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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4006/2009

ATAS/1173/2011 du 17.11.2011 ( LPP ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 27.01.2012, rendu le 18.02.2013, ADMIS, 9C_53/2012, 9C_59/2012
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4006/2009 ATAS/1173/2011

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du17 novembre 2011

8ème Chambre

En la cause

Monsieur P__________, domicilié à Genève, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître MOLO Romolo

demandeur

contre

CAISSE DE PENSIONS EN FAVEUR DES JOURNALISTES - CPJ, sise Grand-Place 14a, 1700 Fribourg, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître PERLER Elmar

FONDATION SUISSE DES PARTENAIRES SOCIAUX POUR L'INSTITUTION SUPPLETIVE, sise p.a. FONDATION INSTITUTION SUPPLETIVE LPP, Agence régionale de la Suisse romande, passage St-François 12, 1002 Lausanne

CAISSE DE PREVOYANCE DU PERSONNEL DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE ET DES FONCTIONNAIRES DU CANTON DE GENEVE, sise boulevard Saint-Georges 38, 1205 Genève, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître SCHNEIDER Jacques-André

 

défendeur

EN FAIT

1.        Monsieur P__________ (ci-après : le demandeur ou l’assuré) est né en 1959. Il est séparé et père de deux enfants.

2.        Le demandeur a exercé tout d’abord la profession de journaliste, puis, à partir du 15 octobre 2002, a travaillé en qualité de rédacteur socioprofessionnel à Genève.

3.        Dès le 1er mars 2003, le demandeur a exercé l’activité de chef de projet auprès de ce même office.

4.        A ce titre, le demandeur était assuré pour la prévoyance professionnelle auprès de la Caisse de prévoyance du personnel de l’instruction publique et des fonctionnaires du canton de Genève (ci-après : la CIA).

5.        Le demandeur a démissionné de son poste de travail, avec effet au 31 mars 2004.

6.        Un questionnaire pour l’employeur rempli à l’intention de l’Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève fait mention des incapacités de travail du demandeur suivantes : pour l’année 2002 : du 28 octobre 2002 au 3 novembre 2002 et du 28 novembre 2002 au 30 novembre 2002, à 100 % ; pour l’année 2003 : du 12 août 2003 au 16 novembre 2003, à 100 %, puis du 17 novembre 2003 au 9 décembre 2003, à 50 % ; pour l’année 2004 : du 5 janvier 2004 au 30 janvier 2004, à 100 % ; du 1er février 2004 au 3 février 2004 et du 5 février 2004 au 15 février 2004, à 50 %, et enfin du 21 février 2004 au 24 février 2004, également à 50 %.

7.        Des certificats médicaux des 19 et 27 avril et 12 mai 2004, établis par le Dr A__________, médecin adjoint agrégé auprès du Département de psychiatrie des Hôpitaux Universitaires de Genève (ci-après les HUG), attestent d’une incapacité de travail à 100% du 13 avril 2004 au 13 juin 2004. Dans un certificat du 2 juin 2004, ce même médecin attestait que le demandeur pouvait reprendre son travail à 100% dès le 10 juin 2004.

8.        Etablissant des certificats médicaux, les 22 juillet et 2 septembre 2004, le Dr A__________ a mis le demandeur à l’incapacité de travail à 100% du 20 juillet au 30 septembre 2004.

9.        Le 16 juillet 2007, le demandeur a déposé une demande de prestations AI pour adultes. Répondant à une question au sujet de son incapacité de travail, il précisait une incapacité entière du 12 août 2003 au 30 août 2003, du 14 janvier 2004 au 30 janvier 2004, du 13 avril 2004 au 13 juin 2004 et du 20 juillet 2004 au 30 novembre 2004. Il indiquait également une incapacité à 50% du 17 novembre 2003 au 9 décembre 2003 et du 2 février 2004 au 25 février 2004. Il mentionnait également une période de chômage de 2004 à 2006. De plus, selon l’extrait AVS, le demandeur a réalisé, notamment durant le deuxième semestre de 2004 et en 2005, des activités exercées à la tâche sous forme dépendante ou indépendante.

10.    Dans sa décision du 12 septembre 2008, l’OAI relève, dans le résultat de ses constatations « Au vu de l’ensemble des éléments en notre possession, nous constatons que votre capacité de travail est considérablement restreinte depuis la fin du mois d’août 2004. Par conséquent, le délai de carence (attente d’un an) prend fin dès le 31 août 2005. Le Service Médical Régional de l’AI (SMR) à la vue de l’ensemble des documents médicaux, estime que votre incapacité de travail est de 40% et ce dans toute activité depuis la fin du mois d’août 2004 jusqu’au 15.05.2006. Puis, dès le 16.05.2006, le (SMR) est d’avis qu’aucune activité adaptée à vos limitations fonctionnelles ne peut être exigible à plus de 30%. Dans votre cas, vos incapacités de travail se confondent avec votre perte de gain. Notre décision est par conséquent la suivante : A partir du 01.08.2005, le droit à un quart de rente vous est reconnu sur la base d’un degré d’invalidité de 40% et ce jusqu’au 31.06.2006, conformément à l’art. 88a al.2 RAI cité ci-dessus. Puis, dès le 01.09.2006, votre droit à une rente entière avec un degré d’invalidité de 70% vous est reconnu. » Le demandeur a donc été mis au bénéfice d’un quart de rente à partir du 1er août 2005 et d’une rente entière à partir du 1er septembre 2006, avec des rentes correspondances pour ses deux enfants.

11.    Lors de son engagement auprès de l’Office de la formation professionnelle, le demandeur a subi une visite médicale, au cours de laquelle il a signalé un trouble bipolaire et a été examiné par un psychiatre.

12.    Suite à cette visite auprès d’un psychiatre, le demandeur a été affilié sans réserve à la CIA, et ce jusqu’au 31 mars 2004, date effective de sa démission.

13.    La prestation de libre passage a été versée, en date du 6 juillet 2004, par la CIA à la Caisse de pensions en faveur des journalistes (ci-après : la CPJ). En effet, désirant travailler à nouveau en qualité de journaliste indépendant, le demandeur s’est inscrit auprès de cette institution de prévoyance en remplissant un questionnaire dans lequel il déclarait jouir d’une pleine capacité de travail et avoir pris acte de ce que la CPJ n’assumait aucune responsabilité lorsque les indications fournies à l’occasion de l’inscription à l’assurance sont inexactes ou incomplètes.

