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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1823/2019

ATAS/1174/2019 du 17.12.2019 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1823/2019 ATAS/1174/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 17 décembre 2019

1ère Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à COINTRIN, représentée par INCLUSION Handicap Conseil juridique

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

1.        Madame A______ (ci-après l'assurée), née le ______ 1980, d'origine française, mariée, sans enfant, et n'exerçant pas d'activité lucrative, a déposé le 10 mai 2016 une demande de prestations auprès de l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après l'OAI), alléguant souffrir d'un diabète type 2, de dépression et d'une neuropathie diabétique depuis 2005.

2.        Le 10 octobre 2016, le docteur B______, médecin praticien FMH, a confirmé que l'assurée souffrait d'un diabète de type 2 non insulino-requérant, d'obésité, d'hypertension artérielle, d'asthme intermittent et de phobies, notamment aux piqûres, ainsi que d'un état dépressif et anxieux invalidant. Le médecin a précisé que l'assurée était prise en charge par l'équipe de psychiatrie ambulatoire des HUG, actuellement principalement dans le but de traiter sa phobie aux piqûres qui l'empêche plus particulièrement de mener un suivi convenable de son diabète. Il considère qu'en raison de cet état dépressif et anxieux dans ce contexte polymordibe, l'incapacité de travail est de 100%, « depuis que je la suis », à savoir depuis le 11 décembre 2014.

3.        Dans un rapport du 13 décembre 2016, la doctoresse C______, spécialiste en médecine interne générale, a retenu le diagnostic de diabète de type 2 depuis 2005 compliqué d'une polyneuropathie des membres inférieures débutante, d'une HTA diagnostiquée en 2015 et d'une obésité stade 1. Elle ne se prononce pas sur la capacité de travail de l'assurée, recommandant de s'adresser au psychiatre et au médecin traitant.

4.        Le docteur D______, spécialiste en médecine interne, a établi un rapport le 26 juin 2017, selon lequel l'assurée présente une personnalité anxieuse évitante, peut-être depuis l'adolescence, des troubles mixtes de la personnalité, peut-être depuis le début de l'âge adulte, des phobies spécifiques, peut-être depuis l'enfance, qui se sont intensifiées avec les années, et un trouble dépressif récurrent, au moins depuis 2007, épisode actuel léger sans syndrome somatique.

Selon le médecin, « la patiente présente plusieurs difficultés que je vais essayer d'énumérer au mieux ci-dessous. Elle a parfois des difficultés à interagir avec les gens et dit s'énerver en présence de personnes non compréhensives par rapport à son état de santé et qui pourraient lui manquer de respect. Elle signale que le monde du travail lui fait peur. Elle présente des sentiments de dévalorisation et fait comprendre qu'elle ne supporterait pas qu'on la traite mal. (...)

La patiente présente plusieurs phobies dont certaines me semblent non incapacitantes et d'autres incapacitantes au niveau professionnel.

non incapacitantes : phobie des insectes et des animaux potentiellement dangereux, des injections faites par les soignants, phobie de la mort.

incapacitantes : phobie de personnes présentant certains handicaps physiques ou psychiques. En ce qui concerne ce dernier point, elle signale avoir une grande peur des personnes qui ont certains handicaps physiques ou psychiques, des personnes qui sont potentiellement dangereuses ou qui pourraient avoir des comportements imprévisibles ainsi que des personnes qui présentent une dépendance à certaines substances. Elle relate une phobie de se faire agresser ou de se faire tuer. Elle évite de sortir seule de chez elle notamment par peur de se faire agresser. Elle évite de se retrouver confrontée à des situations stressantes ou d'être jugée par les gens. Cela crée notamment un isolement social ». Elle n'a plus eu d'activité depuis environ dix ans et n'a jamais travaillé plus que quelques jours au même endroit. Elle serait en incapacité de travail à 100% depuis plus de deux ans. C'est le Dr B______ qui établit les certificats d'arrêt maladie.

Le Dr D______ souligne que l'assurée est d'accord d'essayer une mesure de réadaptation professionnelle adaptée, mais qu'elle doute beaucoup des résultats. Elle a peur d'aller dans des ateliers protégés en raison des personnes qu'elle pourrait y rencontrer.

Il estime que la capacité de travail de l'assurée n'est pas constituée et propose une évaluation de la capacité de travail exigible via un stage d'observation tout en privilégiant les activités avec peu de contact avec les autres.

5.        Dans sa note du 15 août 2017, le médecin du SMR a relevé que les limitations fonctionnelles étaient les suivantes : pas de situation de stress, pas de travail à responsabilité, troubles de la mémoire et de la concentration.

