Aucune pièce permettant d’étayer les allégations de l’assurée n’avait été produite et il n’était donc pas prouvé que le père des enfants ne soit pas en mesure de contribuer à leur entretien. Le seul fait qu’il soit bénéficiaire de prestations complémentaires n’était pas suffisant.

9.        Parallèlement, le SPC a statué sur la demande de prestations d’aide sociale de l’assurée. Après l’avoir refusée par décision du 19 juillet 2013, le SPC a partiellement admis l’opposition formée par l’assurée, par décision du 11 septembre 2013. Compte tenu de la réduction du montant des indemnités journalières dès le 1er avril 2013, l’assurée avait droit, depuis lors, à une prestation d’aide sociale de CHF 102.- par mois, dont CHF 90.- étaient affectés au paiement du subside de l’assurance-maladie du groupe familial, le solde de CHF 12.- étant versé à l’assurée.

10.    L'assurée a formé recours le 10 octobre 2013 contre la décision sur opposition concernant les prestations familiales et elle a conclu à son annulation et à ce qu’il soit constaté qu’aucune pension alimentaire hypothétique ne devait être ajoutée au revenu. Avant de rendre la décision, le SPC n’avait jamais demandé à l’assurée de fournir une pièce justificative de l’absence de pension alimentaire, ni un justificatif concernant les revenus du père. Celui-ci, à l’issue de ses études, avait été victime d’un accident et n’avait jamais exercé d’activité lucrative. Il bénéficiait depuis lors d’une rente entière d’invalidité et de prestations complémentaires. Il était par ailleurs marié, vivait avec son épouse et leurs deux jeunes enfants, nés en 2007 et 2011. C’était ainsi à juste titre que les rentes complémentaires pour enfants de l’AI et les prestations complémentaires fédérales y relatives dont bénéficiaient les deux enfants de l’assurée, par l’intermédiaire de leur père, avaient été pris en compte dans les calculs du SPC comme prestations périodiques. Ainsi, ces rentes palliaient l’impossibilité du père invalide de contribuer à l’entretien de ses enfants. La prise en compte de pensions alimentaires fictives était contraire à l’esprit de la loi cantonale, selon le message du Conseil d’Etat. Au surplus, si une pension avait été fixée, cela diminuerait le montant de la prestation complémentaire fédérale.

Selon les décisions produites par la recourante, le père de ses enfants, né en 1958 est invalide à 97% et perçoit des prestations complémentaires fédérales de CHF 3'405.- par mois.

11.    Par pli du 1er novembre 2013, le SPC a conclu au rejet du recours. Il n’était pas exclu qu’un bénéficiaire de prestations complémentaires soit astreint au paiement d’une contribution d’entretien. Le fait que les prestations complémentaires du père des enfants seraient alors modifiées n’était pas pertinent pour la présente cause, étant précisé que ces prestations seraient augmentées en raison de la dépense supplémentaire de la pension alimentaire. Seule la question de savoir si l’assurée pouvait obtenir du père des enfants une pension alimentaire était déterminant et, au vu des éléments en possession de l’administration, rien n’indiquait que tel ne pourrait pas être le cas. Il n’apparaissait pas au dossier que l’intéressée ait entrepris une quelconque démarche civile en vue d’obtenir une contribution et, comme l’avait déjà relevé la Chambre des assurances sociales, il n’appartenait pas à l’administration ou au juge administratif de se substituer au juge civil, seul compétent pour une éventuelle action alimentaire. Dans la mesure où le caractère irrécouvrable de la pension alimentaire n’avait pas été apporté, la décision était fondée.

12.    Par pli du 21 novembre 2013, l’assurée a persisté dans son recours et a sollicité que la Cour statue rapidement, compte tenu des faibles ressources de la famille.

13.    A la demande de la Cour, elle a précisé le montant des prestations complémentaires perçues.

14.    Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 3 let. a de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ; RS E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations cantonales complémentaires du 25 octobre 1968 (LPCC; RS J 4 25) concernant les prestations complémentaires familiales au sens de l’art. 36A LPCC en vigueur dès le 1er novembre 2012.

