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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2192/2021

ATAS/12/2023 du 19.01.2023 ( AI )

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2192/2021 ATAS/12/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Ordonnance d’expertise du 19 janvier 2023

4ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Michael RUDERMANN

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1973, a travaillé en qualité de sage-femme pour différents employeurs entre le 1er septembre 1997 et le 30 septembre 2016, en dernier lieu à 80%. En raison de douleurs au dos, elle a cessé cette activité pour exercer celle d’assistante médicale dans un cabinet de gynécologie en octobre 2016.

B. a. Le 15 décembre 2016, l’assurée a déposé une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité de Genève (ci-après : l’OAI) en raison d’une atteinte au dos (spondylodèse et hernies discales L4-L5 et L5-S1).

b. Dans un rapport à l’OAI daté du 11 janvier 2017, le docteur B______, spécialiste FMH en neurochirurgie, a posé les diagnostics de lombo-sacralgies mécaniques, latéralisées à droite ; scoliose à double courbure ; spondylodèse Th 5 à L1 en 1986 et hernie discale L5-S1 droite opérée en 1998. Depuis environ trois ans, l’assurée souffrait d’une récidive d’une douleur lombo-sacrée latéralisée à droite, se manifestant uniquement lors de l’activité professionnelle de sage-femme et lorsqu’elle devait effectuer certains gestes en porte-à-faux ou en flexion. Elle avait réorienté sa carrière et accepté un poste d’assistante médicale au début du mois d’octobre 2016. Les symptômes avaient disparu dans cette activité en position assise. L’assurée avait toutefois été licenciée après 10 jours et s’était retrouvée au chômage. L’activité habituelle de sage-femme n’était plus exigible en raison des douleurs lors des activités en porte-à-faux. On pouvait toutefois s’attendre à la reprise d’une activité professionnelle en tant que secrétaire, en position uniquement assise ou debout ou alternant les positions. L’assurée pouvait monter les escaliers et ses capacités de concentration, de compréhension, d’adaptation et la résistance n’étaient pas limitées.

c. Dans un rapport établi en janvier 2017, le docteur C______, spécialiste FMH en médecine interne et médecin traitant de l’assurée, a indiqué que la capacité de travail de celle-ci était nulle dans l’activité habituelle de sage-femme et probablement de 80% dans une activité adaptée à ses limitations.

d. Sur la base des rapports précités, le service médical régional de l’OAI (ci-après : le SMR) a retenu que la capacité de travail de l’assurée était nulle dans l’activité habituelle mais de 100% dans une activité adaptée, dès le mois d’octobre 2016.

e. Après deux mois consacrés à la formation au métier d’assistante médicale dans un cabinet de gynécologie, l’assurée y a été engagée à 100% pour une durée indéterminée, à compter du 1er août 2017.

f. Le 4 décembre 2017, le Dr C______ a certifié que la capacité de travail de l’assurée était de 50% dès le lendemain pour maladie.

g. Par décision du 19 janvier 2018, l’OAI, retenant que l’assurée avait un statut d’active, a rejeté sa demande de prestations, car son degré d’invalidité était de 16%, ce qui ne lui ouvrait pas de droit à une rente d’invalidité.

h. Par courrier du 16 janvier 2018, reçu par l’OAI le 22 janvier 2018, l’assurée a informé celui-ci du fait que son état de santé s’était péjoré au courant de l’année 2017. Ses médecins estimaient qu’une activité à 50% était nécessaire pour maintenir son état de santé stable à long terme et sa capacité de travail dans une activité adaptée.

i. Le 28 février 2018, sous la plume de son conseil, l’assurée a interjeté recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice contre la décision du 19 janvier 2018, concluant, sous suite de frais et dépens, à l’octroi d’une rente d’invalidité et à la réalisation d’une expertise. Un degré d’invalidité de 50% devait lui être retenu, au vu de son incapacité de travail de 50%, qui était indispensable pour lui permettre de préserver sa capacité résiduelle de travail.

j. L’OAI a conclu au rejet du recours.

k. Le 18 avril 2018, l’assurée a produit un chargé complémentaire comprenant les pièces suivantes :

-      un rapport du Dr C______ du 26 mars 2018, dans lequel ce médecin indiquait que l’expérience en qualité d’assistante médicale avec deux gynécologues en pratique privée avait été très éprouvante tant physiquement que moralement pour l’assurée. Après en avoir discuté avec le Dr B______, le médecin précité avait mis l’assurée au bénéfice d’une réduction de son activité, à 50%, dès le 5 décembre 2017. La réduction du temps de travail, dans une activité et une ambiance de travail difficiles, avait manifestement permis une certaine amélioration de la situation, la recourante disposant de plus de temps pour se reposer et mettre en application les stratégies rééducatives dont elle avait besoin.