6.        Un premier entretien de réadaptation professionnelle s'est tenu le 7 décembre 2017, au terme duquel une mesure de réinsertion de type entraînement à l'endurance selon l'art. 14a LAI est envisagée auprès d'Artraction. Il est relevé qu'elle a vraiment besoin de savoir de quoi elle est capable et qu'elle est ravie de pouvoir, grâce à l'aide de l'AI, débuter une mesure pour le savoir, mais n'arrive pas encore à se projeter vers l'avenir. La mesure a été planifiée du 8 janvier au 8 avril 2018 à un taux de 20%. Elle occupera un poste d'assistante administrative au sein du secteur administration.

7.        Une nouvelle mesure de réinsertion a été prévue pour l'assurée de type « entraînement progressif » du 9 avril au 7 octobre 2018.

Il est alors constaté un taux de travail (présence et rendement) de 31,75% (cf. note du 3 octobre 2018).

La mesure de réinsertion a ainsi été clôturée et un taux d'invalidité pour la partie professionnelle a été fixé à 100% après les mesures de réadaptation.

8.        Une enquête économique sur le ménage a été réalisée le 8 janvier 2019 au domicile de l'assurée. Il en résulte un empêchement pondéré sans exigibilité de 43%, et avec exigibilité de 15%. L'exigibilité retenue a été fixée à 28%, étant précisé que « nous avons tenu compte de l'aide exigible du mari qui réside avec l'assurée. Elle nous a indiqué que son mari était dépressif et n'allait pas bien. Pour l'instant, aucune demande de rente AI n'a été déposée et par conséquent, nous ne pouvons pas tenir compte d'une atteinte à la santé empêchant l'aide pour les travaux habituels de l'assurée ».

Les indications figurant dans le rapport d'enquête ménagère seront reprises en tant que de besoin dans la partie en droit qui suit.

9.        Le 22 février 2019, l'OAI a transmis à l'assurée un projet de décision, aux termes duquel celle-ci est considérée comme une personne ayant le statut de non active. Il a admis qu'elle souffrait d'une atteinte à la santé invalidante dès le mois de janvier 2014. Il ressort toutefois de l'enquête ménagère qu'elle présente un empêchement dans la sphère ménagère de 15%, de sorte que la demande de prestations AI est rejetée.

10.    Par décision du 3 avril 2019, l'OAI a confirmé son projet.

11.    L'assurée, représentée par Me Florence BOURQUI, a interjeté recours le 13 mai 2019 contre ladite décision. Elle conteste le statut retenu par l'OAI et conclut à l'octroi d'une rente entière d'invalidité à compter du 1er janvier 2017. Elle relève que seuls ses problèmes de santé l'ont empêchée de trouver un emploi. Selon sa mandataire, « il est difficile de distinguer précisément les raisons pour lesquelles elle n'a pas eu d'emploi régulier au terme de sa scolarité et de déterminer exactement l'importance de la part jouée par sa problématique psychiatrique (échecs des tentatives de reprises d'emploi) et celle relevant du contexte social et familial (éducation des demi-soeurs). Il n'en reste pas moins qu'il aurait été nécessaire qu'elle occupe une activité lucrative à temps plein, en tous cas depuis 2005. Elle en aurait eu la disponibilité, n'ayant ni enfant, ni plus aucun membre de sa famille à sa charge, ainsi que la volonté et la motivation nécessaire ».

12.    Dans sa réponse du 11 juin 2019, l'OAI a conclu au rejet du recours.

« Selon les éléments figurant au dossier, la recourante est au bénéfice de l'Hospice Général depuis le 1er mai 2005. Elle n'a pas suivi de formation professionnelle et selon le rassemblement des comptes individuels, n'a travaillé que trois mois jusqu'à ce jour. Elle n'a jamais été inscrite à l'assurance chômage et ne prétend pas non plus avoir cherché du travail.

On sait qu'à l'entrée dans l'âge adulte, elle a rejoint sa mère pour l'aider à élever les filles cadettes de cette dernière, soit ses demi-soeurs. Il convient de souligner que rien ne permet de penser que cette situation était liée à son état de santé.

Il convient ainsi de constater que rien ne permet de considérer, au degré de la vraisemblance prépondérante, qu'en bonne santé, elle aurait travaillé à 100% ».