14.    Par rapport du 9 novembre 2007, le Dr A__________, psychiatre, qui suit le demandeur depuis le 2 août 2002, a indiqué que son patient souffre d’un trouble bipolaire de type 1, dont les premiers symptômes sont apparus en 1996. Il indiquait également qu’un traitement hospitalier avait été prodigué en 1996 et 1999.

15.    Il résulte du questionnaire AI pour l’employeur du 5 février 2008 que, au 31 mars 2004, le demandeur n’était pas en arrêt de travail pour cause de maladie. Il s’est ensuite inscrit à l’Office cantonal de l'emploi le 1er avril 2004 et a été mis au bénéfice d’indemnités journalières de chômage du 1er avril 2004 au 31 mars 2006.

16.    Durant l’année 2004, le demandeur a également perçu des revenus en raison d’activités exercées à la tâche, sous forme indépendante ou dépendante.

17.    Par courrier adressé à l’OAI le 28 octobre 2007, le demandeur a déclaré avoir, de janvier à août 2005, cherché un emploi à 100 % dans la presse et dans la communication écrite.

18.    Suite à une demande de prestations du demandeur, la CPJ a répondu « la cause et les symptômes de votre invalidité actuelle se sont manifestées bien avant le début de l’assurance à la CPJ.  La CPJ ne peut donc verser aucune prestation d’invalidité en votre faveur. » La CPJ précisait encore, à cette occasion, que l’admission dans la prévoyance professionnelle au sens de son règlement se faisait sans examen de l’état de santé, pour autant que l’entière capacité de travail de la personne à assurer soit confirmée dans la formule d’annonce. Dans tous les autres cas, des données complémentaires sont requises sur l’état de santé de la personne à assurer.

19.    Par courrier du 9 octobre 2008, le demandeur informait l’OAI que les rapports de travail avec « Le Temps » qui l’avait engagé en qualité de « piges à l’appel » avait pris fin le 1er octobre 2008, date à laquelle il avait été engagé par l’Etat de Genève à raison de 25 %.

20.    Un résumé de séjour auprès de la Clinique de Belle-Idée, établi par le Dr B__________ du 6 juin 2002, fait état d’un séjour du 12 avril au 3 juin 2002 du demandeur, qui a subi une seconde hospitalisation à Belle-Idée, volontaire, en raison d’un trouble affectif bipolaire d’un épisode actuel de dépression sévère sans symptôme psychotique et de troubles mentaux et du comportement liés à l’utilisation d’alcool. Suite à l’annonce de son licenciement de « L’Hebdo », il avait présenté une symptomatologie dépressive qui avait motivé l’introduction d’un traitement médicamenteux, puis son hospitalisation volontaire. A son arrivée à la clinique, il présentait une anhédonie manifeste.

21.    Sur la base de certificats médicaux du Dr A__________, le demandeur a été mis en incapacité de travail à 100 % du 13 au 30 avril 2004, du 1er au 15 mai 2004 et du 15 mai au 13 juin 2004.

22.    A l’occasion d’un certificat médical du 2 juin 2004, le Dr A__________ attestait que le demandeur pouvait reprendre son travail à 100 % dès le 10 juin 2004.

23.    Dans un certificat du 22 juillet 2004, le Dr A__________ a mis l’assuré en incapacité totale de travail du 20 juillet au 31 août 2004, puis également à 100 % du 1er au 30 septembre 2004 du 2 septembre 2004.

24.    Il n’y a plus eu d’incapacité de travail certifiée médicalement depuis lors, en 2004 et en 2005.

25.    A la demande l’OAI, le Dr A__________, qui a établi un rapport médical le 12 octobre 2007, a retenu les diagnostics de trouble bipolaire de type 1 avec un premier épisode maniaque en 1996, un début du trouble probablement antérieur à 1996, avec des variations de l’humeur, mais beaucoup moins marquées, ainsi qu’un problème d’alcool depuis la fin de l’adolescence. Le Dr A__________ a relevé qu’il n’y avait pas eu d’arrêt de travail depuis la fin de l’année 2004, mais plusieurs arrêts durant l’année 2004 et les années précédentes suite à des variations importantes de l’humeur ou à des hospitalisations. Le début du trouble bipolaire était difficile à préciser. Le premier épisode maniaque avec des symptômes psychotiques était survenu en 1996. Cet épisode s’était déclenché dans un contexte de surcharge professionnelle et de stress important. Cet épisode avait entraîné une hospitalisation et avait été suivi d’un épisode dépressif. La dépression avait duré environ six mois. Depuis 1996, le patient avait fait une dizaine d’épisodes dépressifs qui succédaient généralement à une phase hypomaniaque-maniaque. Avant 1996, il avait probablement eu des phases hypomaniaques de courte durée, accompagnées d’irritabilité et de dépenses exagérées. Deux hospitalisations à Belle-Idée avaient été nécessaires lors d’épisodes dépressifs. Une tentative de suicide médicamenteuse avait eu lieu en 1999. Selon le Dr A__________, le maintien d’une activité professionnelle à plus de 30 % ne semblait pas possible.

26.    Interrogé par la CPJ, le Dr A__________ a précisé, le 9 novembre 2007, que les premiers symptômes étaient apparus en 1996, voire antérieurement, qu’un suivi psychiatrique avait été mis en place jusqu’en 2002 par la Dresse C__________, spécialiste FMH en psychiatrie, puis de décembre 2002 à ce jour par lui-même. Le demandeur « n’avait pas subi d’arrêt de travail depuis fin 2004, mais avait des difficultés importante sur certaines périodes ».

27.    Interrogé par le Service médical régional de l’AI (ci-après : le SMR) le 24 janvier 2008, au sujet de la date à laquelle l’assuré avait disposé d’une capacité de travail d’au moins 30 %, le Dr A__________ a estimé que la capacité de travail du demandeur avait été d’environ 60 % depuis la fin de l’année 2004, soit la période depuis laquelle il n’avait plus eu d’arrêt de travail, et ce jusqu’à mi-2006. Par la suite, la capacité de travail du demandeur avait été réduite à environ 30 % jusqu’à ce jour. Il était souligné que le demandeur avait parfois travaillé à des pourcentages se rapprochant de 100 % sur certaines périodes ponctuelles, mais cela s’était toujours terminé par de grosses difficultés, des échecs professionnels et/ou des démissions en cours de mandat.