-      un rapport du Dr B______ du 12 avril 2018, dont il ressort que la reprise d’une activité professionnelle à 100% et l’arrêt des activités sportives habituelles avaient conduit à une décompensation douloureuse, avec des douleurs cervicales axiales, une douleur lombaire paravertébrale droite irradiant dans la cuisse latéralement et une fatigue à la marche et à la station debout prolongée. Cela confirmait l’impossibilité effectuer une activité à plus de 50%. Une charge à 100% n’était pas compatible avec la pathologie rachidienne malformative et dégénérative sévère. Il existait toutefois une capacité de travail résiduelle. Une augmentation du taux d’activité à 100% semblait surréaliste. La capacité de travail de 50% était également justifiée dans l’activité d’assistante médicale et il convenait d’adapter cette activité pour un poste fixe, sans déplacement, sans port de charges et avec un bureau réglable en hauteur. Le traitement consistait en la prise d’anti-inflammatoires et de myorelaxants, ce qui avait permis un certain soulagement et de la physiothérapie avait été prescrite.

l. Par arrêt de la chambre de céans du 7 novembre 2018 (ATAS/1034/2018), la décision du 19 janvier 2018 a été annulée et la cause renvoyée à l’intimé pour instruction complémentaire pour déterminer la capacité de travail de l’assurée dans l’activité d’assistante médicale, voire dans une activité adaptée.

C. a. Au printemps 2019, l’assurée a commencé à travailler, depuis son domicile, en s’occupant de l’accueil téléphonique à distance et de la comptabilité pour l’étude d’avocats de son mari.

b. Le Dr B______ a indiqué dans un rapport adressé à l’OAI le 21 mai 2019 que l’assurée présentait des cervicalgies chroniques et des lombalgies avec irradiation dans la cuisse latéralement à droite, mécaniques, non déficitaires, qu’elle avait réussi à compenser en ayant une situation douloureuse chronique satisfaisante en prenant régulièrement du Tilur 2 x 90 mg retard et du Sirdalud 2 mg au coucher, en ayant adapté son activité professionnelle de bureau sans déplacement, à 50%, et en poursuivant la natation, 1 km deux fois par semaine, ainsi qu’en faisant de l’aquagym. Il n’y avait pas de gestes supplémentaires à prévoir ni de traitement invasif. Du point de vue neurochirurgical, le diagnostic avec répercussion sur la capacité de travail était des rachialgies chroniques sur failed back surgery syndrome, dont l’intensité restait tolérable sous médication et activité professionnelle à 50%. La situation restait stable depuis plusieurs années, un potentiel d’amélioration n’existait plus, mais une dégradation pourrait se manifester dans le futur. Les limitations fonctionnelles découlant de l’atteinte neurochirurgicale étaient une exacerbation des douleurs qui prenaient un caractère insoutenable si l’activité était augmentée ou que des déplacements devenaient nécessaires. La capacité de travail de l’assurée dans une activité strictement adaptée aux limitations fonctionnelles et dans les conditions actuelles était de 50% depuis qu’il la connaissait, soit dès décembre 2016.