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Selon l'art. 1A LPCC, les prestations complémentaires familiales sont régies par:

a) les dispositions figurant aux titres IIA et III de la LPCC;

b) les dispositions de la loi fédérale (LPC) auxquelles la LPCC renvoie expressément, ainsi que les dispositions d'exécution de la loi fédérale désignées par règlement du Conseil d'Etat;

c) la LPGA et ses dispositions d'exécution.

3.        Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA).

4.        a) Le titre II A de la LPCC "prestations complémentaires familiales" a été adopté le 1er février 2011 et est entré en vigueur le 1er novembre 2012. Selon l'art. 1 LPCC, les familles avec enfant(s) ont droit à un revenu minimum cantonal d'aide sociale, qui leur est garanti par le versement de prestations complémentaires cantonales pour les familles (ci-après : prestations complémentaires familiales).

b) L'art. 36A al. 1 LPCC prévoit qu'ont droit aux prestations complémentaires familiales les personnes qui, cumulativement :

- ont leur domicile et leur résidence habituelle sur le territoire de la République et canton de Genève depuis 5 ans au moins au moment du dépôt de la demande de prestations (a);

- vivent en ménage commun avec des enfants de moins de 18 ans, respectivement 25 ans si l'enfant poursuit une formation (b);

- exercent une activité lucrative salariée (c);

- ne font pas l'objet d'une taxation d'office par l'administration fiscale cantonale. Le Conseil d’Etat définit les exceptions (d);

- répondent aux autres conditions prévues par la loi (e).

Selon l'al. 2, sont considérés comme enfants au sens de l'article 36A, alinéa 1, lettre b, notamment, les enfants avec lesquels existe un lien de filiation en vertu du code civil.

L'al. 4 précise que pour bénéficier des prestations, le taux de l'activité lucrative mentionnée à l'article 36A, alinéa 1, lettre c, doit être, par année, au minimum de 40% lorsque le groupe familial comprend une personne adulte et de 90% lorsque le groupe familial comprend deux personnes adultes.

c) L'art. 36C al. 1 LPCC prévoit que le droit à des prestations complémentaires fédérales, au sens de la loi fédérale, ou à des prestations complémentaires cantonales, au sens du titre II de la présente loi, ainsi que la renonciation à un tel droit, excluent le droit à des prestations complémentaires familiales.

d) S'agissant des principes et calcul de la prestation, l'art. 36D LPCC al. 1 et al. 2 précise que le montant annuel des prestations complémentaires familiales correspond à la part des dépenses reconnues au sens de l'article 36F qui excède le revenu déterminant au sens de l'article 36E, mais ne doit pas dépasser le montant prévu à l'article 15, alinéa 2. Les dépenses reconnues et les revenus déterminants des membres du groupe familial sont additionnés. Selon l'al. 3, font partie du groupe familial : l'ayant droit (a); les enfants au sens de l'art. 36A al. 2 (b); le conjoint non séparé de corps ni de fait ou le partenaire enregistré non séparé de fait au sens de la loi fédérale (c); toutes les autres personnes qui ont, à l'égard des enfants, un lien de filiation ou la qualité de parents nourriciers au sens de l'art. 36A, alinéa 2 lettre c et font ménage commun avec eux (d).

e) Selon l'art 36E al. 1 LPCC; le revenu déterminant est calculé conformément à l'article 11 de la loi fédérale, moyennant les adaptations suivantes : les ressources en espèces ou en nature provenant de l'exercice d'une activité lucrative sont intégralement prises en compte (a); le revenu déterminant est augmenté d'un cinquième de la fortune calculée en application de l'article 7 de la loi (b); les bourses d'études et autres aides financières destinées à l'instruction sont prises en compte (c); les ressources de l'enfant ou de l'orphelin à charge provenant de l'exercice d'une activité lucrative régulière sont prises en compte à raison de 50% (d). Les al. 2 à 5 prévoit les modalités de la prise en compte d'un revenu hypothétique. Selon l'al. 6, lorsque l'ayant droit, son conjoint ou son partenaire enregistré renonce à faire valoir un droit à une pension alimentaire, pour lui-même ou en faveur d'un enfant, il est tenu compte d'une pension alimentaire hypothétique, dont le montant correspond aux avances maximales prévues par la législation cantonale en matière d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires.

