Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3272/2012

ATAS/1118/2013 du 19.11.2013 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3272/2012 ATAS/1118/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 19 novembre 2013

2ème Chambre

 

En la cause

Madame A__________, domiciliée à LE LIGNON, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Karin BAERTSCHI

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITE DU CANTON DE GENEVE, rue des Gares 12, GENEVE

intimé

 


EN FAIT

1.        Madame A__________ (ci-après l'assurée ou la recourante), originaire du Kosovo, est née en 1954. Elle est la septième d'une fratrie de huit enfants, a grandi dans un milieu rural et y a suivi l'école primaire, mais n'a aucune formation professionnelle. Elle s'est mariée à 18 ans dans le cadre d'un mariage arrangé avec un compatriote, né en 1939, qui travaillait à l'étranger, en Autriche puis en Suisse dès 1975 et rentrait deux fois par an. Le couple a eu huit enfants, dont l'un est décédé à l'âge de 6 mois, les sept autres sont nés en 1973, 1975, 1977, 1980, 1981, 1983 et 1985. Elle n'a jamais travaillé au Kosovo, s'occupant seule des enfants. L'assurée a rejoint son mari en Suisse en 1991 et les enfants sont arrivés en 1993. Elle a travaillé comme femme de ménage en Suisse jusqu'en août 1994, a perçu des indemnités de chômage jusqu'en 1998, avec une période de placement à l'Etat d'octobre 1995 à avril 1996 et elle est sans emploi depuis lors.

2.        L'assurée a déposé une demande de prestations d'invalidité le 15 octobre 2002 en raison de douleurs rhumatismales, à la tête, de vertiges et de tension basse.

3.        L'assurée a précisé le 21 octobre 2002 que sans atteinte à la santé, elle aurait exercé une activité dans le nettoyage à 70% dès son arrivée en Suisse par intérêt personnel.

4.        La Dresse B__________, médecin-traitant depuis 2000, estime que sa patiente est totalement incapable de travailler dans toute activité depuis deux à trois ans, en raison d'un abcès de la cuisse droite drainé et traité par antibiothérapie en 1987, ayant laissé des douleurs résiduelles, de dorsolombalgies variables depuis plusieurs années, de douleurs scapulaires variables depuis plusieurs années et de vertiges et hypotension depuis 2000. L'assurée doit se faire aider par sa belle-fille pour le ménage et il est peu probable que l'état du dos et de la cuisse de la patiente s'améliore au cours des années à venir (rapport du 4 novembre 2002). Interrogée plus précisément sur les motifs de l'incapacité de travail, sur la base de quels arguments objectifs, cliniques ou radiologiques elle atteste d'une incapacité totale de travail depuis deux ou trois ans, le médecin-traitant précise le 13 février 2003 que sa patiente se plaint depuis 2000 des douleurs mentionnées dans le rapport médical, que sa capacité s'est progressivement réduite ces dernières années et que, depuis trois ans, elle nécessite de l'aide de la famille pour s'occuper du ménage, au point où elle-même et son mari ont dû emménager chez l'un de leurs enfants. Elle suggère à l'OAI de convoquer l'assurée pour une évaluation.

5.        Le SMR estime que le médecin-traitant n'apporte aucun élément objectif permettant d'attester d'une incapacité de travail totale de longue durée, car elle ne précise pas les diagnostics et ne mentionne que des éléments subjectifs, la demande de rente ayant d'ailleurs été déposée par la famille et le service social local (rapport du 4 mars 2003).

6.        Par décision du 24 mars 2003, l'OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITE DU CANTON DE GENEVE (l'OAI) a rejeté la demande de prestations.

7.        L'assurée a déposé une deuxième demande de prestations d'invalidité le 21 décembre 2004 en raison de douleurs à la jambe droite et de céphalées chroniques.

8.        L'OAI a rendu une décision de refus d'entrer en matière le 5 août 2005, à défaut de fait nouveau.

9.        L'assurée a adressé à l'OAI le 3 novembre 2005, au titre de troisième demande de prestations, le certificat médical de la Dresse B__________ du 29 septembre 2005 qui atteste d'une totale incapacité de travail en raison de douleurs au niveau de la cuisse droite, de la colonne et de la ceinture scapulaire et d'un état anxio-dépressif.

10.    L'OAI a rendu une décision de refus d'entrer en matière le 27 janvier 2006, au motif que le SMR retient que le médecin traitant ne fait que reprendre les mêmes éléments qu'en 2002 et 2003.

11.    L'assurée a déposé une quatrième demande de prestations le 20 décembre 2006, en raison de douleurs dans la jambe droite, de céphalées chroniques et de vertiges. La Dresse B__________ atteste le 20 janvier 2007 que, outre les douleurs de la ceinture scapulaire, les lombalgies chroniques, les migraines et l'hypotension déjà mentionnées, la patiente a présenté à la fin de l'année 2005 plusieurs malaises avec poussées tensionnelles, avec un bilan cardiologique normal. Elle a développé un état dépressivo-anxieux pour lequel un traitement de Paroxétine® a été introduit. Au cours de l'année 2006, il y a eu une aggravation des douleurs lombosacrées avec irradiations dans le membre inférieur droit. Elle produit une IRM de la colonne lombaire du 28 septembre 2006 qui conclut à de discrets phénomènes de protrusion discale étagées depuis L1 jusqu'à S1 avec discret remodelé des articulations postérieures, sans sténose significative du canal rachidien ou des trous de conjugaison et absence de hernie focale visualisée.