En annexe de son rapport, le Dr B______ a transmis à l’OAI, ses rapports précédents, tous datés par erreurs du 21 mai 2019, mais datant en réalité des jours de ses consultations depuis le 12 décembre 2016.

c. Dans un rapport adressé au Dr C______ du 21 mai 2019, le Dr B______ a indiqué qu’une reprise professionnelle à 100% ne serait peut-être pas réalisable pour du long terme et qu’il faudrait songer à un mi-temps pour que l’assurée se laisse du temps afin de récupérer, d’effectuer des activités sportives et diminuer son stress.

d. Dans un rapport établi le 20 août 2019, la doctoresse D______, FMH en médecine interne générale, qui avait succédé au Dr C______, a indiqué que l’assurée était en incapacité de travail à 50% dès le 4 décembre 2017 dans tous les métiers. Elle ne pouvait pas garder la même position longtemps. Elle était vite inconfortable avec des douleurs invalidantes si elle ne pouvait pas modifier à sa convenance sa position. Elle pouvait pratiquer sa nouvelle activité professionnelle pour l’étude de son mari à long terme.

e. Le 17 septembre 2019, le SMR a considéré qu’au vu des informations médicales reçues, il avait du mal à comprendre les raisons d’une capacité de travail de seulement 50% dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles d’épargne du dos, en particulier évitant de rester « 8 heures par jour en station assise ». De plus, il n’y avait aucun signe de sévérité de la symptomatologie douloureuse, l’assurée ayant eu la possibilité d’effectuer un safari en Afrique sans prise d’antalgiques. Il était nécessaire de demander une expertise neurochirurgicale.

f. Dans un rapport du 25 mars 2020, la doctoresse E______, spécialiste FMH en neurochirurgie, mandatée par l’OAI pour procéder à l’expertise, a indiqué que celle-ci avait eu lieu le 13 janvier 2020. Elle a résumé le dossier, procédé à une anamnèse et à des constatations. Elle a posé les diagnostics avec répercussion sur la capacité de travail de failed back surgery syndrome avec :

-          lombago chronique irradiant au membre inférieur droit (ci-après MID)  ;

-          status post radiculopathie L5-D et opération d’une hernie discale L5-S1 déficitaire avec récupération complète selon l’assurée ;

-          cervicalgies chroniques non déficitaires.

et conclu que l’assurée était totalement capable de travailler dans l’activité exercée en dernier lieu, soit un travail administratif en home office adapté à ses limitations fonctionnelles, avec une baisse de rendement d’une heure le matin et d’une heure l’après-midi, sur une présence de 100%, afin de lui permettre d’aménager des pauses en fonction des douleurs.

g. Le 14 avril 2020, le SMR a considéré que les conclusions de l’expert étaient probantes et qu’il fallait s’en tenir aux conclusions de l’avis du SMR du 28 février 2017, en considérant qu’il y avait une baisse de rendement de 25%.

h. Par projet de décision du 14 août 2020, l’OAI a informé l’assurée qu’elle avait droit à un quart de rente sur la base d’un degré d’invalidité de 40% dès le 1er octobre 2017.

i. Le 17 septembre, l’assurée, représentée par un conseil, a contesté le projet de décision de l’OAI, faisant valoir que sa capacité de travail était de 50%, sur la base des rapports de ses médecins traitants.

j. Dans un rapport établi le 4 décembre 2020, le docteur F______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil moteur, a émis des critiques sur l’expertise de la Dresse E______ et dit que l’assurée présentait une incapacité de travail de 80%.

k. Dans un avis médical du 9 décembre 2020, le SMR a considéré que vu la possibilité d’une aggravation de l’état de santé de l’assurée depuis l’expertise de la Dresse E______, il était indispensable de demander à cette dernière un complément d’expertise.

l. Dans son complément d’expertise du 1er avril 2021, l’experte a indiqué avoir procédé à celui-ci le 14 janvier 2021 avec un ENMG passé le 1er mars 2021.

L’assurée décrivait que la douleur s’était aggravée au MID depuis le 6 juillet 2020. Sur la base de l’anamnèse, l’intensité de la douleur au niveau dorsolombaire et du MID ne s’était pas aggravée mais était plutôt décrite comme étant moins intense, voire stable. L’assurée décrivait l’apparition de cervicalgies depuis 2017.

Durant l’anamnèse concernant la colonne lombaire, l’assurée décrivait que la situation n’avait pas changé. Il n’y avait pas d’aggravation objectivable de l’état concernant la colonne lombaire depuis juin 2020 ou le dernier bilan d’expertise en janvier 2020.

Concernant la colonne cervicale, le bilan neurologique n’objectivait pas de nouveaux déficits et la faiblesse du bras droit restait subjective, sans confirmation d’une atteinte selon l’ENMG.

