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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2866/2018

ATAS/1097/2018 du 28.11.2018 ( CHOMAG ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2866/2018 ATAS/1097/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 28 novembre 2018

4ème Chambre

 

En la cause

Madame A_______, domiciliée à TROINEX

 

 

recourante

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI, sis Service rue des Gares 16, GENÈVE

 

 

intimé

 


 

EN FAIT

1.        Madame A_______ (ci-après l'intéressée ou la recourante), née le _______ 1969 et ressortissante française au bénéfice d'un permis B, s’est inscrite auprès de l’office cantonal de l’emploi (ci-après l’OCE ou l’intimé) le 8 novembre 2017. Un délai-cadre du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2019 lui a été ouvert.

2.        Par courriel du 5 juillet 2018 à 18h08, l'intéressée a informé son conseiller de l'office régional de placement (ci-après ORP) qu’elle venait de réaliser qu’ils avaient rendez-vous le même jour et qu'elle le contacterait le lendemain pour fixer un autre rendez-vous.

3.        Par courriel du 6 juillet 2018 à 8h26, l'intéressée a indiqué à son conseiller qu’elle se rendrait le matin même vers 10h00 à l'ORP pour déposer sa feuille de recherches d’emploi qu'elle aurait dû lui remettre le jour précédent.

4.        Le 9 juillet 2018, le conseiller en personnel lui a répondu par courriel qu’elle recevrait un prochain rendez-vous dans les prochains jours.

5.        Une convocation pour un nouvel entretien de conseil fixé au 6 août à 15h30 a été adressée à l'intéressée le 9 juillet 2018.

6.        Par courriel du 12 juillet 2018, l'intéressée a fait parvenir à son conseiller un certificat médical de la docteure B_______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, dans lequel cette dernière indiquait que l'intéressée ne s’était pas présentée à son cabinet pour son rendez-vous du 5 juillet. Lorsqu’elle l’avait appelée pour savoir ce qu'il en était, l'intéressée avait été très surprise et contrariée et lui avait expliqué qu’elle pensait avoir rendez-vous avec elle et avec son conseiller de l'ORP le lendemain. Lors d'une consultation du 6 juillet, la Dre B_______ avait constaté que l'intéressée était très perturbée par l’incertitude au sujet de son avenir et ses soucis financiers.

7.        Par décision du 16 juillet 2018, le service juridique de l’OCE a prononcé une suspension du droit à l’indemnité de l'intéressée d’un jour, attendu que ses recherches d’emploi relatives au mois de juin 2018 avaient été remises avec un léger retard le 6 juin 2018.

8.        Par décision du 16 juillet 2018, le service juridique de l’OCE a prononcé à une suspension du droit à l’indemnité de l'intéressée de huit jours pour avoir été absente à un entretien de conseil sans excuse valable.

9.        Le 25 juillet 2018, l'intéressée a formé opposition aux décisions précitées. Elle a expliqué qu’une confusion de calendrier entre le 5 et le 6 juillet l’avait empêchée d’être présente à son rendez-vous du 5 juillet 2018. Ce jour-là, elle travaillait avec son futur associé sur leur projet. Elle avait été perturbée au point de se tromper également sur son rendez-vous avec son médecin. Ayant pris conscience de sa confusion grâce à celui-ci, elle avait tout de suite appelé son conseiller et lui avait envoyé un courriel. Comme elle n’avait pas reçu de réponse, elle s’était rendue, dès l’ouverture des bureaux, à l'ORP, où elle avait appris que son conseiller était en congé. Elle avait essayé de le joindre par tous les moyens à sa disposition, notamment en lui laissant des messages à plusieurs reprises entre le 5 et le 6 juillet 2018. La décision de suspension d’un jour lui semblait raisonnablement acceptable. En revanche, elle contestait vivement la seconde sanction. Depuis l’ouverture de son dossier, elle avait toujours fait preuve d’assiduité dans ses recherches d'emploi et elle se consacrait à un projet professionnel, comme pourrait l’attester son conseiller. L’OCE avait cumulé les deux décisions, ce qui l'avait amené à la sanctionner d'une suspension de neuf jours, ce qui était disproportionné. De plus, sa situation personnelle et financière pâtirait gravement de cette sanction.