5.        Selon l'art. 11 al. 1 LPC, les rentes, pensions et autres prestations périodiques, y compris les rentes de l’AVS et de l’AI (let. d), les allocations familiales (let. f) et les pensions alimentaires prévues par le droit de la famille (let. h) sont notamment des revenus déterminants.

Les directives applicables aux prestations complémentaires fédérales précisent que des prestations d’entretien dues mais non versées sont entièrement prises en compte dans les revenus, à moins qu’elles ne soient irrécouvrables. La preuve du caractère irrécouvrable de la créance incombe au bénéficiaire de PC (DPC, no 3482.09). Si aucune contribution d’entretien n’a été prévue en faveur des enfants, l’organe PC doit déterminer une éventuelle obligation y relative et en fixer le montant à prendre en compte sur la base des critères précisés par les directives (pourcentage du revenu du débirentier variable selon le nombre d'enfants créanciers), le cas échéant selon les directives sur les cotisations des travailleurs indépendants et des personnes sans activité lucrative (DPC 3493.01). Celles-ci (DIN), précisent que font partie des besoins vitaux (minimum vital), à part le montant de base personnel du débiteur et les obligations d’entretien de celui-ci en vertu du droit de la famille, en particulier les frais de loyer et de chauffage, les charges sociales, ainsi que d’éventuelles dépenses professionnelles et les frais de maladie non couverts (DIN, no 3033). Pour la détermination d’une éventuelle obligation d’entretien en faveur de l’ex-conjoint ou de l’enfant, et du montant de celle-ci, l’organe PC peut, sur la base de l’art. 32 al. 1 LPGA, solliciter des autorités fiscales la déclaration d’impôt et la taxation fiscale du conjoint vivant séparé (DPC 2393.05).

Selon la jurisprudence, on peut admettre le caractère irrécouvrable d'une créance même en l'absence de démarches en vue de son recouvrement - s'il est clairement établi que le débiteur n'est pas en mesure de faire face à son obligation. Un tel fait peut ressortir en particulier d'une attestation officielle (établie par exemple par l'autorité fiscale ou par l'office des poursuites) relative au revenu et à la fortune du débiteur de la pension alimentaire (Pra 1998 Nr 12 p. 72 consid. 4; SVR 1996 EL 20 p. 59 consid. 4 et les arrêts cités). En effet, lorsque sur la base de ces preuves, il peut être établi que les pensions alimentaires sont irrécouvrables pour leur titulaire, on ne saurait exiger de sa part qu'il entreprenne une procédure de recouvrement, voire un procès civil, dans la mesure où ces démarches apparaîtraient comme dénuées de sens et ne changeraient, selon toute vraisemblance, rien au caractère irrécouvrable de la prétention (arrêt P68/02 du 11 février 2004).

6.        Selon l'art. 19 du règlement relatif aux prestations complémentaires familiales du 27 juin 2012 (RS J 4 25.04; RPCFam), lorsqu'un ayant droit ou un membre du groupe familial renonce à des éléments de revenus ou renonce à faire valoir un droit à un revenu, il est tenu compte d'un revenu hypothétique, conformément à l'article 11, alinéa 1, lettre g, de la loi fédérale. Les revenus hypothétiques suivants sont notamment pris en compte dans le revenu déterminant du groupe familial :

a) un montant correspondant à la contribution d'entretien, due par les parents en vertu du code civil suisse à un ayant droit sous contrat d'apprentissage, âgé de moins de 25 ans, vivant dans son propre ménage. Si la contribution n'est pas déterminée par une convention ou dans un jugement, le service fixe le montant en appliquant par analogie les directives fédérales concernant les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI;

b) un montant équivalent aux allocations de formation professionnelle lorsqu'un jeune adulte âgé de plus de 16 ans, mais de moins de 18 ans, ne poursuit aucune formation ou études.

Selon l'art. 4 al. 1 du règlement d’application de la loi sur l’avance et le recouvrement des pensions alimentaires du 2 juin 1986 (RARPA; E 1 25.01), dans sa teneur en vigueur dès le 1er janvier 2009, le montant de l'avance en faveur d'un enfant correspond à celui de la pension fixée par le jugement ou la convention, mais au maximum à 673 F par mois et par enfant.