L’assurée avait décrit que la limitation de son temps de travail durant l’après-midi était secondaire aux migraines. Cet élément n’était pas de nature neurochirurgicale et était écarté. Il fallait cependant mettre l’accent sur une meilleure prise en charge de ce problème pour optimiser les capacités de l’assurée.

Le nouveau diagnostic d’une hernie discale ne donnait pas d’arguments susceptibles d’attester de nouvelles limitations de la capacité de travail de l’assurée.

m. Selon un avis du SMR du 6 avril 2022, le rapport d’expertise était très clair et complet. Il n’y avait aucune raison de s’en écarter.

n. Par décision du 26 mai 2021, l’OAI a confirmé son projet de décision.

D. a. Le 28 juin 2021, l’assurée a formé recours contre la décision précitée auprès de la chambre de céans concluant à l’annulation de la décision et à la condamnation de l’intimé à lui verser un trois quarts de rente d’invalidité.

b. Par réponse du 17 janvier 2022, l’intimé a conclu au rejet du recours, sur la base d’un avis médical du SMR du 11 janvier 2022.

c. Le 18 mai 2022, la recourante a été entendue par la chambre de céans.

E. a. Par courrier du 21 décembre 2022, la chambre de céans a informé les parties de son intention de mettre en œuvre une expertise orthopédique et leur a communiqué le nom de l’expert pressenti, ainsi que les questions qu’elle avait l’intention de lui poser, en leur impartissant un délai pour faire valoir une éventuelle cause de récusation et se déterminer sur les questions posées.

b. Par écriture du 9 janvier 2023, l’intimé a informé la chambre de céans qu’il s’opposait à une expertise judiciaire. Aucun élément médical objectif, voire aucun élément (de nature clinique ou diagnostique) qui aurait été ignoré n’avait été apporté par la recourante, de sorte que la mise en place d’une expertise ne se justifiait nullement. Le SMR précisait également dans son avis du 5 janvier 2023 transmis en annexe qu’une expertise orthopédique n’était pas nécessaire puisque la Dresse E______ avait effectué deux expertises convaincantes. De plus, concernant l’évaluation des migraines versus céphalées que la recourante présentait, seul un neurologue pourrait évaluer le diagnostic précis ainsi que leur retentissement sur la capacité de travail. Si la chambre persistait dans son intention, l’intimé n’avait pas de motifs de récusation contre l’expert annoncé ni de questions supplémentaires à poser.

c. Le 13 janvier 2023, la recourante a indiqué qu’elle n’avait pas de motif de récusation à faire valoir à l’encontre de l’expert ni d’observations sur le projet de mission d’expertise.

 

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).

En l’occurrence, la décision querellée a été rendue antérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

3.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

4.             Le litige porte sur le droit de la recourante à un trois quarts de rente d’invalidité.

5.              

5.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).

En vertu des art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA. Selon l’art. 29 al. 3 LAI, la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance.

Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

5.2 Lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

5.3 Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a; RAMA 1985 p. 240 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

6.             Il convient d’examiner en premier lieu la valeur probante de l’expertise de la Dresse E______.

6.1 La recourante a émis plusieurs critiques contre celle-ci et l’intimé lui reconnaît une pleine valeur probante.

6.2 La chambre de céans retient que certains éléments suscitent des doutes sur l’appréciation par l’experte de la capacité de travail résiduelle de la recourante.

6.2.1 L’experte apparaît contradictoire en page 28 de son premier rapport, en retenant que les douleurs cervicales de la recourante étaient apparues en 2017 et en indiquant sous la même rubrique que la situation de santé à ce niveau était stabilisée depuis des années selon l’assurée et le Dr B______, dans son rapport du 21 mai 2019.

La recourante a contesté devant la chambre de céans avoir dit à l’experte que sa situation concernant sa colonne cervicale était stabilisée depuis des années, relevant que ce problème était relativement récent.

Par ailleurs, dans son rapport du 21 mai 2019, le Dr B______ indiquait que la situation de l’assurée restait stable depuis plusieurs années en lien avec ses rachialgies chroniques sur failed back surgery syndrome, mais pas en lien avec ses cervicalgies.