28.    Dans un certificat du 9 octobre 2008, le Dr A__________ a attesté d’une nouvelle incapacité de travail ensuite d’une tentative de reprise à 40 % auprès de l’Etat de Genève d’une durée non spécifiée. Le Dr A__________ recommandait que l’assuré ne travaille plus qu’à 30 % à l’avenir.

29.    Le 16 juillet 2007, le demandeur a déposé une demande AI en raison d’un trouble bipolaire s’étant manifesté, selon l’assuré, avec une première décompensation en 1996.

30.    Le 24 juillet 2008, l’OAI a adressé à l’assuré un projet de décision portant sur l’octroi au droit à un quart de rente du 1er août 2005 au 31 août 2006, fondé sur un degré d’invalidité de 40 %, puis une rente entière fondée sur un degré d’invalidité de 70 % à partir du 1er septembre 2006. L’OAI retenait que la capacité de travail du demandeur était considérablement restreinte depuis la fin du mois d’août 2004, sans autre explication.

31.    Par courrier du 29 janvier 2009, UNIA CAISSE DE CHOMAGE informait l’OAI du fait que la CPJ refusait de prester au motif que la cause de l’invalidité s’était manifestée depuis bien avant le début de l’affiliation et priait l’Office de se déterminer sur le fait de savoir si le début de l’incapacité déterminante était maintenu au 1er août 2004. L’OAI a répondu par l’affirmative, la seule institution de prévoyance connue de son office étant la CPJ.

32.    Par courrier du 4 mai 2009, la FONDATION INSTITUTION SUPPLETIVE LPP a admis sa compétence et a donné acte au demandeur de ce qu’elle accordait une rente entière d’invalidité LPP et deux rentes entières d’enfant d’invalide. Des rentes ont été versées par cette institution au demandeur.

33.    Par courrier recommandé du 31 mars 2009, le demandeur, par l’intermédiaire de son conseil, s’est adressé à la CIA en faisant valoir que la CPJ refusait de prester au motif que l’incapacité de travail aurait préexisté au moment de l’affiliation au 1er juillet 2004. Le demandeur ajoutait notamment qu’il avait quitté la CIA au 31 mars 2004, bénéficiant de ce fait d’une couverture d’assurance jusqu’au 1er mai 2004. Il poursuivait que cependant il était en incapacité de travail à plusieurs reprises à 100 % et à 50 % à partir du 5 janvier 2004 et que son dernier jour de travail effectif avait été le 7 mars 2004, étant précisé qu’il avait bénéficié d’un congé sans traitement jusqu’au 31 mars 2004. Il précisait encore que la décision de l’AI était manifestement insoutenable en tant qu’elle fixait le début de l’incapacité de travail durable à partir du 31 août 2004. Enfin, il formait une demande de prestation d’un quart de rente auprès de la CIA à partir du 1er mars 2005, puis d’une rente à 100 % à partir du 1er septembre 2006.

34.    Par courrier du 27 avril 2009 adressé au conseil du demandeur, la CIA relevait « dans nos statuts (article 28), l’invalidité est décrite comme « un atteinte durable à la santé physique du membre salarié entraînant une incapacité partielle ou totale de remplir sa fonction ou tout autre fonction analogue au service de l’Etat ou d’une institution. » A la date de début du droit à une rente de l’assurance invalidité, à savoir le 1er août 2005, Monsieur P__________ n’était plus membre salarié de notre Caisse puisqu’il avait quitté celle-ci au 31 mars 2004 déjà. Des prestations d’invalidité au sens de nos statuts sont donc exclues. » La CIA précisait encore que « au sens de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle (LPP), nous pourrions intervenir dans la mesure où Monsieur P__________ était encore assuré au moment de la survenance de l’incapacité de travail dont la cause à l’origine de l’invalidité, soit avant le 1er mai 2004. Tel n’est pas le cas si l’on s’en tient à la décision de l’AI. »

35.    Par courrier du 17 septembre 2009 de son conseil, le demandeur s’est adressé au Dr A__________, lequel a confirmé qu’il le suivait depuis le 2 août 2002, que les arrêts de travail du 13 au 30 avril 2004, du 1er au 15 mai 2004, du 15 mai au 13 juin 2004, avec reprise le 10 juin 2004, d’une incapacité le 13 juillet 2004, ainsi qu’un arrêt de travail à 100 % du 20 juillet au 31 août 2004, sont survenus suite à des épisodes de dépression dans un contexte de trouble bipolaire de type 1.

36.    Par acte du 6 novembre 2009, l’assuré a déposé une demande auprès du Tribunal cantonal des assurances sociales, actuellement Chambre des assurances sociales de la Cour de justice, en concluant principalement à ce que la CIA soit tenue aux prestations tant obligatoires que sur-obligatoires, à partir du 1er août 2005, tant pour la rente d’invalidité que pour les rentes pour enfant, subsidiairement que ce soit la CPJ, plus subsidiairement que soit donné acte à la FONDATION INSTITUTION SUPPLETIVE LPP de ce qu’elle reconnaissait devoir les prestations de l’assurance obligatoire LPP à partir de la même date.

37.    Répondant à la demande et rappelant notamment que pendant l’affiliation et les rapports de travail avec l’Etat de Genève, le demandeur n’avait subi aucune incapacité de travail de longue durée, qu’il avait résilié les rapports de service de son plein gré et alors qu’il jouissait d’une pleine capacité de travail, que le lien de connexité temporelle avec la CIA devait également être considéré comme rompu, qu’en particulier, selon l’art. 28 des statuts 2006 et 2007, il y a invalidité en présence d’une atteinte durable à la santé du salarié, entraînant une incapacité de travail partielle ou totale à remplir sa fonction, définition de l’invalidité qui déroge à celle retenue dans l’assurance-invalidité et qui fait référence à la perte de capacité de travail au service de l’Etat dans une fonction déterminée, et que de ce fait, pour la partie sur-obligatoire des prestations, la CIA n’était pas liée par la décision de l’AI, la CIA conclut au déboutement du demandeur de toutes ses conclusions.