12.    L'OAI a rendu une décision de refus d'entrer en matière le 27 mars 2007, au motif que le SMR retient qu'en dehors des plaintes, les examens objectifs n'ont pas montré de troubles notables, de sorte qu'il n'y a aucune indication qui justifie une aggravation de l'état de santé depuis janvier 2006.

13.    L'assurée a déposé une cinquième demande de prestations d'invalidité le 5 mai 2010, en raison de douleurs dans la jambe droite, au dos, de céphalées chroniques, de vertiges, de dépression et d'insomnie. Elle a produit les documents médicaux suivants:

a)    le rapport de bilan du 18 février 2010 du Département de psychiatrie des HUG qui diagnostique un épisode dépressif sévère, sans symptôme psychotique (F32.2). La patiente est adressée pour une évaluation et un avis sur le traitement médicamenteux, car elle présente un épisode dépressif depuis deux ans avec péjoration depuis huit mois, suite au décès de sa sœur. La patiente présente un léger ralentissement psychomoteur, la tension et la concentration sont diminuées, la thymie est triste. La patiente décrit la présence d'idées noires sans projet suicidaire, une perturbation de l'appétit ainsi que des troubles du sommeil. Les scores indiquent une dépression sévère. S'agissant de l'appréciation du cas, l'épisode psychotique isolé identifié correspond à une période d'hallucinations visuelles dans un contexte de maladie somatique infectieuse accompagnée par une forte fièvre. Les dosages effectués du Deroxat® sont nettement inférieurs à la norme, compatibles avec une mauvaise observance. Il est proposé de modifier le traitement par l'introduction de Cymbalta® et de contrôler la compliance. La prise en charge dans un groupe est difficilement envisageable à cause du problème de la langue.

b)   le courrier du 17 mai 2010 de la Dresse B__________ qui rappelle que la patiente a déjà eu des épisodes dépressifs auparavant, de sorte qu'il faut retenir un trouble dépressif majeur, récurrent (F33). Sa patiente n'a pas supporté le traitement proposé et le médecin est en train de le modifier.

14.    L'aggravation étant jugée plausible par le SMR, l'OAI a entrepris d'instruire cette demande et a réuni les rapports médicaux suivants:

a) le rapport du 9 juin 2010 de la Dresse B__________ qui retient un trouble dépressif majeur récurrent (F33) depuis 2005 ainsi que, sans effet sur la capacité de travail, des dorsolombalgies, douleurs scapulaires et des migraines depuis des années. L'état anxieux dépressif a été traité par de la Paroxétine® de 2005 à 2006. Le traitement antidépresseur a été repris en 2007 suite à des deuils et des problèmes familiaux. La patiente est sous antidépresseur par périodes depuis cette date et la péjoration de l'état de santé a motivé l'évaluation aux HUG de février 2010. Après un essai de Cymbalta® mal supporté, la patiente est actuellement sous Cipralex®. L'assurée est totalement incapable de travailler et aucune mesure professionnelle n'est indiquée.

b) le rapport médical du 9 juillet 2010 du Laboratoire du sommeil auprès du Service de psychiatrie des HUG qui retient de l'insomnie (G47.0) suite à une consultation ambulatoire le 25 mars et un examen oxymétrique les 25 et 26 mars 2010. L'insomnie dure depuis deux ans, a été déclenchée par un décès dans la famille et la problématique dépressive, étant précisé que la présence de douleurs chroniques semble perturber le sommeil. Le cycle du sommeil est décrit et la patiente est extrêmement fatiguée durant la journée. Le bilan oxymétrique s'avère rassurant, de sorte qu'un bilan polysomnographique complet n'est pas nécessaire. Ce service ne peut pas se prononcer sur le pronostic, le traitement actuel et la capacité de travail. Il est précisé que la patiente souffre d'une pathologie du sommeil et qu'en conséquence, elle peut avoir de la fatigue et de la somnolence diurne, des problèmes de mémoire et de concentration.

15.    Une expertise psychiatrique a été confiée au département de psychiatrie des HUG et réalisée par les Dresse C__________ et D__________, psychiatres, cheffes de clinique. Leur rapport du 28 octobre 2011 est fondé sur le dossier remis, les consultations des 10 juin et 1er juillet 2011, un entretien téléphonique avec le médecin-traitant et le médecin psychiatre du programme dépression du Département psychiatrie. Il contient une anamnèse détaillée et indique notamment que depuis trois ans, après le départ de tous les enfants, l'expertisée et son mari vivent dans un D2. L'assurée voit régulièrement ses enfants, qui s'occupent de faire les courses, du ménage et des sept petits-enfants. Elle se rend au Kosovo de façon irrégulière pour y voir ses frères et sœurs (une fois tous les 2 ans en moyenne). L'expertisée n'a pas d'antécédent psychiatrique jusqu'à l'apparition d'un état anxio-dépressif avec troubles du sommeil fin 2005, début 2006. La Dresse B__________ a à nouveau adressé sa patiente au programme dépression pour un bilan en août 2011 et depuis lors, l'expertisée est suivie dans ce service.