6.2.2 En page 29 de son rapport, l’experte a indiqué avoir constaté que la recourante était très peu plaintive concernant la colonne cervicale et qu’elle lui avait donné l’impression qu’en évitant le port de charges lourdes, elle n’avait pas de troubles spécifiques à cet endroit. Le bilan concernant la colonne cervicale n’avait pas mis en évidence un déficit neurologique ni provoqué des douleurs importantes à ce niveau.

Ce constat ne permet pas d’établir au degré de la vraisemblance prépondérante qu’une capacité de travail de plus de 50% était exigible de la recourante, car il a été fait alors que celle-ci avait un mode de vie favorable à son état de santé, à savoir qu’elle avait une activité à 50%, adaptée à ses limitations fonctionnelles, qui lui laissait du temps pour des activités sportives favorables à son état.

Plusieurs médecins ont retenu au contraire une capacité de travail de 50% au plus, soit le Dr B______ le 21 mai 2019, la Dresse D______ le 20 août 2019 et le docteur G______, FMH en chirurgie orthopédique et spinale, le 15 septembre 2021.

Il en résulte que l’experte pourrait avoir minimisé le risque d’exacerbation des douleurs en cas d’activité plus intense qu’à 50% et par voie de conséquence son incapacité de travail.

6.2.3 L’experte a retenu une discrépance entre le degré des limitations concernant les douleurs avec un impact décrit très important concernant la vie personnelle et quotidienne et le peu de médicaments (pris par périodes uniquement), le bilan électrophysiologique et neurologique et le fait que la recourante pouvait se déplacer régulièrement, en particulier chaque week-end dans sa maison de campagne.

Dans le cas de la recourante, les activités sportives telles que la marche et la nage l’aident à contrôler ses douleurs. Ses problèmes de santé n’impactent pas ce type d’activités contrairement aux activités statiques, telles que son activité de bureau et le port de charges, qui peuvent limiter son activité quotidienne et ménagère. Le fait que la recourante se rende régulièrement dans sa maison de campagne ne permet ainsi pas de retenir une discrépance dans ses activités. Son atteinte ne l’empêche pas de se déplacer, de se promener, de préparer des repas, ni de faire du ménage léger.

6.2.4 L’on peut également douter des conclusions de l’experte en tant qu’elles se fondent sur le fait que la recourante avait assez de ressources pour sortir le chien vers 22h et le fait que sa femme de ménage continuait à venir trois heures par semaine comme auparavant, malgré l’aggravation annoncée. En effet, il faut rappeler que seules certaines positions ou activités provoquent des douleurs à la recourante et que certaines activités telles que la marche sont favorables pour la gestion de ses douleurs. Son état de santé n’a pas le même impact sur toutes ses activités, sans que l’on puisse considérer qu’il y a une incohérence à ce sujet.

6.2.5 Il faut encore relever que l’experte a mentionné n’avoir pas tenu compte des migraines dont se plaignait la recourante, lesquelles limitaient son temps de travail, au motif qu’elles n’étaient pas de nature neurochirurgicale. Une instruction complémentaire à ce sujet paraît en conséquence nécessaire. Il n’apparaît pas d’emblée exclu que les cervicalgies puissent provoquer des migraines.

6.2.6 La recourante a déclaré à la chambre de céans prendre du Cannabidiol (CBD) 3 à 5 fois par jour, sous forme de gouttes, ce qui l'aidait à se détendre et à mieux gérer les douleurs. Le CBD la ralentissait. Il y avait un effet de somnolence 10 à 15 minutes après la prise et la concentration était difficile. Il y avait des jours où elle n'arrivait pas à travailler. Elle a expliqué qu’après sa première opération en 1998, elle avait beaucoup de médicaments et qu’elle n'arrivait plus à travailler. Elle avait souhaité par la suite éviter d'en prendre dans la mesure du possible, en faisant du sport.

Le Dr G______ a indiqué dans son rapport que les activités physiques régulières de la recourante lui permettaient de garder un état de forme physique qui l’aidait à ce que les douleurs ne deviennent pas insupportables.

L’experte ne s’est pas prononcée sur les effets du CBD sur la capacité de travail de la recourante ou son rendement. En page 45 de son rapport complémentaire, elle a seulement indiqué que le traitement antalgique était presque inexistant et qu’une adaptation lege artis de ce dernier laisserait une marge de manœuvre à la recourante en fonction des jours et des douleurs.