38.    Pour sa part, la CPJ relève d’une part qu’il ressort du certificat médical du Service de psychiatrie des HUG que le diagnostic de trouble bipolaire de type 1 remonte à 1996 et que l’état de santé du demandeur s’est aggravé continuellement depuis octobre 2002, et d’autre part, que de mi-août 2003 à mi-juin 2004, le demandeur était, pratiquement sans interruption, inapte au travail. La CPJ relève également que le demandeur avait le devoir d’informer la défenderesse, dans la formule d’annonce, qu’il souffrait d’un trouble bipolaire, qu’il était de ce fait en traitement médical depuis des années et qu’il n’avait, durant les nombreux mois qui venaient de se passer, pas été en mesure de travailler. Insistant en particulier sur le fait qu’il n’y a pas eu d’interruption de l’incapacité de travail qui justifierait une interruption de la connexité matérielle avec l’événement qui s’était manifesté alors que le demandeur était affilié à la CIA, la CPJ conclut au rejet de la conclusion subsidiaire du demandeur, le tout avec suite de frais et dépens à la charge du demandeur.

39.    S’agissant de l’écriture de la CIA, le demandeur relève que celle-ci mélange, sciemment ou non, l’incapacité de travail déterminante de 20 % au moins qui oblige, si elle est en lien de connexité matérielle et temporelle, comme dans le cas d’espèce, à prester, avec l’incapacité de travail de 40 % au moins qui détermine la naissance de prestations d’invalidité.

40.    Par courrier du 19 février 2010, la CIA insiste sur le fait que l’assuré n’a subi aucune incapacité de travail durable durant les rapports d’affiliation et que la clause d’assurance n’est pas réalisée.

41.    Dans un courrier du 5 mars 2010, le Dr D__________, médecin-conseil auprès de l’Office du personnel de l’Etat, précise que le demandeur a postulé en 2002, puis en 2008, pour un poste de travail à l’Etat. Dans le questionnaire médical confidentiel qu’il a adressé au médecin-conseil, il a, à deux reprises, mentionné une affection médicale de nature psychiatrique, qui avait occasionné dans le passé des absences. Devant s’assurer qu’au moment de sa postulation, le demandeur était apte à travailler, il a été de ce fait vu à deux reprises par les psychiatres consultants, le Dr E_________ en 2002 et le Dr F_________ en 2008. Dans son rapport du 20 novembre 2002, le Dr E_________ relève notamment qu’actuellement le demandeur se trouve en phase de reconstruction, tentant de retrouver un emploi et de recréer des liens avec sa famille. Il donne un préavis favorable sans restriction. Pour sa part, dans son rapport de consultation médicale du 31 mars 2008, le Dr F_________ relève un status mental asymptomatique, note une anxiété anticipatoire en lien avec la prise d’activité qui est bien évaluée et bien prise en compte dans le processus thérapeutique actuel. Ce médecin constate, au niveau de l’impression diagnostique, un trouble bipolaire actuellement en rémission (F 31.7 ; ICD 10) et, au niveau de la proposition, constate une aptitude pour le taux d’activité contracté.

42.    Contestant, par courrier du 13 avril 2010, la prise de position de la CIA, le demandeur précise notamment que quoi qu’il en soit, cette dernière est tenue aux prestations dans le domaine sur-obligatoire, n’ayant formulé aucune réserve de santé quelconque et le demandeur n’ayant répondu à aucun questionnaire ni à aucun entretien autre que celui avec le Dr E_________ en 2002. Le demandeur conclut « Quoiqu’il en soit, la CIA est tenue à prestations et elle ne peut se prévaloir en aucune manière d’avoir ignoré des faits que, selon ses propres allégations, elle n’a jamais cherché à connaître. »

43.    Par courrier du 15 avril 2010, la CIA rappelle que le litige porte sur des questions relatives à la clause d’assurance, ainsi qu’aux connexités temporelles et matérielles et non sur une réticence.

44.    Se référant aux pièces déposées par le demandeur à l’occasion de son courrier du 22 mars 2010, la CPJ relève que ces documents démontrent que le diagnostic de trouble bipolaire et ses répercussions sur la capacité de travail existaient avant l’affiliation à la CPJ et que donc les indications fournies à l’occasion de l’inscription au plan LPP, respectivement de l’affiliation à la CPJ, n’étaient pas correctes. En tout état de cause, le demandeur ne pourra pas prétendre à une rente de la CPJ, puisque notamment l’art. 34.1 du plan LPP oblige le futur assuré à donner des réponses conformes à la vérité et complètes aux questions relatives à la capacité de travail et à l’état de santé. Le renseignement inexact et incomplet du demandeur autoriserait la CPJ à refuser ses prestations.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 56 V al. 1 let. b de la loi sur l’organisation judiciaire, du 22 novembre 1941, en vigueur jusqu’au 31 décembre 2010 (aLOJ), le Tribunal cantonal des assurances connaissait, en instance unique, des contestations prévues à l’art 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA) relatives à la prévoyance professionnelle opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit, y compris en cas de divorce, ainsi qu’aux prétentions en responsabilité (art. 331 à 331e CO ;art 52, 56a, al.1 et art 73 LPP ; 142 CC) Depuis le 1er janvier 2011, cette compétence revient à la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice, laquelle reprend les procédures pendantes devant le Tribunal cantonal des assurances sociales (art. 143 al. 6 de la LOJ du 9 octobre 2009). Par ailleurs, en matière de prévoyance professionnelle, le for de l’action est au siège ou au domicile suisse du défendeur ou au lieu de l’exploitation dans laquelle l’assuré a été engagé (art. 73 LPP), soit en l’espèce Genève. De plus, l’ouverture de l’action prévue à l’art 73 al. 1 LPP n’est soumise, comme telle, à l’observation d’aucun délai. Il s’ensuit que la Chambre de céans est compétente pour juger de l’action intentée par le demandeur.

2.        La question à résoudre, en l’espèce, est celle de savoir si le demandeur qui a mis un terme à son activité auprès de l’Office d’orientation professionnelle du canton de Genève, dès le 31 mars 2004, a droit principalement à une rente d’invalidité pour lui-même et pour ses enfants de la part de la CIA, subsidiairement si la CPJ est tenue à prestations ou plus subsidiairement donner acte à la Fondation institution supplétive LPP de ce qu’elle reconnaît devoir les prestations de l’assurance obligatoire LPP en faveur du demandeur et de ses enfants dès le 1er août 2005.