13.    Le 8 juillet 2019, l'assurée a relevé qu'elle avait effectivement choisi d'assister sa famille, d'abord sa mère, puis ses deux demi-soeurs, mais que cette aide n'était plus nécessaire depuis près de quinze ans désormais. Le fait qu'elle n'ait pas repris un emploi ensuite est dû à l'aggravation de ses problèmes de santé. Il est vrai qu'elle n'a ni formation, ni expérience professionnelle, mais elle aurait pu trouver un emploi simple et répétitif, afin de ne pas être condamnée à vivre de l'assistance sociale jusqu'à l'âge de la retraite. Du reste, les organismes d'aide sociale exigent de leurs bénéficiaires qu'ils mettent tout en oeuvre pour retrouver un emploi. Cela n'a pas été possible dans son cas.

14.    Dans sa duplique du 7 août 2019, l'OAI a déclaré qu'il persistait à considérer l'assurée comme une personne sans activité lucrative. Il rappelle à cet égard que l'incapacité de travail remonte à décembre 2014, époque à laquelle l'assurée était déjà au bénéfice de l'Hospice général, ce depuis mai 2005. Selon l'OAI, « aucun élément factuel ne permet de penser qu'en bonne santé, elle aurait modifié sa situation financière et aurait été active ».

15.    Ce courrier a été transmis à l'assurée et la cause gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d'espèce est ainsi établie.

2.        À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

Toutefois, les modifications légales contenues dans la LPGA constituent, en règle générale, une version formalisée dans la loi de la jurisprudence relative aux notions correspondantes avant l'entrée en vigueur de la LPGA ; il n'en découle aucune modification du point de vue de leur contenu, de sorte que la jurisprudence développée à leur propos peut être reprise et appliquée (ATF 130 V 343 consid. 3).

3.        Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]). Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA).

4.        Le litige porte sur le degré d'invalidité de la recourante, plus particulièrement sur le statut à lui reconnaître.

5.        Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l'art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l'atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d'une incapacité de gain. De plus, il n'y a incapacité de gain que si celle-ci n'est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008). Pour les personnes sans activité rémunérée, qui sont aussi couvertes par la LAI, la loi consacre une conception particulière de l'invalidité, qui substitue la capacité d'accomplir les travaux habituels à la capacité de gain; est déterminant l'empêchement, causé par l'atteinte à la santé, d'accomplir les travaux habituels, comme la tenue du ménage, l'éducation des enfants, les achats, ainsi que toute activité artistique ou d'utilité publique (art. 8 al. 3 LPGA, auquel renvoie l'art. 5 al. 1 LAI ; art. 27 du règlement sur l'assurance-invalidité, du 17 janvier 1961 [RAI - RS 831.201]).

6.        L'octroi d'une rente d'invalidité suppose que la capacité de l'assuré de réaliser un gain ou d'accomplir ses travaux habituels ne puisse pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles, que l'assuré ait présenté une incapacité de travail d'au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable, et qu'au terme de cette année il soit invalide à 40 % au moins (art. 28 al. 1 LAI), la rente d'invalidité alors allouée étant un quart de rente, une demie-rente, un trois quarts de rente ou une rente entière selon que le taux d'invalidité est, respectivement, de 40 à 49%, de 50 à 59%, de 60 à 69% ou de 70% ou plus (art. 28 al. 2 LAI).

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA; ATF 130 V 343 consid. 3.4). La détermination du taux d'invalidité ne saurait reposer sur la simple évaluation médico-théorique de la capacité de travail de l'assuré car cela revient à déduire de manière abstraite le degré d'invalidité de l'incapacité de travail, sans tenir compte de l'incidence économique de l'atteinte à la santé (ATF 114 V 281 consid. 1c et 310 consid. 3c; RAMA 1996 n° U 237 p. 36 consid. 3b).

7.        Tant lors de l'examen initial du droit à la rente qu'à l'occasion d'une révision de celle-ci (art. 17 LPGA), il faut examiner sous l'angle des art. 4 et 5 LAI quelle méthode d'évaluation de l'invalidité il convient d'appliquer (art. 28a LAI, en corrélation avec les art. 27 ss RAI). Le choix de l'une des trois méthodes entrant en considération (méthode générale de comparaison des revenus, méthode mixte, méthode spécifique) dépendra du statut du bénéficiaire potentiel de la rente : assuré exerçant une activité lucrative à temps complet, assuré exerçant une activité lucrative à temps partiel, assuré non actif. On décidera que l'assuré appartient à l'une ou l'autre de ces trois catégories en fonction de ce qu'il aurait fait dans les mêmes circonstances si l'atteinte à la santé n'était pas survenue. Lorsque l'assuré accomplit ses travaux habituels, il convient d'examiner, à la lumière de sa situation personnelle, familiale, sociale et professionnelle, si, étant valide il aurait consacré l'essentiel de son activité à son ménage ou s'il aurait exercé une activité lucrative. Pour déterminer le champ d'activité probable de l'assuré, il faut notamment prendre en considération la situation financière du ménage, l'éducation des enfants, l'âge de l'assuré, ses qualifications professionnelles, sa formation ainsi que ses affinités et talents personnels (ATF 137 V 334 consid. 3.2; ATF 117 V 194 consid. 3b; Pratique VSI 1997 p. 301 ss consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_722/2016 du 17 février 2017 consid. 2.2). Cette évaluation tiendra également compte de la volonté hypothétique de l'assurée, qui comme fait interne ne peut être l'objet d'une administration directe de la preuve et doit être déduite d'indices extérieurs (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2015 du 11 mai 2015 consid. 2.3 et l'arrêt cité) établis au degré de la vraisemblance prépondérante tel que requis en droit des assurances sociales (ATF 126 V 353 consid. 5b).