7.        Il ressort des travaux préparatoires que le projet de loi sur les prestations complémentaires familiales vise à améliorer la condition économique des familles pauvres. La prestation complémentaire familiale qui leur est destinée, ajoutée au revenu du travail, leur permettra d'assumer les dépenses liées à leurs besoins de base. Le revenu hypothétique étant pris en compte dans le calcul des prestations, il constitue un encouragement très fort à reprendre un emploi ou augmenter son taux d'activité. Ainsi, la cible du projet de loi est d'améliorer la situation économique des familles pauvres qui travaillent. L'exposé des motifs indique, à propos de l'art. 36E al. 5 LPCC, qu'en vertu de l'article 11 de la loi fédérale, applicable par le renvoi de l'article 36E, alinéa 1 LPCC, il faut considérer comme revenus tous les éléments de revenu et de fortune auxquels il aurait été renoncé, y compris la pension alimentaire. Si une telle pension est fixée par jugement, son montant est intégré dans le calcul de la prestation. Dans un but incitatif, la présente disposition exige la prise en compte d'une pension alimentaire hypothétique lorsque la personne renonce à en faire fixer une par jugement ou qu'elle renonce à exiger le paiement de sa pension et ne s'adresse pas non plus au service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires (ci-après : le SCARPA). Dans ces cas, le calcul de sa prestation complémentaire familiale prend en compte une pension hypothétique de 673 fr. par mois et par enfant et de 833 fr. par mois pour le conjoint. Cette disposition ne sera bien entendu pas applicable lorsque le créancier d'une pension alimentaire est dans l'impossibilité de la réclamer (par exemple lorsque le débiteur est parti pour une destination inconnue) (MGC 2009-2010 III A et MGC 2010-2011 V A p. 3ss).

8.        Dans un arrêt du 19 août 2013 (ATAS/775/2013), la Chambre de céans a confirmé une décision du SPC retenant une contribution d'entretien hypothétique au motif que l'assurée n'avait apporté aucun élément démontrant que le père de son enfant était incapable de contribuer à son entretien. Dans ce cas-là, le père était en âge de le faire, rien ne permettait de retenir que son état de santé l'en empêchait et l'assurée n'avait pas précisé les motifs de l'absence de toute contribution. Il a dans ce cadre été indiqué qu'il n'appartenait pas à la Chambre des assurances sociales de se substituer au juge civil, seul compétent pour une éventuelle action alimentaire.

9.        Selon l'art. 285 al. 1 CC, la contribution d'entretien doit correspondre aux besoins de l'enfant ainsi qu'à la situation et aux ressources des père et mère. Il est tenu compte de la fortune et des revenus de l'enfant, ainsi que de la participation de celui des parents qui n'a pas la garde de l'enfant à la prise en charge de ce dernier. Selon l'al. 2, les allocations pour enfants, les rentes d'assurances sociales et autres prestations destinées à l'entretien de l'enfant, qui reviennent à la personne tenue de pourvoir à son entretien, doivent être versées en sus de la contribution d'entretien, sauf décision contraire du juge.

Les différents critères de l'art. 285 al. 1 CC doivent être pris en considération; ils exercent une influence réciproque les uns sur les autres. Ainsi, les besoins de l'enfant doivent être examinés en relation avec les trois autres éléments évoqués et la contribution d'entretien doit toujours être dans un rapport raisonnable avec le niveau de vie et la capacité contributive du débirentier (ATF 116 II 110). En présence de capacités financières limitées, le minimum vital du débirentier au sens du droit des poursuites doit en principe être garanti. En outre, lorsque plusieurs enfants ont droit à une contribution d'entretien, le principe de l'égalité de traitement doit être respecté (ATF 127 III 68; 126 III 353). Le Tribunal fédéral a nuancé ce principe. Par exemple, la charge fiscale du débirentier ne doit pas être prise en considération lorsque les ressources financières sont modestes (ATF 126 III 253), un parent peut avoir plusieurs enfants qui ont des besoins d’entretien comparables, mais leur devoir une contribution d’entretien différente, parce que les enfants vivent dans des ménages différents et dans des conditions financières différentes (ATF 126 III 353). Lorsque le père qui vit en famille avec son épouse et les enfants issus de leur mariage, doit en outre contribuer à l’entretien d’un enfant né hors mariage et que sa situation financière est difficile, on peut exclure dans le calcul de son minimum vital certains montants concernant soit les enfants vivant dans la famille, soit son épouse, et partager ainsi le montant disponible entre tous les enfants, s’ils ont des besoins objectivement égaux (ATF 127 III 68 ; arrêt du 14 avril 2008; 5A_172/2008).