S'agissant des plaintes de l'assurée, elle dit "ne pas être bien", se plaint de douleurs au niveau du dos, de la nuque et de céphalées, depuis son arrivée en Suisse. Ces douleurs ont été supportables pendant une dizaine d'années mais sont devenues progressivement de plus en plus importantes et invalidantes. Depuis 2 ans, elle se plaint d'oublis, de difficulté de concentration, de sentiment d'être perdue et tendue, triste, sans élan vital et fatiguée. Elle souffre de troubles du sommeil. Le premier entretien a lieu en présence de la fille, mais cette dernière répondant à la place de l'expertisée, le second a lieu en présence d'un interprète professionnel. Au status, l'assurée présente un ralentissement psychomoteur. Elle a d'emblée une attitude démonstrative quant à ses douleurs avec une mimique algique tout en montrant les endroits douloureux (l'épaule, le dos, la nuque et la jambe droite). Elle reste cependant assise pendant les deux entretiens qui ont duré chacun 1 heure. Son discours est pauvre, cohérent, essentiellement centré sur ses douleurs, dont la description reste imprécise. Elle ne présente pas de troubles du cours de la pensée, elle est orientée aux quatre modes et ne présente pas de trouble mnésique. La tension et la concentration sont altérées, la thymie triste, avec perte de l'élan vital, anhédonie, aboulie, sans idées noires ni suicidaires. La tristesse serait en lien avec ses douleurs, avec le fait qu'elle n'ait pas pu se rendre à l'enterrement de sa sœur décédée au Kosovo et un problème cardiaque il y a trois ans. Durant l'entretien, elle ne présente pas de manifestation anxieuse.

L'expert retient les diagnostics de syndrome douloureux somatoforme persistant (F45.4) et de troubles dépressifs récurrents, épisode actuel moyen (F33.1). S'agissant de l'appréciation du cas, les experts retiennent que l'ensemble des douleurs dont se plaint l'expertisée ne semblent pas pouvoir être entièrement expliquées par un processus physiopathologique, s'accompagnent d'un sentiment de détresse important et surviennent dans un contexte socio-économique difficile, intensifié au décès de la sœur, voire au moment où le couple s'est retrouvé sans les enfants. Dans ce contexte, le diagnostic de syndrome douloureux somatoforme persistant est retenu et il est très fréquemment accompagné d'un état dépressif, présenté par l'expertisée. Cet état douloureux non soulagé est le reflet d'une détresse psychique importante non verbalisable, l'expertisée montre une faible capacité d'introspection et les conflits émotionnels sont déplacés de façon inconsciente sur le corps. L'expertisée a besoin d’une éducation concernant les médicaments qu'elle prend, un dosage plasmatique de l'antidépresseur et la mise en place d'une infirmière à domicile pour la préparation du pilulier. Le pronostic reste réservé en raison de la chronicité du trouble présenté par l'expertisée, en particulier en ce qui concerne l'amélioration de la capacité de travail. Du point de vue psychique, l'expertisée présente un état dépressif exprimé et entretenu en partie par un syndrome douloureux chronique se manifestant par une fatigabilité, des douleurs diffuses lui enlevant toute motivation, tout élan vital, induisant une tristesse, un trouble de la concentration et de l'attention, une tension interne et un trouble du sommeil, qui réduit la capacité de travail de l'expertisée dans toute activité.

La capacité de travail résiduelle est nulle en raison de l'intrication du syndrome douloureux et de l'état dépressif. Le début de l'incapacité de travail durable date de 2005 et le degré d'incapacité de travail a augmenté pour atteindre 100% actuellement. Le tableau clinique que présente l'expertisée diminue le rendement à 0%. Les chances de succès de réadaptation professionnelle sont faibles, au vu de la chronicité du trouble et de la faible capacité d'introspection.

16.    Le Dr E__________ du SMR a rédigé un avis médical le 7 mars 2012. Après un résumé de l'anamnèse et des conclusions de l'expertise, il indique que, dans le cadre d'un syndrome somatoforme douloureux, il convient d'évaluer la situation à la lumière des critères jurisprudentiels. En ce qui concerne une affection chronique, il existe des céphalées de type migraineux. Sur le plan rhumatologique, une IRM aurait montré de discrets phénomènes de protrusion discale étagée et le médecin-traitant a confirmé les dorsolombalgies et les douleurs scapulaires qui seraient des diagnostics sans effet sur la capacité de travail, de sorte qu'il n'y a pas matière à instruire plus avant dans le domaine somatique. La notion de trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen, est discutable puisqu'on ne peut pas voir de discontinuité dans les troubles de l'humeur depuis 2005. L'épisode dépressif sévère relevé en février 2010 l'était à une période où l'assurée n'était pas compliante. L'état dépressif sévère est donc reconnu seulement un mois avant la date du premier entretien avec le programme dépression, soit début janvier 2010. Sa durée ne peut pas être évaluée sur la base de l'instruction actuelle, mais on peut partir du principe que, correctement traité, un épisode dépressif doit répondre en six semaines avant d'augmenter un traitement, de sorte qu'il est retenu une durée de douze semaines jusqu'au 31 mars 2010. L'expertise ne se prononce pas sur l'évolution depuis la nouvelle prise en charge au programme dépression d'août 2011, mais retient un trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen, la notion de récurrence n'étant pas démontrée et l'épisode moyen s'inscrivant dans le cadre du syndrome somatoforme persistant. On ne peut pas parler d'un échec des traitements conformes aux règles de l'art, dans la mesure où les traitements psychiatriques n'ont pas été effectués lege artis. L'instruction de la cause ne relève pas un état cristallisé. L'assurée n'est pas exclue de toutes les manifestations de la vie puisqu'elle voit régulièrement ses enfants et se rend au Kosovo irrégulièrement. En conclusion, le syndrome douloureux somatoforme ne présente pas les caractéristiques qui le rendent exceptionnellement invalidant, de sorte qu'il convient de se distancer des conclusions de l'expert psychiatre. Sur la base de l'instruction obtenue du Dr B__________ et de l'expert psychiatrique, on ne peut établir de corrélation anatomo-clinique entre les douleurs alléguées et une pathologie somatique. Le début de l'incapacité de travail à 100% est fixé à janvier 2010 et prend fin le 31 mars 2010.