Selon la pratique, la question du statut doit être tranchée sur la base de l'évolution de la situation jusqu'au prononcé de la décision administrative litigieuse, encore que, pour admettre l'éventualité de la reprise d'une activité lucrative partielle ou complète, il faut que la force probatoire reconnue habituellement en droit des assurances sociales atteigne le degré de vraisemblance prépondérante (ATF 141 V 15 consid. 3.1; ATF 137 V 334 consid. 3.2; ATF 125 V 146 consid. 2c ainsi que les références).

De jurisprudence constante, le statut d'un assuré dépend du point de savoir s'il aurait exercé une activité lucrative si son état de santé le lui avait permis. Si la détermination du statut doit prendre en compte sa volonté hypothétique, cette volonté ne peut être admise sans autres éléments de preuve, mais doit être confortée par des indices extérieurs (arrêt du Tribunal fédéral 9C_352/2014 du 14 octobre 2014 consid. 3.3 et les références). À titre d'exemples, le Tribunal fédéral a confirmé le statut de non active d'une mère qui n'avait travaillé que durant deux mois en 2006, depuis son arrivée en Suisse en 1992, qui n'avait fourni aucune pièce attestant de recherches d'emplois depuis 1992, qui s'était annoncée comme femme au foyer et n'avait recherché aucun emploi avant sa maladie, alors qu'elle disait avoir la volonté de travailler (arrêt du Tribunal fédéral précité 9C_352/2014 du 14 octobre 2014). À l'inverse, il a admis le statut d'active à 100% d'une assurée, en prenant en compte les modestes revenus de son mari, les enfants désormais adultes et une activité exercée à temps complet pendant huit mois avant d'être atteinte dans sa santé (arrêt du Tribunal fédéral 9C 260/2013 du 9 août 2013).

8.        Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3, ATF 126 V 353 consid. 5b, ATF 125 V 193 consid. 2). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

9.        Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en oeuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a; RAMA 1985 p. 240 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en oeuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l'administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

10.    En l'espèce, l'OAI a retenu un statut de ménagère, au motif que l'assurée n'a plus eu d'activité depuis environ dix ans et n'a jamais travaillé plus de quelques jours au même endroit. Il a considéré que l'atteinte à la santé dont elle souffrait avait des répercussions sur sa capacité de travail dès janvier 2014, mais que l'empêchement à accomplir les tâches ménagères était de 15%. Aussi a-t-il nié le droit de l'assurée à toute prestation AI.

Pour sa part, l'assurée conteste le statut retenu par l'OAI.

11.    a. Il ressort de l'extrait du compte individuel de cotisations de l'assurée que celle-ci n'a occupé que trois emplois d'une durée d'un mois chacun en août 2001, novembre 2004 et avril 2007. Elle s'est par ailleurs occupée de ses deux demi-soeurs, nées en 1992 et 1994, de 1995 à 2000, puis de 2004 à 2005. Force est ainsi de constater qu'elle n'a véritablement exercé aucune activité lucrative de manière durable.

b. Elle a toutefois déclaré à l'infirmière chargée de l'enquête ménagère qu'en bonne santé, elle aurait travaillé « pour des raisons financières, pour pouvoir sortir et avoir un cadre ». Il y a à cet égard lieu de relever qu'elle est soutenue financièrement par l'Hospice général depuis mai 2005, et que depuis 2007, celui-ci complète le revenu du mari, lequel est depuis cette date, en fin de droit au chômage. Elle a par ailleurs des dettes à hauteur d'environ CHF 36'000.- depuis plusieurs années.