10.    Par décision sur opposition du 2 août 2018, l’OCE a rejeté l’opposition de l'intéressée et confirmé sa décision du 16 juillet 2018 prononçant une suspension du droit à l’indemnité de l'intéressée d’un jour.

11.    Par décision sur opposition du 6 août 2018, l’OCE a rejeté l’opposition de l'intéressée et confirmé sa décision du 16 juillet 2018 prononçant une suspension du droit de l'intéressée à l’indemnité de huit jours, considérant que celle-ci n'apportait aucun élément permettant de revoir la décision querellée, étant donné, notamment, qu'elle avait déjà fait l'objet d'une sanction durant les deux dernières années et que son inattention ne suffisait pas à excuser son absence. La durée de la suspension prononcée respectait le barème du SECO pour un second manquement et de ce fait le principe de la proportionnalité.

12.    Par courrier du 18 août 2018, posté le 25 suivant, l'intéressée a formé recours contre les décisions sur opposition précitées auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice.

13.    Dans ses réponses du 20 septembre 2018, l’OCE a persisté intégralement dans les termes de ses décisions sur opposition des 2 et 6 août 2018, la recourante n’ayant apporté aucun élément nouveau lui permettant de les revoir.

14.    Lors d'une audience du 14 novembre 2018, la recourante a déclaré à la chambre de céans qu'elle avait correctement noté son rendez-vous avec son conseiller dans son agenda, mais que le jour de celui-ci, elle avait cru que c’était le lendemain. Elle avait convenu avec son conseiller qu'elle lui remettrait ses recherches d'emploi lors de leur rendez-vous du 5 juillet. Comme elle l'avait oublié, elle n'avait transmis son formulaire de recherches d'emploi à l’ORP que le lendemain matin. Elle n'avait pas eu l’intention de faire recours contre la sanction d'un jour pour avoir déposé ses recherches d'emploi en retard. En revanche, elle contestait la seconde sanction qu'elle estimait dure, relevant qu'il était difficile d’être au chômage sur le plan psychique. Cette sanction l'avait totalement « retournée », car elle essayait de se battre et d’être active. Jusque-là, elle n'avait pas eu de problèmes et la collaboration avec son conseiller était bonne.

15.    Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Interjeté dans le délai et la forme prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 et 60 LPGA).

3.        L’objet du litige porte sur le bien-fondé de la suspension de huit jours du droit à l’indemnité de la recourante, au motif qu'elle ne s'est pas présentée à son entretien de conseil du 5 juillet 2018.

4.        L'assuré a droit à l'indemnité de chômage s'il satisfait, entre autres conditions, aux exigences du contrôle (art. 8 al. 1 let. g LACI). À cet effet, il lui incombe, avec l'assistance de l'office du travail compétent, d'entreprendre tout ce qu'on peut raisonnablement exiger de lui pour éviter le chômage ou l'abréger; en particulier, il est tenu de rechercher du travail et d'apporter la preuve des efforts fournis dans ce but (art. 17 al. 1 LACI).

Selon l’art. 17 al. 3 let. b LACI, l’assuré a l’obligation, lorsque l’autorité compétente le lui enjoint, de participer aux entretiens de conseil, aux réunions d’information et aux consultations spécialisées.

L’art. 30 al. 1 LACI dispose que le droit de l’assuré à l’indemnité est suspendu notamment lorsqu’il est établi que celui-ci ne fait pas tout ce qu’on peut raisonnablement exiger de lui pour trouver un travail convenable (let. c), n’observe pas les prescriptions de contrôle du chômage ou les instructions de l’autorité compétente, notamment refuse un travail convenable, ne se présente pas à une mesure de marché du travail ou l’interrompt sans motif valable, ou encore compromet ou empêche, par son comportement, le déroulement de la mesure ou la réalisation de son but (let. d).