17.    Par projet du 5 juin 2012, l'OAI a refusé toute prestation à l'assurée sur la base de l'avis du SMR.

18.    Le Dr F__________, médecin traitant de l'assurée a sollicité le 26 juin 2012 une évaluation par un ethnopsychiatre, au motif que la souffrance de sa patiente est cachée par une barrière linguistique et le Dr G__________, psychiatre, a soutenu cette demande en précisant que l'assurée était suivie à raison d'une consultation toutes les 6 à 8 semaines en raison d'un diagnostic F 51.0 et d'un éventuel F 45.4.

19.    La Dresse H__________ du SMR a retenu le 29 septembre 2012 que le Dr F__________ n'apportait aucun élément nouveau. Quant au psychiatre, il retient le diagnostic d'insomnie et éventuellement de syndrome somatoforme douloureux persistant, ce dernier n'étant pas incapacitant selon le Dr E__________, la gravité de l'insomnie n'étant pas si intense, puisque l'assurée ne consulte que toutes les six à huit semaines. En conclusion, le SMR maintient son avis.

20.    Par décision du 9 octobre 2012, l'OAI a refusé toute prestation à l'assurée, au motif qu'elle ne présentait aucune incapacité de travail sur le plan somatique et que, sur le plan psychique, l'incapacité de travail avait été limitée de janvier à mars 2010.

21.    Par acte du 31 octobre 2012, complété le 3 décembre 2012, l'assurée a formé recours contre la décision. Elle conclut à l'annulation de la décision et à l'octroi d'une rente entière d'invalidité sur la base d'un taux d'invalidité de 100%, au motif que le SMR s'est distancé sans motif valable de l'expertise tout à fait probante effectuée par les HUG et qui retient une totale incapacité de travail.

22.    L'OAI a répondu le 10 janvier 2013. Il conclut au rejet du recours. Selon la jurisprudence, le trouble somatoforme douloureux et le trouble dépressif de gravité moyenne ne sont pas invalidants. S'agissant de la comorbidité psychiatrique, la jurisprudence a retenu qu'un trouble dépressif moyen ne constituait pas une comorbidité psychiatrique d'une acuité et d'une durée importante. Les autres critères de la jurisprudence ne sont pas remplis non plus en l'espèce, l'OAI reprenant les considérations du Dr E__________ et estimant que le rapport d'expertise ne peut pas être suivi dans ses conclusions tendant à la reconnaissance d'une incapacité de travail totale pour des raisons psychiatriques.

23.    Invitée à consulter le dossier et à se déterminer, l'assurée persiste dans ses conclusions, puisque le rapport d'expertise des HUG est probant et retient une totale incapacité de travail sur le plan psychiatrique.

24.    La Cour de céans a ordonné une expertise psychiatrique complémentaire auprès des experts ayant effectué celle du 28 octobre 2011, afin d'examiner les critères de la jurisprudence concernant le caractère invalidant du trouble somatoforme retenu et l'audition de l'assurée.

25.    Lors de l'audience du 26 février 2013, l'assurée a déclaré qu'elle avait travaillé quelques années lors de son arrivée en Suisse. Elle était déjà atteinte dans sa santé lorsqu'elle a arrêté, puis cet état de santé s'est aggravé au cours des années. Actuellement, elle vit seule avec son mari. Sa belle-fille vient faire le ménage. Parfois elle reste couchée une bonne partie de la journée, mais ses enfants l'encouragent à sortir. Elle se rend ainsi deux à trois fois par semaine boire un café chez l'un de ses enfants. Plusieurs fois par semaine également, ses enfants viennent lui rendre visite à domicile, brièvement, car la présence de ses petits-enfants la fatigue et lorsqu'il y a trop de bruit, elle se renferme. Elle est présente lors des fêtes de famille qui ont lieu à Genève, mais cela la fatigue et elle ne reste pas longtemps. Chaque année, elle se rend un mois au Kosovo avec son mari et son fils dans leur village d'origine, logés par des membres de la famille.

Lorsqu'elle travaillait encore, elle avait quelques contacts avec ses voisines. Pour l'essentiel toutefois, elle a toujours eu des contacts essentiellement avec les membres de sa famille proche. Lorsque sa sœur qui vit au Kosovo est à Genève, à l'occasion de fréquents séjours de trois mois chez son propre fils, elle lui rend visite toutes les deux/trois semaines.