12.    a. L'assurée soutient que ce sont ses problèmes de santé qui l'ont empêchée de travailler.

b. Il y a lieu de constater que le Dr D______ a retenu, dans son rapport du 26 juin 2017, que l'assurée présentait une personnalité anxieuse évitante, peut-être depuis l'adolescence, des troubles mixtes de la personnalité, peut-être depuis le début de l'âge adulte, des phobies spécifiques, peut-être depuis l'enfance, qui se sont intensifiées avec les années, et un trouble dépressif récurrent, au moins depuis 2007, épisode actuel léger sans syndrome somatique.

Il paraît certes difficile pour le médecin de dater précisément les dates auxquelles ces troubles sont apparus. Il indique toutefois qu'ils sont présents depuis longtemps, soit respectivement depuis l'enfance, depuis l'adolescence ou encore depuis le début de l'âge adulte, ce qui est corroboré par le fait qu'elle a été hospitalisée en milieu psychiatrique à l'âge de 21-22 ans déjà.

Elle a à trois reprises tenté de travailler, sans succès. Le Dr D______ a à cet égard rapporté que selon sa patiente, les trois emplois ont été interrompus dans des contextes de difficultés relationnelles avec les collègues ou les chefs.

Il ressort de l'enquête ménagère qu'« à la fin du cycle d'orientation (1995 ou 1996), l'assurée a dû s'occuper de deux petites demi-soeurs, car sa mère était malade. Elle n'a pas pu commencer une formation professionnelle ».

Il est vrai que rien ne permet de penser que cette situation était liée à son état de santé. Il convient toutefois de constater qu'en aidant sa mère à la maison, elle restait dans le cadre familial, ce qui lui permettait de ne pas avoir à affronter le monde du travail dont elle avait peur, étant rappelé que, souffrant d'une phobie de se faire agresser ou de se faire tuer, elle évite de sortir seule de chez elle et de se retrouver confrontée aux regards des gens.

Qui plus est, selon le Dr D______, l'assurée souhaitait essayer une mesure de réadaptation professionnelle adaptée, tout en doutant des résultats, en raison plus particulièrement de sa crainte de se rendre dans des ateliers protégés en raison des personnes qu'elle pourrait y rencontrer. Le médecin a insisté sur le fait qu'elle a vraiment besoin de savoir de quoi elle est capable et qu'elle est ravie de pouvoir, grâce à l'aide de l'AI, débuter une mesure pour le savoir. Il s'avère toutefois que la mesure de réinsertion accordée par l'AI a dû être clôturée et un taux d'invalidité de 100% pour la partie professionnelle lui a été reconnu après les mesures de réadaptation. Il résulte de ce qui précède que l'assurée, motivée, avait la volonté d'entreprendre une mesure de réadaptation professionnelle, mais que son état de santé l'en a empêchée.

Il apparaît ainsi vraisemblable, au degré requis par la jurisprudence, que les troubles dont souffre l'assurée sur le plan psychiatrique ont joué un rôle déterminant dans le fait qu'elle n'ait pas travaillé, à l'exception de trois emplois de très courte durée en 2001, 2004 et 2007. On ne peut que constater dans ces conditions qu'en bonne santé, elle aurait, pour des raisons financières, recherché à exercer une activité lucrative ne nécessitant aucune formation spéciale, afin de subvenir à ses besoins et ne pas être à la charge de l'Hospice Général, et ce depuis 2005, date depuis laquelle ses demi-soeurs n'ont plus eu besoin d'elle.

13.    Reste à déterminer à quel taux elle aurait travaillé. On ne peut se fonder sur le taux d'activité qu'elle aurait indiqué en s'inscrivant auprès de l'office cantonal de l'emploi, dès lors qu'elle n'a pu s'annoncer au chômage au vu des circonstances. On ne peut pas non plus déterminer quel aurait été son souhait à cet égard. L'OAI n'a par ailleurs pas eu la possibilité de se prononcer sur cette question.

14.    Il se justifie en conséquence d'admettre le recours et de renvoyer la cause à l'OAI afin qu'il fixe le taux de l'activité lucrative qu'aurait exercée l'assurée, si elle avait été en bonne santé, en se fondant sur sa situation économique et sur celle de son époux, puis rende une nouvelle décision, compte tenu d'un statut mixte.


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet et annule la décision du 3 avril 2019.

3.        Renvoie le dossier à l'OAI pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

4.        Condamne l'OAI à verser à l'assurée la somme de CHF 1'200.- à titre de participation à ses frais et dépens.

5.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l'OAI.

6.        Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

 

Doris GALEAZZI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances sociales par le greffe le