La méthode abstraite qui consiste, en présence de revenus moyens, à calculer la contribution d'entretien sur la base d'un pourcentage de ce revenu - 15 à 17% pour un enfant, 25 à 27% pour deux enfants, 30 à 35% pour trois enfants - n'enfreint pas le droit fédéral, pour autant que la pension reste en rapport avec le niveau de vie et la capacité contributive du débiteur (ATF 116 II 110). Dans la pratique, la Cour de justice tient compte de l'entretien de base selon les normes de l'Office des poursuites, du loyer réel, des impôts, de la prime d'assurance-maladie de base (arrêt du Tribunal fédéral 5A.654/2007), de la part non couverte des frais médicaux et de la franchise, lorsque des frais effectifs réguliers sont établis (ATF 129 III 242), cas échéant d'autres frais lorsque le débirentier est encore actif (frais de repas pris hors du domicile, frais de déplacements).

10.    En l'espèce, le SPC retient une contribution d'entretien hypothétique de CHF 673.- par mois et par enfant au motif que l'assurée n'a pas démontré que le père des enfants n'était pas en mesure de contribuer à leur entretien. Il n'est pas contesté que la recourante n'a jamais assigné le père de ses enfants afin d'obtenir un jugement civil statuant sur l'étendue de son obligation d'entretien. Il ne s'agit donc pas d'examiner si la créance d'entretien fixée par le juge civil est irrécouvrable, mais de déterminer si et dans quelle mesure le père des enfants dispose des ressources suffisantes pour, concrètement, contribuer à l'entretien de ses enfants. Pour ce faire, les directives concernant l'art. 11 LPC applicable par le renvoi de l'article 36E, alinéa 1 LPCC, prévoient que les organes chargés de l'application de la LPC doivent établir le montant de la contribution d'entretien exigible en respectant notamment le minimum vital du débirentier. Dans la mesure où ces organes sont même habilités à obtenir la taxation fiscale de l'ex-conjoint (ce qui n'est pas le cas d'espèce, les parents n'ayant jamais été mariés), on peut à tout le moins exiger du SPC qu'il interpelle l'assurée sur l'absence de contribution d'entretien et lui permette de fournir toute indication et pièce utiles à la détermination de celle-ci. Il s'agit là du respect élémentaire du droit d'être entendu.

A réception de la décision querellée, l'assurée a exposé les motifs de l'absence de toute contribution d'entretien, puis elle a précisé la situation matrimoniale du père des enfants, rappelant sa totale incapacité de travail. Le cas échéant, le SPC devait lui octroyer un délai pour produire les pièces établissant les revenus et les charges de la famille du père des enfants, afin de procéder au calcul du minimum vital détaillé dans l'annexe 4 des DIN. En refusant toute prestation sans déterminer de montant de la pension alimentaire qui aurait le cas échéant été mise à la charge du père des enfants, le SPC a violé la loi. Cela étant, il s'avère que cet examen aurait conduit à renoncer à toute contribution hypothétique.

Certes, il est possible qu'un bénéficiaire de prestations complémentaires soit astreint au paiement d'une contribution d'entretien en faveur de ses enfants, auquel cas celle-ci est prise en compte au titre des dépenses. Tel est le cas si le débirentier a été condamné à payer la contribution avant d'être invalide et bénéficiaire de prestations complémentaires. Par contre, une action alimentaire contre un père déjà invalide et bénéficiaire de prestations complémentaires est dans la plupart des cas vouée à l'échec. Dans cette hypothèse, le juge civil prend en général acte du fait que les enfants bénéficieront des rentes complémentaires pour enfant de l'AI et de la LPP, le cas échéant des prestations complémentaires, au titre de contribution de leur père, suppléant ainsi son incapacité contributive propre. Le cas échéant, il condamne le père à les verser à la mère des enfants. Au demeurant, c'est plus fréquemment lorsque le conjoint du bénéficiaire est tenu au paiement d'une contribution pour ses enfants issus d'une précédente union que celle-ci est prise en compte au titre de dépenses.