Le médecin traitant et l’experte n’ont pas la même appréciation sur les mesures prises par la recourante pour gérer ses douleurs, de sorte que cette question doit faire l’objet d’un nouvel examen. Si la prise de CBD est validée, son effet devra être pris en compte dans l’évaluation de la capacité de travail et du rendement de la recourante.

6.3 La recourante a fait valoir qu’une expertise neurochirurgicale ne suffisait pas à fournir une appréciation globale et correcte de son taux d’invalidité, au vu de ses lourds antécédents orthopédiques.

Dans son rapport du 4 décembre 2020, le Dr F______ a indiqué que l’expertise du 13 janvier 2020 ne suffisait pas et qu’une expertise orthopédique aurait dû être demandée dans ce contexte, qui relevait fondamentalement de cette spécialité, sans plus de motivation.

La chirurgie spinale s’est développée grâce à la réunion de deux spécialités médicales : l’orthopédie et la neurochirurgie. L'orthopédie se concentre sur l’atteinte de l’appareil locomoteur et les troubles dégénératifs qui entraînent des douleurs, tandis que la neurochirurgie se penche sur l’atteinte du tissu neurologique. Ces deux approches sont complémentaires et peu d’actes médicaux en chirurgie spinale sont essentiellement réservés à une seule de ces spécialités. (www.chuv.ch/fr/chirurgie-spinale/spi-home/en-bref/unir-lorthopedie-et-la-neurochirurgie).

En l’occurrence, la spécialité de neurochirurgien du dos apparaît adéquate pour apprécier la situation de la recourante. Cette dernière est en effet suivie depuis des années par le Dr B______, soit un neurochirurgien. Ni le Dr B______ ni l’experte, qui a la même spécialité que ce dernier, n’ont indiqué qu’un examen complémentaire par un chirurgien orthopédiste serait nécessaire. Le Dr F______ l’affirme sans le motiver. Dans la mesure toutefois ou la chambre estime nécessaire de faire procéder à une nouvelle expertise, elle la confiera à un chirurgien orthopédiste, qui sera invité à dire si un avis complémentaire d’un médecin d’une autre spécialité est nécessaire.

 


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant préparatoirement

Ordonne une expertise de Madame A______.

Commet à ces fins le docteur H______, FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, à Fribourg.

Dit que la mission d’expertise sera la suivante :

A.  Prendre connaissance du dossier de la cause.

B.  Si nécessaire, prendre tous renseignements auprès des médecins ayant traité la personne expertisée, en particulier les docteurs.

C.  Examiner et entendre la personne expertisée et si nécessaire, ordonner d'autres examens.

D.  Charge l’expert d’établir un rapport détaillé comprenant les éléments suivants :

1.             Anamnèse détaillée (avec la description d’une journée-type)

2.             Plaintes de la personne expertisée

3.             Status et constatations objectives

4.             Diagnostics (selon un système de classification reconnu)

Précisez quels critères de classification sont remplis et de quelle manière (notamment l’étiologie et la pathogenèse).

4.1. Avec répercussion sur la capacité de travail

4.1.1   Dates d'apparition

4.2         Sans répercussion sur la capacité de travail

4.3         S’agissant des migraines dont se plaint l’assurée, le diagnostic est-il de votre ressort ou quel spécialiste devrait être saisi de cette question, étant rappelé que l’experte, la Dresse E______, spécialiste en neurochirurgie, a estimé que ce diagnostic n’était pas de son ressort ?

4.3.1   Dates d'apparition

4.4         Quel est le degré de gravité de chacun des troubles diagnostiqués (faible, moyen, grave) ?

4.5         Les atteintes et les plaintes de la personne expertisée correspondent-elles à un substrat organique objectivable ?

4.6         Dans quelle mesure les atteintes diagnostiquées limitent-elles les fonctions nécessaires à la gestion du quotidien ? (N’inclure que les déficits fonctionnels émanant des observations qui ont été déterminantes pour le diagnostic de l’atteinte à la santé, en confirmant ou en rejetant des limitations fonctionnelles alléguées par la personne expertisée).