26.    La Dresse D__________, cheffe de clinique au Département de santé mentale et de psychiatrie a répondu ainsi aux questions complémentaires posées par la Cour de céans à son expertise du 28 octobre 2011 :

a.    Elle confirme que la comorbidité psychiatrique est un trouble dépressif récurrent épisode actuel moyen. Elle retient un état psychique cristallisé, en raison de la chronicité du trouble présenté par l’assurée, depuis 2005, ainsi qu’en raison de facteurs de mauvais pronostics tels que la passivité, un manque d’introspection et une mauvaise compliance contribuant à l’inertie de la prise en charge psychiatrique. S’agissant de savoir si elle retient l’échec des traitements conformes aux règles de l’art, en dépit de la motivation et des efforts de l’expertisée, le médecin rappelle que la prise en charge thérapeutique proposée dans son expertise de 2011 n’a pas été mise en place. Alors que l’assurée était suivie, depuis peu, au programme dépression, ce suivi a été interrompu pour des raisons peu claires. Depuis décembre 2011, l’assurée voit un psychiatre, le Dr G__________, à raison d’une fois par mois. Celui-ci rapporte le même tableau clinique décrit dans l’expertise. L’assuré refuse de prendre un traitement antidépresseur en raison d’effets indésirables et fait toujours preuve de peu d’introspection et d’élaboration. Le médecin traitant limite la prescription d’antalgiques et effectue une psychoéducation médicamenteuse. Au surplus, la consultation pluridisciplinaire de la douleur n’a pas été effectuée. Pour ce qui est de la divergence entre les douleurs décrites et le comportement observé, l’experte rappelle que l’assurée a une attitude démonstrative quant à ses douleurs avec une mimique algique. Si ces douleurs ne sont pas entièrement expliquées par un processus physiopathologique, la démonstrativité pourrait refléter la détresse psychique non verbalisable. L’expertisée ne dispose plus des ressources psychiques et il n’est pas exigible qu’elle reprenne une activité lucrative même au prix d’efforts importants.

27.    Un délai a été imparti aux parties pour conclure:

a)      L'assurée persiste le 13 août 2013 dans ses conclusions, sur la base des rapports de l'expert;

b)      L'OAI persiste dans ses conclusions tendant au rejet du recours le 3 septembre 2013. Il se fonde sur l’avis médical du SMR, de la Dresse I__________, du 2 septembre 2013. Les réponses données par l’experte ne sont pas étayées, elle retient toutefois un état dépressif moyen, qui doit être intégré dans le trouble somatoforme. L’experte retient un état psychique cristallisé, sans avoir procédé à une évaluation psychodynamique qui permettrait de l’établir. Il n’y a pas d’échec de traitement puisque celui-ci est insuffisamment suivi et n’a débuté que depuis peu, l’assurée refusant de prendre un traitement antidépresseur. L’OAI ajoute que l’assurée ne présente pas de perte de l’intégration sociale dans tous les domaines de la vie puisqu’elle a une vie familiale préservée.

28.    Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ; RS E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA; RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI; RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        A teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

Toutefois, les modifications légales contenues dans la LPGA constituent, en règle générale, une version formalisée dans la loi de la jurisprudence relative aux notions correspondantes avant l'entrée en vigueur de la LPGA; il n'en découle aucune modification du point de vue de leur contenu, de sorte que la jurisprudence développée à leur propos peut être reprise et appliquée (ATF 130 V 343 consid. 3).

3.        Les modifications de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité du 21 mars 2003 (4ème révision), du 6 octobre 2006 (5ème révision) et du 18 mars 2011 (révision 6a), entrées en vigueur respectivement le 1er janvier 2004, le 1er janvier 2008 et le 1er janvier 2012, entraînent la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de l'assurance-invalidité.

Sur le plan matériel, sont en principe applicables les règles de droit en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 129 V 1, consid. 1; ATF 127 V 467, consid. 1 et les références). En ce qui concerne en revanche la procédure, et à défaut de règles transitoires contraires, le nouveau droit s'applique sans réserve dès le jour de son entrée en vigueur (ATF 117 V 93, consid. 6b, ATF 112 V 360, consid. 4a; RAMA 1998 KV 37 p. 316 consid. 3b).

En l'espèce, au vu des faits pertinents, du point de vue matériel, le droit éventuel aux prestations doit être examiné au regard de l'ancien droit pour la période jusqu'au 31 décembre 2010, et, après le 1er janvier 2011, en fonction des nouvelles normes de la LPGA et des modifications de la LAI, dans la mesure de leur pertinence (ATF 130 V 445 et les références; voir également ATF 130 V 329). Cela étant, ces novelles n'ont pas amené de modifications substantielles en matière d'évaluation de l'invalidité (ATFA non publié I 249/05 du 11 juillet 2006, consid. 2.1 et Message concernant la modification de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité du 22 juin 2005, FF 2005 p. 4322).

4.        Le délai de recours est de 30 jours (art. 60 al. 1 LPGA). Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable, en vertu des art. 56ss LPGA.

5.        Le litige porte sur l'aggravation de l'état de santé de l'assurée et sur le caractère invalidant des troubles de l'assurée, corolairement sur son droit à une rente d'invalidité.

6.        L’art. 17 al. 1er LPGA dispose que si le taux d’invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée. Il convient ici de relever que l’entrée en vigueur de l’art. 17 LPGA, le 1er janvier 2003, n’a pas apporté de modification aux principes jurisprudentiels développés sous le régime de l’ancien art. 41 LAI, de sorte que ceux-ci demeurent applicables par analogie (ATF 130 V 343 consid. 3.5).

Tout changement important des circonstances propre à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l’art. 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l’état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 130 V 343 consid. 3.5). Il n'y a pas matière à révision lorsque les circonstances sont demeurées inchangées et que le motif de la suppression ou de la diminution de la rente réside uniquement dans une nouvelle appréciation du cas (ATF 112 V 371 consid. 2b et 387 consid. 1b). Un motif de révision au sens de l'art. 17 LPGA doit clairement ressortir du dossier (ATFA non publié I 559/02 du 31 janvier 2003 consid. 3.2 et les arrêts cités). La réglementation sur la révision ne saurait en effet constituer un fondement juridique à un réexamen sans condition du droit à la rente (ATFA non publié I 406/05 du 13 juillet 2006 consid. 4.1). Un changement de jurisprudence n'est pas un motif de révision (ATF 129 V 200 consid. 1.2).