3.        En ce qui concerne le début et la fin de l’assurance obligatoire, l’art. 10 al. 3 LPP prévoit que durant un mois après la fin des rapports avec l’institution de prévoyance, le salarié demeure assuré auprès de l’ancienne institution de prévoyance pour les risques de décès et d’invalidité. Si un rapport de prévoyance existait auparavant, c’est la nouvelle institution de prévoyance qui est compétente.

4.        Au sens de l’art 6 LPGA, est réputée incapacité de travail toute perte, totale ou partielle, de l’aptitude de l’assuré à accomplir dans sa profession ou son domaine d’activité le travail qui peut raisonnablement être exigé de lui, si cette perte résulte d’une attient à sa santé physique, mentale ou psychique.

5.        En outre, l’art. 28 al. 1 let. b LAI prévoit que l’assuré a droit à une rente lorsqu’il a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable.

6.        Pour trancher le point de savoir si l’évaluation de l’invalidité effectuée par les organes de l’assurance-invalidité est d’emblée insoutenable et si, pour ce motif, elle n’a pas d’effet contraignant pour l’institution de prévoyance, il y a lieu de se fonder sur le dossier dans l’état où il se présentait aux organes de l’assurance-invalidité au moment du prononcé de la décision. (ATF 126 V 311)

7.        L’institution de prévoyance est en principe liée, lors de la survenance du fait assuré, par l’estimation de l’invalidité par les organes de l’assurance-invalidité. Cette force contraignante vaut aussi quand il s’agit de déterminer le moment de la naissance du droit à la rente ; autrement dit, la personne à laquelle l’assurance-invalidité a accordé une rente a également droit à une rente de l’institution de prévoyance, avec effet à la même date. (ATF 123 V 271).

8.        Le Tribunal fédéral (consid. 2.3.2 non publié de l’ATF 130 V 501, mais dans SVR 2005 BVG no 5 p. 14) a encore précisé que la force contraignante de la décision de l’organe de l’assurance-invalidité pour l’institution de prévoyance repose sur l’idée de décharger celle-ci de mesures d’instruction relativement importantes. Elle ne vaut dès lors qu’en ce qui concerne les constatations et appréciations des organes de l’assurance-invalidité qui étaient déterminantes dans la procédure de l’assurance-invalidité pour établir le droit à une rente invalidité et qui devaient effectivement faire l’objet d’une détermination ; dans le cas contraire, les organes de la prévoyance professionnelle sont tenus d’examiner librement les conditions du droit aux prestations (cf. arrêt B 50/99 du 14 août 2000 consid. 2b). Le fait que l’assurance-invalidité a fixé le début du droit à la rente n’exclut donc pas que l’incapacité de travail sur laquelle est fondé le droit à des prestations d’invalidité de la prévoyance professionnelle soit survenue (dans une mesure plus restreinte) plus d’une année auparavant (RSAS 2003 p. 45 [arrêt B 47/98 du 11 juillet 2000]) (9C_700/2007).

9.        En ce qui concerne notamment l’application de l’art. 23 LPP, le Tribunal fédéral a précisé, dans un arrêt du 20 mai 2011 (9C_748/2010) « L’art 23 LPP, dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2004, disposait qu’ont droit à des prestations d’invalidité les personnes qui sont invalides à raison de 50% au moins au sens de l’AI, et qui étaient assurées lorsqu’est survenue l’incapacité de travail dont la cause est à l’origine de l’invalidité. L’art. 23 let. a LPP (nouvelle teneur selon le ch. I de novelle du 3 octobre 2003 [1re révision LPP], en vigueur depuis le 1er janvier 2005) dispose qu’ont droit à des prestations d’invalidité les personnes qui sont invalides à raison de 40% au moins au sens de l’AI, et qui étaient assurées lorsqu’est survenue l’incapacité de travail dont la cause est à l’origine de l’invalidité.

10.    Le droit à des prestations d’invalidité de la prévoyance professionnelle obligatoire suppose que l’incapacité de travail dont la cause est à l’origine de l’invalidité de l’invalidité, soit survenue pendant la durée du rapport de prévoyance (y compris la prolongation prévue à l’art. 10 al. 3 LPP), conformément au principe d’assurance (art. 23 LPP ancienne teneur, art 23 let. a LPP nouvelle teneur ; ATF 135 V 13 consid. 2.6 p. 17, 134 V 20 consid. 3 p. 21 s., 123 V 262 consid. 1c p. 264). L’évènement assuré est uniquement la survenance d’une incapacité de travail d’une certaine importance, indépendamment du point de savoir à partir de quel moment et dans quelle mesure un droit à une prestation d’invalidité est né. La qualité d’assuré doit exister au moment de la survenance de l’incapacité de travail, mais pas nécessairement lors de l’apparition ou de l’aggravation de l’invalidité (ATF 136 V 65 consid. 3.1 p. 68, 123 V 262 consid. 1a p. 263). Ces principes trouvent aussi application en matière de prévoyance plus étendue, si – comme c’est le cas en ce qui concerne le Fonds de prévoyance X (arrêt 9C_700/2007 du 26 juin 2008) – le règlement de l’institution de prévoyance ne prévoit rien d’autre (ATF 136 V 65 consid. 3.2 p. 69, 123 V 262 consid. 1b p. 264, 120 V 112 consid. 2b p. 116 s.).

11.    La détermination du moment de la survenance de l’incapacité de travail, dont la cause est à l’origine de l’invalidité, est une question de fait. En revanche, le point de vue sur la base duquel intervient la décision relative au moment de la survenance de l’incapacité de travail déterminante relève du droit (arrêts 9C_297/2010 du 23 septembre 2010 consid. 2.3 (in SVR 2011 BVG no 14 p.51) et 9C_127/2008 du 11 août 2008 consid. 2.2 (in SVR 2008 BVG no 34 p. 143)

12.    Pour que l’ancienne institution de prévoyance reste tenue à prestations, il faut non seulement que l’incapacité de travail ait débuté à une époque où l’assuré lui était affilié, mais encore qu’il existe entre cette incapacité de travail et l’invalidité une relation d’étroite connexité. La connexité doit être à la fois matérielle et temporelle (ATF 130 V 270 consid. 4.1 p. 275). Il y a connexité matérielle si l’affection à l’origine de l’invalidité est la même que celle qui s’est déjà manifestée durant l’affiliation à la précédente institution de prévoyance (et qui a entraîné une incapacité de travail). La connexité temporelle implique qu’il ne se soit pas écoulé une longue interruption de l’incapacité de travail ; elle est rompue si, pendant une certaine période, l’assuré est à nouveau apte à travailler (ATF 123 V 262 consid. 1c p. 264, 120 V 112 consid. 2c/aa p. 117 s.).