L'art. 30 al. 1 let. d LACI en liaison avec l'art. 17 al. 3 let. b LACI sanctionne le fait que l'entretien de conseil n'a pas pu se dérouler dans des conditions normales, soit à la date (et à l'heure) fixée(s) par l'office compétent (cf. art. 21 al. 2 OACI), ce qui comprend les arrivées tardives de plus de 15 minutes (arrêt du Tribunal fédéral 8C_498/2008 du 5 janvier 2009).

L'assuré qui a oublié de se rendre à un entretien de conseil et qui s'en excuse spontanément ne peut pas être suspendu dans l'exercice de son droit à l'indemnité si l'on peut admettre, par ailleurs, sur le vu des circonstances, qu'il prend ses obligations de chômeur très au sérieux. Tel est le cas, notamment, s'il a rempli de façon irréprochable ses obligations à l'égard de l'assurance-chômage durant les douze mois précédant cet oubli. Un éventuel manquement antérieur ne doit plus être pris en considération (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 123/04 du 18 juillet 2005).

Le Tribunal fédéral a jugé qu'était analogue au cas précité celui d'un assuré qui avait enregistré par inadvertance une date erronée dans son agenda électronique et auquel aucun autre manquement ne peut être reproché durant les trois délais-cadres dont il a bénéficié (arrêt 8C_157/2009 du 3 juillet 2009 consid. 4.2).

Le Tribunal fédéral a encore jugé, dans un cas similaire, que le fait que l'assuré ne s'était pas présenté à un autre entretien de conseil en raison d'un oubli, sans être sanctionné, tendait à démontrer qu'il ne remplissait pas de manière irréprochable ses obligations à l'égard de l'assurance-chômage. Une suspension du droit à l'indemnité était donc justifiée dans son cas. (arrêt 8C_498/2008 du 5 janvier 2009 consid.4.3.1).

5.        a. La durée de la suspension est proportionnelle à la gravité de la faute (art. 30 al. 3 LACI; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 254/06 du 26 novembre 2007 consid. 5.3). L'art. 45 al. 3 OACI distingue trois catégories de faute – les fautes légères, moyennes et graves – et prévoit, pour chacune d'elles, une durée minimale et maximale de suspension, qui est de 1 à 15 jours en cas de faute légère, de 16 à 30 jours en cas de faute de gravité moyenne, et de 31 à 60 jours en cas de faute grave.

Selon le barème des suspensions établi par le SECO, lorsque l’assuré n’observe pas les instructions de l’OCE, en ne se rendant notamment pas à un entretien de conseil sans excuse valable, l’autorité doit infliger une sanction de 5 à 8 jours lors du premier manquement et de 9 à 15 jours lors du second manquement (Bulletin LACI IC/D79.3A).

b. Selon l'art. 45 al. 5 OACI, si l'assuré est suspendu de façon répétée dans son droit à l'indemnité, la durée de suspension est prolongée en conséquence. Les suspensions subies pendant les deux dernières années sont prises en compte dans le calcul de la prolongation.

La suspension du droit à l’indemnité de chômage n’a pas un caractère pénal. Elle constitue une sanction de droit administratif destinée à combattre les abus. Elle peut ainsi être prononcée de manière répétée et non selon le principe de la peine d’ensemble propre au droit pénal. Lorsque plusieurs manquements résultent d’autant de manifestations de volonté distinctes, une sanction doit être prononcée pour chaque manquement. Au demeurant, en présence d’une pluralité de motifs de suspension, les sanctions peuvent tout à fait être prononcées simultanément.

En particulier, l'insuffisance de recherches d'emploi d'un assuré pendant plusieurs périodes de contrôle peut faire l'objet, même rétroactivement, de plusieurs mesures de suspension distinctes dans l'exercice du droit à l'indemnité de chômage (arrêt du Tribunal fédéral 8C_306/2008 du 26 septembre 2008 consid. 3.2).