Cela ne permet pas pour autant au SPC de retenir, dans le cas d'espèce, que le père des enfants disposerait d'une capacité contributive. En effet, s'il perçoit des prestations complémentaires fédérales de CHF 3'405.- par mois, c'est manifestement que sa rente d'invalidité (faible au vu du montant de celle pour enfant) et les revenus de son épouse - voire le gain potentiel retenu par le service compétent du canton de Fribourg - ne leur permettent pas de couvrir leurs propres besoins vitaux. Il est ainsi établi au degré de la vraisemblance prépondérante que le père des enfants ne serait pas condamné au paiement d'une contribution à leur entretien, en 2012, qui est l'année déterminante pour le calcul des prestations familiales. Ainsi, conformément à la jurisprudence et aux directives, si l'absence de capacité contributive est établie par l'autorité administrative, il n'est pas exigible de l'assurée qu'elle agisse par la voie judiciaire pour le prouver. Il faut donc retenir que l'impossibilité du père de subvenir à l'entretien de ses enfants est suppléée par les rentes complémentaire AI et les prestations complémentaires.

11.    Au surplus, le SPC se méprend sur les conséquences mathématiques de l'existence d'une contribution d'entretien sur le montant des prestations complémentaires. S'il est exact que les prestations du père seraient augmentées à concurrence de la contribution qu'il doit payer à ses enfants, prise en compte au titre de dépenses, l'effet serait bien sûr inverse pour les enfants, dont les prestations complémentaires seraient réduites à concurrence de la pension perçue, dont il serait tenu compte au titre de revenu. En d'autres termes, dans l'hypothèse où le père des enfants avait été condamné à payer une contribution de CHF 300.- par mois pour chacune de ses filles, le montant de leurs prestations complémentaires serait déduit d'autant, de sorte que le total des ressources de l'assurée resterait identique. Les deux filles de l'assurée bénéficient au total de prestations complémentaires de CHF 1'444.-, dont CHF 186.- de subside dès décembre 2012, CHF 1457.- dont CHF 180.- de subside dès janvier 2013 et 1'235.- dont CHF 180.- de subside dès mars 2013. Il faudrait ainsi qu'elles puissent prétendre à une contribution d'entretien de CHF 722.- en 2012, et de CHF 620.- dès mars 2013 par mois chacune pour compenser leurs prestations complémentaires fédérales, ce qui est totalement exclu au vu de la situation de leur père. En effet, même lorsque le Tribunal civil limite la prise en compte de certaines charges du débirentier (cf. la jurisprudence précitée), de son épouse ou de leurs enfants communs et entame ainsi son minimum vital, cela permet au mieux de dégager une pension de CHF 200.- à 300.- par mois pour les enfants nés hors mariage.

Finalement, au vu de la solution du litige en l'absence de capacité contributive du père des enfants et du fait que le montant pris en compte au titre de contribution hypothétique (CHF 16'152.-) est pratiquement compensé par celui des prestations complémentaires perçues, y compris le subside (entre CHF 13'836.- en novembre 2012 et CHF 17'484.- en janvier 2013), la question de la légalité de la prise en compte des avances du SCARPA sans égard pour la capacité contributive réelle du débirentier pourra rester ouverte. A noter que si c'est bien le montant total de la prestation qui doit être comparé à la contribution, c'est à juste titre que le SPC a retenu au titre de prestations périodiques les rentes complémentaires AI et les prestations complémentaires nettes, sans le subside.

12.    Le recours est admis et la décision sur opposition du 11 septembre 2013 est annulée en tant qu'elle tient compte d'une contribution d'entretien hypothétique en faveur des enfants. La cause sera renvoyée à l'intimé pour nouvelle décision.

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

A la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet, annule la décision sur opposition dans le sens des considérants et renvoie la cause à l'intimé pour nouvelle décision.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours constitutionnel subsidiaire (articles 113 ss LTF) aux conditions de l’art. 116 LTF. Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Irene PONCET

 

La présidente

 

 

 

 

Sabina MASCOTTO

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le