13.    Pour la survenance de l’incapacité de travail au sens de l’art. 23 (à partir du 1er janvier 2005 : let. a) LPP, c’est la diminution de la capacité fonctionnelle de rendement dans la profession exercée jusque-là ou le champ d’activités habituelles qui est déterminante (ATF 134 V 20 consid. 3.2.2 p. 23 et les références). La connexité temporelle avec l’invalidité ultérieure – en tant que condition supplémentaire du droit aux prestations d’invalidité de l’institution de prévoyance concernée – se définit en revanche d’après l’incapacité de travail, respectivement la capacité résiduelle de travail dans une activité raisonnablement exigible adaptée à l’atteinte à la santé. Une telle activité doit cependant permettre de réaliser, par rapport à l’activité initiale, un revenu excluant le droit à une rente (ATF 134 V 20 consid. 5.3 p. 27)

14.    S’agissant de la diminution de la capacité fonctionnelle de rendement dans la profession exercée jusque-là, elle doit être de 20% au moins (arrêts 9C_297/2010 du 23 septembre 2010 consid. 2.1 et 9C_127/2008 du 11 août 2008 consid. 2.3). Elle doit se manifester au regard du droit du travail et avoir été remarquée par l’employeur (arrêt 9C_339/2007 du 5 mars 2008 consid. 5.2). Une incapacité de travail médico-théorique qui n’a été constatée que des années après ne suffit pas (arrêt 9C_54/2008 du 9 octobre 2008 résumé en RSAS 2009 p. 143 et la référence à l’arrêt B 13/01 du 5 février 2003 [SZS 2003 p.434] ; voir aussi MARC HÜRZELER, Invaliditätsproblematiken in der beruflichen Vorsorge : unter Berücksichtigung ihrer Stellung im Sozialversicherungs- und Schadenausgleichsystem, thèse Bâle 2005, p. 142 s.). Il existe une incapacité de travail au sens de l’art. 23 (à partir du 1er janvier 2005 : let. a) LPP non seulement lorsque, pour des raisons de santé, la personne ne peut plus exercer l’activité exercée jusque-là ou ne le peut encore que dans une mesure restreinte, mais aussi lorsqu’elle ne peut continuer son activité professionnelle qu’en s’exposant à une aggravation de son état de santé (arrêt 9C_127/2008 du 11 août 2008 consid. 3.3). »

15.    Conformément à l’art. 26 al. 1 LPP, les dispositions de la LAI (art. 29 LAI) s’appliquent par analogie à la naissance du droit aux prestations d’invalidité. Si une institution de prévoyance reprend – explicitement ou par renvoi – la définition de l’invalidité dans l’assurance-invalidité, elle est en principe liée, lors de la survenance du fait assuré, par l’estimation de l’invalidité par les organes de l’assurance-invalidité, sauf lorsque cette estimation apparaît d’emblée insoutenable (ATF 126 V 311 consid. 1 in fine). Cette force contraignante vaut non seulement pour la fixation du degré d’invalidité (ATF 115 V 208) mais également pour la détermination du moment à partir duquel la capacité de travail de l’assuré s’est détériorée de manière sensible et durable (ATF 123 V 271 consid. 2a et les références citées). » (arrêt du 2 septembre 2004 – B 92/03)

16.    Dans la prévoyance professionnelle obligatoire, la notion d’invalidité est la même que dans l’assurance-invalidité. C’est pourquoi l’institution de prévoyance est en principe liée, lors de la survenance du fait assuré, par l’estimation de l’invalidité par les organes de l’assurance-invalidité (ATF 123 V 269 consid. 2a p. 271, 120 V 106 consid. 3c p. 108 et les références). En matière de prévoyance plus étendue, en revanche, il est loisible aux institutions de prévoyance, en vertu de l’autonomie que leur confère l’art. 49 al. 2 LPP, d’adopter dans leurs statuts ou règlements une notion différente. C’est ainsi qu’elles peuvent accorder des prestations à des conditions moins strictes que dans l’assurance-invalidité (ATF 123 V 269 consid. 2d p. 273, 115 V 208 consid. 2b p. 211 et 215 consid. 4b p. 219). Si l’institution de prévoyance adopte une définition de l’invalidité qui ne concorde pas avec celle de l’assurance-invalidité, il lui appartient de statuer librement, selon ses propres règles, sans être liée par l’estimation de cette dernière (ATF 114 V 215 consid. 4c p. 220). (arrêt du TF du 3 décembre 2007 – B 146/06)

17.    En l’occurrence, la CIA a, en faisant usage de l’art. 49 al. 2 LPP, adopté, à l’art. 38 des statuts 1997, devenu art 28 des statuts 2006 et 2007, une définition plus stricte de la notion d’invalidité. Selon cette disposition, il y a invalidité en présence d’une atteinte durable à la santé du salarié entraînant une incapacité de travail partielle ou totale de remplir sa fonction ou toute autre fonction analogue au service de l’Etat ou d’une institution externe. Comme le relève la CIA cette définition de l’invalidité déroge à celle retenue dans l’assurance-invalidité et elle fait référence à la perte de capacité de travail au service de l’Etat, dans une fonction déterminée.

18.    « La faculté réservée aux institutions de prévoyance en vertu de l’art. 49 al. 2 LPP n’implique cependant pas pour elles un pouvoir discrétionnaire. Lorsqu’elles adoptent dans leurs statuts ou règlements un certain système d’évaluation, elles doivent se conformer, dans l’application des critères retenus, aux conceptions de l’assurance sociale ou aux principes généraux (voir par exemple, en ce qui concerne la notion de l’invalidité, ATF 120 V 106 consid. 3c p. 108, en ce qui concerne la notion de l’évènement assuré, RSAS 1997 p. 560 consid. 4a). Autrement dit, si elles ont une pleine liberté dans le choix d’une notion, elles sont néanmoins tenues de donner à celle-ci sa signification usuelle et reconnues en matière d’assurance (arrêt B 146/06 du 3 décembre 2007) » (arrêt 9C_54/2008 du 9 octobre 2008).