Le point de savoir si un changement notable des circonstances s’est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu’ils se présentaient au moment de la dernière révision de la rente entrée en force et les circonstances qui régnaient à l’époque de la décision litigieuse. C’est en effet la dernière décision qui repose sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit qui constitue le point de départ temporel pour l’examen d’une modification du degré d’invalidité lors d’une nouvelle révision de la rente (ATF 133 V 108 consid. 5.4, ATF 130 V 343 consid. 3.5.2).

7.        a) Aux termes de l’art. 8 al. 1er LPGA, est réputée invalidité l’incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée. Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008). Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI).

b) Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 102 V 165; ATFA non publié I 786/04 du 19 janvier 2006, consid. 3.1).

Dans l'éventualité où des troubles psychiques ayant valeur de maladie sont finalement admis, il y a alors lieu d'évaluer le caractère exigible de la reprise d'une activité lucrative par l'assuré, au besoin moyennant un traitement thérapeutique. A cet effet, il faut examiner quelle est l'activité que l'on peut raisonnablement exiger de lui. Pour admettre l'existence d'une incapacité de gain causée par une atteinte à la santé mentale, il n'est donc pas décisif que l'assuré exerce une activité lucrative insuffisante; il faut bien plutôt se demander s'il y a lieu d'admettre que la mise à profit de sa capacité de travail ne peut, pratiquement, plus être raisonnablement exigée de lui, ou qu'elle serait même insupportable pour la société (ATF 127 V 294, consid. 4c, ATF 102 V 165; VSI 2001 p. 224 consid. 2b et les références). Ces principes sont valables, selon la jurisprudence, pour les psychopathies, les altérations du développement psychique (psychische Fehlentwicklungen), l'alcoolisme, la pharmacomanie, la toxicomanie et pour les névroses (RCC 1992 p. 182 consid. 2a et les références; ATFA non publié I 237/04 du 30 novembre 2004, consid. 4.2)

8.        La reconnaissance de l'existence de troubles somatoformes douloureux persistants suppose d'abord la présence d'un diagnostic émanant d'un expert (psychiatre) et s'appuyant lege artis sur les critères d'un système de classification reconnu (ATF 130 V 396, consid. 5.3). Comme pour toutes les autres atteintes à la santé psychique, le diagnostic de troubles somatoformes douloureux persistants ne constitue pas encore une base suffisante pour conclure à une invalidité. Au contraire, il existe une présomption que les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets peuvent être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 131 V 49, consid. 1.2). Une expertise psychiatrique est, en principe, nécessaire quand il s'agit de se prononcer sur l'incapacité de travail que les troubles somatoformes douloureux sont susceptibles d'entraîner (ATF 130 V 352, consid. 2.2.2 et 5.3.2). Une telle appréciation psychiatrique n'est toutefois pas indispensable lorsque le dossier médical comprend suffisamment de renseignements pour exclure l'existence d'une composante psychique aux douleurs qui revêtirait une importance déterminante au regard de la limitation de la capacité de travail.

Le caractère non exigible de la réintégration dans le processus de travail peut résulter de facteurs déterminés qui, par leur intensité et leur constance, rendent la personne incapable de fournir cet effort de volonté. Dans un tel cas, en effet, l’assuré ne dispose pas des ressources nécessaires pour vaincre ses douleurs. La question de savoir si ces circonstances exceptionnelles sont réunies doit être tranchée de cas en cas à la lumière de différents critères. Au premier plan figure la présence d’une comorbidité psychiatrique importante par sa gravité, son acuité et sa durée (ATFA non publié I 1093/06 du 3 décembre 2007, consid. 3.2). Peut constituer une telle comorbidité un état dépressif majeur (ATF 135 V 65, consid. 4.2.2; ATF non publié 9C_387/2009 du 5 octobre 2009, consid. 3.2).

Parmi les autres critères déterminants, doivent être considérés comme pertinents, un processus maladif s'étendant sur plusieurs années sans rémission durable (symptomatologie inchangée ou progressive), des affections corporelles chroniques, une perte d'intégration sociale dans toutes les manifestations de la vie et l'échec de traitements ambulatoires ou stationnaires conformes aux règles de l'art (même avec différents types de traitement), cela en dépit de l'attitude coopérative de la personne assurée. En présence d'une comorbidité psychiatrique, il sera également tenu compte de l'existence d'un état psychique cristallisé résultant d'un processus défectueux de résolution du conflit, mais apportant un soulagement du point de vue psychique (profit primaire tiré de la maladie, fuite dans la maladie) (ATF 130 V 352, consid. 2.2.3). Plus ces critères se manifestent et imprègnent les constatations médicales, moins on admettra l’exigibilité d’un effort de volonté (ATFA non publié I 590/05 du 27 février 2007, consid. 3.1).

A l'inverse, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, on conclura, en règle ordinaire, à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit à des prestations d'assurance. Au nombre des situations envisagées figurent la discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, les grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact (ATF 131 V 49, consid. 1.2).