En cas de succession de manquements qui se trouvent dans un rapport étroit de connexité matérielle et temporelle et qui découlent d’une manifestation de volonté unique, l’autorité, exceptionnellement, ne doit prononcer qu’une seule sanction (Boris RUBIN, La suspension du droit à l’indemnité de chômage, DTA 2017 p. 4). Un rapport étroit de connexité doit être admis lorsque un assuré refuse plusieurs emplois convenables le même jour, pour le même motif et sur la base d'une volonté unique (DTA 1988 no 3 p. 26; Thomas Nussbaumer, Arbeitslosenversicherung, in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, 2ème éd., n. 854, p. 2435). Les circonstances exceptionnelles permettant de prononcer une seule sanction globale pour les deux refus d'emploi ne sont en revanche pas réunies, même s'ils sont intervenus pour un motif commun – soit dans le cas d'espèce le souhait de l'intimé de ne plus travailler en qualité de peintre en bâtiments – s'ils procèdent de deux comportements distincts. Tel est le cas d'un intimé qui s'est vu assigner deux emplois spécifiques auprès d'agences de placement distinctes, à deux dates différentes. On ne saurait retenir, dans ces circonstances, que le refus procède d'une volonté unique. Le fait que les deux refus de l'intimé se sont produits à quelques jours d'intervalle seulement ne suffit pas pour admettre qu'ils sont interdépendants au point de justifier une sanction unique. Le Tribunal fédéral a relevé que l'administration avait tenu compte de l'élément temporel, en n'assimilant pas le second refus à une récidive qui aurait justifié une aggravation de la sanction (arrêt du Tribunal fédéral 8C_306/2008 du 26 septembre 2008 consid. 3.2 et 3.3).

c. La quotité de la suspension du droit à l'indemnité de chômage dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 8C_194/2013 du 26 septembre 2013 consid. 5.2). Le juge ne s'écarte de l'appréciation de l'administration que s'il existe de solides raisons. Il y a abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d'appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 123 V 150 consid. 2).

6.        En l'espèce, la recourante devait, d'entente avec son conseiller, rendre ses recherches d'emploi lors de leur rendez-vous du 5 juillet 2018, auquel elle a omis de se rendre. L'intimé l'a ainsi sanctionnée, les 2 et 6 août 2018, pour deux manquements qui découlaient d’une seule erreur, soit sa confusion sur le jour de son rendez-vous avec son conseiller. Dans ces circonstances, il ne se justifie pas de considérer l'absence au rendez-vous de conseil comme un « second » manquement justifiant une aggravation de la sanction, mais au contraire il faut le considérer comme un premier manquement. La confusion de la recourante pouvant être assimilée à un oubli, il convient d'examiner si la jurisprudence du Tribunal fédéral relative à un tel manquement s'applique au cas d'espèce (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 123/04 du 18 juillet 2005; arrêt du Tribunal fédéral 8C_157/2009 du 3 juillet 2009 consid. 4.2). Tel est le cas, dans la mesure où la recourante s'est excusée spontanément de son absence au rendez-vous dès qu'elle s'est aperçue de sa confusion et qu'il ressort du dossier qu'elle prenait au sérieux ses obligations de chômeur, ayant jusque-là rempli de façon irréprochable ses obligations à l'égard de l'assurance-chômage. La recourante ne devait en conséquence pas être suspendue dans l'exercice de son droit à l'indemnité pour ne pas s'être rendue à son entretien de conseil du 5 juillet 2018.

7.        Le recours doit ainsi être admis et la décision querellée annulée.

Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure à la recourante, qui n'est pas assistée d'un conseil et qui n’a pas fait valoir de frais engendrés par la procédure (art. 61 let.  g LPGA).

La procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet.

3.        Annule la décision rendue par l'intimé le 6 août 2018.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le