19.    En l’espèce, l’atteinte principale à la santé qui est du ressort de l’assurance-invalidité et dont résulte l’invalidité du demandeur selon la décision de rente du 12 septembre 2008 de l’Office AI consiste dans le diagnostic de trouble bipolaire dont il fait notamment état dans la demande de prestations AI présentée par le demandeur le 16 juillet 2007. L’OAI précisait, à l’occasion des résultats de ses constatations, que la capacité de travail du demandeur était considérablement restreinte depuis la fin du mois d’août 2004 et que, par conséquent, le délai de carence (attente d’un an) prenait fin dès le 31 août 2005.

20.    Considérant le fait que l’institution de prévoyance est, pour la partie obligatoire, liée, lors de la survenance du fait assuré, par la notion d’invalidité et son estimation de l’invalidité par les organes de l’assurance-invalidité, il convient de retenir comme date de la survenance du cas d’assurance la fin du mois d’août 2004.

21.    « L’art. 23 LPP a donc aussi pour but de délimiter les responsabilités entre les institutions de prévoyance, lorsque le travailleur, déjà atteint dans sa santé dans une mesure propre à influer sur sa capacité de travail, entre au service d’un nouvel employeur (en changeant en même temps d’institution de prévoyance) et est mis au bénéfice, ultérieurement, d’une rente de l’assurance-invalidité : le droit aux prestations ne découle pas du nouveau rapport de prévoyance ; les prestations d’invalidité sont dues par l’ancienne institution, auprès de laquelle l’intéressé était assuré lorsqu’est survenue l’incapacité de travail à l’origine de l’invalidité (…) Cependant, pour que l’ancienne institution de prévoyance reste tenue à prestations, il faut non seulement que l’incapacité de travail ait débuté à une époque où l’assuré lui était affilié, mais encore qu’il existe entre cette incapacité de travail et l’invalidité une relation d’étroite connexité ; dans ce cas seulement, la nouvelle institution est libérée de toute obligation de verser une rente. La connexité doit être à la fois matérielle et temporelle. Il y a connexité matérielle si l’affection à l’origine de l’invalidité est la même que celle qui s’est manifestée durant l’affiliation à la précédente institution de prévoyance (et qui a entraîné une incapacité de travail). La connexité temporelle implique qu’il ne se soit pas écoulé une longue interruption de l’incapacité de travail ; elle est rompue si, pendant une certaine période, l’assuré est de nouveau apte à travailler. L’ancienne institution de prévoyance ne saurait, en effet, répondre de rechutes lointaines ou de nouvelles manifestations de la maladie plusieurs années après que l’assuré a recouvré sa capacité de travail. Mais une brève période de rémission ne suffit pas pour interrompre le rapport de connexité temporelle. Contrairement à l’avis de la recourante, on ne saurait considérer qu’une interruption de trente jours consécutifs suffit pour fonder la responsabilité de la nouvelle institution de prévoyance, du moins lorsqu’il est à prévoir que la diminution ou la disparition des symptômes de la maladie sera de courte durée. Comme le relève l’Office fédéral des assurances sociales, cette interprétation de la loi restreindrait de manière inadmissible la portée de l’art. 23 LPP, notamment dans le cas d’assurés qui ne retrouvent pas immédiatement un emploi et qui, pour cette raison, ne sont plus affiliés à aucune institution de prévoyance. D’ailleurs, si l’on veut s’inspirer ici des règles en matière d’assurance-invalidité, l’on pourrait aussi envisager une durée minimale d’interruption de l’incapacité de travail de trois mois, conformément à l’art. 88a al. 1 RAI : selon cette disposition, si la capacité de gain d’un assuré s’améliore ou que son impotence s’atténue, il y a lieu de considérer que ce changement supprime, le cas échéant, tout ou partie de son droit aux prestations dès qu’on peut s’attendre à ce que l’amélioration constatée se maintienne durant une assez longue période ; il en va de même lorsqu’un tel changement déterminant a duré trois mois déjà, sans interruption notable et sans qu’une complication prochaine soit à craindre. » (ATF 120 V 112 consid. 2c)

22.    Si la connexité matérielle peut être retenue en raison du fait que l’affection à l’origine de l’invalidité, à savoir le trouble bipolaire, était déjà existant durant l’affiliation auprès de la CIA, en revanche la connexité temporelle n’était pas remplie puisque la décision de l’Office cantonal de l’assurance invalidité qui lie la CIA, fait état d’une capacité de travail restreinte depuis la fin du mois d’août 2004, soit plus de trois mois après la fin de l’affiliation du demandeur à la CIA. Considérant la jurisprudence en la matière et citée ci-dessus et le fait que la connexité doit être à la fois matérielle et temporelle, il y a lieu de conclure que la CIA n’est pas tenue à prestations pour la partie obligatoire.

Compte tenu du fait que le demandeur était affilié à la CIA jusqu’au 30 avril 2004 en raison du délai de 30 jours suite à sa démission avec effet au 31 mars 2004, cette dernière ne saurait être tenue à prestations.

23.    Au sujet de la partie sur-obligatoire, il est manifeste que la CIA n’est pas liée par la décision de l’assurance invalidité. Il convient de rappeler que, faisant usage de l’art. 49 al. 2 LPP, le CIA a défini la notion d’invalidité comme une atteinte durable à la santé du salarié entraînant une incapacité de travail partielle ou totale de remplir sa fonction ou toute autre fonction analogue au service de l’Etat ou d’une institution externe. En l’espèce, la Chambre des assurances sociales relèvera que le demandeur était notamment en incapacité de travail à 50% du 1er février au 15 février 2004 puis du 21 février au 24 février 2004 et qu’il a donné sa démission avec effet au 31 mars 2004. Par la suite, le demandeur a été en incapacité de travail du 13 avril au 13 juin 2004 et, selon un certificat du Dr A__________, il pouvait reprendre son travail à 100% dès le 10 juin 2004. En outre, le demandeur qui s’est inscrit au chômage le 1er avril 2004, a été mis au bénéfice d’indemnités journalières à plein temps du 1er avril 2004 au 31 mars 2006. Au vu de ces faits, la Cour de céans admettra que le demandeur disposait d’une pleine capacité de travail le 31 mars 2004 ainsi que lors de son affiliation à la CPJ, le 1er juillet 2004. N’ayant pas subi d’incapacité de travail durable durant son affiliation à la CIA, le demandeur ne remplissait pas les conditions d’une invalidité au sens de l’art. 28 des statuts et ne peut dès lors prétendre à des prestations pour la partie sur-obligatoire. En conclusion, le demande de Monsieur P__________ à l’encontre de la CIA est infondée et sera rejetée.