Il y a lieu d'observer que selon la doctrine médicale (cf. notamment DILLING/MOMBOUR/SCHMIDT [Hrsg.], Internationale Klassifikation psychischer Störungen, ICD-10 Kapitel V [F], 4ème édition, p. 191) sur laquelle s'appuie le Tribunal fédéral, les états dépressifs ne constituent en principe pas une comorbidité psychiatrique grave et durable à un trouble somatoforme douloureux, dans la mesure où ils ne sont en règle générale qu'une manifestation réactive ne devant pas faire l'objet d'un diagnostic séparé (ATFA non publié I 497/04 du 12 septembre 2005, consid. 5.1).

9.        a) Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256, consid. 4 et les références).

b) Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. A cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 125 V 351, consid. 3).

c) Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux. Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351, consid. 3b/bb).

d) Dès lors qu'en l'absence de résultats sur le plan somatique, le seul diagnostic de troubles somatoformes douloureux ne suffit pas pour justifier un droit à des prestations d'assurance sociale, il incombe à l'expert psychiatre, dans le cadre large de son examen, d'indiquer à l'administration (et au juge) si et dans quelle mesure un assuré dispose de ressources psychiques qui - eu égard également aux critères pertinents - lui permettent de surmonter ses douleurs. Les prises de position médicales sur la santé psychique et sur les ressources dont dispose l'assuré constituent une base indispensable pour trancher la question (juridique) de savoir si et dans quelle mesure on peut exiger de celui-ci qu'il mette en œuvre toute sa volonté pour surmonter ses douleurs et réintégrer le monde du travail. Dans le cadre de la libre appréciation dont ils disposent, l'administration et le juge ne sauraient ni ignorer les constatations de fait des médecins, ni faire leur les estimations et conclusions médicales relatives à la capacité (résiduelle) de travail, sans procéder à un examen préalable de leur pertinence du point de vue du droit des assurances sociales. Cela s'impose en particulier lorsque l'expert atteste une limitation de la capacité de travail fondée uniquement sur le diagnostic de troubles somatoformes douloureux. Dans un tel cas, il appartient aux autorités administratives et judiciaires d'examiner avec tout le soin nécessaire si l'estimation médicale de l'incapacité de travail prend en considération également des éléments étrangers à l'invalidité (en particulier des facteurs psychosociaux et socio-culturels) qui ne sont pas pertinents du point de vue des assurances sociales, ou si la limitation (partielle ou totale) de la capacité de travail est justifiée par les critères juridiques déterminants (ATFA non publié I 648/03 du 18 septembre 2004, consid. 5.1.3 et 5.1.4).

10.    Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3, ATF 126 V 353, consid. 5b, ATF 125 V 193, consid. 2). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319, consid. 5a).

11.    En l'espèce, l'OAI s'est écarté des conclusions des experts psychiatres des HUG qu'il avait mandatés et s'est fondé sur l'avis du Dr E__________, médecin au SMR qui n'est pas psychiatre, pour retenir que l'assurée n'était pas affectée s'un trouble invalidant.

En préambule, la Cour de céans rappelle que les quatre premières demandes de prestations d'invalidité déposées par l'assurée en 2002, 2004, 2005 et 2006 ont fait l'objet de décisions de refus. Il convient donc d'examiner le cas sous l'angle d'une demande de révision au sens de l'art. 17 LPGA et de déterminer si l'état de santé de l'assurée s'est aggravé depuis la dernière décision ayant donné lieu à un examen complet du cas, soit la première décision de refus de prestations du 24 mars 2003, les suivantes étant des décisions de refus d'entrer en matière. En 2002, le médecin-traitant faisait état de douleurs à la cuisse, de dorsolombalgies variables, de douleurs scapulaires variables, de vertiges, l'assurée nécessitant l'aide de sa famille pour s'occuper de son ménage. Les experts ont établi que l'assurée souffre depuis son arrivée en Suisse de douleurs, mais que celles-ci sont devenues progressivement invalidantes dès 2002. C'est en 2005 seulement que les médecins traitants ont fait état d'un état anxio-dépressif, les douleurs, malaises, vertiges étant quant à eux confirmés avec une aggravation au cours des années. Lors du dépôt de la demande de prestations le 5 mai 2010, les HUG signalent une aggravation depuis l'été 2010 de l'état dépressif existant depuis deux ans. Cette aggravation a motivé la décision d'entrer en matière de l'OAI.

A cet égard, la Cour de céans constate que l'ensemble des médecins, y compris les experts, retiennent que l'assurée présente un syndrome somatoforme douloureux. Il n'est pas contesté que les douleurs ne trouvent pas leur origine dans une affection somatique susceptible d'expliquer, à elle seule, l'importance de l'incapacité de travail. La description de l'évolution des symptômes de l'assurée depuis la première demande de 2002 permet de retenir comme établi que le trouble dépressif est apparu postérieurement au trouble somatoforme. Tant les experts que le SMR retiennent d'ailleurs que le trouble dépressif de l'assurée accompagne le syndrome douloureux. Aucun médecin ne prétend au contraire qu'il s'agirait d'un trouble psychique distinct du trouble somatoforme. Il convient donc d'examiner, sur la base des rapports médicaux au dossier et à l'aune de la jurisprudence du Tribunal fédéral, si l'assurée souffre d'une atteinte à la santé psychique invalidante ou d'un syndrome douloureux dont les effets pourraient être surmontés par un effort de volonté.