4.7         Y a-t-il exagération des symptômes ou constellation semblable (discordance substantielle entre les douleurs décrites et le comportement observé ou l’anamnèse, allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, absence de demande de soins médicaux, plaintes très démonstratives laissant insensible l'expert, allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact) ?

4.8 Dans l’affirmative, considérez-vous que cela suffise à exclure une atteinte à la santé significative ?

4.9 Est-ce que le tableau clinique est cohérent, compte tenu du ou des diagnostic(s) retenu(s) ou y a-t-il des atypies ?

4.10 Est-ce que ce qui est connu de l’évolution correspond à ce qui est attendu pour le ou les diagnostic(s) retenu(s) ?

5.             Limitations fonctionnelles

5.1         Indiquer les limitations fonctionnelles en relation avec chaque diagnostic

5.1.1   Dates d’apparition

5.2 Les plaintes sont-elles objectivées ?

6.             Capacité de travail

6.1         Dater la survenance de l’incapacité de travail durable dans l’activité habituelle pour chaque diagnostic, indiquer son taux pour chaque diagnostic et détailler l’évolution de ce taux pour chaque diagnostic.

6.2         La personne expertisée est-elle capable d’exercer son activité lucrative habituelle ?

6.2.1   Si non, ou seulement partiellement, pourquoi ? Quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ?

6.2.2   Depuis quelle date sa capacité de travail est-elle réduite / nulle ?

6.3         La personne expertisée est-elle capable d’exercer une activité lucrative adaptée à ses limitations fonctionnelles ?

6.3.1   Si non, ou seulement partiellement, pourquoi ? Quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ?

6.3.2   Si oui, quel est le domaine d’activité lucrative adaptée ? A quel taux ? Depuis quelle date ?

6.3.3   Dire s'il y a une diminution de rendement et la chiffrer.

6.4         Comment la capacité de travail de la personne expertisée a-t-elle évolué depuis 2016 ?

6.5         Des mesures médicales sont-elles nécessaires préalablement à la reprise d’une activité lucrative ? Si oui, lesquelles ?

6.6         Quel est votre pronostic quant à l’exigibilité de la reprise d’une activité lucrative ?

7.             Traitement

7.1         Examen du traitement suivi par la personne expertisée et analyse de son adéquation.

7.2         Est-ce que la personne expertisée s’est engagée ou s’engage dans les traitements qui sont raisonnablement exigibles et possiblement efficaces dans son cas ou n’a-t-elle que peu ou pas de demande de soins ?

7.3         Propositions thérapeutiques et analyse de leurs effets sur la capacité de travail de la personne expertisée.

8.             Appréciation d'avis médicaux du dossier, en particulier avec les diagnostics posés, les limitations fonctionnelles constatées et l’estimation de la capacité de travail ? prière de motiver vos réponses

8.1         Êtes-vous d'accord avec les conclusions de la Dresse E______ (rapports des 25 mars 2020 et 1er avril 2021) ?

8.2         Êtes-vous d'accord avec l’appréciation du Dr B______ (rapports datés par erreur du 21 mai 2019, mais établis en réalité les 21 mai 2019, 12 décembre 2018, 27 septembre 2018, 27 août 2018, 20 juillet 2018 et 12 avril 2018) ?

8.3         Êtes-vous d'accord avec l’appréciation de la Dresse D______ (rapport du 20 août 2019) ?

8.4         Êtes-vous d'accord avec l’appréciation du Dr F______ (rapport du 4 décembre 2020) ?

8.5         Êtes-vous d'accord avec l’appréciation du Dr G______ (rapport du 15 septembre 2021) ?

9.             Quel est le pronostic ?

10.         Des mesures de réadaptation professionnelle sont-elles envisageables ?

11.         Un examen complémentaire par un spécialiste en neurochirurgie ou par un autre spécialiste est-il nécessaire pour établir l’ensemble des atteintes à la santé de l’assurée et sa capacité de travail ?

12.         Faire toutes autres observations ou suggestions utiles.

E.     Invite l’expert à déposer, dans les meilleurs délais, son rapport en trois exemplaires auprès de la chambre de céans.

F.      Réserve le fond ainsi que le sort des frais jusqu’à droit jugé au fond.

 

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme de la présente ordonnance est notifiée aux parties par le greffe le