24.    Il convient d’examiner si et, le cas échéant, dans quelle mesure la CPJ est tenue à verser des prestations.

25.    En matière de procédure d’admission, le règlement du plan LPP de la CPJ prévoit à l’art 6.2. que « l’admission dans la prévoyance professionnelle au sens de son règlement se faisait sans examen de l’état de santé, pour autant que l’entière capacité de travail de la personne à assurer soit confirmée dans la formule d’annonce. Dans tous les autres cas, des données complémentaires sont requises sur l’état de santé de la personne à assurer. (…) Est considérée comme ne jouissant pas de son entière capacité de travail la personne qui, au début de l’assurance ou au moment de l’annonce,

- n’est pas entièrement capable de travailler pour des raisons de santé ;

- touche des indemnités journalières en raison d’une maladie ou d’un accident ;

- a été annoncé à une assurance-invalidité d’Etat ;

- ne peut plus, pour des raisons de santé, exercer à temps complet une activité correspondant à sa formation et à ses capacités. »

26.    Lors de son inscription au plan LPP de la CPJ le demandeur a déclaré jouir d’une pleine capacité de travail et avoir pris acte de ce que la CPJ n’assumait aucune responsabilité lorsque les indications fournies à l’occasion de l’inscription à l’assurance sont inexactes ou incomplètes. Il convient d’examiner dans quelle mesure les informations, fournies le 15 juin 2004, étaient inexactes ou incomplètes à la lumière de l’art 6.2 du règlement du plan LPP de la CPJ.

Le 15 juin 2004, le demandeur jouissait de sa pleine capacité de travail puisque, d’une part, il s’est inscrit à l’Office cantonal de l’emploi le 1er avril 2004 et, d’autre part, il a perçu des indemnités de chômage dès le 1er avril 2004 jusqu’au 31 mars 2006, comme l’a confirmé l’Office cantonal de l’emploi. Lors de son inscription au plan LPP de la CPJ, soit en juin 2004, le demandeur ne touchait pas des indemnités journalières en raison d’une maladie ou d’un accident puisque, selon un certificat du 2 juin 2004 du Dr A__________, le demandeur pouvait reprendre son travail à 100% dès le 10 juin 2004. De plus, la demande de prestations AI pour adultes a été présentée le 16 juillet 2007 et reçue le 19 juillet 2007 par l’Office cantonal de l’assurance invalidité. Enfin, il y a lieu de déduire du fait le demandeur percevait des indemnités de chômage qu’il était, le 15 juin 2004, apte à exercer son activité correspondant à sa formation et à ses capacités, à temps complet, comme le confirme d’ailleurs le Dr A__________, à l’occasion de son certificat médical du 2 juin 2004.

En conséquence, la Cour conclura au fait que, lors de son inscription au plan LPP de la CPJ, le demandeur n’a pas fourni des indications inexactes ou incomplètes au sujet de sa capacité de travail.

27.    L’art 19.2 du règlement du plan LPP de la CPJ prévoit qu’il y a invalidité lorsque la personne assuré est invalide au sens de l’assurance-invalidité fédérale (AI) ou lorsque, par suite de maladie (y compris le déclin des facultés mentales et physiques) ou d’accident, elle est empêchée de façon temporaire ou permanente d’exercer sa profession ou de déployer une autre activité rémunérée. L’exercice de cette dernière ne peut être légitimement exigé que si elle est compatible avec les connaissances, les aptitudes et la situation sociale de la personne assurée. Sur la base de cette disposition, la Cour de céans retiendra que le demandeur est invalide depuis la fin du mois d’août 2004.

28.    De plus, l’art. 19.1 du règlement du plan LPP de la CPJ prévoit un délai d’attente de 12 mois pour une rente d’invalidité avant l’âge de la retraite ou d’une retraite anticipée. En conséquence, le demandeur aura droit au versement d’une rente d’invalidité de la CPJ, y compris des rentes d’enfants d’invalide, dès le 1er août 2005, en relation avec le taux d’invalidité retenu par l’OAI, soit un quart de rente du 1er août 2005 au 31 août 2006 et une rente entière dès le 1er septembre 2006. La demande est dès lors justifiée et admise et la CPJ sera condamnée à verser une rente à partir du 1er août 2005 et le dossier sera renvoyé à la CPJ pour le calcul de la rente.

29.    En outre, percevant des indemnités de chômage du 1er avril 2004 au 30 mars 2006, le demandeur était soumis à l’assurance obligatoire LPP. C’est donc à juste titre que la Fondation institution supplétive LPP verse des rentes au demandeur puisque ce dernier est au bénéfice d’une rente de l’assurance-invalidité et la Cour en prend acte. Toutefois, compte tenu du fait que l’OAI a reconnu une invalidité de 40% donnant droit à un quart de rente à partir du 1er août 2005, la Fondation institution supplétive LPP sera condamnée à verser des rentes d’invalide et d’enfants d’invalide, soit un quart de rente dès le 1er août 2005 jusqu’au 31 août 2006 puis des rentes entière depuis le 1er septembre 2006. Cependant, considérant les rentes qui seront servies par la CPJ, le Fondation institution supplétive LPP devra cordonner ses prestations afin d’éviter une surindemnisation.


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

A la forme :

1.        Déclare la demande recevable

Au fond :

2.        Le rejette à l’encontre de la CAISSE DE PREVOYANCE DU PERSONNEL DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE ET DES FONCTIONNAIRES DU CANTON DE GENEVE

3.        Dit quela CAISSE DE PENSIONS EN FAVEUR DES JOURNALISTES est tenue à prestations au sens des considérants et renvoie le dossier à ladite Caisse pour le calcul des rentes

4.        Dit que la FONDATION SUISSE DES PARTENAIRES SOCIAUX POUR L'INSTITUTION SUPPLETIVE est également tenue à prestations en faveur du demandeur, au sens des considérants, à charge pour elle de coordonner ses rentes avec celles de la Caisse de pensions en faveur des journalistes afin d’éviter une possible surindemnisation. La cause sera également renvoyée à la Fondation pour le calcul des rentes

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

Florence SCHMUTZ

 

Le président suppléant

 

 

 

Georges ZUFFEREY

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le