L'expertise des HUG et son complément se fondent sur trois consultations, le dossier de l'assurée et des contacts avec ses médecins-traitants. Elle contient une anamnèse précise, tient compte des plaintes de l'assurée et détaille le status. Elle remplit les exigences pour se voir reconnaître pleine valeur probante sous réserve de la brièveté de certaines réponses dans le complément et d'autres rapports médicaux qui viendraient contredire ses conclusions de façon convaincante. Les experts retiennent ainsi de façon motivée, que l'assurée présente un trouble dépressif récurrent, de gravité moyenne. Le seul un épisode sévère limité dans le temps mentionné début 2010 par le département "dépression" des HUG ne permet pas de s'écarter du diagnostic retenu par les experts, ce d'autant que l'assurée ne prenait pas son traitement à cette époque. Il est donc établi à teneur de la jurisprudence que ce trouble n'est pas d'une gravité et d'une acuité suffisante pour constituer une comorbidité invalidante.

Reste donc à examiner les autres critères de la jurisprudence et les conclusions des experts à ce sujet.

-       L'état psychique cristallisé est admis par les experts en raison de la durée du trouble dépressif présent depuis 2005, avec un facteur de mauvais pronostic dû à la passivité de l'assurée, à son manque d'introspection et à la mauvaise compliance qui contribue à l'inertie de la prise en charge psychiatrique. La Dresse I__________, du SMR qui n'est pas psychiatre, se borne à remettre en cause cet avis en arguant du fait que seule une évaluation psychodynamique permettrait de dire si l'état est cristallisé. A suivre cet avis, ce critère ne serait ainsi jamais rempli. La Cour considère que les conclusions des experts sur ce point sont convaincantes et que rien ne justifie de s'en écarter.

-       La question de l'échec des traitements est éludée par les experts. Ils admettent non seulement que le suivi mis en place depuis peu au programme dépression a été interrompu sans motif, mais que le traitement proposé par les experts en 2011 n'a pas été instauré. Ainsi, c'est à juste titre que le SMR relève que ce critère ne peut pas être retenu : il n'y a pas d'échec du traitement si celui-ci est insuffisamment suivi. La mauvaise compliance aux antidépresseurs avait déjà été relevée par les HUG en 2010. Le traitement des douleurs n'est pas fait dans les règles de l'art, le médecin-traitant s'abstenant de prescrire des antalgiques, et finalement, la consultation multidisciplinaire de la douleur n'a pas été faite.

-       Les experts n'ont pas été interrogés à ce sujet, tant il est vrai que l'ensemble des rapports médicaux permettent d'établir que l'assurée présente des affections corporelles chroniques et un processus maladif s'étendant sur plusieurs années sans rémission durable (symptomatologie inchangée ou progressive). Elle souffre depuis très longtemps de douleurs à la cuisse, au dos, à la nuque, de vertiges, de maux de tête, de troubles du sommeil, de fatigue et depuis 2005 d'un état thymique abaissé.

-       S'agissant de la perte d'intégration sociale, il ressort des déclarations de l'assurée que celle-ci n'a de contacts qu'avec sa famille proche, et qu'elle est vite fatiguée par cet entourage. Elle se rend au surplus un mois par an au Kosovo. Pour une femme qui aurait jusque-là entretenu des contacts réguliers, riches et variés, ce serait un signe de repli important. Cela ne peut cependant pas être retenu pour l'assurée, car elle a manifestement de tout temps vécu exclusivement dans le cercle restreint de la famille, tant au Kosovo qu'après son arrivée en Suisse, puisqu'elle n'entretenait que de rares contacts avec ses voisines alors qu'elle était capable de travailler. Au surplus, elle rend visite à sa sœur régulièrement lorsque celle-ci vient à Genève, ce qui dénote d'un maintien des relations au-delà de la famille nucléaire.

-       Les experts ont finalement retenu que l'assurée présentait une tendance à l'exagération de la plainte ainsi qu'une attitude démonstrative avec une mimique algique et qu'il existait une discordance entre ses plaintes et les constatations objectives. Après avoir d'emblée eu une attitude démonstrative, montrant tous les points douloureux de son corps, l'assurée a été en mesure de rester assise durant les deux premiers entretiens d'une heure chacun. Au surplus, la description des douleurs restait vague.

-       Ainsi, si les constations et les conclusions des experts sont motivées et convaincantes, il s'avère que leur conclusion finale, à savoir que l'assurée ne dispose pas des ressources pour surmonter son état, ne l'est pas.

En effet, au vu de ce qui précède, l'on ne saurait retenir, sur la base des deux seuls critères remplis et en application de la jurisprudence restrictive du Tribunal fédéral, que la recourante réunit en sa personne suffisamment de critères et de façon assez marquée qui fonderaient un pronostic défavorable en ce qui concerne l'exigibilité d'une reprise d'activité professionnelle, d'un point de vue psychique. Il apparaît ainsi que le syndrome somatoforme douloureux chronique ne se manifeste pas avec une telle sévérité que, d'un point de vue objectif, la mise en valeur de la capacité de travail ne puisse pas en raison de cette affection être raisonnablement exigée d'elle.

Ainsi, l'état de santé de l'assurée ne s'est pas notablement aggravé depuis la décision de refus de 2003, de sorte que la décision querellée du 9 octobre 2012 doit être confirmée.

12.    Le recours, mal fondé, est rejeté.

13.    Bien que la procédure ne soit pas gratuite en matière d'assurance-invalidité (art. 69 al. 1bis LAI), il convient de renoncer à la perception d'un émolument, la recourante étant au bénéfice de l'assistance juridique (art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986; RSG E 510.03).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

A la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Renonce à la perception d'un émolument.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Irène PONCET

 

La Présidente

 

 

 

 

Sabina MASCOTTO

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le